Article

Cour d'appel Liège, 24/06/2004, R.D.C.-T.B.H., 2005/7, p. 775-776

Cour d'appel de Liège 24 juin 2004

DROIT JUDICIAIRE
Exécution provisoire - Balance des intérêts en présence - Interdiction de vendre des biens considérés comme des contrefaçons et ordre de les détruire
Lors de l'exécution provisoire d'un jugement contre lequel il y a un pourvoi en appel, il faut tenir compte des intérêts des deux parties durant le pourvoi. En en tenant compte, l'exécution provisoire du jugement qui (1) imposait à une des parties l'interdiction d'importer, de détenir, de transporter, de distribuer ou d'offrir à la vente certains biens (considérés comme des contrefaçons), (2) ordonnait la destruction des biens concernés et (3) ordonnait à cette partie de donner communication de ses clients, n'est accordée seulement pour ce qui concerne l'interdiction d'importation et de vente et moyennant une caution à constituer par l'autre partie.
GERECHTELIJK RECHT
Voorlopige tenuitvoerlegging - Afweging van de belangen van de partijen - Verbod tot verhandeling van als namaak aangemerkte goederen en bevel tot vernietiging ervan
Bij de voorlopige tenuitvoerlegging van een vonnis, waartegen hoger beroep werd ingesteld, dient rekening gehouden met de belangen van de beide partijen tijdens het hoger beroep. Daarmee rekening houdend wordt de voorlopige tenuitvoerlegging van het vonnis waarbij (1) aan een der partijen verbod werd opgelegd bepaalde (als namaak aangemerkte) goederen in te voeren, onder zich te houden, te vervoeren, te verdelen of te koop aan te bieden, (2) de vernietiging van de bedoelde goederen werd bevolen en (3) aan die partij bevel werd gegeven opgave van haar afnemers te doen enkel toegestaan voor wat het verbod tot invoer en verkoop betreft en mits door de wederpartij te stellen borg.

S.N.C. Grabat et Sorce D. / SA Clio Blue et SPRL Gipsy

Siég.: R. de Francquen (président), A. Jacquemin et J.M. Gerardin (conseillers)
Pl.: Mes D. Dessard, V.-V. Dehin, F. De Visscher, B. Lhoest en N. Bonhomme

Attendu qu'après que l'intimée ait obtenu une saisie description de bijoux de fantaisie fabriqués par la première appelante et importés en Belgique par le second appelant, que cette mesure conservatoire ait été maintenue sur tierce opposition des autres intimées qui les commercialisent dans leur magasin respectif, que l'expert ait déposé un rapport décrivant les produits concurrents et ayant une certaine ressemblance, le premier juge a considéré que les créations de la société anonyme de droit français Clio Blue avaient un caractère d'originalité suffisant pour qu'elles bénéficient sur le territoire belge de la protection de la loi sur le droit d'auteur et estimé que les bijoux en provenance d'Italie étaient des contrefaçons;

Qu'en conséquence, interdiction est faite d'encore les importer, les détenir, les transporter, distribuer, offrir en vente et les vendre sous peine d'astreinte;

Que la nullité des dépôts réalisés par l'appelante auprès de l'OMPI étant prononcée, la destruction des contrefaçons saisies est ordonnée, différentes condamnations de sommes, certaines provisionnelles, étant en outre prononcées;

Que les appelants devaient en outre produire sous peine d'une solide astreinte la liste complète des personnes, sociétés ou groupements auxquels ils ont livré des contrefaçons et justifier avoir retiré du commerce tous les exemplaires contrefaisants en circulation;

Que le premier juge ne s'est pas prononcé sur la demande d'exécution provisoire introduite dans la citation et répétée dans les conclusions d'instance parce qu'il n'avait pas épuisé sa juridiction;

Que l'intimée Clio Blue souhaite obtenir cette exécution provisoire dans le cadre de l'article 1401 du Code judiciaire;

Que pour échapper à l'astreinte importante qui assortit l'ordre de produire la liste des personnes susceptibles de distribuer la production de la première appelante, le second appelant a communiqué le 23 avril 2004 une liste de magasins dans lesquels les bijoux litigieux se vendent, l'intimée ayant par la suite fait constater par huissier que l'interdiction de vente n'est pas respectée et que la liste communiquée ne serait pas exhaustive;

Attendu que l'examen de la demande incidente formulée en prélude au débat d'appel s'effectue sans examen de la recevabilité et du fondement de l'appel; qu'il s'agit essentiellement de dire si, eu égard à la motivation qui sous-tend sa décision, le premier juge aurait pu ou dû ordonner l'exécution provisoire;

Attendu certes que le jugement par lui-même a vocation à avoir force exécutoire; qu'il peut apparaître déplacé de lui refuser le préjugé favorable alors qu'il clôture une instance contradictoire dans laquelle les parties ont fait valoir leurs arguments sur le fond devant un magistrat indépendant;

Qu'en revanche, accorder systématiquement l'exécution provisoire pourrait aboutir à enlever tout ou partie de son intérêt au recours légitime du perdant surtout lorsque l'exécution provisoire est susceptible de produire des effets irréversibles; que si une condamnation de sommes peut facilement être renversée après qu'elle ait été exécutée, principalement lorsque le cantonnement n'a pas été retiré, il en va différemment lorsqu'il s'agit d'ordres de cessation, de nullités, d'obligations de faire ou de donner un bien périssable ou susceptible de modification; qu'en pareils cas, une prudence plus spéciale s'impose dans laquelle le juge d'appel comparera volontiers la situation respective des parties et le retentissement que l'exécution peut avoir sur l'une et sur l'autre; qu'une rétractation ou réformation du jugement se résoudrait en effet alors en dommages et intérêts, ce qui n'est pas toujours satisfaisant; que la décision d'appel ne sera donc pas totalement neutre et ne pourra faire totalement abstraction de la manière dont le premier juge a abordé le fond; que l'institution de l'exécution provisoire a en effet pour objectif de pallier pour la victime de la transgression du droit les conséquences d'un recours délibérément dilatoire;

Attendu qu'en l'espèce l'ordre de retirer de la vente les bijoux considérés comme contrefaisants repose sur l'appréciation personnelle du premier juge qui reconnaît à la production de l'intimée un caractère original et une antériorité sur le marché; que pour le tribunal l'originalité et par conséquent la contrefaçon ne fait aucun doute;

Attendu que laisser les appelants poursuivre leur activité contrefaisante est de nature à entraîner pour l'intimée un dommage essentiellement financier dont celle-ci n'a aucune certitude de pouvoir être indemnisée, les appelants n'apportant aucun élément démontrant leur surface financière et leur solvabilité;

Qu'en revanche, leur interdire sans aucune réserve de poursuivre la distribution de bijoux faisant partie de collections probablement liées à la mode et susceptibles de se périmer, permettre la destruction immédiate des pièces saisies et faire publier le dispositif du jugement sont de nature à ruiner définitivement leur commerce et à introduire l'intimée dans leur clientèle, ce qui, en cas de réformation sera pratiquement irréparable sauf à fixer des indemnités difficiles à apprécier;

Attendu que s'il ne peut être en l'état ordonné une destruction des biens saisis, une publication du jugement, la mise en oeuvre de l'annulation des dépôts Benelux, l'exécution provisoire peut être accordée à l'intimée pour l'interdiction d'importation et de mise en vente prononcée par le premier juge;

Qu'à l'effet d'équilibrer la situation des parties et permettre aux appelants dont le recours ne peut être a priori taxé de dilatoire de ne pas subir un préjudice irréparable, il y a lieu de permettre à ceux-ci d'échapper à l'interdiction, un peu à l'instar du cantonnement qui pour les condamnations de sommes évite au débiteur de l'obligation une exécution forcée, en fournissant une caution laquelle garantira à l'intimée, en cas de confirmation du jugement, que les dommages et intérêts auxquels elle pourra prétendre lui seront effectivement réglés;

Qu'une caution de 50.000 euros est raisonnable, la constitution de cette garantie ne mettant pas l'intimée qui poursuivrait l'exécution provisoire à ses risques et périls à l'abri de devoir les intérêts au taux légal et d'autres dommages et intérêts si le jugement était réformé;

Que dès lors que dans les 8 jours de la signification du présent arrêt l'intimée aurait exprimé l'intention de poursuivre l'exécution provisoire, les appelants pourront échapper à celle-ci en consignant ledit montant dans les 15 jours suivants en mains de l'huissier requis par l'intimée ou d'un autre séquestre agréé des deux parties;

Par ces motifs,

(...)

La cour, statuant contradictoirement,

Ordonne l'exécution provisoire du jugement à l'encontre des appelants pour ce qui concerne l'interdiction d'importer et de mise en vente seulement, sauf à ceux-ci d'être relevés de cette interdiction en consignant, dans les 15 jours suivant la notification par l'intimée Clio Blue de sa volonté de poursuivre l'exécution provisoire, un montant de 50.000 euros en mains de l'huissier requis par l'intimée ou de tout autre séquestre agréé,

Sursoit à statuer pour le surplus et renvoie la cause au rôle,

(...)