Article

Cour d'appel Bruxelles, 23/05/2003, R.D.C.-T.B.H., 2004/3, p. 285-292

Cour d'appel de Bruxelles 23 mai 2003

PRATIQUES DE COMMERCE - CONCURRENCE
Assurance hospitalisation complémentaire - Mutualités - Notion de vendeur (art. 1, 6° LPCC) - Offre conjointe (art. 54 LPCC) - Achat forcé (art. 76 LPCC) - Pratiques contraires aux usages honnêtes (art. 93 LPCC) - Mesures étatiques (art. 88, § 3 Traité CE)
Aucune disposition de la LPCC ne subordonne la recevabilité de l'action en cessation à la condition qu'elle soit dirigée contre un vendeur.
Les mutualités offrant des assurances hospitalisation libre et complémentaire - obligatoire pour les affiliés et couvrant des frais laissés à charge du patient dans le cadre de l'assurance obligatoire soins de santés et indemnités et résultant de son hospitalisation ou de celle d'une personne à sa charge - doivent être qualifiées de vendeurs pour l'application de la loi du 14 juillet 1991.
L'offre conjointe interdite en vertu de l'article 54 LPCC suppose l'absence d'obligation légale dans le chef de l'offrant de lier l'acquisition de produits, de services, de tous autres avantages ou de titres permettant de les acquérir, à l'acquisition d'autres produits ou services. Tout ordre de cessation qui imposerait aux mutualités de ne plus lier l'acquisition des services Hospi à l'obtention ou maintien de la qualité d'affilié serait contraire aux dispositions d'ordre public de la loi du 6 août 1990 relative aux mutualités et aux unions nationales de mutualités, qui limitent la liberté d'entreprendre des mutualités en les obligeant à réserver les services qu'elles organisent à leurs seuls affiliés.
Nonobstant le fait que les affiliés bénéficient en raison de leur qualité d'affilié des services compris dans l'assurance Hospi et que le paiement de la cotisation pour ce service est obligatoire, il n'y a pas en l'espèce achat forcé au sens de l'article 76 LPCC puisque cette obligation résulte de décisions prises régulièrement par les assemblées générales des mutualités, décisions qui s'imposent aux affiliés.
Les mutualités sont soumises à un régime distinct de celui qui concerne les entreprises d'assurance et cette différence de traitement n'a pas été jugée contraire aux principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination. Il ne peut dès lors être fait grief aux mutualités de ne pas se soumettre à la législation relative aux entreprises d'assurance.
Nonobstant la compétence des juridictions nationales en vertu de l'article 88, § 3 Traité CE, rien ne peut justifier en droit la demande d'un ordre de cessation totale de l'activité des mutualités sur le marché des assurances hospitalisation.
HANDELSPRAKTIJKEN - MEDEDINGING
Aanvullende hospitalisatieverzekering - Ziekenfondsen - Verkoper (art. 1, 6° WHPC) - Gezamenlijk aanbod (art. 54 WHPC) - Afgedwongen aankoop (art. 76 WHPC) - Praktijken strijdig met eerlijke gebruiken (art. 93 WHPC) - Steunmaatregelen van de staten (art. 88, § 3 EG-Verdrag)
Geen enkele bepaling van de WHPC stelt als voorwaarde voor de ontvankelijkheid van de vordering tot staking dat deze tegen een verkoper gericht moet zijn.
Ziekenfondsen die vrije en aanvullende hospitalisatieverzekeringen aanbieden - die verplicht zijn voor de aangeslotenen en die dienen voor de dekking van de hospitalisatiekosten van de aangeslotene of van een persoon te zijnen laste die in de verplichte verzekering voor gezondheidszorgen en schadegevallen ten laste van de patiënt vallen - moeten als verkoper beschouwd worden voor de toepassing van de Wet van 14 juli 1991.
Het verbod op een gezamenlijk aanbod uit artikel 54 WHPC is niet verenigbaar met een wettelijke verplichting in hoofde van de aanbieder om de verkrijging van producten, diensten, alle andere voordelen of titels waarmee men die kan verwerven, te verbinden aan de verkrijging van andere producten of diensten. Elk bevel tot staking dat de ziekenfondsen zou dwingen om de verkrijging van diensten in verband met hospitalisatie niet meer te verbinden aan de verkrijging of het behoud van de hoedanigheid van aangeslotene zou strijdig zijn met de bepalingen van openbare orde uit de Wet van 6 augustus 1990 betreffende de ziekenfondsen en de landsbonden van ziekenfondsen waarin de ondernemingsvrijheid van de ziekenfondsen ingeperkt wordt doordat zij verplicht worden hun diensten enkel voor hun aangeslotenen voor te behouden.
Hoewel de aangeslotenen van de diensten met betrekking tot de hospitalisatieverzekering genieten omwille van hun hoedanigheid van aangeslotene en de bijdrage voor deze dienst een verplichte bijdrage is, is er in dit geval geen afgedwongen aankoop in de zin van artikel 76 WHPC. Deze verplichting volgt immers uit regelmatig genomen beslissingen van de algemene vergaderingen van de ziekenfondsen en deze beslissingen zijn verbindend voor de aangeslotenen.
Ziekenfondsen zijn aan een andere regime onderworpen dan verzekeringsondernemingen. Deze verschillende behandeling wordt niet strijdig geacht met het grondwettelijk gelijkheidsbeginsel of met het non-discriminatiebeginsel. Men kan de ziekenfondsen dan ook niet verwijten dat zij zich niet aan de wetgeving betreffende de verzekeringsondernemingen houden.
Ondanks de bevoegdheid van de nationale rechtscolleges op grond van artikel 88, § 3 EG-Verdrag is er geen juridische basis voor de vordering tot staking van de activiteiten van de ziekenfondsen op het vlak van de hospitalisatieverzekeringen.

UPEA, DKV, Fortis et AXA Royale Belge / Solimut, Mutualité Chrétienne e.a.

Siég.: M. Regout (président), C. Schuermans, F. Huisman (conseillers)
Pl.: J. Stuyck, B. van de Walle de Ghelcke et J.-C. Troussel
Les faits

1. Les intimées, à l'exception de Solimut, sont des mutualités au sens de l'article 2, § 1er de la loi du 6 août 1990 relative aux mutualités et unions nationales de mutualités qui dispose:

'Les mutualités sont des associations de personnes physiques qui, dans un esprit de prévoyance, d'assistance mutuelle et de solidarité, ont pour but de promouvoir le bien- être physique, psychique et social. Elles exercent leurs activités sans but lucratif'.

L'article 3 de la loi dispose:

  1. 'Les mutualités doivent instaurer au moins un service qui a pour but:

  2. la participation à l'exécution de l'assurance maladie- invalidité obligatoire, réglée par la loi du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, pour autant qu'elles aient reçu dans ce but une autorisation de l'union nationale;
  3. l'intervention financière pour leurs affiliés et les personnes à leur charge, dans les frais résultant de la prévention et du traitement de la maladie et de l'invalidité ou l'octroi d'indemnités en cas d'incapacité de travail ou lorsque se produit une situation en vertu de laquelle le bien-être physique, physique ou social visé à l'article 2 peut être encouragé;
  4. l'octroi d'aide, d'information, de guidance et d'assistance en vue de promouvoir le bien-être physique, physique ou social, entre autres par l'accomplissement des missions visées sous a) et b).

Elles ne pourront obtenir ou maintenir la personnalité juridique qu'à la condition de participer à l'assurance maladie- invalidité obligatoire visée sous b) '.

Tout service visé à l'article 3, b et c doit préalablement être agréé par le Roi, sur avis conforme de l'Office de contrôle des mutualités.

2. L'article 43bis de la loi du 6 août 1990 permet aux mutualités de créer des sociétés mutualistes au sein de leur union nationale pour organiser ensemble ou grouper certains services, notamment dans le domaine de l'assurance libre et complémentaire.

En vertu du paragraphe 2 de cette disposition, cette forme de collaboration fait l'objet d'une délibération de l'assemblée générale des mutualités concernées qui est convoquée spécialement dans ce but.

La première intimée, Solimut, est une société mutualiste constituée par les membres des mutualités intimées, réunis en assemblée générale le 8 mai 1999. Les affiliés des mutualités parties à la cause sont automatiquement membres de Solimut (art. 4 des statuts de Solimut).

3. L'UPEA, première appelante, est une union professionnelle qui regroupe les entreprises d'assurances actives en Belgique.

Les trois autres appelantes sont des entreprises d'assurances agréées conformément à la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances. Elles sont notamment actives sur le marché des assurances hospitalisation.

  1. 4. Les intimées offrent depuis le 1er janvier 2000 à leurs affiliés et aux tiers, s'ils acquièrent la qualité d'affilié, les services suivants relatifs à la couverture des frais laissés à charge du patient dans le cadre de l'assurance obligatoire soins de santés et indemnités et résultant de son hospitalisation ou de celle d'une personne à sa charge;

  2. le service Hospi Solidaire, qui donne droit en substance à une intervention financière qui couvre les frais qui dépassent 250 euros hormis les suppléments de chambre et d'honoraires pour les hospitalisations en chambre particulière;
  3. le service Hospi Facultative de base et le service Hospi Facultative globale, qui offrent quant à eux des couvertures plus étendues que le service Hospi Solidaire.

Il s'agit de services relevant de l'assurance libre et complémentaire, instaurés librement par les mutualités, par opposition aux prestations qui relèvent du régime légal de l'assurance maladie-invalidité obligatoire.

Ils ont été agréés par le Roi sur avis conforme de l'Office de contrôle des mutualités.

Lesdits services sont organisés et délivrés par la société mutualiste Solimut.

Les cotisations pour ces différents services sont perçues par les mutualités affiliées à Solimut auprès de leurs membres pour le compte de Solimut.

5. Le service Hospi Solidaire est une assurance complémentaire rendue obligatoire pour les affiliés en ce sens que tous les affiliés en règle de cotisation en bénéficient automatiquement et que la cotisation pour ce service, rendu obligatoire par l'assemblée générale des mutualités, fait partie intégrante de la cotisation d'affiliation qui couvre l'accès à tous les services dits statutaires.

L'introduction de l'assurance Hospi Solidaire a donné lieu à une augmentation de la cotisation de base demandée aux affiliés d'un montant de 115 FB par mois pour l'année 2000 ce qui l'a portée à 290 FB par mois par titulaire chef de famille ou isolé.

Le non-paiement par le membre de la cotisation pour cette assurance peut entraîner son exclusion en tant que membre de Solimut (art. 8 des statuts Solimut) et en tant que membre de la mutualité.

Les deux autres services précités sont facultatifs.

6. Les intimées ont mené une large campagne publicitaire sur les nouvelles assurances hospitalisation qu'elles offrent dans le cadre de l'assurance libre et complémentaire qui a débuté le 24 septembre 1999.

Dans le cadre de cette campagne menée notamment par voie radiophonique, elles se sont adressées tant à leurs affiliés qu'aux personnes qui ne l'étaient pas en invitant celles-ci à 'rejoindre la mutualité chrétienne'.

Les affiliés des mutualités chrétiennes ont quant à eux reçu les informations détaillées sur les nouveaux services offerts de même qu'un modèle de lettre contenant les formules à utiliser pour résilier une police d'assurance souscrite auprès d'une compagnie d'assurance.

Il ressort des éléments du dossier que certains affiliés ont manifesté leur mécontentement face à l'augmentation de la cotisation pour l'année 2000, estimant que le service Hospi Solidaire obligatoire ne présentait pas d'intérêt pour eux eu égard aux garanties dont ils bénéficiaient grâce à des polices d'assurance groupe ou privée souscrites auprès de compagnies d'assurance'.

Antécédents de la procédure
  1. 7. La demande originaire des appelantes, formée par citation du 4 février 2000 et maintenue en degré d'appel, tend à entendre constater qu'en offrant à leurs affiliés et au public les services d'assurance précités, les intimées violent les articles 54, 76 et 93 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information de la protection du consommateur et à entendre ordonner la cessation de:

  2. l'offre litigieuse ainsi que de toute offre d'une assurance hospitalisation quelconque;
  3. la conclusion de telles assurances;
  4. toute activité d'assurance répondant à une telle offre.
  1. À l'appui de leur demande, les appelantes font tout d'abord grief aux intimées de violer l'article 54 de la loi en vertu duquel l'offre conjointe est en règle interdite, en ce qu'elles subordonnent:

  2. l'acquisition de l'avantage que constituerait l'affiliation auprès des mutualités à l'acquisition du service d'assurance Hospi Solidaire, comprise dans la cotisation;
  3. l'acquisition des services 'hospitalisation facultative' à l'acquisition d'un avantage (l'affiliation) et d'un autre service (l'Hospi Solidaire).

Elles font également grief aux intimées de violer l'article 76 de la loi qui interdit l'achat forcé, en imposant à leurs affiliés l'obligation de souscrire l'assurance Hospi Solidaire.

Elles reprochent en outre aux intimées d'offrir des formules d'assurances en concurrence avec les entreprises d'assurances sans avoir adopté au préalable le statut d'entreprise d'assurance et sans s'être conformées aux diverses obligations auxquelles sont soumises les entreprises d'assurance.

Elles font enfin état du fait que les intimées bénéficient d'avantages légaux qu'elles qualifient d'aides d'état illicites et reprochent aux intimées de tirer un avantage illicite de ces aides en offrant des assurances hospitalisation sur le marché belge.

  1. Sont ainsi visés par les appelantes:

  2. l'exemption de la taxe sur le contrat d'assurance (art. 176, 7° du Code des taxes assimilées au timbre);
  3. la déduction de la prime 'petits risques' par les indépendants (art. 52, 8° du Code des impôts sur les revenus);
  4. la dotation pour l'assurance 'petits risques' pour les indépendants (art. 27bis de la loi du 6 août 1990);
  5. les subsides reçus par les mutualités pour accomplir leur mission réservée dans le cadre de l'assurance maladie-invalidité obligatoire (art. 27 de la loi du 6 août 1990).

Les intimées ont contesté la recevabilité de la demande arguant du fait qu'elles n'avaient pas la qualité de vendeurs au sens de la LPCC, les services d'assurance en cause ne pouvant selon elles être qualifiés de services au sens de la même loi. À titre subsidiaire, elles ont contesté l'existence des infractions invoquées à l'appui de la demande.

8. Par jugement du 3 juillet 2000, le Tribunal de commerce de Bruxelles a posé la question suivante à la Cour d'arbitrage:

'La loi sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, en ses articles 1er, 6° et 93, en ce qu'il y aurait lieu de les interpréter à la lumière de la jurisprudence susdite de la Cour de cassation d'une manière restrictive incompatible avec les règles européennes de concurrence et la notion d'entreprise à laquelle ces règles se réfèrent, n'est-elle pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution belge?'.

Répondant à cette question dans son arrêt du 13 juillet 2001, la Cour d'arbitrage a dit pour droit:

'Les articles 1er, 6 et 93 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, interprétés comme excluant les mutualités de la notion de 'vendeur' au sens de la loi précitée, lorsqu'elles offrent des assurances hospitalisation à leurs membres, ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution'.

9. Le jugement attaqué dit la demande originaire irrecevable.

Il se fonde sur la considération que les services en cause proposés par les intimées ne sont pas des actes de commerce.

Les appelantes poursuivent la mise à néant de cette décision et réitèrent les fins de leur demande originaire.

À titre subsidiaire, elles prient la cour de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice des Communautés européennes:

  1. 'L'article 87, § 1er, CE, doit-il être interprété en ce sens que constituent une aide d'État à des entreprises, les ou une des mesures suivantes, dont bénéficient les mutualités belges au sens de la loi du 6 août 1990 sur les mutualités et les unions nationales de mutualités:

  2. l'article 176, 7°, du Code des taxes assimilées qui exempte les mutualités des taxes annuelles sur les contrats d'assurance;
  3. l'article 52, 8°, du Code des impôts sur les revenus, qui permet aux indépendants de déduire les montants qu'ils paient pour l'assurance facultative petits risques de leurs revenus imposables à condition de souscrire cette assurance auprès d'une mutualité;
  4. l'article 27bis de la précitée loi du 6 août 1990, qui prévoit au profit des mutualités une dotation pour l'assurance 'petits risques' des indépendants;
  5. les subsides que les mutualités reçoivent pour accomplir leur mission réservée dans le cadre de l'assurance maladie-invalidité obligatoire, sans que l'État n'assure en droit et en fait que ces subsides ne soient affectés au financement d'autres activités (oui ou non complémentaire à leur mission dans le cadre de l'assurance obligatoire) que les mutualités exercent sur le marché en concurrence avec d'autres entreprises'.
Sur la recevabilité de l'action originaire

10. Comme l'indiquent les appelantes, la qualité de vendeur dans le chef des intimées n'est pas une condition de recevabilité de leur action. La circonstance que les intimées seraient dépourvues de cette qualité ne peut conduire qu'à déclarer l'action non fondée, et ce dans l'hypothèse où le champ d'application de chacune des dispositions invoquées à l'appui de la demande est limité à des pratiques commises par un vendeur au sens de l'article 1er, 6° LPCC.

En donnant une définition des différentes notions utilisées dans la loi, le législateur n'a entendu ni introduire des conditions de recevabilité de l'action en cessation, lesquelles font l'objet des dispositions reprises dans le chapitre VIII de la loi, ni définir le champ d'application de l'ensemble des dispositions de la loi.

Aucune disposition de la loi ne subordonne la recevabilité de l'action en cessation à la condition qu'elle soit dirigée contre un vendeur.

Il y a donc lieu de mettre le premier jugement à néant en ce qu'il dit l'action des appelantes irrecevable.

Par ailleurs et contrairement à ce que prétendent les intimées, les appelantes ont bien un intérêt évident à entendre réformer la décision en ce qu'elle dit l'action irrecevable, puisqu'elles maintiennent leur demande.

Sur la qualité de vendeurs des intimées, par rapport à l'offre de services litigieuse

11. Conformément à l'article 2 de la loi du 6 août 1990, les mutualités exercent leurs activités dans un esprit de prévoyance, d'assistance mutuelle et de solidarité.

Les intimées insistent sur le fait que les différents services Hospi mis en cause s'inscrivent dans le cadre légal de leur mission et qu'ils contribuent à rendre les soins de santé de qualité accessibles à tous.

Cette circonstance est toutefois indifférente. En effet, l'esprit qui anime les mutualités lorsqu'elles déploient leurs activités ne peut servir de fondement pour leur refuser la qualité de vendeur.

Les finalités que poursuivent les personnes physiques ou morales qui offrent en vente ou vendent des produits ou des services, qu'elles soient sociales, idéologiques, philosophiques ou qu'elles relèvent d'une logique de rentabilité, sont en effet indifférentes pour distinguer les personnes qui répondent à la notion de vendeurs de celles qui y échappent (Comp., en ce qui concerne le caractère professionnel d'une activité, Cass. 11 mai 2001, R.D.C. 2001, p. 692).

Il ressort des dispositions de l'article 1er, 6° LPCC que pour être vendeur, il suffit de constater que les produits ou les services en cause - à supposer qu'ils répondent à la notion de produits et à celle de services définis aux points 1 et 2 de la même disposition -, sont vendus ou offerts en vente par la personne physique ou morale dans le cadre d'une activité professionnelle ou en vue de la réalisation de l'objet statutaire.

La circonstance que la mission légale des mutualités les oblige à déployer des activités dans le seul but de promouvoir le bien-être physique, psychique ou social dans le domaine de la santé et ce sur une base mutualiste est partant indifférente.

Il n'est pas contesté que les produits d'assurance litigieux sont offerts par les intimées en vue de la réalisation de leur objet statutaire.

12. L'absence de but de lucre n'est pas exclusive de la qualité de vendeur.

  1. Suivant l'article 1er, 6 LPCC, il y a lieu de considérer comme vendeur, notamment:

  2. tout commerçant ou artisan et toute personne physique ou morale qui offrent en vente ou vendent des produits ou des services, dans le cadre d'une activité professionnelle ou en vue de la réalisation de leur objet statutaire;
  3. les personnes qui exercent avec ou sans but lucratif une activité à caractère commercial, financier ou industriel, soit en leur nom propre, soit au nom ou pour le compte d'un tiers doté ou non de la personnalité juridique et qui offrent en vente ou vendent des produits et des services.

La loi ne requiert pas que l'activité professionnelle soit déployée dans un but de lucre et elle n'exclut pas de la notion de vendeur les personnes morales qui ne recherchent le profit ni pour elle-même ni pour leurs membres.

La constatation que des services au sens de l'article 1er, 2 LPCC sont offerts par une personne morale en vue de la réalisation de son objet statutaire suffit pour qu'ils s'agisse d'un vendeur au sens de l'article 1er, 6 a de la loi (Cass. 13 septembre 2002, n° C.01.0220.N/1).

13. La circonstance que des produits ou des services sont offerts en vente ou vendus gratuitement par une personne physique ou morale n'a pas pour effet d'empêcher que celle- ci soit qualifiée de vendeur (Cass. 13 septembre 2002, o.c.).

N'est en effet pas déterminante pour la notion de vendeur, la recherche d'un quelconque profit par celui qui offre en vente ou vend des produits ou des services, que ce soit directement ou indirectement, dans le cadre général de son activité ou à l'occasion de l'offre ou de la vente litigieuse.

Certaines dispositions de la loi du 14 juillet 1991 visent expressément l'offre d'un produit ou d'un service à titre gratuit, si bien qu'il ne peut être soutenu que le vendeur est celui qui répond à la notion de vendeur au sens du Code civil.

Par ailleurs, la loi qui définit le consommateur comme toute personne qui acquiert ou utilise à des fins excluant tout caractère professionnel des produits ou des services mis sur le marché n'exclut pas de la notion de consommateur celui qui acquiert un produit ou un service autrement que par la conclusion d'un contrat de vente.

Il en résulte que pour déterminer si une entreprise répond à la notion de vendeur, il n'y pas lieu de tenir compte des conditions auxquelles elle subordonne l'acquisition des produits et des services, de la nature juridique de l'opération par laquelle le destinataire de l'offre peut acquérir le produit ou encore du caractère fixe ou variable de la contrepartie.

14. La seule question qui se pose encore est donc celle de savoir si les prestations de services en cause offerts par les intimées, à savoir les produits d'assurance hospitalisation, peuvent être qualifiés de services au sens de l'article 1er, 2 LPCC.

Il ne suffit en effet pas d'être une entreprise au sens du droit de la concurrence pour être vendeur puisqu'en vertu de l'article 1er, 6° LPCC, il n'y a de vendeur, en cas d'offre en vente ou de vente de services, que si les services constituent des actes de commerce ou une activité artisanale (Cass. 13 mars 1998, Bull. ass. 1999, p. 21; Cass. 13 septembre 2002, o.c.).

Il échet au préalable de relever que la cour n'est nullement liée par l'interprétation que la Cour d'arbitrage donne de cette disposition là où elle indique, dans son arrêt du 13 juillet 2001 (point B, 13.6), et ce après avoir rappelé en quoi consistait la mission propre des mutualités et les limites de leur action, que '... pour autant qu'elles restent dans les limites précisées ci-avant, les assurances hospitalisation offertes par les mutualités ne peuvent être qualifiées d'acte de commerce au sens des articles 2 et 3 du Code de commerce et ne peuvent, en conséquence, faire l'objet d'une action en cessation fondée sur l'article 93 de la loi sur les pratiques de commerce'.

Les appelantes soulignent à juste titre que la cour n'est liée que par la considération que les l'articles 1er, 6 et 93 LPCC, 'tels qu'ils sont interprétées par le juge a quo', c'est-à-dire comme ayant pour effet d'exclure les assurances hospitalisation offertes par les mutualités du champ d'application de la loi sur les pratiques du commerce, ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution (point B 16 et dispositif de l'arrêt).

La cour n'est pas non plus liée par les motifs repris aux points B 13.5 et B 13.6 de la décision de la Cour d'arbitrage qui ont trait à l'appréciation que donne la cour des assurances hospitalisation en cause.

15. L'appréciation du caractère commercial d'un service et partant de l'applicabilité de la notion de vendeur aux mutualités qui offrent des prestations d'assurance ne saurait dépendre de l'examen préalable de la conformité des prestations en cause aux critères de 'prévoyance', d''assistance mutuelle' et de 'solidarité' dans le domaine des soins de santé - notamment du caractère variable ou non de la contrepartie en fonction de l'état de santé des affiliés -, ou de l'examen préalable de la conformité de l'activité concernée à la mission spécifique impartie aux mutualités qui serait notamment de combler les lacunes du système de la sécurité sociale.

Les interdictions qu'édicte la loi du 14 juillet 1991 en vue de protéger les consommateurs et les concurrents s'adressent aux vendeurs quel que soit le cadre juridique dans lequel ceux-ci opèrent et indépendamment de toute considération relative à la finalité de l'offre de produits ou de services en cause ou à la spécificité et aux limites de la mission qu'ils sont censés remplir soit en vertu de la loi, soit en raison d'objectifs qu'ils se fixent librement.

Prétendre que la qualité de vendeur d'une mutualité qui offre des produits d'assurance dépendrait d'éléments tels que l'existence ou l'absence d'un lien entre les produits d'assurance concernés et la santé - concept qui peut avoir un contenu très large puisqu'il vise selon l'Organisation mondiale de la santé, un état de bien-être physique, psychique et moral - termes repris à l'article 2, § 1er de la loi sur les mutualités ou plus limité suivant la législation sur l'assurance maladie-invalidité -, ou encore d'une appréciation des

caractéristiques de l'offre en cause à la lumière des principes de 'prévoyance', d''assistance mutuelle' et de 'solidarité', reviendrait à subordonner la qualité de vendeur à des conditions non voulues par le législateur et qui ne présentent aucune justification objective et raisonnable au regard des objectifs de la loi du 14 juillet 1991.

Il ne saurait de même être soutenu que pour l'attribution de la qualité de vendeur au sens de la loi du 14 juillet 1991, par référence à la notion d'acte de commerce, il conviendrait en outre d'opérer une distinction en fonction des destinataires de l'offre de produits ou de services.

L'article 1er, 6° LPCC définit en effet le vendeur sur la base de critères qui ne comprennent aucune référence aux destinataires de l'offre de produits et de services tandis que le consommateur est défini, au point 7° de la même disposition, comme étant 'toute personne physique ou morale qui acquiert ou utilise à des fins excluant tout caractère professionnel des produits ou des services mis sur le marché'.

Dès lors, pour apprécier si les mutualités sont des vendeurs, il importe peu de vérifier si l'offre litigieuse s'adresse aux seuls membres des mutualités ou au contraire au public.

16. C'est à tort que les appelantes affirment que la condition relative à la nature commerciale des prestations devrait être écartée compte tenu de l'existence, selon elles, du principe d'égalité des opérateurs économiques actifs sur le même marché et s'adressant au même public au regard de l'application des règles de la concurrence, et qu'elles soutiennent que la notion de vendeur doit, lorsqu'une telle situation se présente, être écartée au bénéfice de la notion d'entreprise.

Ce n'est que pour l'application du droit de la concurrence économique qu'il y a lieu de respecter la notion d'entreprise au sens des règles du traité et non pour la mise en oeuvre de dispositions qui visent à titre principal un objectif autre que celui de préserver la concurrence sur le marché, telles les dispositions de la loi du 14 juillet 1991.

Le moyen ne pourrait en outre être accueilli que si le fait d'exclure les pratiques restrictives de concurrence du champ d'application de la loi du 14 juillet 1991 lorsqu'elles sont le fait de mutualités, avait pour effet de priver les opérateurs économiques victimes de telles pratiques de toute voie de recours efficace devant le juge national, ce qui ferait obstacle à l'application effective du droit de la concurrence européen.

En l'espèce, les appelantes ne se disent pas victimes de telles pratiques puisqu'il n'est pas reproché aux intimées de commettre un abus de position dominante ou d'exécuter un accord restrictif de concurrence, l'existence d'un tel accord n'étant pas alléguée.

17. Sont réputés actes de commerce, en vertu de l'article 2 du Code de commerce, les assurances à prime.

La loi ne mentionne pas les assurances mutuelles dans son énumération limitative des actes de commerce.

Cette constatation suffit pour décider que l'association dotée de la personnalité juridique dont l'objet est une entreprise d'assurances mutuelles n'a pas de caractère commercial et qu'en conséquence, la recevabilité d'une demande qu'elle a introduite ne peut être subordonnée à son inscription au registre du commerce (Cass. 9 janvier 1996).

Toute autre est la question de savoir si cette constatation suffit également, comme le prétendent les intimées, pour constater qu'une mutualité qui déploie une activité d'assurances mutuelles ne peut être qualifiée de vendeur au sens de la loi sur les pratiques de commerce et la protection du consommateur.

Il est établi que si les assurances mutuelles ont été exclues de la sphère commerciale, c'est uniquement en considération du fait que l'assurance mutuelle n'implique en soi aucune préoccupation lucrative dans le chef de l'assureur (Frédéricq, Traité de droit commercial belge, T. I, p. 96).

Or, le but de lucre n'est pas déterminant pour la notion de vendeur de sorte que bien n'empêche d'assimiler les assurances mutuelles aux assurances à primes lorsqu'il s'agit de définir ce qu'il y a lieu d'entendre par la notion de services au regard de la loi sur les pratiques de commerce et des objectifs de cette loi.

Le fait qu'une telle assimilation ne s'impose pas au regard des règles constitutionnelles de l'égalité des Belges devant la loi et de la non-discrimination, suivant l'enseignement de la Cour d'arbitrage, ne fait pas obstacle à une telle interprétation.

Les assurances à primes et les assurances mutuelles constituent des services similaires du point de vue de leur objet qui est de prémunir l'assuré contre les conséquences de la réalisation de certains risques, caractéristique commune essentielle du point de vue du consommateur confronté à l'offre concurrente de produits d'assurance couvrant le même risque.

La similitude des produits d'assurance offerts par les opérateurs commerciaux (banques et compagnies d'assurances) avec ceux offerts par les mutualités dans le cadre de l'assurance libre et complémentaire, lorsqu'ils couvrent un même type de risques, a d'ailleurs été reconnue par le législateur puisque c'est principalement en vue d'éviter toute confusion dans le chef du consommateur que l'article 43ter a été introduit dans la loi du 6 août 1990 (Doc. parl. Chambre 1997- 98, n° 1184/11, p. 13).

Les intimées elles-mêmes ont reconnu que le degré de substituabilité était élevé puisqu'en offrant les nouveaux services Hospi, elles ont incité leurs affiliés à résilier les polices d'assurance hospitalisation qu'ils avaient conclues auprès des entreprises d'assurances.

  1. La distinction entre les assurances à primes et les assurances mutuelles est sans intérêt au regard de la notion de vendeur examinée puisqu'elle repose sur des critères qui, comme indiqué plus haut, ne sont pas déterminants pour la notion de vendeur, à savoir:

  2. le fait que l'acquisition du service par le consommateur est liée à son affiliation alors que le mode d'acquisition d'un service n'est pas déterminant pour fixer les contours des notions de vendeur et de consommateur;
  3. le fait que dans les assurances mutuelles, les cotisations ne sont pas perçues avec un but de lucre alors que la qualité de vendeur n'implique pas l'esprit de lucre;
  4. la considération suivant laquelle dans les assurances mutuelles, l'assuré serait également l'assureur, alors que d'une part les mutualités sont dotées dans la personnalité juridique ce qui exclut cette double qualité dans le chef de l'affilié, et que d'autre part la qualité d'affilié qui relève de l'activité d'assurance-maladie n'exclut pas celle de consommateur de services relevant de l'assurance libre et complémentaire.

18. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que les intimées qui offrent des assurances hospitalisation doivent être qualifiées de vendeurs pour l'application de la loi du 14 juillet 1991.

C'est en vain qu'elles contestent cette qualité en soulignant la spécificité du système mutualiste et ses contraintes propres, en particulier le fait que le législateur a soumis toute création ou modification d'un service statutaire à l'agrément de l'Office de contrôle des mutualités qui doit notamment s'assurer que ce service est conforme aux dispositions légales et réglementaires applicables et qu'il a prévu des sanctions spécifiques en cas de violation.

L'existence de mécanismes de contrôle propres à un secteur ou une catégorie d'entreprises actives dans ce secteur n'est pas élisive de la qualité de vendeur.

Sur les griefs d'infraction
Quant au grief d'offre conjointe

19. Selon les appelantes, l'offre des services Hospi faite par les intimées est une offre conjointe interdite en ce qu'elle s'adresse aux non-membres.

L'offre conjointe, en règle interdite en vertu de l'article 54 de la loi du 14 juillet 1991, consiste à subordonner l'acquisition, gratuite ou non, de produits, de services, de tous autres avantages, ou de titres permettant de les acquérir, à l'acquisition d'autres produits ou services, même identiques.

S'il est exact que le consommateur ne peut librement acquérir les services Hospi offerts par les intimées, séparément ou conjointement, puisque l'acquisition de ces services est liée à l'obtention préalable de la qualité d'affilié, il est erroné de prétendre qu'il s'agirait d'une offre conjointe interdite, dès lors qu'en application de l'article 3 de la loi du 5 août 1990 relative aux mutualités et aux unions nationales de mutualité, les mutualités doivent réserver les services visés au point b de cette disposition à leurs affiliés.

Par ailleurs, s'il est exact que le consommateur ne peut devenir membre des mutualités intimées sans acquérir le service Hospi, il n'est pas contesté qu'en vertu de la loi du 6 août 1990 relative aux mutualités et aux unions nationales de mutualités, les appelantes ont le pouvoir de rendre un service obligatoire.

L'offre conjointe interdite en vertu de l'article 54 de la loi du 14 juillet 1991 suppose l'absence d'obligation légale dans le chef de l'offrant de lier l'acquisition de produits, de services, de tous autres avantages ou de titres permettant de les acquérir, à l'acquisition d'autres produits ou services.

Cette condition faisant défait, la discussion sur le point de savoir si l'affiliation doit être considérée comme un avantage ne présente dès lors pas d'intérêt.

Tout ordre de cessation qui imposerait aux intimées de ne plus lier l'acquisition des services Hospi à l'obtention ou au maintien de la qualité d'affilé serait contraire aux dispositions d'ordre public qui limitent la liberté d'entreprendre des mutualités en les obligeant à réserver les services qu'elles organisent à leurs seuls affiliés.

Quant au grief d'achat forcé

20. Les appelantes reprochent aux intimées de contraindre leurs affiliés à acquérir le Hospi solidaire.

Il n'est pas contesté que les affiliés des intimées bénéficient en raison de leur qualité d'affilié des services compris dans l'assurance Hospi Solidaire et que le paiement de la cotisation pour ce service est obligatoire.

Cependant, comme l'indiquent les intimées, il n'y a pas en l'espèce achat forcé au sens de l'article 76 de la loi du 14 juillet 1991 puisque cette obligation résulte de décisions prises régulièrement par les assemblées générales des mutualités, décisions qui s'imposent aux affiliés, ce qui n'est pas contesté par les appelantes.

Dès lors, les affiliés sont réputés avoir marqué leur accord sur l'offre de services les concernant et sur les conditions auxquelles les services sont octroyés, lesquelles ont fait l'objet de modifications statutaires conformément à la loi du 6 août 1990 relative aux mutualités et aux unions nationales de mutualités et approuvées par l'Office de contrôle des mutualités.

Les appelantes ne contestent par ailleurs pas qu'en vertu de cette loi, l'assemblée générale d'une mutualité a le pouvoir de décider si les services instaurés qui relèvent de l'assurance libre et complémentaire, sont facultatifs ou obligatoires et que les statuts de la mutualité peuvent valablement prévoir l'exclusion d'un membre qui ne règlerait pas le montant de la cotisation.

Elles laissent entendre en vain que les intimées ne pourraient se retrancher derrière le processus de décision qui est à la base de l'offre querellée en raison du fait que dans la réalité des choses, les affiliés des mutualités subissent les décisions prises par l'assemblée générale plutôt qu'ils n'y participent.

Le non-usage par les affiliés, bénéficiaires des services, ou par leurs représentants élus, des droits que leur confèrent les statuts ne peut conduire à la constatation d'un achat forcé.

L'article 76 de la loi du 14 juillet 1991 qui interdit de faire parvenir à une personne, sans demande préalable de sa part, un produit ou un service quelconques, en l'invitant à acquérir ce produit ou ce service contre paiement de son prix, est étranger à la situation dénoncée par les appelantes et ne vise nullement à prémunir tout un chacun des conséquences qui peuvent résulter pour lui du non-exercice de ses droits.

Quant au grief du non-respect par les intimées de la législation relative aux entreprises d'assurance

21. Les appelantes prétendent que les intimées violent l'article 93 de la loi du 14 juillet 1991 en offrant des produits d'assurance sans avoir adopté au préalable le statut d'entreprise d'assurance sans s'être conformées aux diverses obligations auxquelles sont soumises les entreprises d'assurance.

L'activité des intimées est régie par la loi du 6 août 1990 et ses arrêtés d'exécution.

Les appelantes ont reconnu, notamment dans le cadre des recours en annulation partielle de cette loi devant la Cour d'arbitrage, qu'il résultait clairement de la législation applicable aux mutualités et aux unions nationales de mutualités que celles-ci n'étaient pas soumises, lorsqu'elles déployaient une activité d'assurances, aux contraintes qui pèsent sur les entreprises d'assurances, notamment aux obligations d'ordre financier imposées aux compagnies d'assurances par la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances, considération qui est d'ailleurs à la base desdits recours.

En effet, le législateur a soumis les mutualités à un régime distinct de celui qui concerne les entreprises d'assurance, et cette différence de traitement n'a pas été jugée contraire aux principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination (Cour d'arbitrage, arrêt n° 23/92 du 2 avril 1992).

Il ne peut dès lors être fait grief aux intimées de ne pas se soumettre à des dispositions légales qui ne leur sont pas applicables.

Quant au grief lié aux mesures étatiques en faveur des mutualités

Les appelantes font valoir en substance qu'en offrant des produits d'assurance relevant de l'assurance libre et complémentaire, les intimées se rendent coupables d'un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale au motif qu'à défaut de séparation structurelle entre les activités réservées qui relèvent de l'assurance maladie-invalidité obligatoire et les activités qu'elles exercent sur le marché de l'assurance hospitalisation, elles seraient en mesure de financer ces dernières activités au moyen des aides qu'elles perçoivent pour mener à bien les premières.

Les appelantes soutiennent que cette situation a pour effet de fausser les conditions normales de concurrence sur le marché de l'assurance hospitalisation.

Prétendant que les diverses mesures énumérées ci-avant (point 7) auraient dû être notifiées à la Commission européenne préalablement à leur mise en oeuvre, elles demandent à la cour de constater la violation de l'interdiction de mise à exécution visée par l'article 88, paragraphe 3, dernière phrase, du Traité, et d'interdire sur cette base aux intimées de poursuivre toute activité sur le marché de l'assurance hospitalisation.

S'il appartient aux juridictions nationales de garantir aux justiciables que toutes les conséquences d'une violation de cet article soient tirées, conformément à leur droit national, en ce qui concerne tant la validité des actes d'exécution que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition et de prendre le cas échéant des mesures provisoires de suspension des versements (CJCE, arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a., Rec., p. I-3547), rien ne peut justifier en droit un ordre de cessation totale ou partielle de l'activité déployée par le bénéficiaire des mesures litigieuses.

En se limitant à demander qu'il soit fait injonction aux intimées de cesser d'opérer sur le marché des assurances hospitalisation, les appelantes entendent non pas voir rétablir des conditions normales de concurrence sur ce marché, mais voir écarter un concurrent.

Aucune autre mesure n'étant demandée, et la cour ne pouvant modifier l'objet de la demande en adoptant des mesures étrangères à celles demandées, il n'y pas lieu d'examiner plus avant le grief invoqué et de statuer notamment sur la question de savoir si les mesures querellées constituent des aides étatiques.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement,

(...)

Reçoit l'appel,

Le dit fondé dans la mesure ci-après,

Met la décision attaquée à néant en ce qu'elle dit l'action originaire irrecevable.

(...)