Article

Juge de paix Huy, 02/05/2002, R.D.C.-T.B.H., 2005/10, p. 1087-1089

Juge de paix du premier canton de Huy 2 mai 2002

ASSURANCE
Contrat d'assurance - Prescription - Délai - Contrat d'assurance-vie - Nullité alléguée de la police - Restitution d'excédents de primes payées - Action en répétition de l'indu
La demande que la police d'assurance-vie soit modifiée pour que la clause de revalorisation soit appliquée à la place de la clause de péréquation devant être comprise comme une action en nullité de la police, elle serait soumise au délai de prescription de trois ans.
La restitution d'excédents de primes payées serait prescrite en vertu de l'article 2277 C. civ. qui prévoit que tout ce qui est payable par année ou à des termes plus courts périodiques se prescrit par cinq ans.
L'action en répétition de l'indu fondée sur l'article 1376 C. civ. est soumise aux règles générales sur la prescription de l'article 2262bis C. civ. et de l'article 10 de la loi du 10 juin 1998, que les sommes indues aient été payées par annuités ou autrement.
ASSURANCE
Contrat d'assurance - Modification du contrat - Nouvelles dispositions
Si certaines modifications du contrat n'ont pas été rendues obligatoires par de nouvelles dispositions légales impératives, elles doivent être approuvées par le cocontractant.
VERZEKERING
Verzekeringsovereenkomst - Verjaring - Termijn - Levensverzekering - Nietigheid van de polis - Terug­betaling van teveel betaalde premies - Terugvordering van de onverschuldigde betaling
Aangezien de vordering tot wijziging van de levensverzekeringspolis door de vervanging van het perequatiebeding door een revalorisatiebeding beschouwd moet worden als een vordering tot nietigverklaring van de polis, is zij onderworpen aan de verjaringstermijn van drie jaren.
De terugbetaling van de teveel betaalde premies zou verjaren overeenkomstig artikel 2277 B.W. Dit artikel voorziet in een verjaringstermijn van vijf jaren voor alles wat betaalbaar is bij het jaar of bij kortere termijnen.
De terugvordering van de onverschuldigde betaling op grond van artikel 1376 B.W. is onderworpen aan de algemene verjaringsregels van artikel 2262bis B.W. en artikel 10 van de wet van 10 juni 1998, ongeacht of de onverschuldigde bedragen op jaarbasis of op een andere wijze zijn betaald.
VERZEKERING
Verzekeringsovereenkomst - Wijziging van de overeenkomst - Nieuwe bepalingen
Indien bepaalde wijzigingen van de overeenkomst niet verplicht worden door nieuwe dwingende wetsbepalingen, moeten zij door de medecontractant worden goedgekeurd.

D. Mossoux / Swiss Life Belgium

Siég.: J.-M. Bernard (juge de paix)
Pl.: Mes J.-P. Bruyère, L. Misson, Ch. Botteman et J.-L. Fagnart, F. Longfils

(...)

Attendu que le 31 juillet 1981, le demandeur a souscrit auprès de la défenderesse une police d'assurance-vie simple en cas de décès;

Attendu que le 1er septembre 1985, les parties ont modifié le contrat en une police d'assurance de type mixte contenant une clause de revalorisation;

Attendu que selon le demandeur, il a décidé de contracter avec la défenderesse pour les raisons suivantes:

- existence de conditions générales très libérales et favorables aux assurés datant de 1969;

- rendement financier exceptionnel grâce au système de revalorisation des primes et des capitaux d'assurances principales et complémentaires;

Attendu qu'en 1986, la défenderesse aurait décidé de mettre fin de manière unilatérale au système de revalorisation pour adopter un système de péréquation, en se justifiant par le non-agrément de ce système par l'O.C.A.;

Attendu qu'en 1993, sous le couvert de la nécessaire adaptation des contrats en cours aux dispositions légales impératives instaurées par la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre et à l'arrêté royal du 17 décembre 1992 relatif à l'activité d'assurance sur la vie, la défenderesse a réalisé de nouvelles conditions générales, applicables à tous les contrats et transmises pour simple information le 8 novembre 1993 à ses assurés;

Attendu que l'action tend à faire constater la violation par la défenderesse en 1986 et 1993 du principe de la convention-loi des parties;

Attendu qu'en conséquence, le demandeur postule que la défenderesse soit condamnée à:

- réadapter la police d'assurance conformément aux conditions générales datant de 1985 et dans le respect des conditions légales de 1992, et ce sous peine d'une astreinte de 5.000 francs par jour de retard à compter de la signification du présent jugement;

- applique le tarif 108 à cette police d'assurance, à l'exclusion de tout autre tarif non contractuellement adopté, et ce sous peine également d'une astreinte de 5.000 francs par jour;

(...)

Sur la prescription

Attendu que la défenderesse invoque l'article 34 § 1 de la loi du 25 juin 1992 qui dispose que le délai de prescription de toute action dérivant du contrat d'assurance est de trois ans, alors qu'en assurance sur la vie, le délai est de trente ans en ce qui concerne l'action relative à la réserve formée, à la date de la résiliation ou de l'arrivée du terme, par les primes payées, déduction faite des sommes consommées;

Attendu que l'action du demandeur serait prescrite pour les motifs suivants:

1. le demandeur postule que sa police d'assurance-vie soit modifiée pour que la clause de revalorisation soit appliquée à la place de la clause de péréquation. Cette demande devant être comprise comme une action en nullité de ladite police, elle serait soumise au délai de prescription de trois ans;

2. le demandeur a eu connaissance le 14 novembre 1985 et a accepté l'application de la clause de péréquation par abandon de la revalorisation prenant cours le 1er janvier 1986. La demande d'annulation de la clause de péréquation devait être introduite dans les trois ans, soit le 1er janvier 1989 au plus tard;

3. le demandeur ne peut bénéficier du délai de trente ans car celui-ci ne vaut que pour l'action en paiement du capital vie qui ne peut être introduite qu'à l'échéance du contrat (soit 2012);

4. la restitution d'excédents de primes payées serait prescrite en vertu de l'article 2277 du Code civil qui prévoit que tout ce qui est payable par année, ou à des termes plus courts périodiques, se prescrit par cinq ans;

Attendu que le demandeur rétorque à juste titre que la procédure ne vise pas à demander la nullité du contrat, mais bien à constater les violations, en 1986 et 1993, par la défenderesse de l'article 1134 du Code civil avec les conséquences pécuniaires qui s'ensuivent à son profit;

Attendu qu'il y a dès lors lieu à application de l'article 2262bis du Code civil et de l'article 10 de la loi du 10 juin 1998;

Attendu qu'il s'ensuit que l'action n'est pas prescrite;

Attendu d'autre part que les demandes fondées sur l'article 1376 du Code civil doivent être soumises à la même règle.

Sur le fond
a) Modification intervenue en 1986

Attendu qu'il n'est pas contesté qu'une modification a été apportée au contrat par l'abandon de la clause de revalorisation au profit du système de péréquation;

Attendu que le document signé par le demandeur le 14 novembre 1995 précise bien:

“Font partie intégrante du présent contrat:

- les conditions générales

- les conditions applicables à la participation aux excédents

- la clause de péréquation

- la clause du prêt hypothécaire

- les conditions complémentaires relatives à l'hospitalisation.”;

Attendu que le demandeur a eu tout le loisir d'étudier ce document puisqu'il l'a signé à son domicile à Amay;

Attendu que c'est dès lors de son plein gré qu'il a adhéré au système de péréquation en lieu et place de la revalorisation des primes et capitaux;

Attendu en effet qu'il n'est nullement établi par le dossier que ce serait à la suite de manoeuvres frauduleuses de la défenderesse que le demandeur aurait accepté ce changement.

b) Modifications intervenues en 1993

Attendu que le demandeur soutient qu'en 1993, sous le couvert de la nécessaire adaptation des contrats en cours aux dispositions impératives de la loi du 25 juin 1992 et par l'arrêté royal du 17 décembre 1992 relatif aux assurances-vie, la défenderesse aurait réalisé de nouvelles conditions générales transmises pour information et non pour accord;

Attendu que le demandeur invoque un courrier de l'Office de Contrôle des Assurances du 9 décembre 1999 par lequel cet organisme informe un assuré de la défenderesse d'une série de dispositions contenues dans les nouvelles conditions générales et non conformes à la loi et à l'arrêté royal précités et d'une liste de modifications apportées en 1993 par la défenderesse à ses conditions générales qui n'étaient pas exigées par ces nouvelles dispositions légales impératives;

Attendu qu'il va de soi que si certaines modifications n'étaient pas rendues obligatoires par la loi ou l'arrêté royal, elles devaient être approuvées par le cocontractant;

Attendu qu'un contrat, notamment un contrat d'assurance, ne peut être modifié que de l'accord des parties. Il n'est pas permis à l'assureur d'imposer unilatéralement une modification contractuelle à un preneur d'assurance, même si la modification se situe dans une opération générale d'adaptation de tous les contrats relevant d'une catégorie d'assurance déterminée (Bruxelles 5 mai 1989, Bull. ass. 1990, p. 223);

Attendu qu'interpellée au sujet des participations financières fin 1999 par ses assurés, la défenderesse leur répondit que depuis 1994, elle n'accordait plus de participations bénéficiaires en raison de l'adaptation tarifaire de 1993 due à certaines couvertures devenues plus chères;

Attendu que le demandeur soutient qu'en réalité, la défenderesse a augmenté ses tarifs et se paie directement sur les participations bénéficiaires promises aux assurés, sans les en aviser;

Attendu qu'elle aurait créé un déficit technique artificiellement qu'elle apurerait au fur et à mesure des participations bénéficiaires qu'elle n'accorde plus;

Attendu que la défenderesse rétorque en invoquant l'article 33 § 2 de l'arrêté royal du 17 décembre 1992 qui stipule qu'aucune participation bénéficiaire ne peut être garantie, de quelque manière que ce soit, avant la date de la répartition du bénéfice;

Attendu que selon elle, c'est précisément l'augmentation des prestations contractuellement garanties qui a entraîné la disparition des bénéfices pour les contrats du type de ceux souscrits par le demandeur;

Attendu qu'on ne peut contraindre la défenderesse à distribuer des parts bénéficiaires depuis 1994 si, effectivement, les bénéfices ont disparu;

Attendu enfin que le demandeur soutient que depuis 1992, la défenderesse perçoit illégalement une taxe d'abonnement de 4,4% sur les primes d'assurance, alors que cette taxe a été supprimée en 1992;

Attendu que la défenderesse répond que cette taxe est imposée par l'article 175-1 alinéa 2 du Code des taxes assimilées au timbre;

Attendu que l'article 176-2 exempte de la taxe les contrats d'assurance sur la vie, à titre individuel à dater du 1er janvier 1994;

Attendu qu'à titre subsidiaire, la défenderesse argue de ce que l'action en répétition de l'indu serait prescrite en vertu de l'article 2277 du Code civil pour tout ce qui est antérieur au 15 janvier 1997;

Attendu que Nous avons répondu à cet argument en estimant que l'action fondée sur l'article 1376 du Code civil est soumise aux règles générales sur la prescription, que les sommes indues aient été payées par annuités ou autrement;

Attendu qu'en synthèse et en fonction des considérations émises, il apparaît que

1. l'action initiale est recevable;

2. elle n'est pas prescrite;

3. les modifications apportées au contrat en 1986 sont contractuelles;

4. des modifications intervenues en 1993, seule la taxe d'abonnement a causé un préjudice au demandeur, depuis le 1er janvier 1994;

Attendu qu'à la vue de l'acharnement de chacune des parties à défendre sa position, celles-ci en faisaient une question de principe plutôt que d'argent;

Attendu que le fait de notre compétence ratione summae n'ait pas été mise en doute en est la preuve;

Attendu que l'action n'étant déclarée que partiellement fondée, il convient de partager les frais de citation et de compenser les indemnités de procédure;

Par ces motifs,

Nous, juge de paix,

Statuant contradictoirement, en premier ressort,

Disons l'action initiale et les demandes introduites par la suite recevables.

Disons pour droit que celles-ci ne sont pas prescrites.

Condamnons la défenderesse à rembourser au demandeur la somme de un euro à titre provisionnel représentant 4,4% des primes payées depuis le1er janvier 1994.

Condamnons la défenderesse à payer au demandeur la moitié des frais de citation, soit quatre-vingt-sept euros et cinquante et un cents (87,51 euros).

Compensons les indemnités de procédure.

Renvoyons la cause au rôle.

(...)