Article

Droit international privé des émissions publiques de titres, R.D.C.-T.B.H., 2005/6, p. 628-636

Droit international privé des émissions publiques de titres [1]

Jean-Marc Gollier [2]

TABLE DES MATIERES

I. Introduction

II. Définitions A. Emission

B. Emission publique

C. Titres

III. Domaine de l'article 114 CDIP A. Introduction - Interprétation limitative ou par défaut de la notion de “droits dérivés”

B. Exclusion des droits incorporés dans les titres émis

C. Exclusion des règles de droit financier public

D. Droits dérivés propres à l'émission

IV. Application de l'article 114 CDIP

V. Conclusions

RESUME
Cet article propose une interprétation de l'article 114 CDIP, relatif au régime des offres publiques de titres. Il est proposé d'interpréter les termes empruntés au droit financier conformément aux dispositions du droit financier en vigueur, dans toute la mesure où cette interprétation n'est pas inconciliable avec le sens commun de ces termes. Il est ensuite proposé de limiter le champ d'application de cette disposition pour l'essentiel aux questions de responsabilité du fait des informations qui ont été transmises aux porteurs des titres à l'occasion de l'offre publique par l'émetteur ou par ses mandataires. En laissant un choix aux porteurs entre le droit applicable à l'émetteur et celui du lieu de l'émission, le CDIP utilise un procédé consumériste.
SAMENVATTING
Dit artikel betreft de interpretatie van artikel 114 van het IPR-Wetboek, betreffende de openbare aanbiedingen van effecten. Er wordt voorgesteld de bepalingen van dit artikel die naar het financieel recht verwijzen te interpreteren conform de bepalingen van het van kracht zijnde/positieve financieel recht, voor zover de interpretatie niet strijdig is met de gewone betekenis van die bepalingen. Er wordt voorgesteld de toepassingssfeer van die bepaling/dit artikel te beperken tot, in essentie, de verantwoordelijkheid die voortvloeit uit de informatie die aan de beleggers overgemaakt wordt ter gelegenheid van een openbare aanbieding van effecten. De wetgever laat de keuze aan de investeerder tussen de wet toepasselijk op de emittent en de wet van de plaats waar de uitgifte heeft plaatsgevonden. Dit is typisch een consumentgerichte techniek.
I. Introduction

1.En Belgique, les émissions publiques de valeurs mobilières sont soumises, depuis 1935, à l'obligation de publier un prospectus soumis au contrôle préalable de la Commission bancaire, financière et des assurances [3].

Ce qui est nouveau en 1935, ce n'est pas tant l'existence d'un prospectus d'émission, c'est le fait que ce prospectus est dorénavant soumis au contrôle d'une autorité administrative autonome qui peut, si elle estime que l'information fournie ne permet pas au public de prendre une décision d'investissement en connaissance de cause, s'opposer à la publication du prospectus [4], rendant l'émission publique impossible en Belgique.

Le contrôle de la Commission n'a aucune influence sur la responsabilité des promoteurs de l'émission, et ne délivre évidemment pas à ceux qui acquièrent des titres sur la base du prospectus d'émission un certificat de qualité de cet investissement.

Avant 1935, les émissions publiques se réalisaient sans contrôle, et la seule contrainte légale tenait en l'obligation de publier une notice légale, imposée depuis 1913, à toute société anonyme belge qui offrait publiquement ses titres [5]. Pour les sociétés étrangères qui souhaitaient offrir leurs titres au public belge, une règle comparable existait [6]. C'est la crise économique et financière de 1929 qui a décidé notre législateur à créer un contrôle des émissions publiques de valeurs mobilières [7].

2.L'émetteur, et le cas échéant les banquiers qui l'assistent, sont responsables du caractère fidèle et complet de l'information contenue dans le prospectus, tandis que l'investisseur est responsable de la décision qu'il prendra sur base des informations qu'il aura reçues à travers le prospectus ou par l'intermédiaire de son conseiller financier.

3.Le système financier s'est, ces vingt dernières années, fortement développé dans un double mouvement. Le premier mouvement du système financier a été son extension vers un système global, mondial. Ce mouvement s'est réalisé en bonne partie de façon naturelle, sans le droit ou en profitant de l'abolition du droit protectionniste. Le second mouvement, qui est très actuel, est la tentative de faire entrer dans le système juridique les phénomènes financiers qui s'imposent à notre société, que ce soit au niveau de l'Etat ou au niveau des entreprises ou des particuliers.

4.Les Etats se financent pour partie par l'émission d'obligations sur le marché international, en particulier le marché des euro-obligations. Ce recours est parfois problématique comme la dette russe d'avant 1917, ou tout récemment la dette obligataire de l'Argentine, en cessation de paiement depuis 2001, qui a été restructurée avec succès pour l'Etat argentin en mars 2005 sur base d'une proposition unilatérale non négociable de l'Argentine [8].

Au niveau des entreprises, le marché des capitaux est devenu un marché sans frontières. Une société belge suffisamment importante pourrait, dans un but de congruence de ses actifs avec ses passifs, placer un emprunt sur le marché privé américain, si une partie significative de ses actifs sont localisés aux Etats-Unis. Une société belge de haute technologie pourrait songer à faire admettre ses actions sur un marché autre que notre marché domestique parce que ce marché a la réputation d'accueillir des “start up” ou des sociétés de haute technologie. Nous avons vu au cours des années 1990, de nombreuses sociétés étrangères demander leur cotation sur le marché EASDAQ à Bruxelles, renommé NASDAQ Europe avant d'être finalement clôturé fin 2003.

Au niveau des particuliers, l'internationalisation est également largement entrée dans les moeurs. Acheter en bourse une action Solvay n'est pas plus difficile qu'acheter, de Bruxelles, une action Microsoft aux Etats-Unis, Siemens en Allemagne ou Suez à Paris. D'ailleurs, ces actions sont souvent cotées sur plusieurs places boursières, élargissant ainsi la base du marché des capitaux à laquelle la société peut faire appel.

5.Le droit suit, plutôt qu'il ne précède ce phénomène. La Commission européenne mène tambours battants un processus d'harmonisation et d'unification des marchés financiers européens pour réaliser juridiquement le “marché unique” dont parle le Traité. À travers le FSAP (“Financial Services Action Plan”) [9], et en mettant en oeuvre les procédures de type “Lamfallusy” [10], se crée un écheveau complexe (i) de réglementations nationales issues des directives européennes, (ii) de règlements européens d'application qui s'imposent directement dans le droit national et, dans toute la mesure du droit non harmonisé au niveau communautaire, (iii) de règles de droit national qui ne sont plus que l'exception.

Au niveau mondial, un certain nombre d'instances publiques ou privées contribuent également à la création de standards internationaux dans le domaine de la réglementation financière. La plus importante d'entre elle est l'organisation IOSCO (“International Organization of Securities Commissions”), qui édicte dans presque tous les domaines de la réglementation financière des normes qui peuvent servir de modèle dans les droits nationaux [11].

6.C'est dans ce contexte financier de normes superposées ou imbriquées, parmi lesquelles les normes de droit belge d'origine nationale ne sont souvent plus principales, que vient s'insérer le Code de droit international privé belge [12].

L'article 114 du Code de DIP énonce que “Les droits qui dérivent de l'émission publique de titres sont régis, au choix du porteur de titres, soit par le droit applicable à la personne morale, soit par le droit de l'Etat sur le territoire duquel l'émission publique a eu lieu”.

Notre commentaire sera divisé en trois parties. Dans un premier temps, nous allons définir les termes de cette disposition, pour en approcher le champ d'application (II). Dans un second temps, nous identifierons le domaine d'application précis de cette disposition (III). Nous examinerons ensuite le mécanisme de solution du conflit de loi mis en place par cette disposition (IV), avant de conclure (V).

II. Définitions

7.Aucun des termes de cette disposition ne fait l'objet d'une définition dans la loi et les travaux préparatoires sont silencieux à ce propos. Conformément aux principes d'interprétation de la loi, il faudra dès lors partir du sens commun des termes utilisés [13].

L'existence, dans les lois de droit financier, de définitions de termes identiques pourra également nous servir de référence, dans la mesure où le sens donné par cette loi ne s'écarte pas trop du sens commun du terme.

A. Emission

8.Une émission c'est, dans le domaine financier, le fait de mettre des titres en circulation. Dans son acception étroite, l'émission consiste à créer des titres nouveaux et de les mettre en circulation [14].

Des titres sont émis, au sens étroit du terme, lorsque l'organe compétent de la société a décidé de leur création et que ces titres ont été souscrits par des tiers, leur donnant ainsi une existence juridique pleine et entière.

9.La notion d'émission n'est plus couramment utilisée dans la réglementation financière. La notion d'“offre publique” ou d'“appel à l'épargne publique” lui est préférée [15].

Dans le régime de l'arrêté royal n° 185 [16], qui a été complètement abrogé par les lois du 2 août 2002 (marchés financiers) [17] et du 22 avril 2003 (offres publiques) [18], la notion d'émission avait reçu une définition très large, qui résultait pour partie de la pratique, et pour partie du texte de la loi. Elle incluait (i) les émissions proprement dites, (ii) toute offre publique en vente de valeurs mobilières, (iii) par une loi interprétation du 10 juin 1964 [19], les offres publiques d'achat et d'échange, (iv) l'opération par laquelle une société demandait l'admission de ses propres actions à la cote officielle ou sur le marché. Par voie d'interprétation, il a été admis plus généralement que l'admission de valeurs mobilières sur un marché organisé, accessible au public, constituait également une émission publique [20].

10.Cette définition extensive n'est pas transposable telle quelle. L'OPA, qui constitue l'inverse d'une émission, puisque l'offrant propose de racheter des titres qui sont en circulation, ne constitue manifestement pas une émission.

L'opération d'admission de titres en bourse, sans offre publique préalable, peut-elle être considérée comme une émission au sens de la disposition commentée?

Ce type de situation s'est présenté essentiellement sur le marché EASDAQ, lorsqu'un émetteur belge ou étranger réalisait le placement de titres auprès d'investisseurs institutionnels, en Belgique ou dans le monde, et demandait ensuite la cotation de ses titres sur EASDAQ. La Commission bancaire et financière considérait, sur base d'une interprétation extensive de la notion d'appel à l'épargne, non prévue par la loi, qu'il s'agissait bien d'une émission. Cette interprétation, qui n'est plus utile dans le cadre des compétences de la CBFA, puisque la loi du 22 avril 2003 est explicite sur ce point, restera nécessaire pour l'interprétation de la disposition commentée.

Par identité de motifs, et dans toute la mesure où le sens commun du mot “émission” ne s'y oppose pas, l'offre publique en vente peut être considéré comme constituant également une émission au sens de notre disposition.

Ces assimilations vont dans le sens de notre expérience. Fréquemment, une émission de titres nouveaux dans le cadre d'une admission en bourse va de paire avec la vente par les actionnaires existants d'une partie de leur participation, leur permettant de réaliser une partie de leur investissement initial. Il n'y a pas de raison valable, en dehors d'une interprétation qui ne suivrait pas la volonté du législateur, de traiter différemment ces trois opérations (offre en souscription, offre en vente, admission).

B. Emission publique

11.La question de savoir à partir de quand une émission est publique, par opposition aux émissions privées, a été réglée par la loi en Belgique à partir de 1969 [21]. À partir de cette époque, était considérée comme publique, toute offre adressée à plus de 50 personnes en Belgique (art. 2, 1° et 3°, de l'arrêté royal du 7 juillet 1999 relatif au caractère public des opérations financières). Ce chiffrage, même s'il est inévitablement arbitraire, a finalement été préféré à une distinction plus subtile entre émission réservée à un cercle restreint ou à des personnes proches de l'émetteur, comme sa famille ou ses travailleurs.

À partir du 1er juillet 2005, ce chiffre devra être remplacé par un chiffre de 100, qui nous vient de la directive 2003/71 sur le prospectus [22].

La réglementation considère également, dans un but de protection des épargnants, que le recours à un intermédiaire autre qu'un établissement de crédit, une société de bourse enregistrée auprès de la CBFA, rend automatiquement l'émission publique (art. 2, 2°).

12.Au critère numérique s'ajoute un double critère qualitatif:

    • une offre n'est pas considérée comme publique si elle requiert, par investisseur, un investissement d'au moins 250.000 euros (art. 3, 1°). Le législateur considère qu'un investisseur qui peut investir seul et dans le cadre d'une seule émission une somme aussi considérable ne doit pas être protégé par la CBFA;
    • dans le même ordre d'idées, toute une série d'investisseurs, qui sont ordinairement qualifiés d'investisseurs institutionnels, ne sont pas non plus considérés comme faisant partie du public (art. 3, 2°). Il s'agit principalement des établissements de crédit, des sociétés de bourse et des compagnies d'assurance, pour autant qu'elles agissent pour leur propre compte.

    13.Pour ce qui nous concerne, je suis tenté de retenir que pour autant qu'une offre soit qualifiée de publique au sens de la réglementation financière, elle le sera également pour l'application de l'article 114 du code.

    En soi, le texte de l'article 114 ne suggère aucune interprétation particulière, et il serait même tentant de considérer qu'en dehors du cas où une émission est adressée, en Belgique, exclusivement à des investisseurs institutionnels, qui ne font manifestement pas partie du public, une émission sera considérée comme publique. L'utilisation du critère chiffré de 50 (prochainement de 100) permet de fixer un seuil commode, pour éviter de tergiverser sur la question de savoir à partir de quand on quitte le domaine “privé” pour entrer dans le domaine “public”.

    C. Titres

    14.La notion de “titres” est extrêmement générique. Elle désigne, dans le sens commun de ce terme, tout écrit rédigé en vue de constater un droit. Le langage ancien utilise le mot “titres de bourse” pour désigner les actions et autres titres qui se négocient en bourse [23].

    15.Ce terme est également utilisé par la loi du 22 avril 2003. Le législateur a voulu par l'usage de ce terme très générique, indiquer plus clairement que la notion retenue par la loi était beaucoup plus large que la notion juridique classique de “valeurs mobilières”, qui avait d'ailleurs déjà été sévèrement gauchie par diverses dispositions légales qui en avaient étendu le champ d'application à l'extrême [24].

    La loi du 22 avril 2003 apporte de ce point de vue un éclaircissement utile, puisque son article 2 précise qu'“il y a lieu d'entendre par 'titres' tous les instruments de placement, négociables ou non, quels que soient les actifs sous-jacents”. Elle reprend ensuite une longue liste d'instruments financiers qui n'est qu'énonciative.

    On retiendra qu'un titre, au sens de la loi du 22 avril 2003, doit être un “instrument de placement”.

    Alors que la loi du 22 mars 2003 contient une série d'exclusions de son champ d'application (art. 10: euro-obligations, parts d'organismes de placement collectif, parts de coopératives agrées, obligations d'ASBL,...), il ne paraît pas permis d'étendre ces exclusions à notre disposition.

    16.Il me semble que pour l'interprétation de notre disposition légale, le sens proposé par la loi du 22 avril 2003 restera un guide utile, pour ne pas dire décisif.

    La notion d'“instrument de placement” peut être utilement retenue comme guide pour l'interprétation de l'article 114 du code.

    Il faut remarquer que la loi du 22 avril 2003 est appelée à être soit abrogée, soit fondamentalement modifiée par une loi qui transposera en droit belge le prescrit de la directive 2003/71 sur le prospectus. Cette directive utilise quant à elle le terme juridique classique de “valeurs mobilières” pour définir son champ d'application. Nous ne pouvons pas dire à ce stade si la nouvelle réglementation belge conservera ou non la dénomination de “titres”.

    III. Domaine de l'article 114 CDIP
    A. Introduction - Interprétation limitative ou par défaut de la notion de “droits dérivés”

    17.Si l'on reprend les définitions qui précèdent, un premier élément est clair: l'article 114 du Code de droit international privé ne concerne que les émissions publiques de titres. Les émissions privées ne sont pas concernées, les offres publiques d'acquisition [25] ne sont pas non plus concernées.

    L'article 114 précise qu'il ne vise à régler les conflits de lois qu'en ce qui concerne les “droits qui dérivent d'une émission publique de titres” (c'est moi qui souligne). Ces termes trouvent leur origine dans l'article 156 de la loi fédérale suisse de droit international privé [26], dont notre législateur a repris la formule.

    “Dériver de” signifie, au sens commun de ces termes, “provenir de”, “avoir son origine dans” [27].

    18.Quels sont les droits qui dérivent d'une émission publique de titres? Ils pourraient être nombreux, mais peu d'entre eux seront en bonne logique régis par l'article 114 du code.

    Sous peine d'incohérence avec les solutions de conflits de loi qui existent par ailleurs, et que l'article 114 n'a aucune vocation à modifier, il faut à mon avis adopter une interprétation restrictive de ces termes.

    B. Exclusion des droits incorporés dans les titres émis

    19.Les règles de conflit de lois propres au droit des sociétés ne sont pas touchées par la règle de l'article 114.

    Les droits d'actionnaires, qui proviendraient de la souscription d'actions, seront régis par la lex societatis. Il serait inconcevable en effet de désigner un régime distinct selon que les actions ont été souscrites dans le cadre d'une émission publique ou acquises en dehors d'une émission publique (par exemple en bourse ou dans le cadre d'une émission privée).

    Outre la logique structurelle des règles de conflits de lois, les principes de droit matériel comme l'égalité entre les actionnaires appellent cette solution. Ce dernier principe empêche que, dans le cadre interne de la société et sauf exception, des actionnaires qui détiennent une même part du capital soient traités différemment, quel que soit le canal par lequel ils ont acquis leurs droits d'actionnaires [28]. Il serait inconcevable qu'une assemblée générale d'actionnaires se tienne selon des règles de procédure issues de droits différents, qui résulteraient du choix que ferait l'investisseur. Ajoutons que le jus fraternitatis ou l'affectio societatis qui caractérise les liens entre associés suppose que cette relation s'enracine dans un seul corps de règles qui régira les relations entre associés.

    De même, et pour des motifs similaires, la détermination du droit applicable aux obligations - qui représentent des droits dans un emprunt collectif - ne sera pas régie par l'article 114, mais par le droit désigné par les termes et conditions de l'emprunt obligataire [29].

    Par extension, il nous paraît que tout ce qui concerne stricto sensu les droits et obligations qui sont incorporés aux titres sera régi par le droit applicable aux titres selon la solution de conflit de loi résultant soit de la lex societatis, pour les titres régis par le droit des sociétés (actions, droits de souscription, parts bénéficiaires), soit du choix des parties, c'est-à-dire en fait du droit indiqué par l'émetteur dans les termes et conditions du titre émis (taux d'intérêt ou base de calcul du revenu, échéance, clauses de défaut, clauses de force majeure,...), dans toute la mesure où il n'est pas influencé par d'autres règles de conflit de lois [30].

    C. Exclusion des règles de droit financier public

    20.La réglementation de droit public administratif qui s'applique à l'émission publique de titres [31] en Belgique, vient se surimposer à cette solution de conflit de lois, qui résout uniquement des questions de droit privé. Cette réglementation doit être considérée comme une loi d'application immédiate. Elle s'impose dès qu'une émission est adressée au public en Belgique, sans égard aux règles de conflits de lois.

    21.Il en va de même, à mon avis, de l'article 88 du Code des sociétés qui s'impose aux sociétés étrangères qui souhaitent réaliser en Belgique une émission publique [32]. Si une telle société souhaite faire admettre ses titres à la cote en Belgique, elle devra également se conformer à l'article 107 [33]. Ces deux dispositions constituent comme un reste historique de l'obligation de prospectus [34] qui s'impose, depuis 1935, en cas d'appel public à l'épargne (voy. ci-dessus, n° 1 et notes 4 et 5).

    L'émission publique de titres est soumise en Belgique, en règle, à l'obligation de publication préalable d'un prospectus approuvé par la Commission bancaire, financière et des assurances, sauf si l'émission bénéficie de la reconnaissance mutuelle prévue par les directives européennes - à partir du 1er juillet 2005, cette procédure de reconnaissance mutuelle sera remplacée par un “passeport européen” [35].

    22.La loi du 22 avril 2003 relative aux offres publiques de titres contient, en plus du cadre administratif qu'elle impose, et outre la règle du monopole d'intermédiation prévue à l'article 12 de cette loi, un article 17 relatif à la responsabilité du fait du prospectus. Cette règle ne fait pas partie du droit financier public.

    Aux termes de cette disposition,

    “Le prospectus identifie les personnes responsables du contenu du prospectus.

    Les personnes mentionnées dans le prospectus conformément à l'alinéa 1er sont tenues solidairement envers les intéressés, nonobstant toute stipulation contraire, de la réparation du préjudice qui est une suite immédiate et directe de l'absence ou de la fausseté des énonciations, dans le prospectus, ses compléments ou mises à jour (...).

    L'offrant, l'émetteur ou les intermédiaires désignés par eux sont tenus solidairement envers les intéressés, nonobstant toute stipulation contraire, de la réparation du préjudice qui est une suite immédiate et directe de l'inexactitude ou de la fausseté des renseignements donnés dans les avis, la publicité ou d'autres documents qui se rapportent à l'opération et sont publiés à leur initiative, ou de la non-conformité de ces documents avec les dispositions des articles 15 et 16 ou prises en vertu desdits articles”.

    On peut s'interroger sur la caractérisation que le droit international privé pourra donner à cette disposition qui contient en résumé une triple règle: (i) le prospectus doit identifier un ou plusieurs responsables de son contenu, (ii) s'ils sont plusieurs, ils sont solidairement responsables des éventuelles omissions ou faussetés du prospectus et (iii) ils doivent réparer le préjudice qui est la suite immédiate et directe de cette faute. Une règle similaire vaut pour les avis et autres publicités qui sont diffusés dans le cadre de l'offre, par l'offrant ou ses mandataires [36].

    Cette disposition dicte pour le moins une règle impérative de droit belge. Elle a pour objet la protection des investisseurs, ce qui est également l'objet de l'article 114 du code. Il semble dès lors logique de considérer que ces deux dispositions pourront s'appliquer de concert au profit de l'investisseur, en sorte que ce dernier pourra, ainsi que nous le verrons ci-dessous, choisir entre le droit belge et le droit de l'émetteur pour résoudre la question de la responsabilité du fait du prospectus.

    La solution de l'article 114 du code déroge à la solution classique des lois de police en matière de responsabilité civile, en ce qu'au lieu de désigner la loi du lieu où les faits se sont produits, elle donne un choix à la victime entre deux lois, ainsi que nous le verrons ci-dessous dans la partie IV.

    D. Droits dérivés propres à l'émission

    23.Seront seuls régis par l'article 114 les droits subjectifs qui dérivent spécifiquement de l'acte d'émission.

    Le champ d'application ainsi limité concerne tous les droits et toutes les obligations qui peuvent naître des actes et faits juridiques qui entourent l'émission publique de titres, c'est-à-dire essentiellement la première phase de l'émission, l'offre publique ou, lorsqu'il s'agit d'une admission en bourse, l'admission proprement dite. Dans les deux cas (offre ou admission), des documents promotionnels auront été diffusés par la société ou les promoteurs de l'émission par voie de presse ou autrement. À titre principal, d'un point de vue juridique, un prospectus d'émission aura dû être diffusé, après avoir été approuvé par la Commission bancaire, financière et des assurances.

    Ce sont les droits et obligations qui peuvent naître dans cet instant précis de l'émission et qui concernent essentiellement l'information diffusée à cette occasion, qui seront régis, en droit international privé belge, par l'article 114 de notre code.

    24.En d'autres termes, l'article 114 du Code de droit international privé propose une solution au conflit de loi qui peut naître pour la détermination de la loi applicable en matière de vice de consentement et plus généralement de responsabilité du fait du prospectus ou des autres informations qui ont amené un investisseur à acquérir des titres [37].

    Cette matière est délicate et connaît une jurisprudence assez limitée en Belgique [38]. Cette limitation résulte du caractère somme toute souvent fort ténu du lien qui peut exister entre un prospectus d'émission le plus souvent fort complexe et une perte qu'un investisseur pourrait avoir réalisée du fait que le titre qu'il avait souscrit n'a pas connu les performances qu'il en espérait ou, pire, du fait qu'il a perdu tout ou partie de son épargne en raison des déboires de son investissement.

    Si le calcul du montant du dommage est assez aisé, la détermination de la faute et encore plus du lien de causalité est souvent extrêmement difficile.

    À propos du lien de causalité entre la faute et le dommage, il faut relever que les textes de droit belge n'offrent pas une situation de départ très favorable à l'investisseur et que, comme le relève un commentateur, les droits limitrophes, tels les droits néerlandais, allemands et anglais paraissent plus favorables, dans la mesure où ils instaurent une présomption de lien causal entre le dommage subi et le manquement en termes d'informations [39].

    25.Les droits dont il s'agit sont tant les droits à l'encontre de l'émetteur que ceux à l'encontre des autres intervenants dans l'émission, comme le banquier introducteur, s'il a commis une faute dont l'investisseur peut lui demander de rendre compte à son égard [40].

    IV. Application de l'article 114 CDIP

    26.L'article 114 permet au porteur de titres de se prévaloir, à son choix, soit du droit “applicable à la personne morale”, c'est-à-dire essentiellement à l'émetteur, soit du droit de l'Etat sur le territoire duquel l'émission publique a eu lieu.

    Ce choix permet à l'investisseur de se prévaloir d'un droit qu'il jugerait plus favorable que le droit belge en matière de responsabilité dans le cadre d'une émission publique. Ainsi, si le système de l'article 17 de la loi du 22 avril 2003 et de l'article 1382 du Code civil se révèlent moins favorables que le système du droit applicable à l'émetteur, il pourra préférer ce dernier droit au droit belge, qui aurait eu vocation, à défaut de cette nouvelle règle, à régir la situation.

    Le droit applicable à l'émetteur est celui désigné par sa lex societatis. L'identification de l'Etat sur le territoire duquel une émission publique a eu lieu ne sera généralement pas difficile à déterminer, puisque dans toute la Communauté européenne en tout cas, l'émission publique est soumise au régime de la directive 2001/34 [41], bientôt remplacée sur ce point par la directive 2003/71 [42]. Il y aura en principe eu, sur ce territoire, publication d'un prospectus et possibilité pour le public d'y souscrire. Ce dernier droit ne sera pas nécessairement le droit belge. Si un particulier souscrit à une émission publique aux Pays-Bas, émission qui n'est pas faite au public en Belgique, ce ne sera en tout cas pas le droit belge qui s'appliquera.

    27.La solution imposée par l'article 114 est impérative, puisqu'elle a pour objet d'apporter une protection légale à une partie [43]. Il ne pourra pas y être dérogé dans le prospectus d'émission.

    Cette disposition offrant un choix, le bénéficiaire de ce choix pourrait par contre y renoncer après la naissance du litige, par exemple dans le cadre d'une transaction qui serait conclue avec l'émetteur.

    28.Il est de plus en plus fréquent qu'une émission publique se réalise simultanément sur le territoire de plusieurs Etats membres de la Communauté européenne. L'entrée en vigueur de la directive 2003/71 va certainement augmenter significativement ce genre d'opérations internationales, principalement du fait que la directive centralise l'essentiel des compétences de contrôle, au niveau communautaire, auprès d'une seule autorité administrative. Les autorités des autres Etats membres concernés ne conserveront plus qu'une compétence résiduaire.

    Or, la directive 2003/71 n'a pas harmonisé la question de la responsabilité du fait du prospectus. Elle impose seulement aux Etats membres de veiller, en substance, à ce que “leurs dispositions législatives, réglementaires et administratives en matière de responsabilité civile s'appliquent aux personnes responsables des informations fournies dans le prospectus” [44].

    Il restera donc important de savoir quelle solution les différents droits offrent en cas de manquement dans un prospectus ou de faute dans le cadre de la promotion d'une émission.

    Un émetteur pourrait ainsi se trouver confronté à une responsabilité qui serait déclinée de plusieurs façons différentes, si d'autres Etats membres ont une solution du conflit de loi comparable à celle de la loi belge.

    V. Conclusions

    29.L'article 114 du Code de droit international privé offre une solution originale, qui est dans la droite ligne de ce qu'on qualifie habituellement le consumérisme.

    Le consumérisme, c'est le souci porté à la protection de la partie la plus faible. Les règles de droit qui résultent d'une pensée consumériste affaiblissent inévitablement la rigueur logique du système juridique dans lequel elles s'inscrivent [45].

    En donnant à l'investisseur le choix entre le droit du lieu de l'émission et le droit de l'émetteur, le législateur belge ajoute une flèche dans le carquois de l'investisseur et empêche l'émetteur et les autres intervenants dans le cadre d'une émission publique de maîtriser complètement la question du droit applicable à sa responsabilité du fait principalement du prospectus.

    Dans une matière qui est de plus en plus gouvernée par des règles qui tirent leur origine d'initiatives d'institutions internationales, l'initiative belge s'inscrit favorablement. Curieusement, toutes ces initiatives internationales sont restées étrangères à la question somme toute délicate du régime de responsabilité des émetteurs qui font appel à l'épargne publique. Cette matière reste jusqu'à nouvel ordre déterminée par chaque droit national.

    [1] Les opinions exprimées dans ce texte n'engagent que leur auteur, à titre scientifique, et n'engagent pas l'institution qui l'emploie.
    [2] Avocat honoraire. Juriste.
    [3] Titre II de l'arrêté royal n° 185 du 9 juillet 1935 sur le contrôle des banques et le régime des émissions de titres et valeurs, abrogé et remplacé par la loi du 22 avril 2003 relative aux offres publiques de titres. Cette dernière loi devrait elle-même prochainement être abrogée ou revue de fond en comble pour adapter le droit belge au nouveau cadre européen prévu par la directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation, et modifiant la directive 2001/34/CE (J.O. L 345/64 du 31 décembre 2003) qui devrait avoir été transposée dans le droit national pour le 1er juillet 2005 (art. 29 de la directive); cette directive est accompagnée par un important règlement (règlement (CE) n° 809/2004 de la Commission mettant en oeuvre la directive 2003/71 en ce qui concerne les informations contenues dans le prospectus, l'inclusion d'informations par référence, la publication des prospectus et la diffusion des communications à caractère promotionnel, J.O. L 149/1 du 30 avril 2004). Cette directive et ce règlement ont été adoptés dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler la “procédure Lamfalussy” (cf. ci-dessous, n° 5 et note 9).
    [4] Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 9 mars 1989 qui a modifié l'arrêté royal n° 185 sur ce point, on parlait du “nihil obstat” de la Commission, qui ne pouvait être refusé pendant une période supérieure à trois mois (voy. notamment J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial belge, III, 1981, n° 173). Depuis lors, on parle d'approbation du prospectus. Le refus d'approbation est par principe définitif et non plus temporaire. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, la cour d'appel de Bruxelles peut entendre des recours contre les décisions de refus d'approbation d'un prospectus. Une première décision a été prononcée à ce propos le 25 février 2005 (9è ch. bis, n° 2004/SF/1 et 2004/SF/2).
    [5] Artt. 36 (offre) et 40 (cotation) anciens des lois coordonnées sur les sociétés commerciales. Ces dispositions ont été abrogées par la loi du 9 mars 1989 qui a renforcé les pouvoirs de la Commission bancaire en ce qui concerne le contrôle du prospectus (voy. note précédente).
    [6] Art. 199 ancien des lois coordonnées sur les sociétés commerciales. La substance de cette disposition se retrouve dans les artt. 88 et 107 du Code des sociétés (voy. ci-dessous, notes 32 à 34).
    [7] Voy. notamment J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial belge, III, 1981, n° 170. Cette législation s'est inspirée notamment de l'exemple suisse, déjà (J. Le Brun, “Les autorités administratives indépendantes: le cas de la Commission bancaire et financière”, R.I.D.C. 1997, p. 186).
    [8] Lire notamment P.-A. Delhommais, “La décote obtenue par l'Argentine sur sa dette pourrait inspirer d'autres pays en développement“, Le Monde 12 mars 2005.
    [9] Voy. P. Delsaux, “L'indispensable régulation des marchés financiers”, in Reflets et perspectives de la vie économique, XVII, 2004/2, pp. 43-53.
    [10] Parmi l'abondante doctrine à ce propos, voy. dernièrement Bl. Sousi, “La procédure Lamfalussy à l'épreuve de la directive concernant les marchés d'instruments financiers”, Euredia 2004/2, pp. 209-221.
    [11] Voy. les nombreux “statements”, “recommendations” et “consultation papers” publiés sur son site internet http://www.iosco.org , library > public documents.
    [12] À propos de la question de la hiérarchie des normes de DIP, voy. l'art. 2 du code.
    [13] Sur ces directives d'interprétation, voy. notamment la mercuriale du P.G. Fr. Dumont, “La mission des cours et tribunaux, quelques réflexions”, J.T. 1975, p. 546 et réf. cit. en note 79; H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, I, 1962, n° 214 B; Fr. Ost et M. van Kerchove, Entre la lettre et l'esprit. Les directives d'interprétation en droit, Bruylant, 1980, p. 52 et note 158; X. Dijon, Méthodologie juridique 1993, n°s 88 et s.
    [14] Comp. J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, III, 1981, n° 178.
    [15] Voy. notamment la loi du 22 avril 2003 relative aux offres publiques de titres et l'art. 438 du Code des sociétés.
    [16] Arrêté royal n° 185 du 9 juillet 1935 sur le contrôle des banques et le régime des émissions de titres et valeurs.
    [17] Loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers.
    [18] Loi du 22 avril 2003 relative aux offres publiques de titres.
    [19] Loi du 10 juin 1964 sur les appels publics à l'épargne.
    [20] Voy. J. Van Ryn et J. Heenen, l.c. et P. Wauwermans, o.c., n° 184, qui considèrent que l'inscription à la cote d'une bourse entraîne “un appel permanent” à l'épargne publique, puisque celui qui a souscrit des titres a une certaine assurance, grâce à la bourse, de pouvoir revendre ces titres, tandis que la société émettrice, qui a demandé la cotation, a procuré à l'investisseur ce moyen de liquider son investissement, sans que cela oblige la société à réduire les fonds propres qu'elle a récoltés lors du placement initial (adde sur ce raisonnement J. Van Ryn et J. Heenen, o.c., n° 97; adde J.-M. Gollier, “La notion de bourse, de marché secondaire et de marché réglementé”, in La réforme des marchés et des intermédiaires financiers, cahiers AEDBF 5, 1997, n° 2).
    [21] J. Le Brun et Cl. Lempereur,Epargne publique, R.P.D.B., compl. IV, n°s 621 et s.
    [22] Directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation, et modifiant la directive 2001/34/CE, J.O.C.E. 31 décembre 2003, n° L 345/64.
    [23] Le Petit Robert 1997; Le Trésor de la langue française 2004 (accessible sur internet à l'adresse http://atilf.atilf.fr/ , consulté la dernière fois le 15 avril 2005).
    [24] Voy. le rapport au Roi précédant cette loi, p. 9, qui explique le choix de ce terme (Doc. parl. Ch. sess. 50 (2002), n° 2148/1). Adde G. Horsmans et J.-Fr. Tossens, “Réflexions sur la nature et le régime juridiques des valeurs mobilières et des autres instruments financiers”, in Le nouveau droit des marchés financiers, Centre Jean Renauld, 1992.
    [25] Cette exclusion est bienvenue, puisque la directive 2004/25/CE concernant les offres publiques d'acquisition (J.O. n° L 142/12 du 30 avril 2004,) règle, dans une certaine mesure, en son article 4, la question du droit applicable aux offres publiques d'acquisition. Elle devra avoir été transposée en droit national le 20 mai 2006 au plus tard (art. 21).
    [26] Ce texte énonce que “Les prétentions qui dérivent de l'émission de titres de participation et d'emprunts au moyen de prospectus, circulaires ou autres publications analogues, sont régies soit par le droit applicable à la société, soit par le droit de l'Etat d'émission.” (loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987). Voy. e.a. B. Dutoit, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987 2001, commentaire de l'art. 156; Fl. Guillaume, Lex Societatis. Principes de rattachement des sociétés et correctifs au bénéfice des tiers en droit international privé suisse, Études suisses de droit international, vol. 116, Zurich, Schulthess, 2001, p. 195, qui indique que le système légal, qui prévoit un choix au profit de l'investisseur, a été adopté, “en vue de garantir les objectifs socio-politiques impératifs de la Suisse”.
    [27] Le Petit Robert 1997; Le Trésor de la langue française 2004, accessible sur internet à l'adresse http://atilf.atilf.fr/ (consulté en dernier lieu le 15 avril 2005).
    [28] Voy. notamment L. Simont, “L'égalité entre les actionnaires de la société anonyme”, R.P.S. 1997, pp. 235-253; H. Laga, “Het gelijkheidsbeginsel in het vennootschaps- en effectenrecht”, R.W. 1991-92, pp. 1162-1180.
    [29] Pour rappel, l'obligation sera normalement régie par la lex societatis, tant pour ce qui concerne les droits patrimoniaux qui s'attachent aux obligations (paiement de l'intérêt et remboursement du capital), que pour les droits sociaux qui y sont ajoutés, essentiellement le droit d'assister aux assemblées générales d'obligataires. Cependant, si l'émission revêt un caractère international, il a été admis qu'il peut être convenu que les obligations seront régies par le droit d'un Etat autre que celui désigné par la lex societatis, bien que la question soit délicate en ce qui concerne les droits sociaux attachés aux obligations (qu'en est-il par exemple du droit qu'a l'obligataire d'assister aux assemblées d'associés - art. 537 C.soc.). Voy. notamment P. Wauwermans, Manuel pratique des sociétés anonymes, 1924, n° 770bis, cité par Ph. Lambrecht et J.-P. Deguée, “L'emprunt obligataire”, in Guide juridique de l'entreprise, sous la dir. de M. Coipel, 2002, p. 878, n° 180.
    [30] Ainsi par exemple, on peut se demander si les règles en matière de clauses abusives et celles désignant les juridictions compétentes sont au libre choix des parties ou si elles sont, dans la mesure où l'émission est adressée à des consommateurs, régies par les solutions spécifiquement prévues en vue de la protection des consommateurs (voy. notamment L. Bernardeau, “Droit international privé et services financiers de détail - 1ère partie: les conflits de juridictions”, Euredia 2001-02/2, 330 à 334; P. Van Ommeslaghe et J.-M. Gollier, “Le contrôle prudentiel et le consumérisme en droit financier”, in Financiële regulering: op zoek naar nieuwe evenwichten, M. Tison, C. Van Acker et J. Cerfontaine (ed.) I.F.R., Gand, 2003; adde B. François, “vers une nouvelle définition de l'appel public à l'épargne”, Dalloz, 2004, n° 23, Chron., p. 1652 s. spéc. 1660, où l'auteur écrit à propos de l'appel public à l'épargne que “l'investisseur sollicité apparaît comme un consommateur à protéger”.).
    [31] Principalement la loi du 22 avril 2003 relative aux offres publiques de titres et la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, en particulier, pour cette dernière loi, les arrêtés royaux qui seront pris en exécution de son art. 29.
    [32] Pour un commentaire de cette disposition, voy. notamment le commentaire de Fr. Mourlon-Bernaert et J.-Ph. Smeets dans le Commentaire systématique du droit des sociétés, Kluwer, 2002; adde réf. citées en note 30.
    [33] Comp. les propos repris dans le rapport au Sénat et attribués au professeur M. Fallon, aux termes desquels “L'article 114... contient une règle de protection de l'investisseur en rendant les articles 88 et 107 du Code des sociétés éventuellement applicables aux litiges qui dérivent de l'émission publique de titres.” (rapport fait au nom de la Commission de la Justice par Mme Nyssens et M. Willems, Sénat, sess. 2003-04, 3-27/7, p. 207). À mon avis, ces dispositions s'appliquent dès que les conditions de leur texte sont rencontrées, et quelle que soit la convention des parties ou le choix de l'investisseur. Ces dispositions sont évidemment protectrices des investisseurs, dans la mesure où elles ont pour but de contraindre les émetteurs qui s'adressent au marché belge de se faire enregistrer en Belgique et, en cas de cotation, de déposer régulièrement ses comptes. Comp. ibid., “L'article 114 donne une application particulière de la notion de loi de police visée à l'article 20 de la proposition de code. Il précise les conditions d'applicabilité des dispositions du Code des sociétés relatives à l'émission d'actions en bourse et dont le but est de protéger les épargnants”. Cette analyse ne peut à mon avis pas être suivie. Adde le commentaire de la proposition initiale, qui contient la même idée (Proposition Leduc, Sénat, sess. extraordinaire, 2003, 3-27/1, p. 132).
    [34] G. Rosselle et O. Van Outryve, “Commentaar bij art. 88-89 W. Venn.”, in Vennootschappen en verenigingen. Artikelsgewijze met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, 2004, n°s 7 à 11.
    [35] La principale différence entre la procédure de reconnaissance mutuelle et le “passeport européen”, c'est que dans le premier cas, une décision de la CBFA est encore nécessaire, tandis qu'à l'avenir, une seule autorité de contrôle interviendra pour l'approbation du prospectus au niveau européen.
    [36] Pour une interprétation de cette disposition, qui reproduit et prolonge l'ancien art. 32 de l'arrêté royal n° 185 du 9 juillet 1935 sur le contrôle des banques et le régime des émissions de titres et valeurs, voy. notamment V. De Schryver, “Prospectusaansprakelijkheid”, in Financieel recht tussen oud en nieuw, E. Wymeersch (éd.), Maklu, 1996, pp. 354-357; St. Delaey, “Barrack Mines: Prospectusaansprakelijkheid van de kredietinstelling”, note sous Comm. Bruxelles 17 octobre 2003, DAOR 09-2004, p. 91.
    [37] La jurisprudence fédérale suisse paraît aller dans le même sens: arrêt de la 1ère cour civile dans la cause A. SA/B. SA, 4C.171/2002 du 25 septembre 2002, ATF 129.III.71.
    [38] Voy. dernièrement Comm. Bruxelles 17 octobre 2003, cité à la note 36, DAOR 09-2004, p. 83; Comm. Bruxelles 30 octobre 1995 et 16 avril 1996, R.P.S. 1996, p. 425 et observations de B. Feron “Responsabilité de l'offrant en tant qu'auteur du prospectus d'O.P.A. et apparence de contrôle conjoint”. La responsabilité en matière de produits financiers se rencontre plus fréquemment (i) au niveau du devoir du conseil de l'intermédiaire et (ii) au niveau de l'information occasionnelle et périodique des sociétés cotées, pour lesquelles l'émission d'un prospectus de cotation n'est qu'un point de départ d'une longue vie au cours de laquelle elle devra de façon permanente communiquer de l'information au marché.
    [39] St. Delaey, note citée en note 36, p. 96.
    [40] C'est le cas visé par la décision du tribunal de commerce de Bruxelles du 17 octobre 2003; voy. ég. dans l'affaire Confederetion Life, Comm. Bruxelles 10 février 2000, T.R.V. 2000 et note J. Tyteca; adde à propos du rôle des membres du syndicat bancaire, e.a. G. Harles et Ph. Dupont, “Les syndicats d'euro-crédits”, J.T. 1986, p. 537.
    [41] Directive 2001/34/CE du 28 mai 2001 concernant l'admission de valeurs mobilières à la cote officielle et l'information à publier sur ces valeurs, J.O.C.E. 6 juillet 2001, L 184/1.
    [42] Directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation, et modifiant la directive 2001/34/CE, J.O.C.E. 31 décembre 2003, L 345/64.
    [43] Voy. à cet égard les travaux préparatoires de la loi (cités ci-dessus, note 29), qui sont très clairs à ce sujet.
    [44] Art. 6.2 de la directive 2003/71/CE.
    [45] Voy. notamment Th. Bourgoignie, Éléments pour une théorie du droit de la consommation, 1988; J. Calais-Auloy et Frank Steinmetz, Droit de la consommation 2000; adde P. Van Ommeslaghe et J.-M. Gollier, “Le contrôle prudentiel et le consumérisme en droit financier”, in Financiële regulering: op zoek naar nieuwe evenwichten 2003, p. 5.