Cour d'appel de Liège 17 juin 2003
CONVENTION
Accord de volontés - Modification des conditions lors de l'acceptation de l'offre
La convention n'existe pas tant qu'il n'y a pas un accord sur les éléments de la convention considérés comme essentiels par les parties.
Si lors de l'acceptation de l'offre, une des parties impose de nouvelles conditions, il y a en fait une contre-offre et la convention ne se fait pas.
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OVEREENKOMST
Wilsovereenstemming - Wijziging voorwaarden bij de aanvaarding van de offerte
De overeenkomst bestaat niet zolang er geen akkoord is over de door partijen als essentieel beschouwde bestanddelen van de overeenkomst.
Indien een partij bij de aanvaarding van de offerte nieuwe voorwaarden oplegt, is er in feite een tegenaanbod en komt de overeenkomst niet tot stand.
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SA Imprimerie Wagelmans / SPRLU Serinco
Siég.: R. de Francquen (président), M. Ligot et A. Jacquemin (conseillers) |
Pl.: Mes M. Masset et Gerkens loco Deger & Vossen |
(...)
Attendu que les premiers juges ont exactement relaté les faits donnant lieu au litige dans un exposé chronologique complet dont il suffit d'extraire que répondant à une demande de l'intimée l'appelante avait offert le 9 octobre 1998 de réaliser l'impression de carnets autocopiants pour tel prix, fort avantageux, que l'intimée a immédiatement accepté mais en ajoutant dans son acceptation que le paiement se ferait à 90 jours fin de mois par traite et que la livraison devrait s'effectuer pour le 25 octobre 1998;
Que l'appelante, qui n'avait pas antérieurement travaillé pour l'intimée (voy. lettre Me Masset 4 novembre 1998 - pièce 10 dossier de l'appelante), refusa d'effectuer le travail après avoir recueilli des informations de solvabilité sur l'intimée qu'elle avertit le 12 octobre, restituant de suite les films que l'intéressée lui avait fait tenir le 13 octobre;
Que l'intimée protesta en affirmant le 19 octobre que 'votre offre n'étant conditionnée en rien quant à son délai, à modification de prix ou qualité de paiement, nos conditions générales sont donc applicables soit un délai de fabrication de quatre semaines et un délai de paiement de 3 mois par traite acceptée et avalisée' et, face à la résistance de l'appelante, proposa d'abord le 21 octobre de payer 30% d'acompte à la commande et le solde à la livraison puis ensuite le 30 octobre de verser la totalité du prix de réalisation sur un compte commun aux conseils qu'elles se choisiraient l'une et l'autre;
Attendu que la question posée est celle de savoir si le contrat s'est formé, c'est-à-dire si les conditions de paiement et le délai d'exécution proposés par l'intimée lors de l'acceptation de l'offre doivent être considérés comme des éléments accessoires ou substantiels;
Qu'il est en effet admis que l'absence d'accord ou le désaccord des parties sur les éléments accessoires du contrat ne fait pas obstacle à sa formation mais que pour lier les parties, les conditions essentielles ou jugées substantielles doivent être connues et acceptées par chacune d'elles (Foriers, 'Les contrats commerciaux', R.D.C. 1983, pp. 110-111);
Attendu qu'alors que l'appelante est pour elle une nouvelle cliente, l'intimée ne peut lui imposer a posteriori ses conditions générales, d'autant qu'il n'est pas d'usage, surtout lorsqu'une relation d'affaires débute et donc que les parties ne se connaissent pas vraiment, que le paiement des prestations soit systématiquement proposé par traite à échéance de 3 mois; que pour l'appelante, la solvabilité de la firme lui passant commande revêtait un caractère d'autant plus essentiel que le paiement par lettre de change expose le tireur à un recours de l'escompteur en cas de défaillance du tiré; que le refus de couverture de l'assureur-crédit consulté par l'appelante, quelles que partielles que puissent être les informations dont il dispose, était déterminant du consentement de l'appelante qui prenant connaissance de conditions nouvelles qui n'avaient pas été stipulées antérieurement pouvait considérer que le contrat n'était pas encore formé, les conditions ajoutées constituant en réalité une contre-offre;
Qu'au surplus, dans les conditions supplémentaires émises lors de son acceptation de l'offre, l'intimée prévoyait un délai d'exécution très court qu'elle va d'ailleurs occulter du document avant de le produire en justice; que dès lors qu'il s'agit non pas d'une vente d'un objet disponible immédiatement mais d'un travail à façonner, le délai exigé par celui qui commande est également d'importance (voy. Van Ommeslaghe, 'Examen de jurisprudence, les obligations', n° 56);
Attendu que les offres ultérieures de l'intimée qui avait haussé le ton n'ont pas rassuré suffisamment l'appelante et ne l'ont pas infléchie, cette attitude n'étant pas abusive dès lors que le contrat à nouer suppose une confiance mutuelle qui n'était apparemment plus possible; que l'appelante restait donc libre de contracter et pouvait, sans commettre de faute, repousser les nouvelles conditions de règlement, l'offre initiale du 9 octobre ayant été retirée;
Que l'action de l'intimée n'est donc pas fondée;
Par ces motifs,
La cour,
Reçoit les appels,
Réforme le jugement entrepris sauf en ce qu'il reçoit la demande.
(...)