Article

Cour d'appel Bruxelles, 25/02/2003, R.D.C.-T.B.H., 2004/6, p. 563-568

Cour d'appel de Bruxelles 25 février 2003

CONVENTION
Conditions générales - Preuve
Les conditions générales, imprimées sur les factures non protestées, lient les commerçants.
VENTE
Garantie pour vices cachés - Régime contractuel - Délai de forclusion qui prend cours à la livraison - Validité - Appréciation in concreto
Une garantie pour vices cachés qui est limitée dans le temps et dont le délai prend cours à la livraison est valable, si les vices cachés peuvent être découverts durant la durée de la garantie.
OVEREENKOMST
Algemene voorwaarden - Bewijs
De algemene voorwaarden, die op niet-geprotesteerde facturen werden afgedrukt, zijn ten aanzien van handelaars bindend.
KOOP-VERKOOP
Vrijwaring voor verborgen gebreken - Contractuele regeling - Vervaltermijn die een aanvang neemt bij de levering - Geldigheid - Beoordeling in concreto
Een garantie voor verborgen gebreken die in de tijd beperkt is en waarvan de termijn een aanvang neemt bij de levering is geldig, indien de verborgen gebreken binnen de looptijd van de garantie kunnen worden ontdekt.

SA BN, SA ANF Industrie, Bombardier Incorporated / SA Legris Belgium, SA Legris, SA Marchand, SA Comte, SA Legris Espanola, SA Tréfimétaux

Siég.: I. De Saedeleer (conseiller ff président), D. Crucq et C. Gonthier (conseillers suppléants)
Pl.: Mes N. Estienne loco P.-H. Delvaux, Ph. Beuselinck loco L. Martens, L. Geenens loco P.-J. Serulus, J.-F. Van Drooghenbroeck loco J.-L. Fagnart, E. Carré, V. Vander Gucht, B. Dautricourt loco P.Wittamer
Faits et antécédents

1.1. Attendu que le 2 février 1990, la SA Bombardier Eurorail, - ici appelante -, a constitué une association momentanée de droit belge sous la dénomination 'Euroshuttle consortium group wagons' (en abrégé ESCW) afin de pourvoir à l'étude, à la livraison et à la fabrication des wagons de chemin de fer du Shuttle;

Que ces wagons ont été équipés d'un système pneumatique de commande d'ouverture et de fermeture des portes, dont les liaisons entre les conduites pneumatiques ont été réalisées par un système de raccords au moyen d'écrous en laiton;

Que la SA Bombardier a commandé les écrous en laiton auprès de la SA Legris Belgium, - ici intimée -;

Que cette dernière ne fabrique pas les écrous en laiton et s'est dès lors approvisionnée auprès de la SA Legris, société de droit français, qui lui a livré des écrous standards de 8, 10 et 12 mm;

Que la SA Legris, - ici intimée sur incident -, s'est quant à elle fournie en écrous auprès de la SA Marchand, - ici intimée sur incident -, qui lui a livré des écrous de 8 mm, la SA Comte - ici intimée sur incident - qui lui a livré des écrous de 10 mm et la SA Legris Espanola, ici intimée sur incident, qui lui a livré des écrous de 12 mm;

Que les livraisons des écrous se sont échelonnées, d'après la SA Bombardier, entre le 30 août 1991 et le 8 mars 1994;

Que les 108 wagons ont été livrés par la SA Bombardier au maître d'ouvrage (la T.M.C.), entre le 16 juin 1993 et le 16 juillet 1994;

Qu'ils ont été testés et mis en service au fur et à mesure de leur livraison sur le site de Coquelles;

1.2. Attendu que le 4 février 1994, un représentant de la SA Legris Belgium a été convoqué à une réunion sur le site de la SA Bombardier à Bruges, en raison d'un problème de fissuration et d'étanchéité des écrous en laiton Legris;

Que le procès-verbal de cette réunion rédigé par la SA Bombardier explique:

'(...) Les raccords Legris n'étanchent pas assez (...). Certains raccords (5%) se brisent à la hauteur de l'écrou, après le transport des voitures vers Coquelles (...)';

Que ce même jour, la SA Legris Belgium a adressé à la SA Legris France un rapport interne 'de réclamation' faisant état d'un problème concernant 'presque toutes les pièces vendues' à la SA Bombardier;

Que le 13 juin 1994, la SA Legris a conclu au caractère injustifié de la réclamation de la SA Bombardier et a clôturé le dossier;

1.3. Attendu qu'au printemps 1994, à l'occasion d'un premier contrôle sur le site de Coquelles, des fuites provenant des écrous ont été à nouveau constatées; qu'elles concernaient, selon le compte-rendu de la visite, 'moins de 1% des écrous sur 6.000 raccords';

1.4. Attendu que face à ces problèmes de fissuration des écrous, la SA Bombardier a décidé de procéder au remplacement des écrous fissurés par des écrous rallongés;

Que par fax du 24 mars 1994, la SA Legris Belgium a confirmé l'accord qu'elle avait à cet égard conclu avec la SA Bombardier:

'Par la présente, nous vous confirmons note entretien de ce jour, concernant les raccords universels avec bagues 0111 DD 00 et les écrous rallongés 0110 0060.

À partir de ce jour, Legris fournit sur demande de Bombardier des raccords universels munis de bagues type 0111 et des écrous allongés de type 0110 0060 au même prix que les raccords standards';

Qu'il s'agissait d'un geste commercial, sans reconnaissance de responsabilité de la part de la SA Legris Belgium;

1.5. Attendu qu'au mois d'octobre 1994, la SA Bombardier a procédé à un nouveau recensement de trois wagons qui fit apparaître que 15% des écrous contrôlés présentaient des fissures;

1.6. Attendu que par lettre recommandée du 8 décembre 1994, la SA Bombardier a adressé à la SA Legris Belgium une lettre de réclamation rédigée comme suit:

'Nous vous informons qu'à la suite de fissurations constatées sur les raccords Legris montés sur les tuyauteries des circuits d'air comprimés des navettes SDC dans le cadre du contrat ESCW, votre responsabilité peut être engagée en raison de malfaçons sur votre fourniture.

En attendant de connaître avec plus de précisions l'étendue des dégâts et leurs conséquences financières, nous nous permettons de vous suggérer de déclarer ce sinistre auprès de votre compagnie d'assurances, afin que celle-ci puisse faire intervenir son expert en cas de besoin.';

Que le 9 décembre 1994, une réunion s'est tenue sur le site de Coquelles, en présence de la SA Legris Belgium et de la SA Legris France afin de constater contradictoirement les dysfonctionnements allégués par la SA Bombardier;

Que l'expert technicien de la SA Legris France confirmera, dans son rapport du 12 décembre 1994 que la fissuration dont se plaignait la SA Bombardier était due au mauvais montage et notamment au serrage excessif des écrous;

1.7. Attendu qu'au mois de décembre 1994 et au début du mois de janvier 1995, la SA Bombardier a procédé au remplacement des écrous litigieux;

Que par lettre du 13 janvier 1995, la SA Legris France s'est opposée à cette mesure unilatérale de réparation et a bloqué les livraisons des écrous rallongés;

Que le 24 janvier 1995, elle a confirmé qu'elle débloquait les livraisons, tout en formulant sa volonté d'assister à la formation des monteurs sur place sur le site de Coquelles;

1.8. Attendu que le 28 mars 1995, les écrous de 66 sur 160 wagons avaient été remplaces par la SA Bombardier; Qu'elle termina son travail de réparation le 15 mai 1995;

1.9. Attendu que les 19 et 26 janvier 1995 et 2 février 1995, des réunions se sont tenues sur le site de Coquelles, avec des représentants de la SA Legris Belgium, de la SA Legris et de la SA Bombardier, afin de constater les problèmes allégués par la SA Bombardier et l'état d'avancement des réparations;

1.10. Attendu qu'au début du mois de janvier, la SA Bombardier a demandé à deux bureaux d'expertise, la société Francexpert et la société Research Center of the Belgian Welgind Institutee of Gand d'examiner les écrous;

Que les rapports déposés le 23 janvier 1995 et le 22 février 1995 écartent tous deux l'hypothèse du serrage inadéquat des écrous;

Attendu que le 4 avril 1995, la firme Francexpert a écrit à l'assureur de la SA Bombardier lui faisant part de ce qu'il était 'nécessaire de faire établir un constat d'huissier pour chaque wagon (...)';

Attendu que le 20 avril 1995, une expertise amiable devait se tenir avec l'assureur de la SA Legris Belgium mais a toutefois été annulée;

Attendu que les 7 et 10 avril 1995, l'huissier de justice Beugnet diligenté par la SA Bombardier, a fait le repérage, le marquage ainsi que les photographies des écrous défaillants; qu'il en assura l'enlèvement et la conservation pour la SA Bombardier;

1.11. Attendu que par citation du 24 avril 1995, la SA Bombardier a lancé citation contre la SA Legris Belgium devant le Tribunal de commerce de Bruxelles;

Attendu que la demande originaire, introduite par la SA Bombardier par citation du 24 avril 1995, visait à obtenir la condamnation de la SA Legris Belgium à lui payer la somme de 72.000.000 BEF en principal; qu'avant dire droit, elle demandait la désignation d'un expert afin d'examiner les écrous livrés par la SA Legris Belgium et de déterminer si la cause des défauts constitue un vice caché;

Que par requête du 11 mai 1995, la SA Legris est intervenue volontairement à la cause afin de garantir la SA Legris Belgium des conséquences dommageables de la demande principale;

Que par exploit du 11 août 1995, la SA Legris a cité en intervention et garantie la SA Marchand, la SA Comte et la SA Legris Espanola à la garantir des conséquences de l'action en garantie que la SA Legris Belgium a dirigé contre elle;

Que par conclusions du 13 novembre 1995 et du 18 janvier 1996, la SA Legris Belgium a formé une demande incidente en garantie contre la SA Legris, la SA Marchand, la SA Comte, la SA Legris Espanola et la SA Tréfimétaux afin qu'ils la garantissent des conséquences de la demande principale;

Que par exploit du 8 novembre 1995, la SA Comte a cité en intervention et garantie la SA Tréfimétaux, son fournisseur en lingots de métal, à la garantir des conséquences de la demande en sous-garantie dirigée contre elle par la SA Legris France;

Attendu que le premier juge a déclaré la demande de la SA Bombardier irrecevable et toutes les demandes en intervention et garantie sans objet; qu'il a décidé que l'action en garantie des vices cachés mue par la SA Bombardier était tardive parce qu'elle n'avait pas été exercée, conformément à l'article 6 des conditions générales de vente de la SA Legris Belgium, dans le délai conventionnel de 6 mois prenant cours à l'expiration du mois qui suit la livraison des écrous vendus;

(...)

Discussion

(...)

4) Recevabilité de l'action en garantie des vices cachés formée par la SA Bombardier contre la SA Legris Belgium

Attendu qu'il convient de déterminer si l'action en garantie des vices cachés introduite par la SA Bombardier contre la SA Legris Belgium a été intentée dans le délai requis;

Que l'intimée au principal, suivie par les intimées sur incident, soutient que la recevabilité de cette action doit s'apprécier à l'aune du seul article 6 des conditions générales de vente de la SA Legris Belgium;

Que la SA Bombardier estime par contre qu'il s'impose d'appliquer en l'espèce l'article 1648 du Code civil;

Attendu que les conditions générales de vente de la SA Legris Belgium énoncent en son article 1er: 'nos conditions générales et particulières de vente et d'achat sont censées acceptées par nos clients même si elles contredisent leurs propres conditions générales et particulières de vente. Ces dernières conditions ne nous lient que si nous les avons expressément acceptées, étant entendu que cet accord ne peut être déduit de la seule circonstance que nous avons accepté l'achat sans voir contesté la référence aux conditions générales et particulières ou autres dispositions équivalentes de nos acheteurs (...).';

Que la disposition contractuelle dont la SA Bombardier se prévaut est une mention pré-imprimée figurant sur le recto de ses bons de commande, et qui est libellée comme suit:

'l'acceptation de notre commande implique votre acceptation des conditions imprimées au verso pour autant qu'il ne soit rien convenu d'autre par écrit';

Attendu que la SA Bombardier soutient qu'il existe une flagrante contradiction entre ces deux dispositions puisqu'elles s'excluent réciproquement et qu'il convient dès lors de les écarter pour s'en tenir au droit commun de la vente (art. 1648 du Code civil);

Attendu que la SA Marchand fait à juste titre valoir que la thèse de 'l'annulation' défendue par la SA Bombardier ne peut être accueillie que si les conditions générales de cette dernière peuvent être considérées comme ayant été valablement opposées à la SA Legris Belgium et, vice versa;

Attendu que pour que des conditions générales soient opposables à un cocontractant, il faut qu'elles aient été effectivement portées à sa connaissance et que celui-ci les ait acceptées; que cette acceptation peut être expresse ou tacite, et intervenir au moment de la conclusion de la vente ou postérieurement à celle-ci;

Attendu qu'en espèce il convient tout d'abord de constater, comme le relève la SA Marchand, que la SA Bombardier 'entretient une grande ambiguïté quant à l'identification des conditions générales qui, selon elle, seraient opposables à la SA Legris Belgium';

  1. Que son dossier contient en effet pas moins de trois versions différentes et contradictoires de conditions générales dont elle entend se prévaloir, soit:

  2. les conditions générales d'achat (valables à partir du 77/04/15);
  3. les conditions générales de fourniture n° 161.908; et
  4. les conditions spéciales 'Shuttle' n° 165.960;

Que s'il est vrai que les conditions générales d'achat (valables à partir du 77/04/15) figuraient au verso des premiers bons de commande qu'elle a envoyés à la SA Legris Belgium, force est de constater qu'à partir du mois d'avril 1992, les bons de commande envoyés à la SA Legris Belgium mentionnent d'autres conditions générales (conditions n° 161.908) que celles qui figuraient au verso des bons de commande, soit les conditions n° 77/04/15 qui, elles, n'étaient pas jointes; que par ailleurs, comme le fait remarquer le premier juge, les conditions spéciales Shuttle portant le numéro 165.960 ne figurent jamais sur les bons de commande de la SA Bombardier;

Que ces divers documents n'ont dès lors pas été communiqués à la SA Legris Belgium dans les formes et délais requis;

Que le fait que la SA Legris Belgium a renvoyé à la SA Bombardier les duplicata des bons de commande signés et datés ne signifie nullement, comme la SA Bombardier le prétend que la SA Legris ait accepté ses conditions générales d'achat puisque la SA Bombardier sème le doute sur les conditions générales dont elle entend se prévaloir, en faisant référence sur ses bons de commande à des conditions générales qui n'étaient pas jointes;

Que les conditions générales de la SA Bombardier sont dès lors inopposables à la SA Legris Belgium, et la thèse de 'l'annulation' qu'elle allègue ne peut être valablement accueillie;

Attendu qu'il convient à présent d'examiner, si comme le prétendent les parties intimées, les conditions générales de la SA Legris Belgium sont opposables à la SA Bombardier;

Qu'à cet égard, le premier juge a, à bon droit, considéré que la SA Bombardier a eu connaissance des conditions générales de vente de la SA Legris Belgium qui figuraient dans son catalogue de vente ainsi qu'au verso de toutes les factures qui lui ont été adressées par la SA Legris Belgium;

Qu'à défaut de protestation, les conditions générales de vente qui figurent sur les factures lient les parties commerçantes; qu'en l'espèce, ces factures n'ont jamais été contestées par la SA Bombardier qui par ailleurs, était en relation commerciale avec la SA Legris Belgium depuis plus de vingt ans;

Que conformément à l'article 1er des conditions générales de vente de la SA Legris Belgium cité plus avant, celles-ci prévalent sur tous autres documents contractuels;

Attendu que l'article 6 des conditions générales de vente de la SA Legris Belgium, qui seules trouvent à s'appliquer, énonce:

'Compte tenu de la nature de nos produits, le client déclare expressément être conscient de la possible existence de vices cachés quels qu'ils soient. Il déclare assumer l'entièreté des risques directement ou indirectement liés à l'acquisition ou à l'utilisation des produits, de quelques manière que ce soit, par lui-même ou par tout tiers quelconque.

En conséquence, il déclare expressément renoncer à exercer, comme demandeur ou comme défendeur, toutes actions ou toutes demandes fondées sur les articles 1382 à 1384 et 1641 à 1649 du Code civil.

  1. Cependant, nonobstant le fait que le client est informé de l'existence de vices cachés, nous acceptons de fournir une garantie pour le matériel aux strictes conditions suivantes:

  2. pour peu que ne soit pas excédée une durée normale d'utilisation équivalente à 40 heures par semaine, nos produits sont garantis durant 6 mois contre tous défauts cachés dans la construction ou dans la matière employée;
  3. le délai de garantie prend cours à l'expiration du mois qui suit l'expédition des biens;
  4. notre garantie se limite exclusivement au remplacement ou aux réparations gratuits, en nos usines, des produits que nous fabriquons qui se trouveraient être affectés d'un vice et qui nous seraient renvoyés franco;
  5. après l'expiration du délai de garantie, notre responsabilité cesse entièrement de quelque chef que ce soit;
  6. la seule constatation des fautes ou du dommage n'autorise pas l'acheteur à procéder au remplacement des pièces défectueuses; il faut, pour ce faire, toujours nous consulter, et si l'acheteur désire remplacer une ou plusieurs pièces lui-même, ces pièces ne peuvent nous être facturées qu'après que nous ayions autorisé par écrit le remplacement';

Attendu que la SA Bombardier conclut à la nullité de l'entièreté de cette clause, en faisant valoir que celle-ci constitue, conformément aux articles 1643 et 1645 du Code civil, une restriction conventionnelle de la garantie légale des vices cachés due par le vendeur professionnel;

Que les parties intimées s'accordent, quant à elles, pour estimer qu'il convient de préserver l'utilité et les effets des éléments de la clause qui ne sont pas entachés d'illicéité, c'est- à-dire à tout le moins les deux premiers tirets de la seconde partie de l'article 6, lesquels aménagent, conventionnellement, la durée du bref délai visé à l'article 1648 du Code civil;

Attendu qu'il ne s'impose nullement de considérer, comme le postule la SA Bombardier, la clause comme formant un tout indivisible, dont la nullité de certains de ses éléments entraînerait la nullité de la clause dans son ensemble; qu'en effet, si l'intention réelle du rédacteur de la clause est d'accorder sa garantie des vices cachés à certaines conditions, chacune de ces stipulations peut, parfaitement, se lire et se considérer indépendamment les unes des autres, comme si elle formait une clause à part entière; que dès lors, la nullité éventuelle de certaines stipulations n'entachent en rien la validité de la clause dans son entièreté;

Qu'en outre, compte tenu du fait qu'il s'agit d'apprécier la validité d'une clause relative à la garantie des vices cachés dans le cadre d'une relation contractuelle unissant deux professionnels, les nullités invoquées ne sont pas d'ordre public;

Attendu qu'à bon droit, toutes les parties s'accordent pour considérer que les deux premiers alinéas de la clause, qui forment un tout indivisible, s'apparentent à une clause exonératoire de la garantie des vices cachés énoncée à l'article 1643 du Code civil, et sont dès lors nulles;

Qu'à propos des deux premières conditions de la seconde partie de la clause, il convient de rechercher si, in concreto, le point de départ et la durée du délai de garantie à laquelle est tenue la SA Bombardier comporte, comme l'estime celle-ci, une restriction à la garantie de droit du vendeur;

Attendu que de jurisprudence et de doctrine constantes, les clauses relatives à la limitation de la durée de la garantie des vices cachés sont licites dans la mesure où elles ont pour objet de préciser, conformément à l'article 1648 du Code civil, le délai dans lequel le recours de l'acheteur du chef des vices cachés doit être intenté;

Que si le délai fixé par la convention est raisonnable, la clause ne sera pas considérée comme apportant une restriction à la garantie légale; qu'il en est autrement si elle a pour objet ou pour effet de réduire la garantie due par le vendeur, notamment, comme l'allègue la SA Bombardier, s'il apparaît que les vices possibles ne pouvaient se révéler qu'après l'expiration du délai fixé par la convention; que seule l'introduction de la demande en justice est déterminante pour apprécier si l'action a été introduite dans le délai légal ou conventionnel;

Attendu que le délai stipulé par l'article 6 des conditions générales de la SA Legris Belgium est de 6 mois; que ce délai en garantie prend cours à l'expiration du mois qui suit l'expédition des biens;

Que pour déterminer la validité de ces stipulations, il convient d'analyser in concreto si les vices allégués par la SA Bombardier sont de ceux qui ne pouvaient être découverts par celle-ci qu'à l'expiration du délai conventionnel de 6 mois;

Attendu qu'à bon droit, le premier juge a considéré que le délai de 6 mois est raisonnable, compte tenu 'de la nature des biens litigieux et de la qualification des acheteurs - ce sont des professionnels hyperspécialisés - qui jouissent des mêmes compétences techniques que Legris Belgium';

Que compte tenu de la nature des biens litigieux, c'est-à-dire des écrous destinés à être placés immédiatement, le point de départ du délai de l'intentement de l'action ainsi fixé est raisonnable; qu'il s'agit en effet, comme le fait remarquer la SA Marchand citant H. De Page, de marchandises dont 'le vice doit se révéler normalement à l'usage', la livraison de celles- ci constituant le point de départ du délai;

Qu'en l'espèce, la date de la dernière livraison se situant au plus tard le 8 mars 1994, comme le prétend la SA Bombardier ou, au plus tard le 9 décembre 1992, comme l'avancent les parties intimées, l'action en garantie des vices cachés qui a été exercée par exploit du 24 avril 1995 par la SA Bombardier, est dans les deux hypothèses tardive;

Que l'argumentation de la SA Bombardier selon laquelle le délai de son action en garantie a pris cours après l'expiration du délai fixé par la convention, soit en janvier 1995, c'est-à- dire à l'époque où 'il est apparu sans équivoque que l'explication donnée précédemment par Legris (erreur de montage) ne pouvait être admise, et que la fissuration des écrous trouvait sa cause dans un vice de fabrication', ne résiste ni en droit, ni en fait;

Qu'en effet, il est unanimement admis comme l'expose la SA Marchand que le délai légal ou conventionnel dans lequel l'action en garantie doit être exercée prend cours soit le jour de la livraison de la chose litigieuse - critère déjà examiné -, soit, au plus tard, le jour où le vice caché pouvait raisonnablement se révéler à l'acheteur;

Qu'en ce qui concerne ce dernier critère, les parties intimées font à juste titre valoir que l'action exercée par la SA Bombardier le 24 avril 1995 est également tardive parce que c'est le 4 février 1994 au plus tard que la SA Bombardier a eu connaissance du vice caché allégué; qu'il ressort en effet clairement du rapport de la réunion qui s'est tenue ce jour là qu'à cette époque, se sont manifestés les premiers problèmes de fissuration et d'étanchéité des écrous Legris livrés à la SA Bombardier (pi. 1/I du dossier de la SA Legris Belgium); que le fax que la SA Legris Belgium a adressé le même jour à la SA Legris précisait que les contestations que la SA Bombardier faisait valoir concernaient presque toutes les pièces vendues (pi. 1/II du dossier de la SA Legris Belgium); que sauf à méconnaître la portée de sa propre réclamation du mois de février 1994, la SA Bombardier ne peut soutenir par ailleurs que le vice des écrous ne s'est manifesté qu'au mois de décembre 1994 (pi. 5 du dossier de la SA Bombardier);

Que comme le fait très judicieusement remarquer la SA Marchand, l'on ne peut admettre comme le soutient la SA Bombardier que l'opinion personnelle de la SA Legris Belgium sur l'origine probable du vice puisse constituer un facteur de suspension ou de prorogation du délai de garantie; que cela reviendrait en effet à fixer le point de départ de l'action 'en fonction de la survenance d'une condition purement potestative, à savoir le jour où l'acheteur est d'avis que le défaut du produit résulte d'un vice caché';

Qu'enfin, ni les conclusions de l'expertise unilatérale demandée par la SA Bombardier, ni les réunions qui se sont tenues sur le site de Coquelles n'ont pour effet de retarder ou de proroger le délai de garantie; qu'admettre en effet la première argumentation reviendrait à dire qu'il faudrait attendre, pour intenter, une action en garantie, que l'origine du vice et ses causes soit connu, ce qui est, paraphrasant J. De Gavre et P.-A. Foriers commentant une affaire similaire du 20 septembre 1981, 'exagérément laxiste', d'autant qu'en l'occurrence, il s'agit d'une expertise unilatérale (L. Simont, J. De Gavre et P.-A. Foriers, 'Examen de jurisprudence (1981-1991), contrats spéciaux', R.C.J.B. 1995, n° 55, p. 201); que le second argument invoqué par la SA Bombardier n'est pas admissible, compte tenu du fait qu'aucun arrangement amiable n'a eu lieu entre parties à ces occasions, les différentes réunions invoquées par la SA Bombardier se limitant en effet, sans reconnaissance préjudiciable de la part de la SA Legris Belgium, à constater les problèmes

dont la SA Bombardier se plaignait et à examiner les wagons réparés;

Attendu qu'en conséquence, il résulte de ce qui précède que la clause prévoyant un délai de garantie de 6 mois, prenant cours à l'expiration de l'expédition des biens est licite, la SA Bombardier ayant été parfaitement à même de découvrir et de dénoncer les vices qu'elle allègue dans le délai imparti;

Que l'action de la SA Bombardier introduite le 24 avril 1995, soit plus de 6 mois après la dernière livraison (le 8 décembre 1992), soit plus de 6 mois après la découverte du vice (le 4 février 1994), soit encore plus de 6 mois après la date de la dernière livraison estimée par la SA Bombardier (le 8 mars 1994) est tardive, quelle que soit l'hypothèse invoquée;

Attendu qu'à supposer - quod non - qu'ainsi que le soutient la SA Bombardier il conviendrait d'écarter toutes les conditions générales de vente ou d'achat en raison de leur contradiction et de s'en tenir au droit commun de la vente, le bref délai de droit commun apparaît dépassé en l'espèce.

Que l'action de la SA Bombardier doit dès lors être déclarée irrecevable;

Attendu qu'en outre et surabondamment la cour relève que la SA Bombardier a unilatéralement procédé, contrairement à ce que stipule l'article 6 précité, à la réparation des wagons, tout en s'abstenant in tempore non suspecto, de faire constater par huissier les manquements allégués (pi. 45 du dossier de la SA Bombardier); qu'il est en effet admis en doctrine et en jurisprudence que 'l'acheteur ne sera pas davantage recevable à agir en résolution s'il a transformé la marchandise après la découverte du vice et sans l'accord du vendeur' (Comm. Bruxelles 27 avril 1967, J.C.B. 1967, 1967; J. Limpens, La vente en droit belge, Bruxelles, Bruylant et Paris, L.G.D.J., 1960; Bruxelles 28 juin 1979, J.T. 1979, p. 594); qu'il en est de même 's'il a procédé lui-même à la réparation, ou s'il a fait démonter la chose en vue d'une expertise unilatérale' (D. Deli, 'Vrijwaring voor verborgen gebreken bij koop-verkoop: conventionele regeling van de 'korte termijn' en de invloed van de herstelling die de koper laat uitvoeren op zijn recht op vrijwaring', R.W. 1988-89, col. 1063, qui cite en ce sens J. Limpens, La vente en droit belge, Bruxelles, Bruylant et Paris, L.G.D.J., 1960, p. 179, n° 419).

Attendu qu'il y a donc lieu, pour les motifs exposés ci-avant, de confirmer le jugement attaqué.

Par ces motifs,

La cour,

...

Dit l'appel principal non fondé

...

Constate que les appels incidents sont sans objet

(...)

Zie noot van K. Laveyt in dit nummer, p.552 .