Cour d'appel de Liège 1er avril 2004
OBLIGATION
Paiement indu - Paiement de la dette d'un tiers
Pour que celui qui a payé la dette d'un tiers puisse la recouvrer, il est requis qu'il ait effectué le paiement par erreur (art. 1377 C.civ.).
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VERBINTENIS
Onverschuldigde betaling - Betaling van de schuld van een derde
Opdat diegene, die de schuld van een derde betaalde, deze kan terugvorderen, is vereist dat hij de betaling per vergissing uitvoerde (art. 1377 B.W.).
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SPRL Ancelec / SA Light Elec
Siég.: R. de Francquen (président); M. Ligot et A. Jacquemin (conseillers) |
Pl.: Mes P. Bottin, B. Castaigne, F. Gouverneur et B. Chamberland |
Vu l'appel des jugements rendus les 14 août et 7 octobre 2002 par le tribunal de commerce de Marche-en-Famenne interjeté le 24 décembre 2002 par la SPRL Ancelec;
Attendu que l'exposé de l'objet et des antécédents de la cause peut être emprunté aux premiers juges dont les décisions successives doivent être approuvées;
Qu'il suffit de rappeler que l'action introduite par la SA Light Elec par citation du 28 septembre 2001 tend à obtenir la récupération d'un solde de factures portant sur diverses fournitures, qui s'échelonnent entre le 15 novembre 1999 et le 15 septembre 2000;
Que le litige est actuellement circonscrit à la seule question de l'imputabilité sur la créance de Light Elec d'un paiement de 244.018 FB effectué par Ancelec le 14 janvier 2000 (dossier L.E., p. 14);
Que la contestation provient de ce que sur le virement effectué au profit de Light Elec, Ancelec a mentionné les références de trois factures qu'elle devait qui totalisent 21.076 FB et celles de quatre factures dues par la SA Ancion Frères dont le montant cumulé s'élève à 222.942 FB;
Attendu que l'appelante explique que c'est “par mégarde (que) le virement stipulait des factures d'Ancion Frères” (voy. lettre du 10 juillet 2001) et que le montant de 222.942 FB doit être imputé sur sa propre dette à l'égard de Light Elec;
Que rien n'est moins sûr;
Qu'il faut savoir en effet que Raymond Ancion le gérant de la SPRLU Ancelec était également l'administrateur-délégué de la SA Ancion Frères; que ces deux sociétés exerçaient l'activité d'entreprise générale en électricité; qu'il est important de relever que la SPRLU a été constituée dans le courant du mois de novembre 1999 à un moment où la SA qui connaissait de grosses difficultés financières est entrée en léthargie avant d'être déclarée en faillite le 21 mars 2000 par jugement du tribunal de commerce de Dinant;
Qu'il s'observe à l'examen du compte client de Ancion Frères dans les livres de Light Elec d'une part que la dernière fourniture de celle-ci à celle-là remonte au 18 novembre 1999 tandis que la première facture dont la récupération est poursuivie à charge de Ancelec date du 15 novembre 1999 avec échéance au 31 décembre 1999 tandis qu'à cette même date, le découvert de Ancion Frères dans les livres de Light Elec s'élève à 2.486.218 FB;
Qu'il se comprend dès lors aisément que Light Elec n'ait accepté, ainsi qu'elle le soutient depuis l'introduction du litige, de fournir Ancelec qu'à la seule condition que “monsieur Ancion prenne ses dispositions pour que l'important encours de la SA Ancion Frères soit progressivement payé” (conclusions ppales L.E., p. 2);
Que c'est dans ce contexte qu'est intervenu le paiement litigieux du 14 janvier 2000;
Qu'il doit encore être relevé
- que Ancelec ne s'est pas montré un meilleur débiteur que Ancion Frères et qu'il n'y aura plus de fournitures de la part de Light Elec après le 16 mars 2000 (la facture du 15 septembre 1990 portant sur des frais de retard) et plus aucun paiement pendant plus d'un an soit entre le 19 juin 2000 et le 21 juin 2001;
- que c'est le 19 juin 2001 que, pour la première fois, Ancelec fait état dans sa réponse à la mise en demeure à elle adressée le 15 juin par le conseil de l'intimée qu'“Il semble que les paiements effectués par Ancelec ne sont pas comptabilisés” avant de préciser le 10 juillet que c'est “par mégarde” qu'elle a payé le 14 janvier 2000 des factures de Ancion Frères;
Attendu que l'appelante soutient donc qu'il y a eu dans son chef paiement indu à concurrence de € 5.526,59 (222.942 FB);
Que la répétition de l'indu ne suppose en règle que deux conditions à savoir d'une part, un paiement et d'autre part, le caractère indu de celui-ci; que l'on se trouve cependant en l'espèce, en présence d'un cas d'“indu subjectif, il y a une dette, mais le créancier est payé par un non-débiteur... Dans ce dernier cas, une condition supplémentaire est requise dans le chef du solvens. Pour distinguer le paiement de l'indu et le paiement par un tiers selon l'article 1236, le non-débiteur qui paie au créancier doit prouver qu'il a payé par erreur (art. 1377)” (P. Wéry, Droit des obligations, tome 1, U.C.L., 2002-03, p. 254);
Que l'erreur du solvens ne joue qu'un rôle probatoire en ce sens que “celui qui répète le montant d'un paiement indu ne doit prouver qu'il a fait ce paiement par erreur que si un doute est possible quant à la cause dudit paiement et, partant quant au caractère indu de celui-ci” (Stijns, Van Gerven et Wéry, “Chronique de jurisprudence: Les obligations: les sources”, J.T. 1996, n° 20, p. 697); que “Lorsque le caractère illusoire de la cause est évident, il n'y a nul besoin d'apporter une preuve supplémentaire. Mais si le paiement peut s'expliquer par des mobiles divers, il faut alors démontrer qu'il a été fait sur base d'une fausse cause, d'où la nécessité de démontrer l'erreur” (Van Ommeslaghe, Les obligations 1987, 406);
Qu'en l'espèce, Ancelec n'a pas commis d'erreur; qu'il ne s'agissait pas pour elle de payer un acompte mais bien de verser un montant précis qui correspond au total de trois factures dues par elle et de quatre factures dues par Ancion Frères; que ces quatre factures ont été émises par Light Elec les 15 août, 14 septembre, 15 septembre et 26 octobre 1999;
Que l'on voit mal comment l'appelante aurait pu payer par erreur des factures émises avant même qu'elle ne soit constituée; que ce paiement a été effectué à seule fin de rassurer Light Elec pour qu'elle accepte de continuer à mettre à disposition de Ancelec les fournitures qui lui étaient nécessaires pour poursuivre l'activité économique exercée auparavant sous le couvert de la SA Ancion Frères;
Qu'il n'y a donc pas de paiement indu et que la confusion commise par Light Elec en ce qui concerne le montant de sa créance à l'égard de Ancion Frères, lorsqu'elle s'est adressée au curateur de celle-ci le 18 juin 2001 afin d'obtenir une attestation d'irrécouvrabilité, ne modifie pas les données du litige tout comme il importe peu de savoir si Ancelec a été ou non subrogée dans les droits de Light Elec à l'égard de Ancion Frères lors du paiement du 14 janvier 2000, les parties s'accordant finalement pour dire qu'il n'y a pas eu subrogation;
Que le 14 janvier 2000, l'appelante a manifesté clairement sa volonté d'apurer une partie de la dette de Ancion Frères afin de conserver la confiance de son fournisseur habituel qui a correctement imputé le paiement reçu sur la dette que le solvens voulait éteindre;
Par ces motifs,
(...)