Cour d'appel de Bruxelles 27 février 2003
CONCESSION DE VENTE EXCLUSIVE
Loi applicable - Clause d'arbitrage - Inapplicabilité - Compétence du juge belge - Préavis - Durée - Indemnité de clientèle - Dédits dus au personnel licencié
Le litige relatif à la résiliation par le concédant d'un contrat de concession de vente exclusive produisant ses effets dans tout ou partie du territoire belge n'est pas susceptible d'être réglé par la voie d'un arbitrage convenu avant la fin du contrat et qui a pour but et pour effet d'entraîner l'application d'une loi étrangère. Une reconnaissance par le concédant de l'application du droit belge, postérieure à la rupture du contrat et limitée à la question de l'arbitrabilité, n'implique pas une reconnaissance totale et inconditionnelle de l'application du droit belge lors de l'examen du fond du litige, en sorte que la clause d'arbitrage ne peut sortir ses effets.
Le préavis doit permettre au concessionnaire de se procurer une source de revenus équivalente à celle qu'il a perdue, le cas échéant moyennant reconversion totale ou partielle de ses activités. Le droit à l'indemnité compensatoire s'apprécie en équité mais au jour de la résiliation de la convention.
Le fait que, postérieurement à la rupture, le concessionnaire se soit retrouvé rapidement dans une situation équivalente tant en droit qu'économiquement, par exemple lorsqu'il a retrouvé une concession équivalente durant le préavis, peut néanmoins entrer en ligne de compte.
En cas de rupture d'une concession de vente ayant duré 45 ans, produisant des résultats bénéficiaires et couvrant tout le territoire belge, le préavis raisonnable peut être estimé à 30 mois.
La clientèle est un actif dont la valeur est fonction de son aptitude à produire des bénéfices. Il convient dès lors de tenir compte, pour le calcul de cette indemnité, du bénéfice brut que cette clientèle a engendré. En l'espèce, l'indemnité de clientèle peut être fixée à 10% du bénéfice brut des trois dernières années.
Dès lors que des négociations se sont engagées entre parties après la rupture, il ne peut être reproché au concessionnaire de n'avoir procédé au licenciement de son personnel que lorsqu'il eût acquis la certitude que la rupture était définitive.
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ALLEENVERKOOP
Toepasselijke wet - Arbitrageclausule - Niet toepasselijk - Bevoegdheid van de Belgische jurisdictie - Opzeg - Termijn - Vergoeding cliënteel - Vergoeding ontslag personeel
Het geschil dat betrekking heeft op de eenzijdige beëindiging van een concessie van alleenverkoop, die geheel of gedeeltelijk uitwerking heeft in België, door de concessiegever, kan niet worden beslecht door middel van een arbitrageclausule, die voorafgaandelijk was overeengekomen en tot doelstelling heeft een vreemde wetgeving toe te passen. Indien de erkenning door de concessiegever van de toepasselijkheid van het Belgisch recht na de beëindiging van de concessie beperkt is tot de geldigheid van de arbitrageclausule, houdt het geen algehele en onvoorwaardelijke erkenning in dat het Belgisch recht van toepassing is op de grond van het geschil.
De opzeggingstermijn moet aan de concessiehouder de mogelijkheid bieden een gelijkwaardige bron van inkomsten te vinden, eventueel door een gehele of gedeeltelijke aanpassing van zijn activiteiten. De vergoeding wordt in billijkheid begroot op de dag van de eenzijdige beëindiging.
Het feit dat de concessiehouder zich spoedig zowel in rechte als economisch in een gelijkwaardige toestand bevindt, bijvoorbeeld door het vinden tijdens de opzeg van een gelijkwaardige concessie, kan op de omvang van de vergoeding een invloed hebben.
Een opzeggingstermijn van 30 maanden is redelijk voor een alleenverkoop met een duurtijd van 45 jaar, die winstgevend was, en zich over gans België uitstrekte.
Het cliënteel is een bestanddeel van het actief en de waarde ervan wordt bepaald in functie van de winsten. Voor de berekening van de vergoeding komt de brutowinst in aanmerking. In casu wordt de waarde voor het cliënteel vastgesteld op 10% van de verwezenlijkte brutowinst over de 3 laatste jaren.
Aan de concessiehouder kan niet worden verweten slechts over te gaan tot het ontslag van het personeel nadat hij zekerheid heeft omtrent de definitieve beëindiging van de concessie, en dit nadat eerst onderhandelingen werden gevoerd.
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Flux-Geräte GmbH / D. Ralet
Siég.: M. Regout (conseiller ff président), I. Diercxsens et Ch. Schurmans (conseillers) |
Pl.: Mes Ch. Kocks, D. Bogaert et M. Willemart, A. Witmeur, S. Willemart |
Vu:
- les jugements attaqués prononcés les 28 janvier 1999 et 8 septembre 1999 par le tribunal de commerce de Bruxelles, décisions signifiées le 19 octobre 1999 par leur remise à l'Amstgericht de Maulbronn;
- la requête d'appel, déposée au greffe de la cour le 22 novembre 1999.
Les faits et antécédents de la procédure |
La société de droit allemand FLUX-GERÄTE (ci-après Flux-Geräte) est une société spécialisée dans la fabrication d'électropompes vide-fût.
Le 27 avril 1953, Flux-Geräte a conclu avec la firme Ralet-Defay, en réalité avec Monsieur Ralet, un contrat de concession de vente exclusive des électropompes vide-fût concernant les territoires de la Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg et du Congo (alors colonie belge). Le territoire concédé fut ensuite limité à la Belgique.
Le contrat, initialement conclu pour une durée de six mois, fut tacitement reconduit d'année en année.
À coté de la vente des produits de Flux-Geräte, D. Ralet exerçait également une activité dans le secteur des plastiques.
Par lettre du 4 juin 1998, Flux-Geräte notifia à D. Ralet la résiliation du contrat de concession de vente exclusive moyennant un préavis de six mois, expirant le 31 décembre 1998.
Elle signalait à D. Ralet qu'il aurait la possibilité d'acheter ses produits auprès de la nouvelle organisation de vente Flux à des conditions d'achat qui seraient à définir.
Il ressort des correspondances antérieures (lettres du 23 février 1998 et 3 avril 1998) émanant de Flux-Geräte que celle-ci avait l'intention de vendre directement ses produits à la clientèle belge.
Flux-Geräte fit ensuite des propositions à D. Ralet en vue d'une collaboration future pour la distribution des produits Flux mais celles-ci modifiaient substantiellement son statut (réduction des marges, réduction du territoire à la Wallonie en qualité de sous-concessionnaire ou d'agent d'un concessionnaire hollandais) de sorte qu'il refusa.
Les 25 août et 23 septembre 1998, D. Ralet notifia leurs préavis à trois de ses employés.
Par citation du 10 juillet 1998, D. Ralet assigna Flux-Geräte en paiement d'un montant de 7.398.035 FB à titre d'indemnité compensatoire de préavis, d'un montant de 6.453.186 FB à titre d'indemnité complémentaire pour plus-value de clientèle et d'un montant de 5.242.059 FB à titre d'indemnités de licenciement des employés M. Laureyns, Mme Druet, et Mme Duquaine et des cotisations patronales correspondantes. Il sollicitait également que le stock soit repris.
D. Ralet réclama en outre une indemnité provisionnelle invoquant l'application de l'article 19 du Code judiciaire en vertu duquel le tribunal est autorisé à prendre des mesures en vue d'aménager une situation provisoire.
Flux-Geräte souleva, in limine litis, un déclinatoire de juridiction.
À titre reconventionnel et subsidiaire, elle réclama le paiement par D. Ralet de la somme de 130.580,26 DM au titre de factures échues pour livraison de marchandises.
Par jugement du 28 janvier 1999, le premier juge, statuant sur l'exception de juridiction, s'est déclaré compétent et a dit que de commun accord entre les parties, le préavis serait prolongé jusqu'au 30 septembre 1999 tandis que la cause était renvoyée au rôle pour le surplus.
Par jugement du 8 septembre 1999, le premier juge a condamné Flux-Geräte à payer à D. Ralet les sommes de 2.030.795 FB à titre d'indemnité compensatoire de préavis évalué à 30 mois, soit 14 mois non exécutés, et de 6.000.000 FB à titre d'indemnité de clientèle, à majorer des intérêts judiciaires ainsi que les sommes de 2.361.800 FB, 1.583.240 FB et 151.991 FB à titre d'indemnités de licenciement et 764.987 FB, 512.811 FB et 49.230 FB à titre de cotisations patronales correspondantes.
Les montants dus à titre d'indemnités de licenciement et de cotisations patronales devaient être payés selon les modalités reprises au jugement sous peine d'une astreinte de 100.000 FB par jour de retard et d'infraction.
Le premier juge a renvoyé l'affaire au rôle en ce qui concerne la demande d'indemnité relative au remboursement des allocations patronales de prépension pour M. Laureyns et celle relative à la reprise du stock dont le jugement précise qu'il y a lieu de l'établir au 1er octobre 1999.
(...)
Discussion |
A. | Sur l'exception d'arbitrage |
Flux-Geräte soutient que le tribunal de commerce et cette cour seraient incompétents pour connaître du présent litige en vertu d'une clause d'arbitrage reprise dans le contrat de concession de vente exclusive conclu entre parties le 27 avril 1953.
Cette clause est libellée comme suit:
“Les deux parties s'accordent sur le fait que le contrat a comme fondement la fidélité et la confiance. Toutes discordances qui apparaîtraient seront réglées à l'amiable, par arbitrage à l'exclusion de toutes voies de droit.
En ce qui concerne la composition du tribunal d'arbitrage, qui se réunit de toutes façons à Stuttgart, les deux parties nomment chacune un arbitre dans les 14 jours de la prise de connaissance du différend qui donne lieu à l'arbitrage...
La décision d'arbitrage devra être reconnue obligatoire et ayant force de chose jugée par les deux parties. Au cas où une des parties ne se soumettrait pas spontanément à la décision d'arbitrage, le présent contrat sera considéré comme immédiatement dissous.”
Il ressort de cette clause que l'arbitrage devrait avoir lieu à Stuttgart en Allemagne mais que les parties n'ont pas désigné la loi applicable en cas de procédure d'arbitrage.
S'agissant d'un contrat international de concession de vente et par application du principe de la primauté des normes de droit international sur les normes de droit national, il y a lieu de prendre en considération les conventions internationales auxquelles la Belgique est partie pour examiner la validité de la clause d'arbitrage litigieuse.
À la différence de la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, la Convention de Genève du 21 avril 1961 sur l'arbitrage commercial international, approuvée par la loi du 19 juillet 1975, règle spécifiquement la question de la validité d'une convention d'arbitrage au stade du déclinatoire de compétence.
L'article VI, 2, de la Convention de Genève stipule que “quand ils auront à se prononcer sur l'existence ou la validité d'une convention d'arbitrage, les tribunaux des États contractants statueront:
a) selon la loi à laquelle les parties ont soumis la convention d'arbitrage;
b) à défaut d'une indication à cet égard, selon la loi du pays où la sentence doit être rendue;
c) à défaut d'indication sur la loi à laquelle les parties ont soumis la convention et, si au moment où la question est soumise au tribunal judiciaire il n'est pas possible de prévoir quel sera le pays où la sentence sera rendue, selon la loi compétente en vertu des règles de conflit du tribunal saisi.
Le juge saisi pourra ne pas reconnaître la convention d'arbitrage si, selon la loi du for, le litige n'est pas susceptible d'arbitrage.”.
Flux-Geräte fait valoir que, en se basant sur l'article VI, 2, b de la convention que la sentence arbitrale devant être prononcée à Stuttgart, l'arbitrabilité du litige doit être examinée au regard du droit allemand qui ne contient aucune disposition légale s'opposant au règlement du litige par la voie de l'arbitrage.
L'article précité stipule cependant in fine que le juge saisi pourra ne pas reconnaître la convention d'arbitrage si, selon la loi du for, le litige n'est pas susceptible d'arbitrage.
Cette disposition laisse au juge la faculté et non l'obligation de déclarer le litige inarbitrable selon la lex fori.
Compte tenu des dispositions impératives de la loi du 27 juillet 1961 et plus précisément des articles 4 et 6 de la loi précitée, le litige relatif à la résiliation par le concédant d'un contrat de concession de vente exclusive produisant ses effets dans tout ou partie du territoire belge n'est pas susceptible d'être réglé par la voie d'un arbitrage convenu avant la fin du contrat et qui a pour but et pour effet d'entraîner l'application d'une loi étrangère (Cass. 28 juin 1979, Pas. 1979, I, 1260).
L'arrêt précité a été rendu à l'occasion d'un litige concernant la reconnaissance et l'exécution en Belgique d'une sentence arbitrale étrangère.
Par un arrêt du 22 décembre 1988 rendu dans le cadre d'un litige concernant un déclinatoire de juridiction soulevé devant le juge belge par le concédant étranger, la Cour de cassation a confirmé que la clause d'arbitrage n'est valable que si les arbitres sont tenus d'appliquer le droit belge au litige (Cass. 22 décembre 1988, Droit de la distribution, p. 141).
En l'occurrence, la convention du 27 avril 1953 conclue entre les parties ne prévoit ni expressément ni implicitement qu'en cas de conflit la loi belge serait applicable.
Il appartiendrait donc aux arbitres de se prononcer eux-mêmes sur la loi applicable et ils pourraient décider souverainement d'opter pour une autre loi que la loi belge.
Flux-Geräte soutient que les règles de conflits de loi applicables en l'espèce dans le cadre de la Chambre de commerce et d'industrie de Stuttgart, sont déterminées par le règlement de la “Deutsche Institution für Schiedsgerichtbarkeit”.
L'article 23.2 du règlement précité stipule que lorsque les parties n'ont pas convenu de dispositions légales applicables, le tribunal arbitral appliquera le droit du pays avec lequel l'objet de la procédure présente les liens les plus étroits.
Selon Flux-Geräte cette disposition conduira indiscutablement à l'application du droit belge.
Cependant, à défaut de stipulation expresse du droit applicable, les arbitres n'ont pas l'obligation d'appliquer le droit belge et il leur appartiendra d'apprécier quel est le pays avec lequel l'objet de la procédure présente les liens les plus étroits. Nul ne peut préjuger avec certitude de leur décision sur ce point.
Par ailleurs, l'objet de la procédure concerne non seulement une indemnité compensatoire de préavis mais également des indemnités complémentaires telles l'indemnité complémentaire pour plus-value de clientèle et le remboursement des indemnités de licenciement et de cotisations patronales qui sont quantitativement plus importantes que l'indemnité de préavis et qui sont exécutables au lieu du domicile du concédant. Il ne peut donc être exclu que les arbitres décident d'appliquer la loi allemande et non pas la loi du 27 juillet 1961.
Flux-Geräte fait également valoir qu'elle n'a pas contesté l'application du droit belge et que la clause d'arbitrage doit par conséquent sortir ses effets.
Elle n'a cependant jamais reconnu l'application du droit belge avant la citation introductive d'instance et ne l'a fait que dans le cadre de son argumentation relative à la validité de la clause d'arbitrage et après avoir soutenu que l'arbitrabilité du litige devait être examinée au regard du droit allemand.
Une telle reconnaissance de l'application du droit belge, postérieure à la rupture du contrat et limitée à la question de l'arbitrabilité n'implique pas une reconnaissance totale et inconditionnelle de l'application du droit belge lors de l'examen du fond du litige.
La clause d'arbitrage n'étant en l'espèce pas admissible, le déclinatoire de juridiction doit être rejeté.
B. | Quant à l'exception d'incompétence |
Flux-Geräte invoque pour la première fois en degré d'appel l'article 5, 1° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 pour décliner la compétence du juge belge au motif que l'obligation principale qui servirait de base à la demande introduite par D. Ralet devait être exécutée à son siège social en Allemagne s'agissant de l'indemnité complémentaire pour plus-value de clientèle et du remboursement des indemnités de licenciement et de cotisations patronales qui sont des dettes quérables (art. 1247 al. 2 C. civ.) parce qu'elles sont quantitativement plus importantes que l'indemnité compensatoire de préavis demandée.
D. Ralet fait valoir que cette exception est irrecevable parce qu'elle n'a pas été soulevée in limine litis.
L'article 18 de la convention du 27 septembre 1968, approuvée par la loi du 13 janvier 1971, invoqué par D. Ralet, concerne le cas où les parties ont conventionnellement désigné une juridiction étrangère compétente dans le sens de l'article 17 de la convention ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
À défaut d'une disposition de la Convention de Bruxelles dérogeant à l'article 854 du Code judiciaire, celui-ci trouve à s'appliquer en l'espèce.
Selon l'article 854 du Code judiciaire, sauf lorsqu'elle est d'ordre public, l'incompétence du juge saisi doit être proposée avant toutes exceptions et moyens de défense.
Flux-Geräte conteste la compétence territoriale du juge saisi, qui n'est pas d'ordre public.
Cette exception d'incompétence soulevée pour la première fois dans la requête d'appel n'a pas été invoquée avant toutes exceptions et moyens de défense mais postérieurement à des conclusions par lesquelles Flux-Geräte avait présenté sa défense au fond.
Il est sans incidence que cette exception ait été soulevée in limine litis dans la requête d'appel, puisque la compétence territoriale du premier juge ne peut être remise en cause en degré d'appel, si l'exception n'a pas été soulevée devant lui avant toutes exceptions et moyens de défense.
L'exception d'incompétence est par conséquent irrecevable.
C. | Quant au fond |
I. Quant à la demande de D. Ralet |
1. L'indemnité compensatoire de préavis |
1.1. La durée du préavis |
Chacune des parties à une convention de concession de vente exclusive à durée indéterminée a la faculté d'y mettre fin moyennant un préavis raisonnable ou une juste indemnité à déterminer par les parties au moment de la dénonciation du contrat.
Aux termes de l'article 2 alinéa 23 de la loi du 27 juillet 1961, le juge statue, en équité, à défaut d'accord des parties sur la durée du préavis;
L'indemnité compensatoire de préavis n'a pas pour objet de réparer une faute que le concédant aurait commise en mettant fin à la concession puisque, en dehors de l'hypothèse de la résolution pour motifs graves aux torts du concédant ou de la réalisation unilatérale abusive, le concédant ne commet aucune faute en rompant la concession.
La doctrine et la jurisprudence considèrent généralement que le préavis est raisonnable lorsqu'il est d'une durée suffisante pour permettre à la partie à laquelle il est notifié de retrouver une concession équivalente.
En réalité, le préavis doit permettre au concessionnaire de se procurer une source de revenus équivalente à celle qu'il a perdue, le cas échéant moyennant reconversion totale ou partielle de ses activités.
Dans sa lettre de résiliation de la convention de vente exclusive, Flux-Geräte a fixé le délai de préavis à 7 mois.
D. Ralet qui estimait que ce délai de préavis n'était pas raisonnable, a assigné Flux-Geräte devant le tribunal de commerce afin d'obtenir une indemnité compensatoire de préavis sur la base d'une durée de préavis complémentaire de 53 mois.
Afin d'aménager la situation des parties dans l'attente de l'issue de la procédure au fond, Flux-Geräte a marqué son accord sur la prolongation du préavis jusqu'au 30 septembre 1999 ce qui équivaut à un préavis de 16 mois.
Le premier juge a fixé à 30 mois la durée du préavis que Flux-Geräte aurait dû respecter.
Celle-ci estime que le préavis de 16 mois est raisonnable et que D. Ralet n'a droit à aucune indemnité compensatoire de préavis.
Par voie d'appel incident, D. Ralet sollicite l'octroi d'un préavis de 60 mois dont à déduire les 16 mois pendant lesquels la concession s'est poursuivie depuis la notification du préavis.
C'est à tort que Flux-Geräte conteste le droit de D. Ralet à une quelconque indemnité de préavis compte tenu de l'absence de préjudice parce qu'il aurait retrouvé une concession équivalente quatre mois après la fin du délai de préavis expirant le 30 septembre 1999, qu'il n'aurait fourni aucun effort pour retrouver une concession équivalente ou une reconversion de ses activités et qu'il aurait spéculé sur ses droits éventuels à obtenir les indemnités visées par la loi du 27 juillet 1961.
C'est également à tort que Flux-Geräte soutient que l'équité devrait conduire la cour à refuser les indemnités postulées par D. Ralet.
Le droit à l'indemnité compensatoire s'apprécie en équité mais au jour de la résiliation de la convention.
Selon l'enseignement de la Cour de cassation, le droit à indemnisation pouvant résulter de la rupture unilatérale d'une convention naît et se détermine dès la notification de la volonté de rupture par l'une des parties, lors même qu'en vertu d'une stipulation particulière de la convention résiliée, celle-ci continuerait à produire certains effets jusqu'à l'expiration du délai de préavis (Cass. 25 mars 1976, Pas., I, p. 824).
On admet parfois en recourant à la notion d'équité que des événements postérieurs entrent en ligne de compte pour évaluer l'indemnité compensatoire de préavis pour autant que le concessionnaire se soit effectivement retrouvé rapidement dans une situation équivalente tant en droit qu'économiquement, par exemple lorsqu'il a retrouvé une concession équivalente durant le préavis.
Flux-Geräte soutient que depuis février 2000, D. Ralet a retrouvé une concession équivalente parce qu'il serait le distributeur exclusif des pompes de la société de droit allemand Standard Pumpen GmbH, située à Munich, mais qu'il s'est gardé d'en faire mention dans la présente procédure spéculant ainsi sur les chances d'obtenir une indemnité compensatoire de préavis plus importante.
D. Ralet ne conteste pas qu'il a commencé en mars 2000 à vendre des pompes de marque “Standard” fabriquées aux États-Unis et importées en Europe par Standard Pumpen GmbH, société établie à Munich mais fait remarquer qu'il ne bénéficie d'aucune exclusivité sur ces produits et qu'il n'existe aucun contrat entre cette société et lui-même.
Il ressort des pièces du dossier de D. Ralet (échange de correspondance avec la société Standard Pumpen GmbH et catalogue de la 8ème exposition “Pumps & Vals” au Bouwcentrum à Anvers d'octobre 2000) que la société “Flowtec Pomp Technologie” située à 2450 Meerhout distribue également les pompes de marque “Standard”.
Il n'est par conséquent pas établi que D. Ralet aurait trouvé une concession de vente exclusive présentant des avantages équivalents à ceux de la concession résiliée, qui devrait en équité avoir une influence sur la durée du préavis raisonnable qui doit lui être accordé.
Tout au plus peut-on conclure que les pompes Flux ne sont pas des produits exclusifs mais substituables ce qui peut être un critère à prendre en considération pour déterminer la durée de préavis.
Flux-Geräte reproche à D. Ralet de n'avoir rien entrepris pour retrouver une concession équivalente ou une reconversion de ses activités.
Outre le fait que la loi n'impose pas au concessionnaire comme condition pour obtenir un préavis raisonnable de rechercher une concession équivalente, il ressort des pièces déposées par D. Ralet (pièces 29.1 à 29.12) qu'il a recherché d'autres activités.
Flux-Geräte soutient que D. Ralet aurait spéculé sur les indemnités qu'il espère recevoir au titre de la loi de 1961 parce que, âgé de 74 ans, il avait en réalité décidé de mettre fin à ses activités ce qui serait démontré par le licenciement de ses employés qui effectuaient leurs prestations également en relation avec ses autres activités, le fait qu'il a refusé la proposition initiale de poursuivre les livraisons pendant une période de six mois au-delà de la période de préavis initiale et qu'il a rejeté une proposition de continuer les relations contractuelles à d'autres conditions.
Il ressort des lettres du 23 février 1998 et du 3 avril 1998 émanant de Flux-Geräte qu'elle voulait adopter une nouvelle politique de distribution de ses produits ce qui l'obligeait à résilier la convention de concession de vente exclusive avec D. Ralet.
Le refus de D. Ralet d'accepter une nouvelle forme de collaboration avec Flux-Geräte est parfaitement justifié dans la mesure où les conditions proposées entraînaient une modification substantielle de son statut (réduction des marges, réduction du territoire à la seule Wallonie en qualité de sous-concessionnaire ou d'agent d'un concessionnaire hollandais).
Par ailleurs, D. Ralet a accepté, après l'introduction de la procédure, de prolonger l'exécution du préavis prenant fin initialement le 31 décembre 1998 jusqu'au 30 septembre 1999 alors que rien ne l'y obligeait puisque le juge saisi ne pouvait pas prolonger l'exécution du contrat en imposant un délai de préavis complémentaire.
Ce comportement démontre donc bien que D. Ralet n'a pas spéculé sur les indemnités dues en vertu de la loi du 27 juillet 1961.
Pour apprécier la durée du préavis raisonnable, les critères suivants peuvent notamment être retenus: étendue et durée de la concession, part de la concession dans les activités globales, renommée des produits, chiffre d'affaires de la concession, investissements réalisés pour les besoins de la concession et évolution des résultats d'exploitation (P. Kileste et P. Hollander, “Examen de jurisprudence. La loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée”, R.D.C. 1998, n° 57, p. 23).
La convention de concession de vente exclusive a été conclue entre les parties le 27 avril 1953. La durée de la concession est donc de 45 ans.
Même si au moment de la résiliation les investissements exposés par D. Ralet étaient amortis, la durée de la concession est un facteur important de l'appréciation de la durée du préavis, parce que la reconversion est plus difficile après une très longue période de stabilité tandis que le concessionnaire peut s'attendre à bénéficier d'un long préavis en raison du caractère de plus en plus inattendu d'une rupture.
En effet, l'ancienneté de la collaboration renforce au fil du temps la croyance légitime que celle-ci est stable et conforme aux intérêts des parties et donc destinée à se poursuivre.
Le territoire concédé couvrait au moment de la résiliation l'entièreté de la Belgique.
D. Ralet dépose un rapport des réviseurs d'entreprises Ernst & Young dans lequel sont repris les chiffres d'affaires de la concession pour les années 1995 à 1997 et la part de la concession dans les activités globales de D. Ralet.
Ce rapport est basé d'une part sur la comptabilité générale de D. Ralet et d'autre part sur des informations qui ont été fournies par D. Ralet et qui ont permis au bureau Ernst & Young de déterminer les pourcentages de répartition entre ses différentes activités concernant les frais de personnel, les frais des biens et services divers ainsi que les autres charges d'exploitation.
Flux-Geräte fait valoir que ce rapport est unilatéral et qu'il est dénué de toute valeur probante.
Les chiffres relatifs au bénéfice d'exploitation sont extraits de la comptabilité générale et peuvent être pris en compte à titre d'information. Il n'y a en effet aucune raison de penser que les chiffres repris dans ce rapport ne seraient pas conformes à la comptabilité de D. Ralet.
Flux-Geräte, qui en conteste la force probante, se réfère cependant aux chiffres retenus dans ce rapport lorsqu'elle estime qu'ils lui sont favorables, démontrant ainsi qu'elle les considère comme fiables.
Les pourcentages de répartition des frais entre les différentes activités ne peuvent être admis comme tels puisqu'ils ont été établis sur la base d'informations données par D. Ralet lui-même.
Ils ne sont cependant pas indispensables pour déterminer si la durée du préavis doit être plus importante que les 16 mois octroyés.
Concernant l'évolution du chiffre d'affaires, c'est à tort que Flux-Geräte fait état d'une diminution du chiffre d'affaires en se référant au chiffre d'affaires de 1991 repris dans un tableau qu'elle a fait et qui mentionne les chiffres d'affaires pour la période de 1991 à 1997.
L'année 1991 prise comme année de référence est trop éloignée de la date de la résiliation du 4 juin 1998, pour pouvoir être prise en considération.
Il ressort de ce tableau que le montant des achats faits par D. Ralet auprès de Flux-Geräte en 1995 s'élevait à 309.736 DM, alors qu'en 1994 il était de 356.368 DM mais qu'en 1996 et 1997 il était en progression puisque les achats représentaient 355.781 DM en 1996 et 373.480 DM en 1997.
Selon Flux-Geräte, le montant des achats s'élevait en 1998 à 300.251 DM mais il s'agit de l'année de la résiliation dont on ne peut tenir compte. Il est en effet normal que le préavis donné ait eu des effets négatifs sur le montant des achats, D. Ralet possédant un stock dont il avait intérêt à se défaire.
Il ressort clairement du rapport Ernst & Young que l'activité des pompes Flux était bénéficiaire. Ceci n'est pas contesté par Flux-Geräte même si elle soutient que D. Ralet se trouvait en état virtuel de faillite au moment de la résiliation.
S'il ressort de ce rapport que les autres activités de D. Ralet étaient déficitaires, cet élément n'est pas à prendre en considération pour déterminer la durée du préavis raisonnable suite à la résiliation de la concession qui était bénéficiaire.
Flux-Geräte tente de démontrer l'état de cessation de paiement en invoquant que D. Ralet était dans l'impossibilité de régler sa dette d'un montant de 132.287,76 DM et qui à ce jour s'élève à un montant de 128.473,20 DM.
Cette dette se rapporte cependant à des factures échues depuis le 1er juillet 1998, soit après la résiliation.
Bien que Flux-Geräte reproche actuellement à D. Ralet d'avoir payé les autres factures avec retard, il faut constater que la résiliation de la concession n'est pas fondée sur une mauvaise gestion ou un manque de compétitivité commerciale dans le chef de D. Ralet mais sur une décision prise par Flux-Geräte d'adopter une nouvelle politique de vente de ses produits.
Compte tenu des critères relatifs à la durée de la concession (45 ans), au territoire concédé (la Belgique) aux chiffres d'affaires de la concession (13.471.802 FB en moyenne pour les années 1995, 1996 et 1997 sur la base du rapport Ernst & Young) et aux résultats d'exploitation qui étaient bénéficiaires, le premier juge a, à juste titre, fixé la durée du préavis à 30 mois dont 16 mois ont été exécutés.
D. Ralet ne démontre pas qu'une plus longue durée serait justifiée étant donné que les investissements réalisés pour la concession étaient amortis, qu'il n'est pas démontré que de récents investissements avaient été faits et que le produit de la concession résiliée n'était pas un produit exclusif mais un produit substituable puisqu'il existe de nombreuses pompes sur le marché même si elles n'ont pas toutes les mêmes spécificités (voir les différents catalogues déposés et le fait que D. Ralet distribue des pompes Standard).
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2. L'indemnité complémentaire pour plus-value notable de clientèle |
D. Ralet postule la confirmation du jugement attaqué qui lui a octroyé une indemnité de 6.000.000 FB en application de l'article 3 de la loi du 27 juillet 1961.
Flux-Geräte conteste être tenue au paiement d'une indemnité complémentaire pour plus-value de clientèle estimant que les conditions requises pour l'octroi d'une telle indemnité ne sont pas réunies en l'espèce.
Il appartient à D. Ralet de démontrer que les trois conditions légales et cumulatives pour l'octroi de cette indemnité se trouvent réunies: l'existence d'une plus-value notable de clientèle, qui doit avoir été apportée par le concessionnaire et doit être demeurée acquise au concédant après la fin de la concession.
Flux-Geräte ne semble pas contester qu'il est satisfait aux deux premières conditions à savoir l'existence d'une plus-value notable de clientèle apportée par D. Ralet.
Celui-ci a en effet introduit les pompes Flux sur le marché belge en 1953.
En date du 15 décembre 1999, D. Ralet a transmis à Flux-Geräte une liste de 846 clients avec leur adresse.
Cette liste a été refusée et renvoyée par Flux-Geräte à D. Ralet non pas parce qu'elle contestait que les personnes qui y figuraient faisaient partie de la clientèle qui s'approvisionnait en pompes Flux chez D. Ralet, mais parce qu'elle estimait que cette liste de noms et adresses n'était d'aucune utilité pour elle et que la liste aurait dû indiquer pour chaque client les produits achetés, les chiffres d'affaires réalisés avec la date et les fréquences des commandes ainsi que le nom des personnes responsables des achats du matériel Flux au sein de chaque société.
Cette liste démontre cependant la plus-value notable de clientèle apportée par D. Ralet.
Flux-Geräte soutient que la troisième condition pour bénéficier de l'indemnité pour plus-value notable de clientèle, à savoir le maintien de cette clientèle au bénéfice du concédant après la résiliation, n'est pas remplie.
Elle prétend que puisque D. Ralet a commencé à distribuer des pompes de la société Standard Pumpen GmbH, la clientèle lui restera acquise d'autant plus qu'à compter de l'exploitation de cette nouvelle concession, il a répondu à des demandes de prix ou des commandes de la clientèle afférentes à des produits Flux en proposant une offre pour le nouveau produit concédé.
Il faut tout d'abord remarquer que D. Ralet n'a pas obtenu une nouvelle concession de vente exclusive des pompes Standard, mais qu'il en est un distributeur en Belgique (voir supra).
Flux-Geräte a exigé que D. Ralet répercute toutes les commandes relatives aux produits Flux, ce que celui-ci a fait dans un premier temps, au moins jusque mars 2000. Ces commandes étaient relativement nombreuses (une centaine au total).
À partir du moment où D. Ralet a commencé à distribuer les pompes Standard, il a informé le client des coordonnées du nouveau représentant des pompes Flux, la société Flux Pompen Benelux NV, filiale hollandaise de Flux-Geräte tout en signalant qu'il était à même de rendre des services dans le domaine des pompes d'autres marques.
Flux-Geräte reproche à D. Ralet d'avoir continué à honorer des commandes même après la fin de la concession ce que celui-ci ne conteste pas. D. Ralet explique cependant que Flux-Geräte n'a pas repris le stock à la fin de la concession malgré ses demandes et qu'il a donc été obligé de continuer à le vendre, sans se présenter comme distributeur officiel de ces produits.
Ces ventes destinées à liquider le stock ne sont cependant pas de nature à empêcher l'acquisition de la clientèle de D. Ralet par le concédant.
Flux-Geräte soutient que le retard de paiement de ses factures par D. Ralet aurait retardé les livraisons ce qui aurait incité la clientèle à s'approvisionner auprès d'un autre fournisseur, ce qui n'est absolument pas démontré.
Flux-Geräte tente de démontrer que la clientèle de D. Ralet ne lui est pas restée acquise en invoquant le fait que la filiale hollandaise a exposé des frais publicitaires.
Outre le fait qu'il est normal qu'un nouveau représentant d'un produit fasse des dépenses publicitaires, il faut constater que les factures d'insertions publicitaires que Flux-Geräte dépose, proviennent toutes de sociétés hollandaises et qu'en dehors des pages d'or de l'annuaire Belgacom, il n'y a aucune preuve d'une annonce publicitaire faite en Belgique.
Le fait que des panneaux reprenant le nom de Flux-Geräte sont restés apposés sur la façade de l'entreprise de D. Ralet n'a pas pu avoir d'incidence sur le maintien de la clientèle en faveur de Flux-Geräte puisque celui-ci a répercuté les commandes ou a fait part des coordonnées du représentant des pompes Flux en Hollande dès la fin de la concession.
Ces panneaux ont par ailleurs été retirés dès que Flux-Geräte en a fait la demande.
D. Ralet a envoyé la liste de ses clients à Flux-Geräte et a, durant un an, soit répercuté les demandes d'offre et les commandes à celle-ci ou à sa filiale hollandaise, soit fait part des coordonnées (adresses et numéros de téléphone) de sa filiale hollandaise, permettant ainsi que la clientèle des produits Flux soit acquise au concédant.
Flux-Geräte ne soutient pas qu'elle ou sa filiale hollandaise n'ont pas pu exécuter ces commandes. En outre, D. Ralet démontre que la filiale hollandaise de Flux-Geräte prenait contact avec ses clients (voir pièces 97 et s. du dossier de D. Ralet).
Il est donc établi que la clientèle que D. Ralet a développée, a été effectivement acquise au concédant.
Le droit à une indemnité pour plus-value notable de clientèle est par conséquent établi dans le chef de D. Ralet.
La loi du 27 juillet 1961 ne spécifie pas le mode de calcul de cette indemnité, se bornant à indiquer que celle-ci doit être équitable.
La clientèle est un actif dont la valeur est fonction de son aptitude à produire des bénéfices.
Il convient dès lors de tenir compte, pour le calcul de cette indemnité, du bénéfice brut que cette clientèle a engendré (Bruxelles 15 mars 1990, J.L.M.B. 1990, p. 804; Bruxelles 4 décembre 1986, J.L.M.B. 1987, p. 795).
Les conditions pour l'octroi d'une indemnité complémentaire notable de clientèle étant réunies, il peut être alloué à D. Ralet une indemnité égale à 10% du bénéfice brut des trois dernières années, soit de mai 1995 à mai 1998.
L'état actuel des pièces produites ne permet pas à la cour de procéder avec précision à cette évaluation qui devra faire l'objet d'une mesure d'expertise.
Les données reprises dans le rapport des réviseurs Ernst & Young extraites de la comptabilité de D. Ralet permettent cependant d'octroyer à D. Ralet une provision de 40.000 euros.
3. Les indemnités pour dédits dus au personnel licencié |
3.1. En vertu de l'article 3, 3° de la loi du 27 juillet 1961, une indemnité complémentaire peut être évaluée, selon le cas, en fonction des dédits que le concessionnaire doit au personnel qu'il est dans l'obligation de licencier par suite de la résiliation de la concession de vente.
Il appartient au concessionnaire de rapporter la preuve du lien entre la fin de la concession et le licenciement concerné.
Au moment de la résiliation, l'entreprise de D. Ralet occupait quatre employés et trois ouvriers.
Trois des employés de D. Ralet, MM. Laureyns et Demaret ainsi que Mme Duquaine ont été licenciés le 25 août 1998.
Mme Druet, la comptable, a été licenciée le 23 septembre 1998.
M. Demaret qui avait les compétences pour s'occuper également des autres activités de D. Ralet a poursuivi l'exécution de son contrat d'emploi jusqu'au terme du préavis qui lui a été donné. D. Ralet n'a donc réclamé aucune indemnité de dédit en ce qui le concerne.
Flux-Geräte prétend qu'aucune indemnité n'est due à D. Ralet à titre de dédits de licenciement parce qu'ils ne correspondraient pas à un arrêt effectif des prestations.
Elle soutient que M. Laureyns et Mme Druet seraient toujours employés au sein de l'entreprise nonobstant le paiement des dédits par Flux-Geräte en exécution du jugement attaqué et les attestations de cessation des prestations fournies par D. Ralet.
Afin de démontrer que M. Laureyns est toujours au service de D. Ralet, Flux-Geräte renvoie à trois bons de commandes parmi une centaine qui ont été adressés à M. Laureyns (l'un d'eux avec une erreur de nom).
De telles pièces ne sont pas de nature à établir que M. Laureyns travaillait toujours pour D. Ralet postérieurement au 30 septembre 1999 parce qu'elles peuvent résulter de l'ignorance du client concernant son licenciement.
D. Ralet dépose les preuves du licenciement de M. Laureyns et du paiement effectif de son indemnité de préavis ainsi qu'une copie de sa déclaration à l'O.N.S.S. pour le 4ème trimestre 1999, faisant apparaître son licenciement.
Le fait que M. Laureyns et Mme Duquaine ne travaillent plus pour D. Ralet résulte également du constat dressé par l'huissier De Smet le 5 septembre 2000 à la demande de Flux-Geräte.
En ce qui concerne Mme Druet, Flux-Geräte invoque le constat d'huissier du 5 septembre 2000 et deux autres pièces évoquant sa collaboration en janvier et juin 2000 pour démontrer qu'elle est restée au service de D. Ralet et pour réclamer le remboursement de l'indemnité de dédit et des accessoires qu'elle a payés en exécution du jugement attaqué.
D. Ralet ne conteste pas avoir réengagé Mme Druet, qui était sa comptable, à son service à titre précaire et à temps partiel par périodes successives d'un mois à compter du 3 janvier 2000.
Il ressort des pièces produites par D. Ralet que le salaire dont elle bénéficiait au moment du licenciement était supérieur à celui dont elle a bénéficié à partir de janvier 2000 ce qui confirme la thèse de D. Ralet qu'elle a exercé ses fonctions à plein temps jusqu'au 30 septembre 1999, a été licenciée à cette date avec paiement des indemnités de rupture et des cotisations sociales correspondantes mais qu'elle a accepté d'être réengagée à temps partiel à partir du 3 janvier 2000.
Il n'est par conséquent pas démontré que Flux-Geräte ne serait pas tenue au paiement des indemnités de licenciement parce que les employés licenciés auraient continué à travailler dans l'entreprise de D. Ralet nonobstant l'octroi de leur préavis.
3.2. Flux-Geräte fait valoir qu'il n'est pas établi qu'il y a un lien entre la fin de la concession et le licenciement des trois employés Laureyns, Druet et Duquaine mais que ces licenciements seraient la conséquence d'une mauvaise gestion de son entreprise par D. Ralet.
L'état de faillite et la mauvaise gestion de l'entreprise de D. Ralet, invoqués par Flux-Geräte ne sont pas prouvés. D'ailleurs, la concession était bénéficiaire.
Flux-Geräte soutient que seul M. Demaret était affecté à l'exploitation de la concession, à l'exclusion des autres employés et qu'elle ne serait tenue qu'au paiement de l'indemnité de licenciement de cet employé-là, mais que celui-ci ayant exécuté son préavis jusqu'à son expiration, elle n'est redevable d'aucun montant de ce chef.
D. Ralet fait valoir que trois employés travaillaient comme lui-même à temps complet pour les produits Flux outre une personne à temps partiel.
Il ressort des bons de commandes émanant de la clientèle que celle-ci s'adressait non seulement à M. Demaret mais également à M. Laureyns, tandis que Mme Druet en tant que comptable magasinière consacrait incontestablement du temps à la comptabilité relative aux pompes.
Il est donc clair que les employés qui ont été licenciés, s'occupaient des produits de la concession.
Selon le rapport Ernst & Young les appointements des différents employés pour l'ensemble des activités s'élevaient à 4.997.704 FB tandis que les appointements liés aux pompes s'élevaient à 2.036.664 FB ce qui signifie environ 40% des appointements globaux.
Il y a dès lors lieu d'inviter l'expert à établir sur la base des éléments comptables les méthodes permettant de déterminer au plus juste dans quelle mesure les différents employés licenciés étaient affectés à l'activité de la concession et d'établir le décompte de la part de l'indemnité de préavis qui leur a été octroyée en relation avec la concession.
Il faudra également déduire la part de l'indemnité de licenciement des employés qui aura été prise en compte à titre de frais incompressibles dans le montant dû à titre d'indemnité compensatoire de préavis.
3.3. Flux-Geräte reproche à D. Ralet de ne pas avoir effectué les licenciements dès la notification de la résiliation de la concession estimant qu'il ne peut réclamer l'indemnisation du préavis du personnel licencié pendant la période correspondant au délai de préavis de rupture de la concession pendant lequel le concessionnaire s'est abstenu de rompre les contrats avec ses employés.
La résiliation est intervenue le 4 juin 1998 et les licenciements ont été notifiés aux employés respectivement les 25 août et 23 septembre 1998.
D. Ralet invoque des circonstances objectives qui l'on conduit à ne pas licencier immédiatement son personnel.
Il a en effet notifié le licenciement à son personnel dès qu'il a constaté le caractère définitif de la rupture avec Flux-Geräte après une rencontre avec les dirigeants de celle-ci.
Compte tenu des négociations qui ont encore eu lieu entre les parties en vue d'une collaboration future après le 4 juin 1998, on ne peut reprocher à D. Ralet de n'avoir pas immédiatement notifié leur préavis aux employés qu'il devait licencier et de ne l'avoir fait que lorsqu'il avait la certitude que la rupture était définitive.
Il n'y a par conséquent pas lieu de déduire des indemnités de licenciement la part correspondant à deux ou trois mois selon qu'il s'agit du licenciement de M. Laureyns et de Mme Duquaine ou de Mme Druet.
3.4. Les indemnités de préavis ont été calculées conformément à la loi du 3 juillet 1978 et sur la base des critères légaux et jurisprudentiels applicables en la matière.
D. Ralet réclame un montant supplémentaire de 550.000 FB (13.634,14 euros) invoquant qu'à l'issue de la période couverte par son préavis, soit le 31 août 2001, M. Laureyns qui aura plus de 58 ans puisqu'il sera âgé de 62 ans pourra prétendre à des allocations patronales de prépension de l'ordre de 15.000 FB (371,84 euros) bruts par mois jusqu'à l'âge de 65 ans, soit un montant brut de 550.000 FB (17.848,33 euros).
Le premier juge n'a pas omis de statuer sur ce chef de demande comme le soutient D. Ralet mais lui a donné acte de sa demande et l'a renvoyée au rôle.
D. Ralet reste actuellement en défaut de démontrer que les conditions légales pour l'octroi de ces allocations seraient satisfaites en l'espèce.
La date du 31 août 2001 étant dépassée, il appartiendra à l'expert de vérifier si D. Ralet paie actuellement à M. Laureyns ces allocations de prépension et dans ce cas, de donner un avis, sur la base des éléments comptables, de la quote-part de ces allocations qui correspond à l'affectation de M. Laureyns à l'activité en relation avec la concession.
(...)
Dispositif conforme aux motifs.