Article

CODE DES SOCIÉTÉS – Liquidation – Généralités, R.D.C.-T.B.H., 2006/10, p. 1067-1068

CODE DES SOCIÉTÉS

Liquidation - Généralités

Loi du 2 juin 2006 modifiant le Code des sociétés en vue d'améliorer la procédure de liquidation [1]

1.La loi du 2 juin 2006 a apporté un nombre de modifications substantielles à la procédure de liquidation pour les sociétés dotées de la personnalité juridique. En substance, ces modifications signifient qu'un rôle plus actif est attribué aux tribunaux de commerce et qu'un dossier de liquidation est établi et tenu auprès de la greffe.

Le législateur entend avec cette modification législative d'améliorer la protection des créanciers. En effet, ceux-ci seraient à ce jour insuffisamment informés sur le mode de liquidation de la société et sur les actes effectués par le liquidateur pendant la procédure de liquidation, par exemple la manière dont le liquidateur a vendu l'actif de la société et si les créanciers privilégiés ont été remboursés par priorité [2].

Bien que le projet initial de loi ne concernait que les liquidations déficitaires [3], les mesures proposées ont finalement été étendues à l'ensemble des liquidations. Il a en effet été impossible de définir des critères clairs permettant de discerner les liquidations potentiellement déficitaires des liquidations non-déficitaires au moment de la liquidation.

2.Le tribunal de commerce intervient désormais pour la première fois à l'occasion de la nomination des liquidateurs [4]. Les liquidateurs sont nommés par l'assemblée générale, mais ils n'entreront en fonction qu'après la confirmation de leur nomination par le tribunal de commerce de l'arrondissement où la société a son siège le jour de la dissolution. Le tribunal exerce un contrôle de la personne du liquidateur et vérifie notamment que le liquidateur offre “toutes les garanties de probité”. Certaines condamnations pénales peuvent faire obstacle à la nomination.

Ne peuvent être désignés comme liquidateurs, les personnes qui ont été condamnées pour infraction aux articles 489 à 490bis du Code pénal ou pour vol, faux, concussion, escroquerie ou abus de confiance, ainsi que tout dépositaire, tuteur, administrateur ou comptable, qui n'a pas rendu et soldé son compte en temps utile. Cette exclusion ne peut intervenir que pour autant qu'elle advienne endéans un délai de dix ans, prenant cours à dater d'une décision définitive de condamnation ou de l'absence de reddition et solde de compte en temps utile.

Ne peuvent en principe non plus être nommé comme liquidateur, sauf homologation par le tribunal compétent, les personnes qui ont été déclarées en faillite sans avoir obtenu la réhabilitation et celles qui ont encouru une peine d'emprisonnement, même avec sursis, pour l'une des infractions mentionnées à l'article 1er de l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934 [5] pour une infraction à la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité des entreprises ou à ses arrêtés d'exécution, ou pour une infraction à la législation fiscale.

Conformément aux articles 1025 et suivants du Code judiciaire, le tribunal est saisi par une requête unilatérale. Le tribunal est tenu de statuer dans les 24 heures. La requête est déposée par l'organe compétent de la société ou par un avocat. Dans ce cadre, la question non négligeable dans la pratique se pose de savoir qui est exactement l'organe compétent de la société. Suite à la dissolution, le conseil d'administration ne dispose plus de ses compétences légales. Dans la pratique (notariale) naissante, il semble que l'assemblée générale y a remédié en nominant un mandataire ad hoc. Ceci peut se faire par l'assemblée générale qui décide à la dissolution. Cela peut aussi se faire par le liquidateur en sa qualité de tiers intéressé au sens de l'article 184 § 1 septième alinéa du Code des sociétés.

En tout état de cause, il faut que la requête soit accompagnée d'un état de l'actif et du passif. La loi ne prévoit rien quant à l'actualité de cet état ou du contrôle révisoral de cet état, mais je suppose que les sociétés à responsabilité limitée feront usage du même état qui doit être soumis à l'assemblée générale lors de la dissolution volontaire (art. 181 C. soc.).

3.Le tribunal statue également sur les actes que le liquidateur a éventuellement accomplis entre sa nomination par l'assemblée générale et la confirmation de cette nomination. Il peut confirmer ces actes de manière rétroactive, ou les annuler s'ils constituent une violation manifeste des droits de tiers. De cette manière, le législateur attend prévenir que la liquidation volontaire serait abusé afin d'échapper à un nombre de procédures inhérents à la faillite, comme la période suspecte [6].

4.La loi du 2 juin 2006 a également étendu les obligations légales en matière de l'information concernant les activités de liquidation. Le nouvel article 189bis du Code des Sociétés stipule que les liquidateurs transmettent au cours des sixième et douzième mois de la première année de la liquidation, un état détaillé de la situation de la liquidation au greffe du tribunal de commerce dans l'arrondissement duquel se trouve le siège de la société. Cet état détaillé comporte notamment l'indication des recettes, des dépenses, des répartitions, ainsi que de ce qu'il reste à liquider. À partir de la deuxième année de la liquidation, cet état détaillé n'est établi que tous les ans.

Cet état détaillé de la liquidation est versé au dossier de liquidation, qui sera désormais obligatoirement tenu pour chaque liquidation. En dehors d'une copie des états de liquidation, le dossier comporte également les pièces du dossier de société, une copie des rapports rédigés à l'occasion de la dissolution, des extraits des publications concernant la nomination et la démission des liquidateurs, des publications à l'occasion de la clôture de la liquidation et, le cas échéant, une liste des homologations et des confirmations [7].

5.La clôture de la liquidation donne lieu au contrôle par le tribunal de commerce. Les liquidateurs soumettent un plan de répartition de l'actif entre les différentes catégories de créanciers “pour accord” au tribunal. Le tribunal peut requérir du liquidateur tous renseignements utiles pour vérifier la validité du plan de répartition [8].

6.La loi contient deux sanctions pour le cas où les obligations légales d'établissement et de transmission d'un état détaillé de la liquidation et d'un plan de répartition de l'actif n'auraient pas été respectées. Le tribunal peut, sur requête du Ministère public ou de tout tiers intéressé, pourvoir au remplacement du liquidateur après l'avoir entendu [9]. De plus, les liquidateurs qui ne respectent pas les obligations précitées, seront sanctionnés pénalement d'une amende de cinquante à dix mille euros [10].

7.Les nouvelles règles concernant la procédure de liquidation ne s'appliquent pas seulement aux liquidations décidées après l'entrée en vigueur de la loi, mais aussi aux procédures de liquidation en cours. Les liquidateurs chargés des liquidations en cours au moment de l'entrée en vigueur de la loi, disposent d'un délai de transition d'un an de la publication de la loi (i.e. jusqu'au 26 juin 2007) pour prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ses dispositions [11].

8.La loi du 2 juin 2006 a radicalement modifié la procédure de liquidation. L'information concernant le déroulement de la procédure de liquidation et la surveillance exercée par les tribunaux de commerce sur cette procédure, pourront sans doute être utiles dans la lutte contre les liquidations frauduleuses. Ainsi, à titre d'exemple et eu égard à l'intervention obligatoire du tribunal, il ne sera désormais plus possible de clôturer la liquidation immédiatement après la décision de dissolution. Le grand mérite de cette loi est de mieux protéger les droits des créanciers. Toutefois, le caractère formaliste des règles et l'application de ces règles à toutes les liquidations ne bénéficient pas au bon déroulement des liquidations. Les règles en matière de la nomination du liquidateur, la tenue d'un dossier de liquidation et le contrôle du plan de répartition de l'actif représentent une charge de travail supplémentaire (probablement considérable) pour les tribunaux de commerce, impliquant des retards possibles de la procédure. En outre, il convient de souligner la responsabilité des tribunaux dans le contrôle du plan de répartition de l'actif. Un contrôle insuffisant pourrait donner lieu à une action en responsabilité des instances publiques par les créanciers dont les droits ont été manifestement méconnus suite à une répartition homologuée par le tribunal [12].

Toutefois, les décisions prises par le tribunal ne dispensent pas les liquidateurs de leur responsabilité pour fautes commises. Ils sont responsables de leurs fautes et un contrôle insuffisant ou une appréciation erronée du juge dans le cadre de la procédure de liquidation ne signifie pas que l'auteur est mis hors de cause.

[1] M.B. 26 juin 2006.
[2] Exposé des motifs, Doc. parl. Chambre 2004-05, n° 1906/001, 5.
[3] Proposition de loi modifiant le Code des sociétés en vue d'améliorer la procédure de liquidation des sociétés déficitaires, Doc. parl. Chambre 2004-05, n° 1906/001.
[4] Cf. nouvel art. 184 § 1 C. soc.
[5] A.R. n° 22 du 24 octobre 1934 relatif à l'interdiction judiciaire faite à certains condamnés et aux faillis d'exercer certaines fonctions, professions ou activités, M.B. 27 octobre 1934.
[6] Amendement du 31 janvier 2006 à la proposition de loi modifiant le Code des sociétés en vue d'améliorer la procédure de liquidation des sociétés déficitaires, Doc. parl. Chambre 2005-06, n° 1906/002, 3 et amendement du 21 février 2006 à la proposition de loi modifiant le Code des sociétés en vue d'améliorer la procédure de liquidation des sociétés déficitaires, Doc. parl. Chambre 2005-06, 1906/003, 2.
[7] Cf. nouvel art. 195bis.
[8] Cf. nouvel art. 190 § 1 in fine C. soc.
[9] Cf. nouvel art. 184 § 2 C. soc.
[10] Cf. nouvel art. 196, 5° C. soc.
[11] Art. 7 loi du 2 juin 2006.
[12] En effet, moyennant le respect de conditions strictes, l'État est responsable des dommages causés à des tiers pour fautes commises en matière d'interventions judiciaires. Voy. Cass. 19 décembre 1991, Anca, Arr. Cass. 1991-92, 364, J.L.M.B. 1992, 42, note F. Piedboeuf, J.T. 1992, 142, concl. J. Velu, Pas. 1992, I, 316, concl. J. Velu, R.C.J.B. 1993, 285, note F. Rigaux et J. Van Compernolle, R.W. 1992-93, 396, note, T.B.B.R. 1992, 60, note A. Van Oevelen et Cass. 8 décembre 1994, Arr. Cass. 1994, 1074, J.L.M.B. 1995, 387, note D. Philippe, J.T. 1995, 497, note R.O.D., R.W. 1995-96, 180, note A. Van Oevelen.