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DROIT DE LA CONCURRENCE, R.D.C.-T.B.H., 2005/5, p. 567-574

DROIT DE LA CONCURRENCE

Actualités
(du 1 janvier au 28 février 2005)

TABLE DES MATIERES

Belgique - Service et Conseil de la concurrence

Conseil de la concurrence , décision n° 2005 - V/M - 05 du 15 février 2005, NV Cine-Invest Brugge/NV Kinepolis Group - Irrecevabilité de la demande d'adoption de mesures provisoires

Belgique - Cours et tribunaux

Cour de cassation 18 février 2005, ONSS Champagne Holding e.a. - Remise de la dette ONSS dans le cadre d'un concordat judiciaire: pas d'aide d'État

Belgique - Autre

Rapport annuel 2003 du Conseil de la concurrence (publié sur http://www.mineco.fgov.be)

CE - Commission européenne

Akzo Nobel/Atofina/Hoechst - Ententes illicites

Deutsche Bundesliga - Engagements

CE - Jurisprudence

Tribunal de première instance 18 janvier 2005, Confédération nationale du Crédit mutuel/Commission, T-93/02 - Aide d'État

Tribunal de première instance 26 janvier 2005, L. Piau/Commission CE, T-193/02 - Article 81 CE

Cour de justice 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C-12/03 P - Recours rejeté

Cour de justice 17 février 2005, Mauri/Ministero della Giustizia, C-250/03 - Articles 81 et 82 CE

Cour de justice 22 février 2005, Commission/T-Mobile Austria (antérieurement: max.mobil Telekommunikation Service GmbH), C-141/02 P - Pouvoir d'enquête de la Commission CE

L'objectif de cette contribution bimestrielle est d'offrir un aperçu des développements les plus importants en droit de la concurrence, avec une attention particulière aux développements dans la jurisprudence belge et la pratique du Conseil de la concurrence. Le contenu des arrêts et des décisions est à chaque fois sommairement décrit [1].

Belgique - Service et Conseil de la concurrence
Conseil de la concurrence , décision n° 2005 - V/M - 05 du 15 février 2005, NV Cine-Invest Brugge/NV Kinepolis Group - Irrecevabilité de la demande d'adoption de mesures provisoires

La SA Cine-Invest Brugge a déposé en décembre 2003 une plainte auprès du Conseil de la concurrence dans laquelle elle prétend que la SA Kinepolis n'a pas correctement respecté les conditions de la décision du Conseil de la concurrence du 17 novembre 1997. Dans cette décision, le conseil avait approuvé la concentration entre le groupe Bert et le groupe Claeys (sous la dénomination Kinepolis), moyennant le respect d'un certain nombre de conditions. Dans sa plainte au fond, Cine-Invest invoque que ces conditions n'ont pas été respectées.

Le 7 juin 2004, Cine-Invest a déposé une demande d'adoption de mesures provisoires sur base de l'article 35 LPCE, ayant pour objectif d'interdire à Kinepolis de faire des déclarations négatives concernant les chances de succès de l'érection, par Cine-Invest, d'un nouveau complexe cinématographique à Bruges. Étant donné que la plainte au fond (le prétendu non-respect des conditions) est complètement indépendante de la demande d'adoption de mesures provisoires, basée sur l'article 3 LPCE (le prétendu abus de position dominante), le Conseil décide qu'il n'existe pas de plainte au fond y liée et que la demande ne s'inscrit pas dans le cadre de l'article 35 LPCE.

En outre, selon le Conseil, Cine-Invest n'a pas démontré l'intérêt né et actuel requis, vu qu'elle ne dispose pas d'un permis de bâtir pour le projet concerné. La demande est donc déclarée non recevable sur ces deux points.

Belgique - Cours et tribunaux
Cour de cassation 18 février 2005, ONSS Champagne Holding e.a. - Remise de la dette ONSS dans le cadre d'un concordat judiciaire: pas d'aide d'État

Dans cette affaire, l'ONSS avait fait tierce opposition contre un jugement du tribunal de commerce de Hasselt par lequel le plan de redressement de la partie défenderesse avait été approuvé et le sursis définitif accordé sur base de l'article 34 de la loi sur le concordat judiciaire. Le plan de redressement prévoyait entre autres une réduction de la dette de cotisations de sécurité sociale à concurrence de 40%. L'ONSS n'était toutefois pas d'accord et arguait que la remise partielle d'une dette de sécurité sociale constitue une mesure d'aide déguisée au sens de l'article 87, premier alinéa, du traite CE, vu qu'ainsi un avantage est accordé au moyen de fonds étatiques.

La Cour de cassation confirme, conformément à l'arrêt Ecotrade de la Cour de justice [2], qu'une telle perte de cotisations de sécurité sociale pour l'État est inhérente à tout régime légal qui détermine le cadre dans lequel sont réglées les relations entre une entreprise insolvable et tous ses créanciers, sans que l'on puisse en déduire l'existence d'une charge qui est supportée directement ou indirectement par les autorités et qui est destinée à attribuer un certain avantage aux entreprises concernées.

La Cour de cassation estime que la remise dans le cadre de la loi sur le concordat judiciaire n'est pas une mesure d'aide si, comme en l'espèce, la remise des cotisations de sécurité sociale n'est pas d'une autre nature que la remise des dettes que le débiteur a vis-à-vis de créanciers privés qui se trouvent à l'égard du débiteur dans la même situation que l'ONSS, et qui essayent de recouvrer les montants qui leur sont dus.

Belgique - Autre
Rapport annuel 2003 du Conseil de la concurrence (publié sur http://www.mineco.fgov.be)

Le rapport annuel du Conseil de la concurrence indique qu'en 2003, le cap des cent décisions a été dépassé pour la première fois. Les statistiques montrent qu'en 2003, moins d'affaires ont été introduites auprès du Conseil, mais bien plus de décisions ont été prises qu'en 2002. Cette progression se rapporte principalement aux décisions en matière de concentrations.

Dans son avant propos, le president du Conseil fait référence à la décision Banksys et espère que l'approche économique qui a été utilisée dans cette décision sera plus souvent utilisée à l'avenir.

CE - Commission européenne
Akzo Nobel/Atofina/Hoechst - Ententes illicites

Le 19 janvier 2005, la Commission a pris une décision par laquelle elle inflige des amendes élevées à Akzo Nobel, à Atofina et à Hoechst en raison d'ententes illicites sur les prix et les clients et échange d'information à propos des prix sur le marché de l'acide monochloracétique. La Commission a démarré son enquête après avoir reçu des informations d'un des participants au cartel, à savoir Clariant. Aucune amende n'a été infligée à cette dernière entreprise conformément à la communication concernant l'immunité d'amendes du 19 février 2002.

Deutsche Bundesliga - Engagements

Le 19 janvier 2005, la Commission européenne a accepté et rendu contraignants, au moyen d'une décision formelle, les engagements qui ont été pris par la fédération allemande de football en matière de système de vente centralisée des droits télévisuels. Il s'agit de la première décision avec engagements en vertu du règlement 1/2003. Les engagements doivent mener à une libéralisation de la vente des droits d'émission pour la ligue allemande de football.

CE - Jurisprudence
Tribunal de première instance 18 janvier 2005, Confédération nationale du Crédit mutuel/Commission, T-93/02 - Aide d'État

Le tribunal de première instance a annulé la décision de la Commission européenne par laquelle la France avait été condamnée à récupérer auprès du Crédit mutuel l'aide d'État qu'elle avait accordée. L'affaire porte sur ce que l'on appelle le “Livret bleu”, un produit d'épargne réglementé pour lequel le Crédit mutuel avait reçu un droit de distribution exclusif. Les fonds placés sur le “Livret bleu” étaient centralisés auprès de la CDC (Caisse des dépôts et consignations), qui utilisait notamment les fonds pour le financement de logements sociaux et qui payait à titre de compensation au Crédit mutuel une rémunération à distribuer aux épargnants, ainsi qu'une commission d'intermédiation à concurrence de 1,3% du montant des encours. La Commission avait estimé que cette commission d'intermédiation constituait une mesure d'aide.

Selon le tribunal toutefois, il existe des incertitudes au sujet de la qualification d'autres mesures qui ont été prises dans le cadre du “Livret bleu” et que la Commission a examinées. Par conséquent, l'aide d'État n'est pas désignée dans la décision litigieuse de manière à permettre aux intéressés et au tribunal de pouvoir prendre connaissance des mesures qui sont considérées comme des aides. L'analyse des conditions auxquelles il faut satisfaire pour qualifier une mesure d'aide ne permet pas non plus de déterminer quelles mesures sont considérées comme constituant une aide au Crédit mutuel. Le tribunal estime par conséquent que l'obligation de motivation a été violée.

Tribunal de première instance 26 janvier 2005, L. Piau/Commission CE, T-193/02 - Article 81 CE

Dans cette affaire, le tribunal se prononce au sujet du rejet par la Commission européenne d'une plainte déposée par un joueur de football contre un règlement de la FIFA, la fédération internationale de football. Le joueur en question mettait surtout en cause l'obligation de disposer d'une licence pour exercer la profession d'agent (courtier) de joueurs.

Le tribunal confirme que, étant donné que les membres de la FIFA, à savoir les associations nationales de clubs de football, sont des associations d'entreprises, la FIFA elle-même est une association d'entreprises et est donc soumise au droit de la concurrence. Le tribunal estime toutefois que la Commission, en rejetant la plainte, n'a pas méconnu les obligations qui s'imposaient à elle dans le traitement de celle-ci. Le tribunal indique un certain nombre de circonstances qui justifient l'activité réglementaire de la FIFA, entre autres le besoin de professionnalisation et de moralisation de l'activité d'agent de joueurs afin de protéger ces derniers dont la carrière est brève, ainsi que le fait que la concurrence n'est pas éliminée par le système de la licence.

Cour de justice 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C-12/03 P - Recours rejeté

Dans cette affaire, la Cour de justice se prononce à propos d'un recours intenté par la Commission CE contre un arrêt du tribunal de première instance par lequel le tribunal a jugé que c'est à tort que la Commission a déclaré la concentration entre Tetra Laval et Sidel incompatible avec le marché commun.

La Commission invoque entre autres le fait que le tribunal a imposé une charge de la preuve trop élevée à la Commission. La cour suit toutefois le tribunal et affirme que l'analyse d'une concentration de type “conglomérat” exige un examen particulièrement attentif des circonstances qui se révèlent pertinentes aux fins d'apprécier les effets de celle-ci sur le jeu de la concurrence sur le marché.

La cour remarque toutefois que c'est à tort que le tribunal a rejeté la décision de la Commission suivant laquelle la concentration entraînerait une entrave à la concurrence. Pour la cour, cela ne suffit pourtant pas pour décider que le tribunal a annulé à tort la décision vu que l'annulation était basée sur le fait que la Commission n'a pas tenu compte des engagements proposés par Tetra Laval.

Cour de justice 17 février 2005, Mauri/Ministero della Giustizia, C-250/03 - Articles 81 et 82 CE

La Cour de justice considère dans cette affaire que les règles relatives à la composition d'un jury pour l'accès au barreau en Italie ne violent pas les droits de la concurrence ni la liberté d'établissement. Deux des cinq membres de ce jury sont désignés par le Conseil national de l'ordre des avocats. Il n'apparaît pas que l'État ait retiré à sa propre réglementation relative à l'accès à la profession d'avocat son caractère étatique en déléguant à des avocats la responsabilité de prendre des décisions en matière d'accès à leur profession et il n'y a pas de violation des articles 81 et 82 du traite CE.

Cour de justice 22 février 2005, Commission/T-Mobile Austria (antérieurement: max.mobil Telekommunikation Service GmbH), C-141/02 P - Pouvoir d'enquête de la Commission CE

Dans un recours contre un arrêt du tribunal, la cour a décidé que c'est à tort que le tribunal a déclaré recevable une demande en annulation d'une décision de la Commission.

Dans la décision concernée, la Commission avait déclaré qu'elle n'interviendrait pas contre l'Autriche sur base de l'article 86, alinéa 3, du traite CE, qui permet à la Commission d'adresser des directives et des dispositions aux États membres en ce qui concerne l'application des règles de concurrence aux entreprises chargées de l'administration des services d'intérêt économique général.

La cour juge qu'une entreprise (en l'espèce max.mobil) peut avoir un intérêt à un recours en annulation d'une décision dans laquelle la Commission informe cette entreprise qu'elle n'agira pas sur base d'une plainte déposée par elle, mais que ceci ne suffit toutefois pas à permettre à cette entreprise d'attaquer la décision devant le tribunal. La cour remarque qu'aucun principe général de droit communautaire n'accorde un droit semblable.

Koen Baekelandt

Avocat à Bruxelles

[1] Les décisions et arrêts auxquels il est renvoyé dans cette contribution peuvent être consultés sur le site web (http://www.mineco.fgov.be ) du Conseil de la concurrence ,

de la commission CE (http://europa.eu.int/comm/competition ), des juridictions nationales (http://www.cass.be )

et des juridictions européennes (http://curia.eu.int ).
[2] Arrêt du 1er décembre 1998, C-200/97, Ecotrade/AFS, Rec. 1998, p. I-7907.