Article

Cour d'appel Bruxelles, 07/04/2006, R.D.C.-T.B.H., 2006/10, p. 1035-1039

Cour d'appel de Bruxelles 7 avril 2006

SOCIÉTÉS
Vie sociale - Retrait - Prix d'achat des actions - Date de référence - Pouvoir d'appréciation du juge statuant comme en référé - Limites
Le pouvoir d'appréciation dont dispose le juge statuant comme en référé sur une demande de reprise forcée des actions, lorsqu'il fixe le prix des actions, n'inclut pas celui de fixer le prix à un montant qui couvrirait non seulement la valeur des actions au jour de la cession forcée mais également la perte de valeur des actions dont le rachat est ordonné et qui serait la conséquence des événements retenus par lui comme constituant les justes motifs. Seul le juge du fond et non le juge statuant comme en référé est compétent pour statuer sur des demandes d'indemnités fondées sur un prétendu comportement fautif des défendeurs.
SOCIÉTÉS
Vie sociale - Retrait - Prix d'achat des actions - Date de référence
Les principes du droit commun impliquent que le juge détermine la valeur des titres à transférer au moment où il statue.
SOCIÉTÉS
Vie sociale - Retrait - Prix d'achat des actions - Expertise - Absence de caractère contraignant
Le juge fixe lui-même le prix des actions et n'est pas tenu par le rapport de l'expert, qui ne lui donne qu'un avis.
SOCIÉTÉS
Vie sociale - Retrait - Frais de justice - Indemnisation
La procédure de retrait ayant pour but un règlement objectif des conflits qui opposent les actionnaires, une indemnisation pour les frais de justice ne se conçoit pas à la charge de la partie condamnée au rachat. Pareille indemnisation ne pourrait être obtenue que dans le cadre d'une procédure au fond, basée sur la faute.
SOCIÉTÉS
Vie sociale - Retrait - Prix d'achat des actions - Valeur réelle de la société
La valeur des actions ou parts sociales ne peut être purement bilantaire, mais doit correspondre à la valeur réelle de la société. Les valeurs enregistrées dans les comptes ne correspondent pas nécessairement aux valeurs réelles des éléments d'actif et de passif de l'entreprise, qui sont comptabilisés à leur valeur historique. Des réévaluations peuvent être nécessaires.
SOCIÉTÉS
Vie sociale - Retrait - Prix d'achat des actions - Décote de minorité
Même lorsque le retrait porte sur une participation minoritaire, il n'est pas équitable d'appliquer une décote à un actionnaire minoritaire qui obtient gain de cause dans une procédure de retrait justifié par un abus de majorité commis par le défendeur à l'action.
SOCIÉTÉS
Vie sociale - Retrait - Prix d'achat des actions - Intérêts
Le juge fixe dans sa décision la date à laquelle la transmission des actions interviendra et le prix qui en sera payé. Le prix ainsi fixé n'est exigible qu'à partir de ce moment et ne porte pas intérêt avant la date fixée par le juge.






VENNOOTSCHAP
Maatschappelijk leven - Uittreding - Aankoopprijs van de aandelen - Peildatum - Appreciatiebevoegdheid van de rechter zetelend zoals in kort geding - Beperkingen
De appreciatiebevoegdheid waarover de rechter zetelend zoals in kort geding beschikt inzake een verzoek tot gedwongen overname van aandelen, houdt, bij het bepalen van de prijs van de aandelen, niet in dat hij de prijs kan bepalen op een bedrag dat niet alleen de waarde van de aandelen zou dekken op de dag van de gedwongen overdracht, maar dat eveneens het waardeverlies weerspiegelt van de aandelen waarvan de terugkoop wordt bevolen en dat het gevolg zou zijn van gebeurtenissen die door hem worden weerhouden als zijnde gegronde redenen. Enkel de rechter ten gronde en niet de rechter zetelend zoals in kort geding is bevoegd te oordelen over de verzoeken tot schadevergoeding gegrond op een beweerde foutieve handelwijze van de verweerders.
VENNOOTSCHAP
Maatschappelijk leven - Uittreding - Aankoopprijs van de aandelen - Peildatum
De beginselen van het gemeen recht brengen met zich mee dat de rechter de waarde van de over te dragen effecten vaststelt op het tijdstip van zijn uitspraak.
VENNOOTSCHAP
Maatschappelijk leven - Uittreding - Aankoopprijs van de aandelen - Deskundigenverslag - Afwezigheid van dwingend karakter
De rechter bepaalt zelf de prijs van de aandelen en is daarbij niet gebonden door het deskundigenverslag, dat louter indicatief is.
VENNOOTSCHAP
Maatschappelijk leven - Uittreding - Gerechtskosten - Schadevergoeding
Aangezien de uittredingsprocedure de objectieve geschillenregeling tussen aandeelhouders als doelstelling heeft, valt de schadevergoeding voor de gerechtskosten niet ten laste van de partij die veroordeeld wordt tot terugkoop. Dergelijke schadevergoeding zou enkel bekomen kunnen worden in het kader van een procedure ten gronde, gebaseerd op een fout.
VENNOOTSCHAP
Maatschappelijk leven - Uittreding - Aankoopprijs van de aandelen - Reële waarde van de vennootschap
De waarde van de aandelen mag niet louter balansmatig zijn, maar moet overeenstemmen met de reële waarde van de vennootschap. De waarden opgenomen in de rekeningen stemmen niet noodzakelijk overeen met de reële waarde van de elementen van het actief en het passief van de onderneming, die tegen historische waarde zijn geboekt. Herwaarderingen kunnen noodzakelijk zijn.
VENNOOTSCHAP
Maatschappelijk leven - Uittreding - Aankoopprijs van de aandelen - Minderheidsdécote
Zelfs ingeval de uittreding betrekking heeft op een minderheidsparticipatie, is het niet rechtvaardig een décote toe te passen op een minderheidsaandeelhouder die in het gelijk gesteld wordt in een uittredingsprocedure gerechtvaardigd door een misbruik van meerderheid begaan door de verweerder op de vordering.
VENNOOTSCHAP
Maatschappelijk leven - Uittreding - Aankoopprijs van de aandelen - Interesten
De rechter legt in zijn beslissing de datum vast waarop de overdracht van de aandelen zal plaatsvinden en de prijs zal worden betaald. De aldus vastgestelde datum wordt pas vanaf dat moment eisbaar en geeft geen aanleiding tot interesten vóór de datum vastgelegd door de rechter.

Philippe Francart / Claire Francart

Siég.: M. Regout (conseiller f.f. président), H. Mackelbert et E. Herregodts (conseillers)
Pl.: C. Vander Espt et G. Lienart, V. Coubeau
III. Les faits et antécédents de la procédure

1. Le 20 juin 1986, la SA Mousin a été constituée devant le notaire Pierre Dedoncker, résidant à Bruxelles.

Le capital social (5.500.000 FB) était quasi intégralement constitué par un apport en nature d'un immeuble de commerce appartenant à Claire Mousin (à ne pas confondre avec sa nièce, Claire Francart), pour une valeur de 5.400.000 FB, et pour le surplus par un apport en numéraire émanant de sa soeur, Julie-Anne Mousin, et de deux des enfants de cette dernière, à savoir Henry et Philippe Francart.

2. Au terme d'une assemblée générale extraordinaire du 20 août 1986, le capital de la SA Mousin a été porté de 5.500.000 FB à 7.000.000 FB, par un apport en nature d'un immeuble de commerce appartenant à Julie-Anne Mousin, évalué à 1.450.000 FB.

En date du 9 septembre 1986, le capital social a été augmenté de 1.000.000 FB, pour être porté à 8.000.000 FB, par un apport en numéraire effectué par Henry Francart et Philippe Francart, chacun à concurrence de 50%.

3. Au décès de Claire Mousin, le 29 mai 1987, ses 5.400 actions de la SA Mousin ont été léguées par testament à Julie-Anne Mousin, à charge pour elle d'en laisser la nue-propriété à Henri Francart, Philippe Francart et Claire Francart.

En conséquence, la répartition des actions s'établissait comme suit:


- Julie-Anne Mousin actions en pleine propriété 1.500
actions en usufruit 5.400
- Philippe Francart actions en pleine propriété 550
actions en nue-propriété 1.800
- Henry Francart actions en pleine propriété 550
actions en nue-propriété 1.800
- Claire Francart actions en nue-propriété 1.800
Total des actions 8.000

4. Par citation du 19 juin 1998, Claire Francart a cité Philippe Francart, Julie-Anne Mousin, Henry Francart et la SA Mousin devant le président du tribunal de commerce de Bruxelles, siégeant comme en référé, sur pied de l'article 190quater des lois coordonnées sur les sociétés commerciales (art. 642 C. soc.), en rachat forcé des actions de la SA Mousin, soit pour dilapidation des éléments d'actif de la société, soit pour abus de pouvoir des actionnaires majoritaires représentés au conseil d'administration, au seul bénéfice de ces derniers.

La demande de Claire Francart tendait également, entre autres, à entendre désigner un administrateur provisoire.

La demande reconventionnelle formée devant le premier juge par Philippe Francart, Julie-Anne Mousin et la SA Mousin tendait à entendre condamner Claire Francart au paiement d'une somme de 100.000 FB à titre de dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire.

Henry Francart a sollicité devant le premier juge la désignation d'un administrateur provisoire avec la mission d'assurer l'administration et la gestion de la SA Mousin, à l'exclusion des administrateurs de l'époque, dont le mandat serait suspendu jusqu'à l'issue de la procédure. Il a également demandé au premier juge de limiter à Philippe Francart et Julie-Anne Mousin la condamnation à reprendre les 1.800 actions de la SA Mousin appartenant à Claire Francart.

La demande reconventionnelle d'Henry Francart tendait à entendre en outre condamner ces deux derniers à reprendre les actions détenues par lui dans la SA Mousin.

5. Par une ordonnance rendue le 10 décembre 1998 par le président du tribunal de commerce de Bruxelles, siégeant comme en référé:

- Julie-Anne Mousin, Philippe Francart et Henry Francart ont été condamnés solidairement à racheter et reprendre les 1.800 actions de la SA Mousin détenues alors en nue-propriété par Claire Francart;

- il a été dit que le transfert de la propriété des actions aurait lieu contre paiement du prix;

- M. Michel Bikar a été désigné au titre d'expert judiciaire, chargé “d'examiner et d'évaluer l'évolution de la valeur de la part sociale depuis 1987 (année durant laquelle a eu lieu le prêt IS-WAY) jusqu'au jour du prononcé du jugement, d'en évaluer la légitimité au niveau d'une saine gestion et des intérêts bien compris de chacun des actionnaires en ce compris la demanderesse (Claire Francart) en sa qualité de nue-propriétaire”;

- le premier juge s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes en désignation d'un administrateur provisoire;

- les demandes reconventionnelles de Philippe Francart, Julie-Anne Mousin et la SA Mousin ont été déclarées non fondées;

- il n'a pas été statué sur la demande reconventionnelle d'Henry Francart.

Cette ordonnance a été signifiée, le 29 décembre 1998, à Julie-Anne Mousin, Philippe Francart, Henry Francart et la SA Mousin.

6. Par une requête déposée au greffe de la cour le 7 janvier 1999, Henry Francart a formé appel de l'ordonnance précitée contre Claire Francart, Philippe Francart, Julie-Anne Mousin et la SA Mousin.

Par son appel, Henry Francart a poursuivi la réformation de l'ordonnance du 10 décembre 1998 en ce que celle-ci l'a condamné, solidairement avec Philippe Francart et Julie-Anne Mousin, à racheter et reprendre les 1.800 actions de la SA Mousin détenues par Claire Francart en nue-propriété.

Modifiant par ailleurs sa demande reconventionnelle originaire, Henry Francart a également poursuivi la condamnation de Philippe Francart au paiement d'un franc provisionnel sur la base de la responsabilité de ce dernier en tant qu'administrateur de la SA Mousin, en attendant de pouvoir évaluer son dommage sur la base du rapport définitif de l'expert Bikar.

Par voie d'appel incident, Philippe Francart et Julie-Anne Mousin ont conclu à l'irrecevabilité de la demande originaire de Claire Francart et ont réitéré leur demande de condamner celle-ci au paiement de 100.000 FB de dommages et intérêts.

Par une demande nouvelle, Philippe Francart et Julie-Anne Mousin ont également poursuivi la condamnation d'Henry Francart au paiement de 100.000 FB de dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire.

Par un appel incident, la SA Mousin a poursuivi la condamnation de Claire Francart au paiement de 100.000 FB de dommages et intérêts.

7. Après avoir constaté entre autres:

“Que l'analyse des éléments de fait invoqués par Claire Francart et à laquelle la cour a procédé, établit à suffisance que les actionnaires majoritaires usent de l'actif social - préalablement transformé par eux en valeurs exclusivement mobilières - au détriment de l'intérêt général de la société et au profit de leur intérêt personnel ou de sociétés tierces dans lesquelles ils ont eux-mêmes des intérêts;

Qu'en présence d'une telle situation de fait déséquilibrant, au-delà des dispositions statutaires, la situation de Claire Francart par rapport aux actionnaires majoritaires, il ne peut être imposé à celle-ci de demeurer dans la société;”.

la cour a, par son arrêt du 14 avril 2000:

- dit les appels, principaux et incidents, et les demandes nouvelles recevables;

- réformé l'ordonnance du 10 décembre 1998 dans la mesure où cette décision a condamné Henry Francart à racheter et reprendre les 1.800 actions de la SA Mousin détenues par Claire Francart en nue-propriété;

- dit la demande de Claire Francart dirigée contre Henry Francart non fondée;

- dit la demande reconventionnelle modifiée d'Henry Francart irrecevable;

- dit les appels incidents formés par Julie-Anne Mousin, Philippe Francart et la SA Mousin non fondés;

- dit les demandes nouvelles en dommages et intérêts formées par Julie-Anne Mousin et Philippe Francart à l'encontre d'Henry Francart recevables mais non fondées;

- renvoyé la cause au premier juge en application de l'article 1068 alinéa 2 du Code judiciaire.

Cet arrêt a été signifié, le 29 juillet 2000, à Me Jean-Marie Verschueren, désigné comme administrateur provisoire de Julie-Anne Mousin.

(...)

Rappel des principes à appliquer dans le cadre de l'estimation de la valeur des actions

19. Les articles 635 à 644 du Code des sociétés (anciens art. 109ter et 190quater des lois coordonnées sur les sociétés) ont pour but de proposer une solution aux conflits internes entre associés dans les sociétés fermées, en particulier aux conflits de nature familiale dans les petites et moyennes entreprises.

Le pouvoir d'appréciation dont dispose le juge statuant comme en référé sur une demande de reprise forcée des actions, lorsqu'il fixe le prix des actions, n'inclut pas celui de fixer le prix à un montant qui couvrirait non seulement la valeur des actions au jour de la cession forcée, mais également la perte de valeur des actions dont le rachat est ordonné et qui serait la conséquence des événements retenus par lui comme constituant de justes motifs de retrait.

Il ne résulte en effet ni des articles 636 et suivants du Code des sociétés, ni des travaux préparatoires de la loi du 13 avril 1995, que l'exclusion ou le retrait d'un associé impliquant l'un comme l'autre une cession forcée, pourrait conduire à une évaluation des titres qui tienne compte de l'influence qu'auraient eu les comportements constitutifs de justes motifs sur la valeur des titres.

L'action en reprise forcée ou l'action en exclusion ne sont pas des actions en responsabilité. Les justes motifs qui peuvent fonder une mesure d'exclusion ou de retrait ne doivent d'ailleurs pas être des comportements fautifs.

Seul le juge du fond et non le juge statuant comme en référé est compétent pour statuer sur les demandes d'indemnité fondées sur un prétendu comportement fautif des administrateurs (E. Pottier et M. Deroeck, “Divorce entre actionnaires: premières applications jurisprudentielles des procédures d'exclusion et de retrait”, R.D.C. 1998, nos 120-126, pp. 578-579; T. Verhoest et K. Geens, “Développements récents de la matière des procédures de sortie prévues par les articles 190ter et 190quater des lois coordonnées”, Rev. prat. soc. 1998, 363).

Dans la fixation de la valeur de rachat, il ne doit être tenu compte que des éléments objectifs en rapport avec la valeur permettant la détermination du prix tel qu'un tiers l'aurait payé.

Le prix du titre doit être fixé à sa valeur objective réelle et ne peut revêtir de caractère indemnitaire ou comporter de sanction.

Une telle sanction par le prix pourrait faire double emploi avec une seconde procédure, en responsabilité cette fois, que le demandeur pourrait introduire contre le défendeur en soutenant que les questions touchant à la responsabilité n'ont pas été tranchées dans le premier litige puisque ces débats en sont, par nature, exclus.

20. Le juge fixe lui-même le prix des actions et n'est pas tenu par le rapport de l'expert, qui ne lui donne qu'un avis.

21. L'article 642 du Code des sociétés ne précise pas à quel moment la valeur des actions doit être fixée.

Alors due l'ordonnance du 10 décembre 1998, statuant sur l'obligation de reprise forcée, n'a pas explicitement fixé la date à laquelle la valeur des actions doit être établie, elle a implicitement mais certainement fixé cette date au 10 décembre 1998, la mission confiée à l'expert étant d'examiner et d'évaluer la valeur de la part sociale depuis 1987 jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance du 10 décembre 1998.

En tout état de cause, s'il ne devait pas en être ainsi, les principes de droit commun impliquent que le juge détermine la valeur des titres à transférer au moment où il statue (M. Caluwaerts, “L'exclusion ou le retrait forcés comme solution aux litiges entre associés”, in Les conflits au sein des sociétés commerciales ou à forme commerciale, Ed. Jeune Barreau de Bruxelles, 2004, p. 185).

22. La valeur de la part sociale ne peut être purement bilantaire, mais doit correspondre à la valeur réelle de la société.

Les valeurs enregistrées dans les comptes ne correspondent pas nécessairement aux valeurs réelles des éléments d'actif et de passif de l'entreprise, qui sont comptabilisés à leur valeur historique. Des réévaluations peuvent être nécessaires.

(...)

L'application d'une décote

44. Contrairement à ce qu'estime Philippe Francart, il n'y a pas lieu d'appliquer une décote à la valeur des 1.800 actions qui font l'objet du rachat forcé.

En effet, bien que la cession porte sur une participation minoritaire, il ne serait pas équitable d'appliquer une décote à un actionnaire minoritaire qui obtient gain de cause dans une procédure de retrait forcé justifiée par un abus de majorité commis par le défendeur à l'action.

(...)

Les intérêts réclamés par Claire Francart

45. L'article 1153 du Code civil, qui dispose que les intérêts ne commencent à courir qu'à dater de l'exigibilité de la dette, est applicable à l'article 642 du Code des sociétés.

Le juge fixe dans sa décision la date à laquelle la transmission des actions interviendra et le prix en sera payé. Le prix ainsi fixé n'est exigible qu'à partir de ce moment et ne porte pas intérêt avant la date fixée par le juge (Cass. 30 octobre 2003, T.R.V. 2004, pp. 346 et 347, T.B.H. 2004, p. 318 , note H. De Wulf).

Par son ordonnance du 10 décembre 1998, le premier juge a dit que le transfert de la propriété des actions aurait lieu contre paiement du prix.

Pas son ordonnance du 6 décembre 2001, il a fixé le prix de la nue-propriété des actions de la SA Mousin que détenait Claire Francart et a condamné Philippe Francart et Julie-Anne Mousin au paiement de ce prix, majoré d'intérêts, contre remise des 1.800 actions détenues par elle.

L'ordonnance du 6 décembre 2001 a ainsi, à défaut de fixer explicitement la date à laquelle le prix de la nue-propriété des actions devait être payé, implicitement mais certainement fixé la date du paiement du prix au prononcé de ladite ordonnance.

Le prix de la nue-propriété des actions est donc devenu exigible le 6 décembre 2001.

Il s'ensuit que, sous réserve de ce qui sera dit au point 46, Claire Francart aurait droit aux intérêts compensatoires au taux légal sur la valeur de la nue-propriété des actions de la SA Mousin, à savoir sur la somme de 2.295.432 FB, à partir du 6 décembre 2001.

46. Philippe Francart fait toutefois valoir à raison que les sommes dues en vertu de l'ordonnance du 6 décembre 2001 ont été partiellement payées à Claire Francart (payement de 31.238,54 euros) et partiellement cantonnées dans le cadre d'une saisie-exécution (cantonnement de 55.405,68 euros en date du 28 novembre 2003).

Le cantonnement fait par Philippe Francart vaut paiement et les seuls intérêts dus à Claire Francart sur les sommes cantonnées sont les intérêts payés par la Caisse des dépôts et consignations.

47. Philippe Francart reproche à Claire Francart d'avoir attendu plus de deux ans après le dépôt de la requête d'appel pour déposer ses conclusions d'appel et estime qu'elle doit être sanctionnée pour ce retard par le refus de lui allouer des intérêts compensatoires pendant deux ans.

Le reproche formulé par Philippe Francart à l'égard de Claire Francart n'est pas fondé, eu égard au fait qu'il disposait de moyens procéduraux pour forcer Claire Francart à conclure dans un délai rapproché mais qu'il a attendu lui-même près de deux ans avant de faire fixer l'affaire sur pied de l'article 751 du Code judiciaire.

L'indemnité réclamée par Claire Francart à titre d'intervention dans les dépens et honoraires de son conseil

48. Cette demande de Claire Francart, qui avait déjà été formulée devant le premier juge, n'est pas fondée, étant donné que l'article 642 du Code des sociétés n'implique pas l'existence d'une faute.

En effet, la procédure qui oppose les parties a pour but un règlement objectif des conflits qui les opposaient en leur qualité d'actionnaires.

Une indemnisation pour les frais de justice ne se conçoit pas à charge de la partie condamnée au rachat, pareille indemnisation ne pouvant être obtenue que dans le cadre d'une procédure au fond, basée sur la faute.

L'absence de faute suffit à exclure la condamnation aux frais de justice.

(...)

V. Conclusion

Pour ces motifs, la cour,

(...)

Note: Voy. observations A. Coibion sous Cour d'appel de Bruxelles 21 avril 2006, p. 1042 .

Noot: Zie observations A. Coibion onder Cour d'appel de Bruxelles 21 april 2006, p. 1042 .