Article

Cour de justice des Communautés européennes, 16/06/2005, R.D.C.-T.B.H., 2005/10, p. 1041-1051

Cour de justice des Communautés européennes 16 juin 2005

ASSURANCE
Assurance incendie - Aggravation du risque - Terrorisme - Résiliation du contrat - Réparation du préjudice - Taux d'intérêt
L'assureur n'a pas prouvé que les attentats du 11 septembre 2001 sont constitutifs d'une aggravation du risque assuré telle qu'elle n'aurait en aucun cas couvert le risque assuré si lesdits attentats s'étaient déroulés avant la conclusion du contrat d'assurance. Il n'apporte pas la preuve que la probabilité que le risque assuré se réalise aurait augmenté, ni l'existence d'une augmentation de l'intensité du risque assuré après le 11 septembre 2001.
Le préjudice subi par le Parlement européen en raison de la résiliation abusive des garanties par l'assureur est donc constitué par la différence entre les primes qu'il a dû verser au nouvel assureur pour pouvoir bénéficier de la même couverture que celle assurée jusque-là par la partie défenderesse et celles qu'il aurait dû verser à cette dernière pour ladite couverture, et ceci tant pour l'année 2001 que pour l'année 2002. S'agissant du montant du préjudice résultant de la résiliation abusive des garanties par l'assureur, il y a lieu de distinguer entre l'année 2001 et l'année 2002.
Il ressort de l'article 1153 troisième alinéa des Codes civils belge, français et luxembourgeois, que les intérêts ne sont dus qu'à compter de la sommation de les payer. Il s'ensuit que ce n'est qu'à compter de la date à laquelle ce dernier a été introduit que les sommes dues par l'assureur sont susceptibles de produire des intérêts. S'agissant du taux applicable, il y a lieu de distinguer selon que les sommes sont dues au titre de la couverture des biens du Parlement européen situés en Belgique, en France ou au Luxembourg, afin d'appliquer à ces sommes le taux d'intérêt légal applicable, dans chacun de ces États, à partir du 4 avril 2002.

VERZEKERING
Brandverzekering - Verzwaring van het risico - Terrorisme - Ontbinding van de overeenkomst - Herstel van de schade - Intrestvoet
De verzekeraar heeft niet aangetoond dat de aanslagen van 11 september 2001 aanleiding hebben gegeven tot een zodanige verzwaring van het verzekerde risico dat dit zeker niet gedekt zou zijn indien die aanslagen vóór de contractsluiting zouden zijn gepleegd. Hij bewijst evenmin dat de kans op de voltrekking van het verzekerde risico is toegenomen of dat de omvang van het verzekerde risico na 11 september 2001 is vergroot.
De schade van het Europees Parlement ten gevolge van de onrechtmatige ontbinding van de overeenkomst door de verzekeraar bestaat dus uit het verschil tussen de premies die het heeft moeten betalen aan de nieuwe verzekeraar voor dezelfde bescherming als deze die tot op dat moment door de verweerder werd geboden, en de premies die het voor een dergelijke bescherming zou hebben moeten betalen aan de verweerder, en dit zowel voor 2001 als voor 2002. Voor de bepaling van de omvang van de schade uit de onrechtmatige ontbinding door de verzekeraar moet een onderscheid worden gemaakt tussen het jaar 2001 en het jaar 2002.
Overeenkomstig artikel 1153 lid 3 van het Belgische, Franse en Luxemburgse Burgerlijk Wetboek zijn de intresten pas verschuldigd vanaf de dag van de aanmaning tot betaling. Hieruit volgt dat de door de verzekeraar verschuldigde bedragen pas vanaf dan intresten voortbrengen. Voor de vaststelling van de toepasselijke intrestvoet moet een onderscheid worden gemaakt al naargelang de bedragen verschuldigd zijn voor de verzekering van de goederen van het Europees Parlement in België, in Frankrijk of in Luxemburg. Zo kan voor deze bedragen de wettelijke interestvoet worden gehanteerd die in elk van deze landen van toepassing is, en dit vanaf 4 april 2002.

Parlement européen / AIG Europe

Siég.: A. Rosas (président), R. Schintgen (rapporteur) et K. Schiemann (juges)
M.P.: P. Léger (avocat général)
Pl.: Mes D. Petersheim, O. Caisou-Rousseau, M. Ecker (qualité d'agents) et J.-L. Fagnart, L. Vael (avocats)

Affaire C-124/02

1. Par sa requête, le Parlement européen demande à la Cour, d'une part, de déclarer nulles et non avenues les décisions de AIG Europe (ci-après “AIG”) de résilier certaines des garanties du contrat d'assurance nº 5.013.347 conclu entre eux et, d'autre part, de condamner AIG au paiement de dommages et intérêts compensant les dépenses auxquelles il a dû faire face du fait de la conclusion d'une couverture d'assurance supplémentaire en substitution des garanties résiliées par AIG.

Le cadre juridique

2. Le 8 décembre 1999, le Parlement, la compagnie d'assurance Royal & Sun Alliance Insurance (ci-après “RSA”) et AIG, en tant qu'apériteur, ont signé un contrat d'assurance “périls dénommés”. Ce contrat, qui porte le nº 5.013.347, avait pour objet d'assurer les biens mobiliers et immobiliers de cette institution, situés dans les différents États membres de l'Union européenne, contre l'incendie et les risques connexes, notamment les conflits de travail et les actes de terrorisme. Il constituait une police de premier rang dans la mesure où il ne couvrait lesdits risques qu'à hauteur d'environ 74.368.057 euros. Les biens étaient assurés, pour le surplus, par RSA contre les mêmes risques au moyen d'une police de second rang, à savoir le contrat nº 1F516.071.

3. Le quatrième avenant au contrat nº 5.013.347, signé le 30 juillet 2001, a donné lieu à des modifications de la coassurance en étendant celle-ci à deux autres assureurs, CNA et HDI International (ci-après “HDI”). Ainsi, les risques de cette police étaient désormais répartis entre quatre assureurs à concurrence de 25% chacun.

4. Le contrat nº 5.013.347 comporte, dans sa partie introductive, une disposition intitulée “Généralités”, qui prévoit:

“Les Conditions Particulières du présent contrat remplacent et abrogent toutes les Conditions Générales pour autant qu'elles soient plus favorables à l'assuré.

Les documents suivants forment ensemble le contrat d'assurance et règlent les droits respectifs des parties:

- les Conditions Particulières;

- L'inventaire des immeubles avec leurs valeurs assurées;

- Les Conditions Générales 1999 - dont les Sections I (chapitres I à IX) et III sont d'application.”

5. Le point 8, sous b), des conditions particulières du contrat nº 5.013.347 (ci-après les “conditions particulières”), intitulé “Durée”, est libellé comme suit:

“La présente police est prévue pour une durée de un an, tacitement reconductible d'année en année, pour un maximum de 6 ans, sauf en cas de résiliation de contrat expresse par une des parties moyennant un préavis de 6 mois notifié par courrier recommandé.”.

6. Aux termes du point 8, sous c), des mêmes conditions particulières, en cas de litige, concernant aussi bien l'appel d'offres que l'exécution de la police d'assurance, et à défaut d'un accord amiable, seule la Cour de justice est compétente pour statuer. Le droit applicable au contrat nº 5.013.347 est celui du lieu où l'immeuble assuré est situé, à savoir, selon le cas, le droit luxembourgeois, le droit belge ou le droit français, y compris le droit applicable dans la région Alsace.

7. L'article 34, B, des conditions générales du contrat nº 5.013.347 (ci-après les “conditions générales”), qui se trouve dans la section III de celles-ci, prévoit que, en cours de contrat:

“1) Le preneur d'assurance a l'obligation de déclarer, dans les conditions du paragraphe A. 1), les circonstances nouvelles ou les modifications de circonstances qu'il doit raisonnablement considérer comme étant de nature à entraîner une aggravation sensible et durable du risque de survenance des dommages assurés ou de l'importance de ceux-ci.

2) Lorsque ce risque s'est aggravé de telle sorte que, si l'aggravation avait existé au moment de la souscription, la compagnie n'aurait consenti l'assurance qu'à d'autres conditions, elle propose, dans le délai d'un mois à compter du jour où elle a eu connaissance de l'aggravation, la modification du contrat avec effet rétroactif au jour de l'aggravation.

Si la proposition de modification du contrat est refusée par le preneur d'assurance ou si, au terme d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette proposition, cette dernière n'est pas acceptée, la compagnie peut résilier le contrat dans les quinze jours.

Néanmoins, si la compagnie apporte la preuve qu'elle n'aurait en aucun cas assuré le risque aggravé, elle peut résilier le contrat dans le délai d'un mois à compter du jour où elle a eu connaissance de l'aggravation.

[...]”

8. L'article 42 desdites conditions générales, intitulé “Durée du contrat”, est libellé comme suit:

“La durée du contrat est fixée aux conditions particulières. Sauf convention contraire le contrat d'une durée inférieure à une année prend fin à la date indiquée. Le contrat souscrit pour une durée d'une année ou plus se reconduira tacitement pour les périodes consécutives identiques, fractions d'années exclues, avec un maximum de trois ans. Chacune des parties peut s'y opposer par lettre recommandée déposée à la poste au moins trois mois avant l'arrivée du terme du contrat. L'heure de la prise et de la cessation d'effet de l'assurance est conventionnellement fixée à zéro heure.

Toutefois les assurances 'tempête et grêle' et 'conflits de travail - attentats' sont résiliables annuellement par l'une ou l'autre des parties.

De plus, la compagnie se réserve la possibilité de suspendre les assurances 'conflits de travail - attentats' à tout moment, moyennant préavis de sept jours calendrier prenant cours le lendemain du dépôt à la poste de la notification de la résiliation ou de l'acte extrajudiciaire contenant pareille notification.”.

9. L'article 49 second alinéa des mêmes conditions générales prévoit:

“Les conditions particulières complètent les conditions générales et les clauses additionnelles. Elles les abrogent dans la mesure où elles leur seraient contraires.”

10. La réglementation nationale pertinente en matière de durée des contrats est la suivante:

- l'article 30 § 1 de la loi belge du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre (M.B. 20 août 1992, p. 18283, ci-après la “loi belge”), qui est libellé comme suit:

“La durée du contrat d'assurance ne peut excéder un an. Sauf si l'une des parties s'y oppose par lettre recommandée déposée à la poste au moins trois mois avant l'arrivée du terme du contrat, celui-ci est reconduit tacitement pour des périodes consécutives d'un an.

[…]”;

- l'article L. 113-12 du Code des assurances français qui prévoit:

“La durée du contrat et les conditions de résiliation sont fixées par la police.

Toutefois, l'assuré a le droit de résilier le contrat à l'expiration d'un délai d'un an, en envoyant une lettre recommandée à l'assureur au moins deux mois avant la date d'échéance. Ce droit appartient, dans les mêmes conditions, à l'assureur. […]

[…]” et

- l'article 38 de la loi luxembourgeoise du 27 juillet 1997 sur le contrat d'assurance (Mém. A 1997, p. 2048, ci-après la “loi luxembourgeoise”), aux termes duquel:

“La durée du contrat est fixée par les parties.

Toutefois, et sauf pour les assurances sur la vie et l'assurance maladie, le preneur d'assurance a le droit de résilier le contrat chaque année à l'échéance de la prime annuelle, ou, à défaut, à la date anniversaire de la prise d'effet du contrat, en envoyant une lettre recommandée à l'assureur au moins trois mois avant cette date. Ce droit appartient dans les mêmes conditions à l'assureur. Le droit de résilier le contrat tous les ans doit être rappelé dans chaque contrat.

[…]”

11. En ce qui concerne les conséquences d'une aggravation du risque assuré, l'article 26 § 1 de la loi belge prévoit:

“Sauf s'il s'agit d'un contrat d'assurance sur la vie, d'assurance maladie ou d'assurance-crédit, le preneur d'assurance a l'obligation de déclarer, en cours de contrat, dans les conditions de l'article 5, les circonstances nouvelles ou les modifications de circonstances qui sont de nature à entraîner une aggravation sensible et durable du risque de survenance de l'évènement assuré.

Lorsque, au cours de l'exécution d'un contrat d'assurance [...], le risque de survenance de l'évènement assuré s'est aggravé de telle sorte que, si l'aggravation avait existé au moment de la souscription, l'assureur n'aurait consenti l'assurance qu'à d'autres conditions, il doit, dans le délai d'un mois à compter du jour où il a eu connaissance de l'aggravation, proposer la modification du contrat avec effet rétroactif au jour de l'aggravation.

Si l'assureur apporte la preuve qu'il n'aurait en aucun cas assuré le risque aggravé, il peut résilier le contrat dans le même délai.

[...]”

12. À cet égard, l'article L. 113-4 du Code des assurances français dispose:

“En cas d'aggravation du risque en cours de contrat, telle que, si les circonstances nouvelles avaient été déclarées lors de la conclusion ou du renouvellement du contrat, l'assureur n'aurait pas contracté ou ne l'aurait fait que moyennant une prime plus élevée, l'assureur a la faculté soit de dénoncer le contrat, soit de proposer un nouveau montant de prime.

Dans le premier cas, la résiliation ne peut prendre effet que dix jours après notification et l'assureur doit alors rembourser à l'assuré la portion de prime ou de cotisation afférente à la période pendant laquelle le risque n'a pas couru. […]

[...]”

13. Il résulte des travaux préparatoires de la loi n° 89-1014, du 31 décembre 1989, portant adaptation du Code des assurances à l'ouverture du marché européen (JORF du 3 janvier 1990, p. 63), laquelle a modifié l'article L. 113-4 du Code des assurances français, que cette disposition est inapplicable aux aggravations non soumises à déclaration au sens dudit code.

14. S'agissant des conséquences d'une aggravation du risque assuré, l'article 34 point 1 de la loi luxembourgeoise prévoit:

“Le preneur d'assurance a l'obligation de déclarer, en cours de contrat, dans les conditions de l'article 11, les circonstances nouvelles ou les modifications de circonstances qui sont de nature à entraîner une aggravation sensible et durable du risque de survenance de l'événement assuré.

Lorsque, au cours de l'exécution d'un contrat d'assurance, le risque de survenance de l'événement assuré est aggravé de telle sorte que, si l'aggravation avait existé au moment de la souscription, l'assureur n'aurait consenti l'assurance qu'à d'autres conditions, il doit, dans le délai d'un mois à compter du jour où il a eu connaissance de l'aggravation, proposer la modification du contrat avec effet rétroactif au jour de l'aggravation.

Si l'assureur apporte la preuve qu'il n'aurait en aucun cas assuré le risque aggravé, il peut résilier le contrat dans le même délai.

[…]”

15. S'agissant des délais de préavis, l'article 30 § 1 de la loi belge précise:

“[…] Sauf si l'une des parties s'y oppose, dans les formes prescrites par l'article 29, au moins trois mois avant l'arrivée du terme du contrat, celui-ci est reconduit tacitement pour les périodes consécutives d'un an.

Le contrat ne peut imposer d'autres délais de préavis.”

16. Sur ces mêmes délais, l'article 38 deuxième alinéa de la loi luxembourgeoise prévoit:

“[...] le preneur d'assurance a le droit de résilier le contrat chaque année à l'échéance de la prime annuelle, ou, à défaut à la date anniversaire de la prise d'effet du contrat, en envoyant une lettre recommandée à l'assureur au moins trois mois avant cette date. Ce droit appartient dans les mêmes conditions à l'assureur. Le droit de résilier le contrat tous les ans doit être rappelé dans chaque contrat.”

17. Enfin, conformément à l'article L. 126-2 du Code des assurances français:

“Les contrats d'assurance de biens ne peuvent exclure la garantie de l'assureur pour les dommages résultant d'actes de terrorisme ou d'attentats commis sur le territoire national. Toute clause contraire est réputée non écrite.

[…]”

Les faits à l'origine du litige

18. Par lettre recommandée du 8 octobre 2001, AIG a informé le Parlement de ce qui suit:

“[…] sur base des modalités prévues à l'article 42 des Conditions Générales du contrat [...], nous suspendons les assurances 'conflits de travail - attentats'.

Conformément aux dispositions contractuelles, cette suspension prendra effet 7 jours 'calendrier' prenant effet le lendemain du dépôt à la poste de la présente lettre.

Cette résiliation porte sur l'ensemble des biens garantis par votre police, à l'exception de ceux situés en France.

Cette position, vous le comprendrez, nous est dictée par le contexte international actuel.”

19. Par télécopie du 9 octobre 2001, le Parlement a informé AIG qu'il contestait la suspension ou la résiliation du contrat, mais qu'il était disposé à négocier une solution pour la garantie du risque concerné au-delà du 23 octobre 2001.

20. Toutefois, AIG a confirmé sa décision de suspendre les garanties “conflits de travail - attentats” dans le délai de sept jours prévu à l'article 42 des conditions générales.

21. Par lettre recommandée du 11 octobre 2001, le Parlement a informé AIG qu'il s'opposait à ce que cette dernière invoque l'article 42 des conditions générales pour suspendre ou résilier les garanties en cause, dès lors que ladite disposition avait été abrogée par l'article 8 sous b) des conditions particulières. Le 24 octobre 2001, le Parlement a, par une nouvelle lettre recommandée, mis AIG en demeure d'assumer ses obligations contractuelles et de lui confirmer, avant le 25 octobre 2001 à midi, qu'elle renonçait à sa décision de ne pas vouloir remplir ses obligations.

22. À la suite de cette lettre, AIG a décidé de maintenir la garantie “conflits de travail - attentats” jusqu'au 5 novembre 2001 à midi, afin d'attendre le résultat d'une réunion organisée entre les parties et concernant les conditions de poursuite du contrat nº 5.013.347.

23. Cette réunion n'ayant pas permis aux parties de trouver un accord, AIG a confirmé, par lettre recommandée du 5 novembre 2001, ses courriers et télécopies précédentes et a maintenu sa position selon laquelle “les deuxième et troisième paragraphes de l'article 42 des conditions générales doivent continuer à s'appliquer”. Cette lettre est ensuite rédigée comme suit:

“[…]. Nous maintenons notre opinion et nous vous prions de considérer que nous suspendons, pour une durée indéterminée, la garantie 'conflits du travail - attentats'.

Ainsi que nous vous l'avions écrit par notre lettre recommandée du 8 octobre 2001, cette attitude nous est dictée par le contexte international actuel.

Celui-ci entraîne incontestablement une aggravation du risque qui est sensible et durable.

Les attentats du 11 septembre 2001 font apparaître qu'il existe des organisations terroristes qui s'efforcent, par tous les moyens, de détruire les symboles de la démocratie dans le monde. Il est clair que le Parlement européen est un des grands symboles de la démocratie en Europe.

Par notre lettre du 8 octobre 2001, nous vous avons signalé que, si l'aggravation devait exister au moment de la souscription du contrat, nous n'aurions en aucun cas garanti le risque tel qu'il existe aujourd'hui.

Étant donné que la recherche d'une solution amiable entre votre institution et notre société n'a pu aboutir, nous pensons, pour clarifier la situation, que nous devons résilier la garantie relative au risque 'conflits de travail - attentats'. Ceci concerne exclusivement les biens situés hors de la France.

En ce qui concerne les biens situés en France, et compte tenu des spécificités de la législation française, nous sommes obligés de résilier l'intégralité des garanties, avec effet au 16 novembre 2001, et nous vous en donnons préavis par les présentes.

[…]”.

24. Par lettre du 7 novembre 2001, le Parlement a contesté que, en ce qui concerne les bâtiments situés en Belgique et au Luxembourg, AIG avait mentionné, dans sa lettre du 8 octobre 2001, une aggravation du risque assuré. S'agissant des biens situés en France, le Parlement a reproché à AIG de ne pas indiquer la disposition sur laquelle elle se fondait pour procéder à la résiliation du contrat et que, conformément à l'article 8 des conditions particulières, cette résiliation n'était possible qu'après un préavis de six mois. Par ailleurs, le Parlement a, une nouvelle fois, mis AIG en demeure d'honorer ses engagements. Une dernière lettre de mise en demeure a suivi le 13 novembre 2001.

25. Parallèlement, le Parlement a contracté une nouvelle police d'assurance auprès d'un autre assureur, à savoir Fortis. Ainsi, il a conclu, les 5 et 16 novembre 2001, des contrats couvrant les garanties “conflits de travail - attentats” pour ses différents biens. Ces contrats couraient jusqu'au 31 décembre 2001. Pour l'année 2002, le Parlement a décidé de budgétiser le risque “attentats” et n'a souscrit avec Fortis qu'une assurance couvrant ses biens situés en France contre l'ensemble des périls à l'exclusion du risque “attentats”.

26. Par lettre recommandée du 5 juin 2002, le Parlement a résilié le contrat qui le liait à AIG avec effet au 1er janvier 2003.

Les conclusions des parties

27. Le Parlement conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- déclarer nulles et non avenues les résiliations des garanties notifiées par AIG les 8 octobre et 5 novembre 2001;

- condamner AIG au paiement de dommages et intérêts qui s'élèvent à 181.852,93 euros pour l'année 2001 et à 44.556,84 euros pour l'année 2002, afin de compenser les frais exposés par le Parlement pour la conclusion d'une couverture d'assurance supplémentaire en substitution des garanties résiliées abusivement par AIG ainsi que tous les frais connexes, assortis des intérêts calculés au taux légal, étant entendu que tous les sinistres survenant pendant l'année 2002 seront déclarés à AIG sur la base des polices résiliées abusivement;

- condamner AIG aux dépens.

28. AIG conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- déclarer non fondée la demande introduite par le Parlement;

- condamner ce dernier aux dépens.

Sur le recours
Sur la légalité des suspensions et des résiliations des garanties
Arguments des parties

29. Le Parlement fait valoir, en premier lieu, que l'article 42 des conditions générales ne lui est pas opposable. À cet égard, il relève, d'abord, que, dans la mesure où le contrat nº 5.013.347 prévoit que les conditions générales sont remplacées et abrogées par les conditions particulières, pour autant que ces dernières sont plus favorables à l'assuré, il convient de considérer que ledit article 42 a été abrogé par le point 8, sous b), des conditions particulières. Ces deux dispositions visant la durée du contrat et le préavis de six mois prévu par la seconde disposition étant manifestement plus avantageux pour l'assuré que celui de sept jours prévu par la première, le point 8, sous b), trouverait à s'appliquer en l'espèce. Cette disposition remplacerait l'intégralité de l'article 42 des conditions générales et pas seulement le premier alinéa de cet article.

30. En outre, d'une part, dès lors que, dans sa lettre du 5 novembre 2001, AIG a annoncé la résiliation de l'intégralité des garanties pour les biens situés en France avec effet au 16 novembre, le seul préavis applicable en vertu des dispositions contractuelles et légales serait le préavis de six mois. D'autre part, il résulterait de la loi luxembourgeoise que, pour les immeubles situés au Luxembourg, une résiliation avec un préavis de sept jours est illégale et, partant, inopposable à l'assuré.

31. Le Parlement soutient, ensuite, que ni le libellé de l'article 30 § 1 de la loi belge ni l'article 38 deuxième alinéa de la loi luxembourgeoise ne sont de nature à mettre en cause la validité du point 8, sous b), des conditions particulières. D'ailleurs, s'agissant de grands risques, l'article 3 point 3 de la loi luxembourgeoise prévoirait expressément que les parties au contrat peuvent déroger aux dispositions de l'article 38 de cette loi. Or, en l'occurrence, les conditions d'application de ce dernier article seraient remplies.

32. Le Parlement souligne, enfin, que, dans ses courriers, AIG utilise alternativement les termes “suspension” et “résiliation”. Il y aurait, dès lors, confusion dans les modalités et il serait manifeste que, dès le 8 octobre 2001, l'intention d'AIG aurait été de résilier la garantie du risque terroriste. En tout état de cause, à supposer même qu'AIG ait utilisé le terme “suspension” à bon escient, il conviendrait néanmoins de conclure que la suspension en cause revenait de facto à une résiliation. Ladite suspension aurait mis le Parlement dans une situation où celui-ci ne disposait plus de garantie d'assurance jusqu'à une date inconnue et se résumerait donc à une suppression unilatérale de la garantie. Or, la suspension viserait à permettre aux parties non pas de supprimer définitivement la couverture, mais de modifier les conditions de celle-ci.

33. Le Parlement fait valoir, en second lieu, que l'article 34 des conditions générales ne lui est pas non plus opposable. À cet égard, il relève, d'abord, que l'“aggravation du risque assuré” n'a été invoquée par AIG que dans une lettre du 5 novembre 2001. Or, dès lors que la prétendue aggravation du risque s'est réalisée le 11 septembre 2001, le délai d'un mois, figurant audit article 34, aurait expiré le 11 octobre 2001.

34. Le Parlement soutient, ensuite, que l'aggravation du risque résultant du “contexte international” ne saurait justifier une résiliation du contrat nº 5.013.347. En effet, en vertu de l'article 34 des conditions générales, les aggravations du risque justifiant une modification des conditions contractuelles se limiteraient aux aggravations du fait de l'assuré. La disposition contenue à l'article 34, B, paragraphe 2 desdites conditions découlerait clairement du paragraphe 1 de ce même article 34, B, et ne contiendrait aucune règle autonome. Cette interprétation des dispositions contractuelles serait corroborée par l'article 35 des conditions générales, aux termes duquel l'assureur “peut, à tout moment, faire visiter un établissement assuré”. Ledit article 34 se rapporterait donc manifestement à l'aggravation du risque du fait de l'assuré. La circonstance que la probabilité de survenance d'un risque assuré puisse augmenter ou celle que les conséquences de ce risque puissent être plus importantes que prévues au moment de la conclusion du contrat ne sauraient, par elles-mêmes, constituer une aggravation du risque, au sens des conditions générales.

35. Le Parlement ajoute, enfin, que la réaction à la prétendue aggravation du risque est très subjective puisque certains assureurs ont estimé que le nouveau risque justifiait une résiliation pouvant être différée au 31 décembre 2001, comme par exemple HDI, alors que d'autres n'ont pas considéré qu'il y avait une aggravation du risque assuré, comme par exemple CNA. Le comportement d'AIG démontrerait plus une réaction intempestive dictée par une politique générale qu'une approche raisonnée.

36 En tout état de cause, AIG ne se serait pas référée à une aggravation du risque assuré dans le délai prévu à l'article 34 des conditions générales et n'aurait, d'ailleurs, pas rapporté la preuve que, si elle avait eu connaissance de la prétendue aggravation du risque assuré avant la conclusion du contrat en cause, elle n'aurait pas accepté d'assurer le risque en cause. Or, selon le texte même du contrat, inspiré des réglementations belge, française et luxembourgeoise, il appartiendrait à l'assureur de prouver qu'il n'aurait en aucun cas assuré le risque aggravé. Les articles de presse soumis par AIG à l'appui de sa position prouveraient certes que les attentats du 11 septembre 2001 avaient un caractère exceptionnellement grave, mais ne sauraient faire perdre de vue que lesdits attentats se sont limités aux États-Unis. De surcroît, les faits avancés auraient été des actes isolés et l'éventuelle aggravation du risque assuré n'aurait pas présenté un caractère durable.

37. Selon le Parlement, eu égard à toutes ces considérations, le comportement d'AIG est manifestement entaché d'illégalité.

38. AIG soutient qu'elle n'a commis aucun acte illicite lorsqu'elle a, d'une part, suspendu les garanties “conflits de travail - attentats”, en application de l'article 42 deuxième et troisième alinéas des conditions générales, et, d'autre part, résilié le contrat nº 5.013.347, en se fondant sur l'article 34 des conditions générales et sur les réglementations belge, française et luxembourgeoise relatives à l'aggravation des risques assurés.

39. S'agissant, en premier lieu, de la suspension des garanties “conflits de travail - attentats”, AIG soutient que les dispositions de la section III des conditions générales ne sont pas abrogées par les conditions particulières. En effet, d'une part, elles ne seraient ni explicitement abrogées par lesdites conditions particulières ni contraires à celles-ci. Or, le fait que les conditions particulières prévoient expressément l'abrogation de certaines dispositions des conditions générales prouverait que les parties n'avaient pas l'intention d'abroger les dispositions de la section III de ces dernières conditions.

40. AIG relève, ensuite, que le point 8, sous b), des conditions particulières fixe certes la durée du contrat et remplace ainsi l'article 42 premier alinéa des conditions générales. Toutefois, les deuxième et troisième alinéas de cet article ne viseraient pas la durée du contrat, mais porteraient sur la possibilité de résilier ou de suspendre le contrat en cours. Ces deux alinéas n'étant pas en contradiction avec les conditions particulières, il y aurait lieu de considérer qu'ils n'ont été ni abrogés ni remplacés par lesdites conditions et restent donc applicables.

41. AIG souligne, enfin, que le délai de préavis de six mois figurant au point 8, sous b), des conditions particulières, d'une part, est contraire à l'article 3 § 1 et 2 de la loi belge ainsi qu'aux articles 3 point 3 et 38 deuxième alinéa de la loi luxembourgeoise et, d'autre part, ne vise que les cas d'opposition à la tacite reconduction du contrat et non pas les cas dans lesquels il y a une aggravation du risque assuré. Elle ajoute que les notifications du 9 octobre 2001 ont respecté les préavis légaux fixés aux articles L. 113-4 du Code des assurances français et 39 de la loi luxembourgeoise.

42. En ce qui concerne, en second lieu, la résiliation des garanties en cause, AIG fait valoir que tant l'article 34 des conditions générales, non abrogé par les conditions particulières, que les droits belge, français et luxembourgeois lui permettaient de résilier les contrats en cas d'aggravation sensible et durable du risque assuré.

43. Or, les attentats du 11 septembre 2001 auraient précisément fait apparaître une aggravation sensible et durable de ce risque et auraient ainsi créé une situation nouvelle qui, si elle avait été connue, n'aurait pas permis la conclusion du contrat d'assurance liant les parties au litige. En effet, ces attentats auraient fait apparaître la gravité insoupçonnée de la menace terroriste et confronté les assureurs ainsi que les réassureurs à des risques de dommages d'une ampleur inconnue jusque-là. Il en serait résulté un bouleversement des conditions des assurances tel qu'il a conduit certains États, dont la République française, à modifier les conditions d'assurance des dommages aux biens résultant d'actes de terrorisme ou d'attentats. La circonstance que des projets d'actes terroristes visant le Parlement ont été découverts prouverait de surcroît que l'accroissement du risque d'attaques terroristes ne se limitait pas aux États-Unis mais était global.

44. À cet égard, AIG ajoute que, contrairement à ce que fait valoir le Parlement, dans les différents droits applicables au contrat nº 5.013.347, l'aggravation du risque assuré que l'assureur peut invoquer afin de pouvoir valablement résilier une garantie ne doit pas être imputable à l'assuré. Les régimes de l'aggravation du risque s'appliqueraient à toute aggravation, quelle qu'en soit la cause. Par ailleurs, l'article 34 des conditions générales ne se limiterait pas non plus aux seules modifications imputables à l'assuré.

45. Quant au délai dans lequel l'assureur doit rapporter la preuve de l'aggravation du risque assuré, AIG relève que si, en vertu des réglementations qui gouvernent le régime de l'aggravation du risque, l'assureur ne peut résilier le contrat que pour autant qu'il apporte la preuve qu'il n'aurait en aucun cas assuré le risque aggravé, aucune disposition légale ne lui impose d'apporter cette preuve dans le délai d'un mois à compter du jour où il a eu connaissance de ladite aggravation. Cette preuve ne devrait être apportée qu'au moment où il existe un litige au sujet de la validité de la résiliation.

Appréciation de la Cour

46. D'une part, force est de constater, d'emblée, qu'il résulte des différents courriers d'AIG que, dès le 8 octobre 2001, celle-ci entendait procéder à la résiliation des garanties “conflits de travail - attentats” pour les biens.

47. Il importe de relever, d'autre part, que, en réponse à une question de la Cour, AIG a admis que, dans ladite lettre, elle avait implicitement visé l'article 34, B, des conditions générales et non pas l'article 42 de ces conditions.

48. En conséquence, il n'y a pas lieu d'examiner si les conditions d'application dudit article 42 sont remplies en l'espèce.

49. En ce qui concerne, ensuite, la possibilité d'invoquer l'article 34, B, paragraphe 2 des conditions générales, il convient de rappeler que cette disposition prévoit, d'une part, que, lorsque le risque s'est aggravé de telle sorte que, si l'aggravation avait existé au moment de la souscription, l'assureur n'aurait consenti l'assurance qu'à d'autres conditions, l'assureur propose, dans le délai d'un mois à compter du jour où il a eu connaissance de l'aggravation, la modification du contrat avec effet rétroactif au jour de l'aggravation et, d'autre part, que l'assureur peut résilier le contrat dans le délai d'un mois à compter du jour où il a eu connaissance de l'aggravation du risque s'il apporte la preuve qu'il n'aurait en aucun cas assuré le risque aggravé.

50. Dans la mesure où, en l'occurrence, il ressort de la lettre d'AIG du 8 octobre 2001 que celle-ci avait l'intention de résilier le contrat nº 5.013.347, cette société ne saurait prétendre avoir voulu suspendre les garanties prévues par le contrat nº 5.013.347. Il y a uniquement lieu d'examiner si les conditions d'application de la résiliation d'un tel contrat sont remplies en l'espèce.

51. À cet égard, il convient de relever, d'abord, que, dans sa lettre du 8 octobre 2001, AIG a fait référence au “contexte international actuel” pour motiver sa décision de résilier les garanties en cause. Cette indication pouvant être raisonnablement comprise comme constituant une référence à une aggravation du risque assuré, il y a lieu de retenir qu'elle a respecté le délai d'un mois qui lui est accordé à l'article 34, B, paragraphe 2 troisième alinéa des conditions générales pour invoquer l'aggravation du risque assuré.

52. Il importe de souligner, ensuite, que, contrairement à ce que soutient le Parlement, il ne résulte ni des dispositions des contrats ni des réglementations nationales applicables à ceux-ci que l'aggravation du risque visé à l'article 34, B, paragraphe 2 des conditions générales doit être imputable à l'assuré.

53. Il convient de préciser, enfin, que le délai dont l'assureur dispose pour apporter la preuve qu'il n'aurait en aucun cas assuré le risque aggravé n'est pas celui prévu à ladite disposition. En effet, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé au point 93 de ses conclusions, il suffit que, en cas de contestation, cette preuve soit apportée devant le juge appelé à trancher le litige résultant de la résiliation des garanties en cause.

54. Toutefois, force est de constater qu'AIG n'a pas prouvé que les attentats du 11 septembre 2001 sont constitutifs d'une aggravation du risque assuré telle qu'elle n'aurait en aucun cas couvert le risque assuré si lesdits attentats s'étaient déroulés avant la conclusion du contrat d'assurance.

55. En effet, ainsi qu'il ressort des réglementations nationales applicables au contrat nº 5.013.347, dans lesquelles la notion d'“aggravation du risque assuré” qui permet aux assureurs de résilier un contrat d'assurance dans les conditions visées à l'article 34, B, paragraphe 2 troisième alinéa des conditions générales est, en substance, identique, l'aggravation du risque assuré n'est libératoire pour l'assureur que lorsqu'elle découle de l'augmentation soit de la probabilité que le risque assuré se réalise, soit de l'intensité du risque assuré.

56. En ce qui concerne, d'une part, la probabilité que des actes terroristes soient commis à l'encontre des biens du Parlement couverts par le contrat nº 5.013.347, il convient de constater qu'AIG s'est bornée à soutenir que les attentats du 11 septembre 2001 étaient dirigés contre l'ensemble du monde occidental et que des projets d'attentat contre les bâtiments du Parlement à Strasbourg ont été découverts.

57. Or, ainsi que cette institution l'a souligné à juste titre, d'une part, il ne saurait être déduit de ce que lesdits attentats ont été considérés comme des attaques dirigées contre le monde occidental que s'était accrue après le 11 septembre 2001 la probabilité que les biens du Parlement situés en Belgique, en France et au Luxembourg deviennent la cible d'actes terroristes similaires. D'autre part, lesdits attentats visaient les États-Unis d'Amérique et ont été commis sur le territoire de cet État.

58. Dans ces conditions, il y a lieu de constater qu'AIG n'a pas rapporté la preuve que la probabilité que le risque assuré se réalise aurait augmenté.

59. S'agissant, d'autre part, de l'augmentation de l'intensité du risque assuré, il convient de relever que la situation des biens du Parlement après le 11 septembre 2001 ne s'est pas aggravée. En effet, même avant cette date, le risque que d'éventuels attentats soient commis à l'encontre de ces biens existait et c'est d'ailleurs en raison de l'existence d'un tel risque que le Parlement a souscrit une garantie couvrant le risque d'attentats. Or, en premier lieu, les biens assurés sont restés les mêmes et leur vulnérabilité aux actes terroristes est également restée inchangée. En second lieu, ainsi que le Parlement l'a relevé à juste titre, le risque qu'un acte terroriste soit perpétré à l'aide d'un avion de ligne détourné et l'étendue des dégâts pouvant résulter d'un tel acte étaient connus en Europe au moins depuis l'année 1994, année durant laquelle un avion de tourisme avait été détourné dans le dessein de commettre une attaque terroriste dirigée contre un état membre.

60. Dans la mesure où, depuis les attentats du 11 septembre 2001, tant en Europe qu'à travers le monde, les mesures de sécurité dans les aéroports ont été améliorées et les mécanismes relatifs à l'interception d'avions détournés modifiés, il y a lieu de considérer que le risque que des attentats du genre de ceux perpétrés le 11 septembre 2001 puissent se reproduire a diminué.

61. Dans ces conditions, AIG n'a pas rapporté la preuve de l'existence d'une augmentation de l'intensité du risque assuré après le 11 septembre 2001.

62. En tout état de cause, à supposer même que l'aggravation du risque assuré soit constituée, il n'en demeure pas moins qu'AIG n'a pas rapporté la preuve que ledit risque s'était aggravé de telle façon qu'elle ne l'aurait en aucune manière assuré. En effet, s'il est vrai que le comportement économique de chaque assureur doit s'analyser de manière individuelle, il n'en reste pas moins que l'agissement d'autres assureurs peut fournir des indices quant à l'opportunité des choix économiques effectués. La circonstance que l'un des coassureurs, à savoir CNA, n'a pas résilié ni même renégocié le contrat nº 5.013.347 et celle qu'un autre assureur a, certes contre le paiement d'une prime d'assurance plus élevée que celle facturée par AIG, été disposé à couvrir le risque prétendument aggravé sont de nature à démontrer que, d'un point de vue économique, la couverture des risques en cause avait encore un intérêt.

63. Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la résiliation des garanties en cause par AIG est intervenue en violation des dispositions contractuelles liant les parties au litige et est donc abusive.

Sur le préjudice et sa réparation
Arguments des parties

64. Selon le Parlement, l'assureur d'un bien a non seulement l'obligation d'indemniser l'assuré lorsque la condition suspensive à laquelle cette indemnisation est subordonnée se réalise, mais doit garantir à l'assuré une sécurité matérielle et psychologique tout au long du contrat. Ainsi, ledit contrat serait un contrat “successif”, visant à garantir l'assuré depuis le moment de sa conclusion jusqu'à celui de la survenance du sinistre ou de l'échéance du contrat.

65. Le Parlement ajoute que, conformément à l'article 1142 des Codes civils belge, français et luxembourgeois, libellé dans les mêmes termes, “[t]oute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur”. Il indique que, selon l'article 1146 des mêmes codes, “[l]es dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer”.

66. AIG n'ayant pas donné suite aux différentes mises en demeure, le Parlement aurait donc conclu des assurances complémentaires en substitution des garanties résiliées par AIG, ce qui lui aurait occasionné des frais supplémentaires.

67. Le dommage prétendument occasionné par le comportement d'AIG correspondrait au montant des primes versées au nouvel assureur pour une période commençant à courir respectivement les 5 et 16 novembre 2001. Ledit dommage est évalué à 589.665,80 euros pour l'année 2001, augmentés des intérêts calculés à partir de la date du paiement de chaque montant individuel composant ce montant. Pour l'année 2002, le préjudice s'élèverait au montant de la prime versée pour la couverture des biens situés en France, à savoir 183.210,69 euros, augmentés des intérêts y relatifs.

68. Selon le Parlement, l'indemnisation du dommage doit être répartie pour les années 2001 et 2002 entre, respectivement, les deux et trois coassureurs qui sont à l'origine du dommage, et ce en fonction du pourcentage correspondant au montant revenant à chacun d'entre eux sur le montant total de la prime qui leur a été versée en 2001 et de celle qui aurait dû leur être versée en 2002.

69. Pour sa part, AIG soutient que, dans le cadre d'un contrat d'assurance, l'assureur s'engage à indemniser l'assuré en cas de résiliation du risque assuré. Le contrat en cause constituerait dès lors un contrat aléatoire et non pas un contrat successif. L'obligation de l'assureur étant une obligation conditionnelle, elle ne serait exigible qu'en cas de réalisation de la condition suspensive, à savoir, en l'occurrence, en cas de dommage résultant d'un acte terroriste. L'assuré ne pourrait prétendre à des dommages et intérêts que lorsque le risque assuré se réalise et que l'assureur refuse de verser l'indemnité couvrant le dommage qui en a résulté. Or, tel ne serait pas le cas en l'espèce.

70. De surcroît, selon AIG, le Parlement ne saurait simultanément exiger, d'une part, l'annulation de la résiliation et donc la poursuite du contrat nº 5.013.347 et, d'autre part, sa condamnation au paiement de dommages et intérêts. En effet, en matière contractuelle, il serait constant que l'exécution en nature des obligations contractées prime sur leur exécution par équivalent. Dès lors, si ledit contrat n'a pas été valablement résilié, il serait resté en vigueur jusqu'au 1er janvier 2003 et le Parlement ne saurait faire supporter à AIG les primes qu'il a versées au nouvel assureur.

71. En effet, dans un tel cas de figure, l'assurance conclue par le Parlement avec Fortis constituerait une surassurance. Or, d'une part, conformément aux articles 42 second alinéa de la loi belge et 53 second alinéa de la loi luxembourgeoise, les contrats avec Fortis seraient nuls, de sorte qu'il incomberait à cette dernière de rembourser les primes qui lui ont été versées par le Parlement pour assurer les biens de celui-ci situés en Belgique et au Luxembourg. D'autre part, selon les articles L. 121-3 et L. 121-4 du Code des assurances français, il y aurait lieu de réduire les primes dues à chacun des assureurs en fonction de leur participation respective à la couverture réelle des biens assurés.

72. Ainsi, le Parlement pourrait récupérer auprès de Fortis l'intégralité des primes payées pour couvrir ses biens situés en Belgique et au Luxembourg et approximativement la moitié de la prime versée au titre de l'assurance de ses biens situés en France.

Appréciation de la Cour

73. D'emblée, il y a lieu de constater que, dans la mesure où l'assureur donne, pendant toute la durée du contrat, à l'assuré la garantie que celui-ci sera indemnisé en cas de sinistre, l'assureur contracte une obligation qui n'est pas liée à la réalisation d'une condition suspensive, mais qui est une obligation pure et simple qui perdure tout au long de la durée du contrat et qui s'échelonne dans le temps. Dès lors, l'obligation découlant pour l'assureur d'un contrat d'assurance ne saurait, contrairement à ce que soutient AIG, uniquement s'analyser comme prévoyant, à la charge de l'assureur, une obligation aléatoire. Au contraire, une des obligations incombant à l'assureur perdure dans le temps et donne au contrat d'assurance le caractère de contrat successif.

74. Or, s'il est vrai, ainsi qu'AIG l'a soutenu, que, en matière de responsabilité contractuelle, l'exécution en nature prime, en principe, l'exécution par équivalent, il n'en demeure pas moins que l'annulation de la résiliation des garanties et la condamnation d'AIG à couvrir, de manière rétroactive, les risques assurés jusqu'au 31 décembre 2002, ne sont pas de nature à réparer le préjudice subi par le Parlement, puisque celui-ci n'a pas pu bénéficier, de la part d'AIG, de la sécurité que celle-ci allait garantir ses biens en cas de survenance du risque assuré. Cette obligation, qui est, ainsi qu'il ressort du point 73 du présent arrêt, une obligation essentielle incombant à l'assureur, n'est pas susceptible d'être assurée rétroactivement.

75. Il s'ensuit que la réparation en nature qui serait constituée par l'annulation de la résiliation des garanties par AIG n'est pas susceptible de compenser le préjudice subi par le Parlement.

76. Il y a lieu d'ajouter que, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé au point 125 de ses conclusions, le Parlement se voit totalement rétabli dans ses droits en obtenant que le surplus de primes qu'il a dû payer au nouvel assureur pour pouvoir bénéficier des mêmes garanties que celles que lui avait accordées AIG lui soient remboursées. En l'absence de conséquences préjudiciables pour le Parlement du fait de la résiliation fautive desdites garanties, il ne serait pas justifié d'accorder en outre à cette institution le maintien des effets des garanties résiliées par AIG et de déclarer cette résiliation comme non avenue.

77. S'agissant de l'étendue du préjudice du Parlement, il y a lieu de constater que, dès lors, en cas de non-résiliation des garanties par AIG, cette institution aurait en tout état de cause dû payer un certain montant pour s'assurer contre les risques en cause, elle ne saurait faire valoir que la totalité de la prime versée au nouvel assureur doit être mise à la charge d'AIG.

78. Le préjudice subi par le Parlement en raison de la résiliation abusive des garanties par AIG est donc constitué par la différence entre les primes qu'il a dû verser au nouvel assureur pour pouvoir bénéficier de la même couverture que celle assurée jusque-là par AIG et celles qu'il aurait dû verser à cette dernière pour ladite couverture, et ceci tant pour l'année 2001 que pour l'année 2002.

79. S'agissant du lien entre le comportement abusif d'AIG et le préjudice subi par le Parlement, il y a lieu de rappeler, d'une part, qu'AIG n'a pas fait usage de la possibilité de proposer au Parlement une renégociation des conditions dudit contrat, ainsi qu'il est prévu à l'article 34, B, paragraphe 2 premier alinéa des conditions générales. Elle ne saurait dès lors valablement soutenir que, après les attentats du 11 septembre 2001, le Parlement aurait en tout état de cause dû verser des primes supérieures à celles versées jusque-là et qu'il n'a donc pas subi de préjudice lors de la conclusion du nouveau contrat d'assurance.

80. Il convient de relever, d'autre part, que, en l'espèce, le Parlement a, à plusieurs reprises, mis AIG en demeure de revenir sur sa décision de suspendre et de résilier les garanties en cause et que ces mises en demeure sont restées sans suite. Dans ces conditions, il incombait au Parlement, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé à juste titre au point 119 de ses conclusions, d'agir en bon père de famille et de contracter, dans les meilleurs délais et dans une position qui ne lui permettait pas de véritablement en négocier les conditions, une nouvelle assurance couvrant les risques garantis jusque-là par AIG.

81. Dès lors, le fait que le Parlement a dû souscrire, à très brève échéance, de nouvelles assurances est la conséquence directe de la résiliation abusive des contrats par AIG.

82. S'agissant du montant du préjudice résultant de la résiliation abusive des garanties par AIG, il y a lieu de distinguer entre l'année 2001 et l'année 2002.

83. En ce qui concerne l'année 2001, il ressort du dossier que le Parlement a versé à Fortis les sommes suivantes:

- 106.909 euros, au titre du contrat d'assurance “terrorisme Belgique”, prenant effet le 5 novembre 2001 et expirant le 31 décembre 2001;

- 98.222,75 euros, au titre du contrat d'assurance “terrorisme Luxembourg”, prenant effet le 5 novembre 2001 et expirant le 31 décembre 2001;

- 235.798,05 euros, au titre du contrat d'assurance “périls dénommés hors terrorisme”, couvrant les biens situés en France, prenant effet le 16 novembre 2001 et expirant le 31 décembre 2001;

- 148.736 euros, au titre du contrat d'assurance “terrorisme France”, prenant effet le 16 novembre 2001 et expirant le 31 décembre 2001.

84. Toutefois, il résulte également des pièces du dossier que le Parlement a reçu de la part de Fortis un crédit de primes pour l'année 2002 s'élevant à 206.081,04 euros, déjà payés au cours de l'année 2001, au titre de l'assurance “périls dénommés hors terrorisme” couvrant les biens situés en France. Le montant total des sommes versées par le Parlement au nouvel assureur pour 2001 s'élève dès lors à 383.584,76 euros.

85. Or, ainsi qu'il résulte des développements contenus aux points 135 à 137 des conclusions de M. l'avocat général, le pourcentage de la somme de 383.584,76 euros dû par AIG doit être calculé à partir du montant total des primes que le Parlement a versées ou aurait dû verser aux quatre coassureurs (AIG, RSA, HDI et CNA) pour couvrir la période allant du 31 août 2001 au 31 décembre 2001.

86. S'agissant de la période exacte sur laquelle s'étend le préjudice qu'AIG doit réparer, il y a lieu de retenir que, en ce qui concerne les garanties couvrant les biens du Parlement situés en Belgique et au Luxembourg, cette période commence le 5 novembre 2001, date de la prise d'effet des contrats conclus entre le Parlement et Fortis pour ces mêmes garanties. En ce qui concerne les biens du Parlement situés en France, ladite période commence le 16 novembre 2001, date de la prise d'effet de la résiliation par AIG des garanties couvrant ces biens et date d'entrée en vigueur du nouveau contrat d'assurance couvrant lesdits biens.

87. Eu égard à ces considérations, il y a lieu de conclure que le montant dû par AIG au titre du préjudice subi par le Parlement en 2001 du fait de la résiliation abusive des garanties décidée par elle s'obtient en multipliant, d'une part, le montant de 205.131,75 euros par le pourcentage des primes perçues par AIG sur le montant total de celles dues par le Parlement aux quatre coassureurs et en multipliant, d'autre part, le montant de 178.453,01 euros par ce même pourcentage. De la somme de ces deux produits, il convient ensuite de déduire le montant que le Parlement a versé ou aurait dû verser à AIG au titre de la garantie “conflits de travail - attentats” pour ses biens situés en Belgique ainsi qu'au Luxembourg pour la période allant du 5 novembre 2001 au 31 décembre 2001 et au titre de l'ensemble des garanties pour ses biens situés en France pour la période allant du 16 novembre 2001 au 31 décembre 2001.

88. En ce qui concerne l'année 2002, il y a lieu d'ajouter au montant de 183.210,69 euros demandé par le Parlement le crédit de primes s'élevant à 206.081,04 euros, ce dernier montant ayant été inclus dans la demande du Parlement au titre de l'année 2001. Il convient ensuite de multiplier la somme obtenue, à savoir 389.291,73 euros, par le pourcentage des primes qu'aurait reçues AIG du total de celles que le Parlement aurait dû verser aux quatre coassureurs au titre des garanties pour l'année 2002. Enfin, il y a lieu de déduire du produit ainsi obtenu le montant que le Parlement aurait dû payer à AIG au titre de la couverture de ses biens situés en France contre l'ensemble des dommages matériels pour l'année 2002.

89. S'agissant de la demande du Parlement relative à la condamnation d'AIG au paiement d'intérêts sur les montants mis à sa charge, il y a lieu de relever que, ainsi qu'il ressort de l'article 1153 troisième alinéa des Codes civils belge, français et luxembourgeois, les intérêts ne sont dus qu'à compter de la sommation de les payer.

90. Or, en l'espèce, il est constant que le Parlement n'a adressé aucune sommation de payer de quelconques intérêts à AIG avant d'introduire le présent recours le 4 avril 2002.

91. Il s'ensuit que ce n'est qu'à compter de la date à laquelle ce dernier a été introduit que les sommes dues par AIG sont susceptibles de produire des intérêts.

92. S'agissant du taux applicable, il y a lieu de distinguer, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé au point 147 de ses conclusions, selon que les sommes sont dues au titre de la couverture des biens du Parlement situés en Belgique, en France ou au Luxembourg, afin d'appliquer à ces sommes le taux d'intérêt légal applicable, dans chacun de ces États, à partir du 4 avril 2002.

Sur les dépens

93. Aux termes de l'article 69 paragraphe 2 du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation d'AIG et celle ci ayant succombé en ces moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1) la résiliation des garanties du contrat nº 5.013.347, notifiée les 8 octobre et 5 novembre 2001 par AIG Europe au Parlement européen, constitue une résiliation abusive de ce contrat;

2) AIG Europe est condamnée à réparer le préjudice causé au Parlement européen du fait de la résiliation abusive du contrat nº 5.013.347;

3) le montant dû en réparation du préjudice causé par AIG Europe au Parlement européen au titre de l'année 2001 s'obtient en multipliant, d'une part, le montant de 205.131,75 euros par le pourcentage des primes perçues par AIG Europe sur le montant total de celles dues par le Parlement aux quatre coassureurs et en multipliant, d'autre part, le montant de 178.453,01 euros par ce même pourcentage. De la somme de ces deux produits, il convient ensuite de déduire le montant que cette institution a versé ou aurait dû verser à AIG Europe au titre de la garantie “conflits de travail - attentats” pour ses biens situés en Belgique ainsi qu'au Luxembourg pour la période allant du 5 novembre 2001 au 31 décembre 2001 et au titre de l'ensemble des garanties couvrant ses biens situés en France pour la période allant du 16 novembre 2001 au 31 décembre 2001;

4) le montant dû en réparation du préjudice causé par AIG Europe au Parlement européen au titre de l'année 2002 s'obtient en multipliant le montant de 389.291,73 euros par le pourcentage des primes qu'aurait reçues AIG Europe sur le total de celles que le Parlement européen aurait dû verser aux quatre coassureurs au titre des garanties pour l'année 2002 et en déduisant du produit ainsi obtenu le montant que cette institution aurait dû payer à AIG Europe au titre de la couverture de ses biens situés en France contre l'ensemble des dommages matériels pour l'année 2002;

5) les sommes dues par AIG Europe au Parlement européen produisent des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2002;

6) AIG Europe est condamnée aux dépens.