BANQUE
Compte - Solidarité époux séparés de fait (non) - Approbation de compte - Anatocisme - Intérêts après clôture
La banque, qui a été avisée de la séparation de fait d'époux dont l'un était titulaire d'un compte et l'autre mandataire, ne peut invoquer la solidarité entre époux.
Est de mauvaise foi le client qui conteste le décompte de la banque qui reprend toute l'évolution du compte alors qu'il a conservé le silence après la réception de chaque extrait de compte et alors que le contrat de compte l'obligeait à signaler immédiatement les erreurs qu'il aurait constatées.
Avant la clôture du compte, les intérêts peuvent conventionnellement être incorporés régulièrement au montant dû en principal pour produire intérêt nonobstant l'absence des formalités prévues par l'article 1154 du Code civil qui ne seront exigées que lors de la clôture du compte.
Après la clôture du compte, les intérêts continuent à courir au taux conventionnel.
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BANK
Rekening - Solidariteit tussen feitelijk gescheiden echtgenoten (neen) - Goedkeuring van de rekening - Anatocisme - Interesten na afsluiting
De bank, die op de hoogte werd gebracht van de feitelijke scheiding van de echtgenoten waarvan één titularis was van een rekening en de andere mandataris kan de hoofdelijkheid tussen echtgenoten niet inroepen.
Is te kwader trouw, de cliënt die de afrekening van de bank die de hele evolutie van de rekening herneemt, betwist, terwijl hij de stilte heeft bewaard na ontvangst van elk rekeninguittreksel en terwijl de rekeningovereenkomst hem verplichtte om de fouten die hij zou vaststellen onmiddellijk te melden.
Voor de afsluiting van de rekening kunnen de interesten op conventionele basis regelmatig geïncorporeerd worden in het verschuldigde hoofdbedrag om interesten te produceren niettegenstaande de afwezigheid van de formaliteiten bepaald bij artikel 1154 van het Burgerlijk Wetboek die slechts vereist worden door de afsluiting van de rekening.
Na de afsluiting van de rekening blijven de interesten lopen tegen de conventionele interestvoet.
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La problématique des intérêts bancaires est éternelle. Cet arrêt liégeois aborde le taux des intérêts applicable après clôture du compte, d'une part, et l'anatocisme, d'autre part.
1.La plupart des conditions générales bancaires disposent que le taux d'intérêt applicable à la créance du solde débiteur inscrit en compte doit être calculé soit au même taux que celui qui était d'application pendant l'exécution du contrat soit à un taux majoré. Ces clauses sont valables, à condition que le taux appliqué ne soit pas usuraire.
Lorsque la convention se borne à prescrire le taux applicable pendant la durée du compte sans préciser expressément le taux applicable après la clôture du compte, une controverse existe sur le taux d'intérêt à retenir: taux conventionnel ou taux légal?
Certains considèrent que seul le taux légal doit s'appliquer en vertu de l'article 1153 du Code civil [1]. La clôture du compte rend le solde de la créance exigible. À défaut de remboursement à l'échéance, les intérêts qui courent sont de nature moratoire et doivent être calculés au taux légal, à dater de la mise en demeure.
Pour d'autres, au rang desquels nous nous rangeons, le taux conventionnel continue à s'appliquer jusqu'au paiement complet du solde débiteur [2].
Deux raisons sont généralement invoquées.
Un premier argument se fonde sur l'interprétation de la volonté des parties elles-mêmes. La clôture d'un compte laisse apparaître un solde créditeur ou débiteur, payable immédiatement. “La clôture du compte ne fait point disparaître le découvert mais arrête seulement le solde du compte et fait apparaître la créance exigible” [3]. Si le paiement n'a pas lieu à ce moment (par exemple, parce que le débiteur est insolvable), il faut présumer que les parties ont voulu également faire produire l'intérêt au même taux que celui en vigueur pendant le contrat, à la créance du solde et ce, jusqu'à son complet remboursement. L'article 1153 du Code civil qui se réfère au taux légal n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent y déroger même tacitement, du moment que cela soit certain, en convenant qu'un autre taux que le taux légal puisse s'appliquer après la clôture du compte.
Rien n'explique, en effet, que le coût du loyer de l'argent soit plus lourd (si le taux d'intérêts débiteur conventionnel est supérieur au taux légal) au moment où le client n'est pas encore tenu au remboursement des positions débitrices et pourquoi sa dette finale s'allège lorsqu'elle devient exigible et n'est pas payée immédiatement.
Le taux d'intérêt débiteur est en quelque sorte, d'un point de vue économique, plus lié à la contrepartie du “crédit” ou des facilités de caisse octroyées en compte qu'au fonctionnement du compte lui-même ou à la contrepartie des services qui lui sont attachés.
Il appartient au juge de rechercher, dans les cas qui lui sont soumis, la volonté présumée des parties et de conclure par exemple qu'“aucun élément précisé dans la correspondance entre les parties ne permet de conclure que celles-ci avaient entendu abandonner, pour la période postérieure aux arrêtés de clôture, le cadre conventionnel initial” [4]. Cette solution est d'autant plus justifiée que “le service rendu du fait de l'avance bancaire résultant du solde se poursuit après l'arrêt du compte et que la substitution du taux légal au taux d'intérêt conventionnel aurait pour effet de procurer au débiteur défaillant un avantage injustifié par rapport à celui qui remplit normalement ses obligations” [5].
L'interprétation du juge peut aussi se fonder sur le silence gardé par le client à la réception de l'extrait de compte précisant le solde et le taux d'intérêt retenu à partir de ce moment.
Un second argument est lié à l'usage.
La loi ne réglant pas spécialement la convention de compte courant, les conditions, les modalités, les effets, en sont librement fixés par les parties et, à défaut, par l'usage [6].
Il en est ainsi de l'intérêt. C'est l'usage qui justifie qu'en matière de compte courant, l'intérêt court de plein droit sans mise en demeure préalable, pendant son fonctionnement mais aussi après sa clôture. C'est l'usage aussi, qui, à défaut de convention expresse ou tacite, permet de déterminer le taux d'intérêt [7], tout au long du fonctionnement du compte courant et après sa clôture.
Mais ce taux d'usage peut être difficile à établir. Les taux de base des banques et leurs majorations sont souvent très différents, de même que les majorations.
C'est pourquoi aussi, l'usage veut (sauf volonté contraire des parties) que le taux d'intérêt soit le même pendant le contrat et à la fin de celui-ci et ce, jusqu'au remboursement du solde débiteur par le client (ou jusqu'au versement du solde créditeur par le banquier). Le fait que certaines banques se contentent de réclamer après la clôture du compte un taux d'intérêt équivalent au taux légal, ne remet pas en question l'existence de cet usage, puisqu'il est permis de renoncer volontairement au bénéfice d'un usage. Cet usage a été expressément consacré par plusieurs décisions françaises [8].
2.En ce qui concerne la capitalisation des intérêts, on rappellera que l'article 1154 du Code civil est applicable après la clôture du compte [9]. Cette capitalisation suppose donc une convention expresse ou une sommation judiciaire [10] et des intérêts portant au moins sur une année entière.
Avant la clôture du compte, l'arrêt liégeois commenté rappelle à bon droit que l'article 1154 du Code civil ne s'applique pas [11].
[1] | Anvers 9 mars 1870, P.A. 1870, I, p. 131; Gand 9 avril 1923, B.J., col 4/3; Comm. Anvers 23 janvier 1930, Rev. faill., p. 426; Civ. Liège 2 septembre 1987, R.G.D.C. 1988/6, p. 577; Civ. Nivelles 19 avril 1994, R.D.C. 1994, p. 1070; J.P. Verviers 27 juin 1997, J.L.M.B. 1998, p. 431 ; Civ. Verviers 6 mai 1998, J.J.P. 2000, p. 168; R.P.D.B., v° compte courant, p. 543, n° 255; P. Kileste et M. Caluwaerts, “Les intérêts bancaires”, J.J.P. 1995, p. 126. |
[2] | Dieryck, Les ouvertures de crédit, p. 266, n° 251; Novelles, droit bancaire, v° compte courant, p. 157, n° 219; L. Simont et A. Bruyneel, “Chronique de droit bancaire privé, les opérations de banque (1978-1979)”, Rev. banque 1979, p. 685, “Les opérations de banque (1979-1986)”, Rev. banque 1987, p. 38; J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, t. IV, 2e éd., p. 382, n° 508; Ch. G. Winandy, “Les comptes en banque et les intérêts” in La banque dans la vie quotidienne, E.J.B.B. 1986, pp. 42 et s.; Bruxelles 8 septembre 1995, R.D.C. 1996, p. 1032; Civ. Arlon 7 septembre 2000, DAOR 2003/66, p. 33. |
[3] | Liège 21 décembre 1989, J.L.M.B. 1991, p. 326. |
[4] | Cass. fr. 9 décembre 1974 (2e arrêt), Gaz. Pal. 1975, I, p. 212 et note GH. |
[5] | Paris 29 avril 1981, cité par Vasseur, obs. sous Civ. F. 21 janvier 1981, D. 1981, IR, p. 496. |
[6] | Cass. 17 février 1970, Pas. 1970, I, p. 535. |
[7] | J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, t. IV, 2e éd., p. 380, n° 505; Montpellier 23 octobre 1953, D. 1955, J., p. 131. |
[8] | Trib. gr. inst. Paris 10 février 1970, Banque 1970, p. 817 et Aix 8 juin 1971 (2 arrêts), Banque 1972, p. 1041. |
[9] | En ce sens, cons. Not. Civ. Nivelles 19 avril 1994, R.D.C. 1994, p. 1070 et obs. J.P. Buyle et X. Thunis; Bruxelles 8 septembre 1995, R.D.C. 1996, p. 1032 et obs. J.P. Buyle et X. Thunis; E. Wymeersch, M. Dambre et K. Troch, “Overzicht van rechtspraak, privaat bankrecht 1992-1998”, T.P.F. 1999-4, p. 1999, n° 315. |
[10] | La remise des conclusions au greffe peut constituer un acte équivalent à cette sommation judiciaire si les conclusions attirent spécialement l'attention du débiteur sur la capitalisation des intérêts (Cass. 18 juin 1981, Pas. 1981, I, p. 1200). |
[11] | Cons. not. A. Willems, J.P. Buyle, “Les usages en droit bancaire”, DAOR 1990/17, p. 86; Cass. 27 février 1930, Pas. 1930, I, p. 129, B.J. 1930, p. 240; Ch. Biquet-Mathieu, Le sort des intérêts dans le droit du crédit, Éd. coll. scientifique, Fac. dr. Liège, 1998, p. 242. |