SÛRETÉ
Cantonnement - Garantie à première demande - Exécution provisoire
Une garantie bancaire n'opère pas le paiement que l'exécution provisoire suppose et n'apporte pas au créancier la certitude qu'il recevra les fonds au jour de l'arrêt clôturant l'instance d'appel.
En limitant l'exécution provisoire ordonnée par le premier juge à la fourniture d'une garantie bancaire, on en arrive à faire surseoir à l'exécution, ce qui n'est pas permis et ne peut être autorisé par le juge d'appel.
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ZEKERHEID
Kantonnement - Waarborg op eerste verzoek - Voorlopige uitvoering
Het kantonnement geldt als betaling en doet de gekantonneerde bedragen uit het vermogen van de schuldenaar treden.
Een bankwaarborg brengt de betaling niet teweeg die een voorlopige uitvoering veronderstelt en brengt voor de schuldeiser niet de zekerheid mee dat hij de fondsen zal krijgen op de dag van het arrest dat de rechtspleging in hoger beroep beëindigt.
Door de voorlopige uitvoering die door de eerste rechter bevolen was te beperken tot de afgifte van een bankwaarborg, komt men tot een uitstel van de uitvoering, wat niet toegestaan is en door de beroepsrechter niet kan worden toegelaten.
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Deux décisions publiées dans nos deux précédentes chroniques nous ont conduits à des exercices de conjugaisons des principes de la garantie à première demande avec ceux du cantonnement.
Le président du tribunal de commerce d'Anvers avait, contrairement au juge des saisies de ce même arrondissement [1] considéré le droit de cantonner comme un droit absolu dont on ne peut être privé que dans les cas prévus par la loi ou par décision de justice et autorisé le donneur d'ordre d'une garantie abstraite à cantonner les sommes qu'un jugement exécutoire par provision (sans exclusion de la faculté de cantonnement) l'avait condamné à payer au bénéficiaire de la garantie faisant ainsi obstacle à ce que ce dernier puisse se prévaloir dudit jugement qui constituait la condition d'appel à la garantie. Nous avions critiqué cette décision [2].
La Cour d'appel de Bruxelles avait, quant à elle autorisé le cantonnement du montant d'une garantie dont l'appel présentait des éléments “suspects” de manière telle que la fraude du bénéficiaire, alléguée par le donneur d'ordre ne pouvait être exclue. Nous avions approuvé cette décision considérant que “qui peut le plus peut le moins et que dans la mesure où le juge peut, en présence d'indices indiscutables de fraude interdire provisoirement l'exécution d'une garantie, il pouvait, aussi bien, autorisé le cantonnement du montant de celle-ci” [3].
L'espèce soumise à la Cour d'appel de Liège offre un nouveau cas d'espèce opposant, sous la plume des plaideurs, cantonnement et garantie. Il s'agissait, cette fois, de savoir si les personnes condamnées par un jugement “exécutoire par provision, nonobstant tout recours et sans caution” - mais n'excluant pas la faculté pour les appelants de cantonner le montant auquel ils sont tenus - pouvait échapper à la fois au cantonnement et à la saisie de ses biens en fournissant au bénéficiaire de la condamnation “une garantie bancaire qui fasse preuve de leur capacité de faire fasse au paiement auquel les condamne le jugement dont appel”.
La Cour d'appel statuant dans le cadre de l'article 1402 du Code judiciaire (qui interdit - à peine de nullité - au juge d'appel d'interdire l'exécution des jugements ou d'y faire surseoir) posa en termes juridiques parfaitement idoines la demande qui lui était soumise: en fournissant (ou en offrant de fournir) une garantie bancaire, les appelants pouvaient-ils être considérés comme ayant exécuté la condamnation prononcée à leur charge par le jugement ou s'agissait-il, au contraire, d'un moyen d'en différer le paiement?
Le cantonnement est une modalité d'exécution d'un jugement qui permet au débiteur condamné par une décision judiciaire exécutoire mais frappée d'opposition ou d'appel, de libérer les avoirs sur lesquels porte la décision, ou de faire obstacle à la saisie en déposant une somme suffisante pour répondre de la créance en principal, intérêts et frais soit à la Caisse des Dépôts et Consignations soit aux mains d'un séquestre [4].
La garantie à première demande, est un mécanisme spécifique, mis au point par la volonté commune des parties et par lequel un tiers - le banquier - s'engage personnellement vis-à-vis du bénéficiaire à payer un certain montant si les conditions d'appel énoncées dans sa lettre d'engagement sont formellement remplies, indépendamment de l'exécution de l'obligation garantie elle-même.
Le cantonnement emporte paiement et fait sortir les sommes cantonnées du patrimoine du débiteur tandis que la garantie au lieu d'opérer le paiement que suppose l'exécution provisoire, fourni simplement à la partie au bénéfice de laquelle cette exécution provisoire a été ordonnée un engagement personnel souscrit par un tiers et répondant à des conditions d'existence et d'exécution propres.
Même si une garantie bancaire peut être formulée en termes abstraits et “inconditionnels” qui confortent au maximum la position du bénéficiaire en cas d'appel et rendent l'exécution de la garantie indépendante des aléas pouvant affecter les relations sous-jacentes, nous ne pouvons que partager l'affirmation de la Cour d'appel selon laquelle “une garantie bancaire n'apporte pas au créancier la certitude qu'il recevra les fonds au jour tout à fait incertain et parfois fort éloigné où interviendra l'arrêt clôturant l'instance d'appel”.
Par contre, qu'il nous soit permis de qualifier d'excessivement “pessimiste” l'assertion selon laquelle la faillite ou la déconfiture du débiteur (donneur d'ordre de la garantie) peut l'empêcher de prolonger celle-ci par le règlement des charges que l'organisme bancaire exige pour la fournir.
Tout dépend à ce niveau de la formulation de la garantie.
Il est vrai que les banques marquent une très nette préférence pour les garanties limitées dans le temps - et dont la prolongation serait, par définition soumise à l'accord de toutes les parties intervenantes (bénéficiaire, donneur d'ordre, garant et contre-garant éventuel). Les garanties à durée indéterminée, lorsqu'elles existent, sont source de bien des inconvénients et d'un grand inconfort tant pour le garant - qui a souvent bien du mal à obtenir sa libération expresse alors même qu'il apparaît que le bénéficiaire n'est plus et ne sera pas dans l'avenir en mesure d'y faire appel - que pour le donneur d'ordre, tenu de payer des frais et commissions à la banque tant que celle-ci n'est pas officiellement et de manière certaine libérée.
Par contre, il est parfaitement possible d'utiliser des textes de garantie contenant une “deadline” automatique calculée avec un délai confortable “de sécurité” permettant à l'instance d'appel de se clôturer même dans les prévisions de délais les plus pessimistes.
Par ailleurs, une fois engagée par l'émission de sa garantie, la banque est et reste personnellement tenue d'en respecter les termes et conditions indépendamment des avatars pouvant affecter la situation du donneur d'ordre - c'est là le principe de base des garanties autonomes. Il appartient à la banque de calculer son risque crédit par rapport à la situation financière de son client et le cas échéant, soit de refuser l'émission de la garantie soit d'exiger du donneur d'ordre qu'il en assure la couverture par la fourniture d'un gage ou d'une provision constituée dans les livres de la banque. Ce volet concerne la relation crédit entre le donneur d'ordre et son banquier et ne peut en aucun cas affecté, par la suite, les engagements de ce dernier vis-à-vis du bénéficiaire qui devra être payé, s'il remplit les conditions d'appel formulées dans la lettre de garantie indépendamment des difficultés que peut connaître le banquier à se faire rembourser - ou défrayer par son client.
Quoi qu'il en soit, nous partageons entièrement l'opinion de la Cour qu'en limitant l'exécution provisoire à la fourniture d'une garantie bancaire - n'impliquant en tant que telle aucun décaissement de la part du débiteur mais seulement l'engagement d'un tiers garant soumis à des conditions qui lui sont propres - on en arrive en fait à surseoir à l'exécution ce qui n'est pas permis et ne peut être autorisé par le juge d'appel.
[1] | Juge des saisies Anvers 29 mars 2001, inédit. |
[2] | Prés. Comm. Anvers 14 mai 2001, R.D.C. 2003 p. 47 avec nos observations. |
[3] | Bruxelles 11 janvier 2002, R.D.C. 2004, p. 181 et nos observations p. 190. |
[4] | Mons 28 juin 1983, Pas. 1983, II, 132; G. de Leval, Traité des saisies, n° 273. |