Cour d'appel de Liège 17 juin 2003
CONCORDAT JUDICIAIRE
Faillite - Créancier hypothécaire et gagiste sur fonds de commerce - Dettes contractées pendant le concordat judiciaire avec la collaboration, l'autorisation ou l'assistance du commissaire au sursis - Primauté du créancier gagiste sur fonds de commerce
Le créancier bénéficiant de l'application de l'article 44, alinéa 2, de la loi relative au concordat judiciaire ne prime le créancier gagiste sur fonds de commerce que s'il peut lui opposer un privilège d'un rang préférable.
Le privilège pour frais faits pour la conservation de la chose ne peut être invoqué relativement aux interventions qui ont pour effet de permettre la continuation d'une entreprise ou la conservation d'une universalité.
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AKKOORD (GERECHTELIJK)
Faillissement - Hypothecaire schuldeiser en pand op de handelszaak - Schulden aangegaan tijdens het gerechtelijk akkoord met de medewerking, machtiging of bijstand van de commissaris inzake opschorting - Voorrang van de schuldeiser met pand op de handelszaak
De schuldeiser die van de toepassing van artikel 44, lid 2, van de Wet op het gerechtelijk akkoord geniet, heeft enkel voorrang op de schuldeiser met een pand op de handelszaak indien hij deze een voorrecht met een hogere rang kan tegenwerpen.
Het voorrecht voor de kosten die gemaakt zijn voor het behoud van de zaak kan niet worden ingeroepen voor tussenkomsten waardoor de verderzetting van de onderneming of het behoud van een algemeenheid mogelijk wordt gemaakt.
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SA KBC Vendor Lease / Me B. Leroy q.q. Médias Waimes et SA BBL
Siég.: R. de Francquen (président), M. Ligot, A. Jacquemin, (conseillers) |
Pl.: Mes T. Ghysens, F. Frederick et E. Viatour loco C. Van Buggenhout |
Après en avoir délibéré:
Vu les appels du jugement rendu le 6 novembre 2001 par le tribunal de commerce de Verviers interjetés le 30 novembre 2001 par la SA KBC Vendor Lease appelée ci-après KBC et incidemment le 9 avril 2002 par Maître L. en sa qualité de curateur à la faillite de la SA Médias Waimes et implicitement le 26 juin 2002 par la SA Banque Bruxelles Lambert;
Attendu que l'appelante demande qu'il soit dit pour droit que sa créance relative aux redevances échues pendant la période du sursis provisoire est une dette de la masse au sens de l'article 44, alinéa 2, de la loi sur le concordat judiciaire et que cette créance est opposable à la Banque Bruxelles Lambert ci-après BBL en tant que créancier hypothécaire et créancier gagiste sur fonds de commerce de la faillite de la SA Médias Waimes;
qu'elle chiffre le montant de cette dette de masse à 30.907,64 euros (1.246.811 FB) et demande que le solde de sa créance qui s'élève à 206.381,67 euros (8.325.416 FB) soit admis au passif chirographaire de la faillite;
Attendu que la déclaration de créance de KBC portait sur la somme provisionnelle de 17.072.227 FB; que l'appelante a actualisé sa réclamation pour tenir compte du paiement de 7.500.000 FB qu'elle a obtenu suite à la réalisation du bien qui faisait l'objet du contrat;
que l'appelante fixe donc le montant total de sa créance à 9.572.227 FB tandis que pour le curateur sur la position duquel la BBL s'aligne, la créance globale de KBC s'élève à 8.725.416 FB (conclusions d'appel, pt. II, § 4, pp. 3 et 5);
que la différence entre ces deux chiffres vient de ce que le curateur déduit du montant de la créance le montant de la réduction de la redevance consentie par KBC durant la période concordataire;
Attendu que s'il est exact que KBC a accepté que les redevances mensuelles soient réduites de 220.973 FB à 100.000 FB compte tenu du manque de liquidités disponibles dans le chef du débiteur, cela ne signifie pas pour autant qu'elle a fait abandon du solde de celles-ci;
que le concordat n'ayant pas été poursuivi, l'appelante peut produire l'intégralité de sa créance au passif de la faillite; que la créance globale de l'appelante s'élève donc bien à 9.572.227 FB; qu'en l'absence d'autres critiques concernant le montant de la créance de KBC, la question de la réduction éventuelle du montant de l'indemnité forfaitaire incluse par KBC dans son décompte ne doit pas être abordée;
Attendu qu'il reste que l'appelante ne peut revendiquer la qualité de créancier hors concordat que pour ce qui a été expressément admis par le commissaire soit une redevance de 100.000 FB par mois ce qu'elle a accepté;
Attendu qu'il n'est pas exact que “dans son courrier du 16 mai 2000 () le curateur a marqué son accord de principe de considérer la somme de 1.246.811 FB comme dette de masse” (conclusions KBC, pt. 9, p. 4); que le curateur s'est exprimé en effet de façon précise: “Sous réserve d'une vérification précise en ce qui concerne les chiffres, je suis bien sûr d'accord en principe (en italique dans le texte) de considérer que les loyers échus après le sursis provisoire et jusqu'à la date de la faillite bénéficient des dispositions de l'article 44 de la loi sur le concordat judiciaire”;
qu'il y a donc bien une dette de la masse, non de 30.907,64 euros (1.246.811 FB) mais de 9.915,74 euros (400.000 FB);
Attendu que cela ne clôt cependant pas le litige; qu'il est constant en effet que “l'ensemble des actifs de la société (faillie) sont constitués exclusivement d'une part, de l'immeuble hypothéqué au profit de la Banque Bruxelles Lambert et d'autre part, du fonds de commerce (qui ne comporte aucun stock) lui aussi entièrement gagé au profit de la Banque Bruxelles Lambert” (conclusions du curateur, p. 5, § 1);
Attendu que “Le créancier de la masse antérieur à la faillite ne pourra primer le créancier gagiste sur fonds de commerce que s'il peut lui opposer un privilège d'un rang préférable.
Pareille hypothèse sera relativement rare. Outre le privilège des frais de justice, ce pourrait être le privilège des frais funéraires, celui du bailleur d'immeuble ou celui du vendeur. Par contre le privilège des frais de conservation ne peut en principe être invoqué, dans la mesure où il ne peut s'exercer que sur un bien meuble déterminé, ce que n'est pas un fonds de commerce. Le passif de masse antérieur prime toujours les créanciers chirographaires et privilégiés généraux qui sont dans la masse. Par contre, les créanciers privilégiés spéciaux sont hors la masse et ne seront primés que par les créanciers de la masse qui peuvent se prévaloir d'un privilège d'un rang préférable au leur” (Caeymaex, C.U.P. novembre 2002, n° 5, p. 155; Liège (7ème ch.) 6 mars 2003, en cause C.B.C. Banque/Me Pierre Lepage q.q. et O.N.S.S., 2001/RG/1334);
Attendu que l'appelante conclut en vain que “la console Sony était le matériel le plus essentiel dont disposait la SA Médias Waimes (et que) sans cette console, il était exclu pour (celle-ci) de continuer ses activités, de faire un chiffre d'affaires et générer des profits (créances) faisant partie de l'assiette du privilège du créancier gagiste sur fonds de commerce” (conclusions d'appel, p. 10, § 2);
qu'en effet, ainsi qu'il vient déjà d'être rappelé, “le privilège (des frais de conservation) ne s'applique pas aux interventions qui ont pour effet de permettre la continuation d'une entreprise ou de conserver une universalité dont la composition peut varier” (Caeymaex, Manuel des sûretés mobilières, chapitre 19, pt. 2.3.4. et les références citées; T'Kint, Les sûretés 1991, n° 513);
qu'en outre, pour qu'il puisse être soutenu que la seconde intimée a bénéficié de la poursuite des activités durant la période du sursis provisoire, encore faudrait-il qu'il soit démontré que le fonds de commerce a acquis une plus-value égale au passif de masse né de cette activité (Caeymaex, C.U.P. novembre 2002, pt. 4.4., p. 154) ce qui n'est pas fait;
Attendu que la thèse selon laquelle “les dettes de masse nées pendant le concordat doivent être présumées (irréfragablement selon l'appelante) avoir profité à tous les créanciers de sorte qu'elles primeraient les créanciers privilégiés spéciaux () n'a pas de fondement textuel dans les lois nouvelles” (Caeymaex, o.c.);
que l'appelante ne justifie donc pas d'un privilège d'un rang supérieur à celui de la seconde intimée;
Attendu que la question de l'imputation du produit de la vente de la console sur les redevances impayées ou sur le montant de l'indemnité forfaitaire incluse par l'appelante dans sa créance ne présente dès lors aucun intérêt en ce qui concerne la solution du litige; qu'elle ne doit pas être rencontrée;
Par ces motifs
(...)
Reçoit les appels,
Émendant le jugement entrepris, dit pour droit:
- que la créance de l'appelante s'élève au total à 237.289,31 euros;
- qu'elle doit être inscrite au passif chirographaire à concurrence de 227.373,57 euros et qu'elle constitue une dette de la masse pour le surplus (9.915,74 euros);
- que cette dette de masse est inopposable à la BBL en sa qualité de créancier gagiste sur fonds de commerce et créancier hypothécaire de la faillite de la SA Médias Waimes;
(...)