FAILLITE
Droits des créanciers - Dettes de la masse - Dettes contractées pendant le concordat - Créanciers privilégiés spéciaux - Commissaire au sursis
Les créanciers de la masse, y compris ceux qui bénéficient de la priorité accordée par l'article 44 de la loi sur le concordat, sont payés avant les créanciers privilégiés généraux et chirographaires. En revanche, ils sont primés par les créanciers titulaires de sûretés réelles et de privilèges spéciaux, à moins que leurs engagements n'aient contribué à la valorisation ou à la conservation de l'assiette de ces créanciers. L'appréciation de l'utilité de ces actes doit se faire in concreto.
Cette règle s'applique également aux honoraires du commissaire au sursis. Si son activité n'a pas favorisé le fonds de commerce, sa créance ne peut primer celle des créanciers privilégiés spéciaux.
|
FAILLISSEMENT
Rechten van de schuldeisers - Boedelschulden - Schulden aangegaan tijdens het gerechtelijk akkoord - Bijzonder bevoorrechte schuldeisers - Commissaris inzake opschorting
De schuldeisers van de boedel, met inbegrip van de schuldeisers die genieten van het voorrecht uit artikel 44 van de Wet op het gerechtelijk akkoord, worden betaald vóór de algemeen bevoorrechte schuldeisers en de chirografaire schuldeisers. Zij worden daarentegen voorafgegaan door de schuldeisers met zakelijke zekerheden en door de bijzonder bevoorrechte schuldeisers voor zover hun inspanningen niet hebben bijgedragen aan de toename of het behoud van de verhaalsmogelijkheden van deze schuldeisers. De beoordeling van het nut van deze handelingen dient in concreto te gebeuren.
Deze regel geldt ook voor de honoraria van de commissaris inzake opschorting. Als zijn tussenkomst niet ten goede is gekomen van het handelsfonds, krijgt zijn vordering geen voorrang op die van de bijzonder bevoorrechte schuldeisers.
|
Un jugement inédit du Tribunal de commerce de Bruxelles est très révélateur des difficultés des concordats dans certains secteurs, particulièrement lorsque l'on pèche par manque de professionnalisme.
L'exploitant d'une taverne et d'un restaurant contigus à Laeken demande le concordat et obtient le 15 mars 2000 un sursis provisoire du Tribunal de commerce de Bruxelles qui désigne un expert-comptable comme commissaire, sans spécifier autrement ses pouvoirs. La tentative concordataire échoue, et la faillite est prononcée sur aveu le 29 mai 2000. Entre-temps, deux travailleurs ont été engagés le 3 mai. Le juge commissaire rapportera qu'ils travaillaient antérieurement au noir.
Dans le secteur de l'horeca, où la fraude touche en gros la moitié du chiffre d'affaires, on imagine le scénario: le commissaire découvre à un moment donné la présence de travailleurs non déclarés; soucieux de sa responsabilité, il veille à faire régulariser leur situation; puis il constate que les recettes ne sont pas davantage déclarées et qu'il n'y a rien dans la caisse; et enfin il provoque la faillite.
Toujours est-il qu'après le jugement déclaratif six créanciers se disputent le maigre actif: 1.000.000 FB provenant de la cession de la taverne, 100.000 FB provenant de la réalisation du mobilier garnissant le restaurant, et 40.000 FB provenant de la vente d'un véhicule. Á la barre parait d'abord le commissaire lui-même, qui entend toucher ses honoraires par priorité sur toutes autres créances de la faillite; quelle est l'évaluation de ces honoraires, dont le dépôt au dossier du concordat dans les huit jours de la désignation est rendu obligatoire par l'arrêté royal du 10 août 1998 qui établit les règles et barèmes relatifs aux honoraires et frais du commissaire au sursis, et pourquoi n'a-t-il pas perçu de provision? Le jugement ne permet pas de le savoir! Sont ensuite présents le gagiste du fonds de commerce de la taverne, qui est simultanément le bailleur, la bailleresse du restaurant et l'organisme financier subrogé dans les droits du vendeur impayé sur le véhicule. Enfin il y a le Fonds de Fermeture d'entreprises et l'ONSS, créanciers du chef de l'engagement des deux travailleurs pendant le mois de mai.
Le raisonnement du tribunal parvient à dénouer ce lacis:
- toutes les créances en cause doivent être considérées comme des dettes de la masse faillie en vertu de l'article 44, alinéa 2, L.C.;
- l'article 19 L.C. reconnaît aux honoraires du commissaire au sursis un droit de préférence dans le règlement du passif concordataire; en cas de faillite, ils peuvent jouir du privilège des frais de justice, mais ceci suppose que leurs interventions aient été utiles;
- les créanciers titulaires de créances sur la masse issues du concordat sont primés par les créanciers titulaires de sûretés réelles et de privilèges spéciaux, à moins que leurs engagements n'aient contribué à la valorisation ou à la conservation de l'assiette de ces créanciers;
- l'appréciation de l'utilité des actes en cause doit se faire in concreto.
Appliquant les principes à l'espèce, le tribunal commence par rejeter l'affirmation de principe du Fonds de Fermeture et de l'ONSS que c'est l'engagement des travailleurs qui a permis la poursuite de l'activité et la valorisation de l'actif par une cession de clientèle: la situation, considère-t-il aurait très probablement été la même si la faillite avait été prononcée d'emblée, sans épreuve concordataire; rien n'établit que la poursuite d'activités pendant deux mois ait changé quoi que ce soit à la valeur des actifs. Le tribunal applique ensuite la même analyse à la créance d'honoraires du commissaire au sursis, considérant qu'il n'établit pas la preuve qu'il aurait contribué par une action précise à la valorisation ou à la conservation du fonds de commerce. D'où sa décision d'accorder la priorité dans la répartition du passif au gagiste et au bailleur.
On observera que le tribunal était aussi saisi d'une demande incidente du Fonds d'Indemnisation portant sur la responsabilité du commissaire pour avoir engagé les deux travailleurs et n'avoir pas contribué à la valorisation du fonds de commerce. Cette demande a été écartée, ce qui se comprend parfaitement pour le reproche relatif à la valeur du fonds de commerce. Pour ce qui concerne l'engagement des travailleurs, le tribunal n'a-t-il pas été très clément? On se demande quel contrôle le commissaire a exercé entre le 15 mars et le 3 mai sur la main d'oeuvre et les recettes, et ce qui lui a permis de penser que le surcroît de charges découlant de la régularisation ne plomberait pas inévitablement les comptes? Il est vrai qu'on peut aussi se demander sur la base de quels comptes le tribunal avait pu autoriser l'ouverture de la procédure concordataire. A-t-il craint que la mise en cause de la responsabilité du commissaire pût déboucher sur celle de la sienne propre?
Outre les références citées, voy. Comm. Turnhout 26 juin 2001, R.D.C. 2003, p. 342 et obs. A. De Wilde, Opeenvolgende situaties van samenloop en artikel 44, tweede lid W.G.A.; Comm. Anvers 22 novembre 2001, R.D.C. 2003, p. 350.