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Cour d'appel Mons, 22/03/2004, R.D.C.-T.B.H., 2005/3, p. 274-275

Cour d'appel de Mons 22 mars 2004

FAILLITE
Homologation d'une transaction par le tribunal - Article 58 L.faill. - Citation du cocontractant pas obligatoire
Lorsqu'une transaction conclue par le curateur doit être homologuée par le tribunal, le curateur ne doit pas assigner le cocontractant qui n'a pas besoin de protection particulière et qui est obligé du seul fait de la conclusion du contrat de transaction.
FAILLISSEMENT
Homologatie van een overeenkomst tot minnelijke regeling door de rechtbank - Artikel 58 Faill.W. - Dagvaarding van de medecontractant niet verplicht
Wanneer een minnelijke regeling afgesloten door de curator door de rechtbank moet gehomologeerd worden, dient de curator de medecontractant, die geen bijzondere bescherming dient te genieten en die verbonden is door het louter afsluiten van de overeenkomst tot minnelijke regeling, niet te dagvaarden.

Me P. Samain q.q. SA Sogeci / Mes E. Kempeners et P. Jandrain q.q. SA Sogeci

Siég.: C. Lefebve (président)
Pl.: Mes Flament loco S. Delmotte

La cour, après en avoir délibéré, prononce l'arrêt suivant:

Vu, régulièrement produites, les pièces de la procédure et notamment la copie certifiée conforme des jugements entrepris prononcés contradictoirement les 5 mai 2002 et 6 octobre 2003 par la première chambre du tribunal de commerce de Charleroi, décisions non signifiées;

Vu la requête d'appel déposée au greffe de la cour de céans le 23 octobre 2003 ainsi que les conclusions et le dossier de Maître Pierre Samain;

Attendu que l'appel est recevable;

Attendu qu'il ressort des explications du curateur et d'une lettre du 11 mai 1989 émanant de la Ville de Thuin à Maître Eddy Stein, alors conseil de la curatelle, qu'une transaction est intervenue entre la curatelle à la faillite de la SA Sogeci et la Ville de Thuin par laquelle il a été accepté que la Ville règle à la curatelle, en indemnisation du dommage subi par la société faillie à la suite de l'absence d'exécution d'un marché de travaux publics dont elle avait été déclarée adjudicataire en date du 10 novembre 1980, une somme de 3.500.000 FB à titre transactionnel;

Attendu que selon une autre lettre de la Ville du 2 mai 2001, cette somme a été réglée par la Ville à Maître Stein en date du 1er octobre 1999;

Attendu que le juge-commissaire à la faillite de la SA Sogeci Philippe Lardinois a, le 19 février 2003, émis un avis favorable à l'homologation de cette transaction au motif que “la procédure engagée antérieurement à la faillite a entraîné uni procédure d'expertise judiciaire comptable qui s'enlisait au fil des années sans espoir sérieux d'obtenir un résultat plus favorable à la proposition transactionnelle formulée”;

Attendu que la société faillie a été appelée à la cause conformément au prescrit de l'article 58 de la loi sur les faillites; que ses liquidateurs ne s'opposent pas à la transaction;

Attendu toutefois que le premier juge a refusé d'homologuer la transaction au motif que l'appelant n'avait pas cité à comparaître sa cocontractante, la Ville de Thuin, en se fondant à cet égard sur l'enseignement de A. Cloquet selon lequel “lorsque la transaction doit être homologuée le curateur assignera le cocontractant et le failli devant la juridiction compétente” (Novelles commerciales, t. IV, éd. 1985, n° 2282) et celui d'I. Verougstraete qui écrit “Pour homologuer une transaction, le curateur doit assigner la partie adverse devant le tribunal compétent pour entendre dire pour droit que la transaction intervenue entre eux est homologuée” (Manuel de la faillite et du concordat, Kluwer Éd., 1998, n° 926);

Attendu que l'appelant critique ces auteurs en faisant valoir que ceux-ci ne justifient pas leur position et que l'article 58 de la loi sur les faillites (ancien art. 492) n'exige pas que la partie adverse soit citée;

Attendu que le premier juge motive sa position par la considération que “le tribunal doit disposer d'une information complète sur les tenants et aboutissants de la convention de transaction et que l'on ne discerne pas comment le jugement qui statue sur l'homologation pourrait valablement conférer le caractère obligatoire à la transaction en l'absence d'une des parties”.

Attendu que d'autres procédures prévoyant des autorisations ou des homologations, comme en matière de vente de gré à gré d'immeubles faisant partie d'actifs de faillites (art. 1193ter du Code judiciaire) ou appartenant à des mineurs (art. 1193bis ancien du Code judiciaire) ne prévoient pas la présence obligatoire des cocontractants;

Que l'autorisation est préalable à l'acte tandis que l'homologation est postérieure; que dans les deux cas, l'intervention du juge est requis pour protéger l'une des parties, le failli ou le mineur;

Attendu que le but de la loi sur les faillites, en exigeant l'homologation par le tribunal des transactions portant sur des droits immobiliers ou dont l'objet a une valeur indéterminée ou excède 12.500 euros est de vérifier que la transaction rencontre les intérêts du failli et de ses créanciers;

Que le cocontractant, qui n'a pas besoin de protection particulière, est obligé du seul fait de la conclusion du contrat de transaction alors que seule l'homologation rend la transaction obligatoire à l'égard du curateur qualitate qua et des personnes qu'il représente;

Que c'est en ce sens que doivent être compris les termes énoncés à l'article 58, alinéa 2 selon lesquels “... la transaction n'est obligatoire qu'après avoir été homologuée...”;

Attendu qu'il convient en outre de considérer que dans le cas particulier de l'espèce, la transaction conclue par la Ville de Thuin et exécutée par celle-ci pourrait difficilement être remise en cause par cette dernière; qu'en outre cette transaction ne fait l'objet d'aucune critique des liquidateurs de la SA Sogeci et est approuvée par le juge-commissaire;

Que la loi n'exigeant pas expressément que le cocontractant soit cité et l'intervention de la Ville de Thuin paraissant inutile en l'espèce, il y a lieu d'homologuer la transaction;

Attendu qu'il ne convient pas de condamner l'État belge aux dépens; que le magistrat de la première instance n'a commis aucune faute en estimant qu'il y avait lieu d'assigner le cocontractant, puisqu'il se fondait sur l'avis d'auteurs aussi éminents que A. Cloquet et I. Verougstraete;

Que le seul fait que la cour de céans estime ne pas devoir suivre ce point de vue, in casu, n'implique donc pas qu'une faute ou erreur quelconques aient été commises;

Que les dépens seront dès lors à charge de la masse;

Par ces motifs;

La cour, statuant contradictoirement;

(...)

Reçoit l'appel et le dit fondé,

Met à néant les jugements dont appel et réformant,

Homologue la transaction intervenue entre Maître Pierre Samain, agissant en sa qualité de curateur à la faillite de la SA Sogeci et la Ville de Thuin (...);

Dépens non liquidés à charge de la masse.

(...)