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Observations, R.D.C.-T.B.H., 2004/2, p. 178-180

BANQUE - SÛRETÉ
Garantie locative - Cautionnement - Intuitu personae (portée) - Exécution de bonne foi des conventions
La garantie (locative) bancaire est une convention par laquelle une banque se porte garante dans les conditions qu'elle définit, de la bonne exécution des obligations du preneur; les règles du cautionnement sont d'application.
Aucune disposition législative n'excluant le transfert de la garantie en cas de cession de bail à un nouveau locataire, il est nécessaire que la banque garante, si elle souhaite exclure semblable transfert, le précise dans le texte de garantie.
Manque à son obligation de bonne foi, la banque qui omet, le cas échéant, de préciser dans sa garantie son intention d'être déchargée en cas de transfert de bail au nouvel acquéreur du bien loué.
BANK - ZEKERHEID
Huurwaarborg - Borgstelling - Intuitu personae (draagwijdte) - Uitvoering te goeder trouw van de overeenkomsten
De bank(huur)waarborg is een overeenkomst waarmee een bank zich, in de omstandigheden die zij vastlegt, borg stelt voor de goede uitvoering van de verplichtingen van de nemer; de regels van de borgstelling zijn van toepassing.
Daar geen enkele wetgevende bepaling de overdracht van de waarborg in geval van overdracht van huurwaarborg aan een nieuwe huurder uitsluit, is het noodzakelijk dat de bank, indien zij gelijkaardige overdrachten wil uitsluiten, dit in de waarborgtekst preciseert.
De bank die desgevallend nalaat in haar waarborg haar intentie om te worden ontlast in geval van overdracht van huurovereenkomst aan de nieuwe eigenaar van het verhuurde goed, te preciseren, komt haar verplichting te goeder trouw niet na.

Une garantie locative 'non transférable' avait été émise par une banque pour couvrir les engagements d'un locataire vis- à-vis d'un bailleur.

Après la vente de l'immeuble loué, le nouveau bailleur fit appel à la garantie en produisant - comme le prévoyait la lettre de garantie - un jugement condamnant le locataire en défaut au paiement d'arriérés de loyers et d'indexation du précompte immobilier, d'une indemnité de relocation et d'intérêts. Le même jugement ordonnait par ailleurs la libération de la garantie locative au profit de l'acquéreur du bien loué.

La banque refusa néanmoins de payer sa garantie au nouveau bailleur en alléguant du caractère non transférable de la garantie en question.

La Cour d'appel de Bruxelles, confirmant un jugement du tribunal de première instance condamne la banque au paiement de la garantie, considérant qu'il appartenait à la banque de préciser dans le texte de la garantie si l'interdiction de transfert visait la cession du bail à un nouveau locataire ou l'intervention d'un nouveau bailleur en cas de vente des biens loués.

La cour considère qu'en invoquant une mention peu explicite relative au caractère non transférable de la garantie en faveur du nouveau bailleur, la banque a manqué à son obligation de bonne foi et estimant que l'attitude de la banque n'a pas été, en l'espèce celle d'une banque prudente et diligente, la condamne, au surplus, au paiement d'une indemnité pour 'défense téméraire et vexatoire'.

On considère généralement que les garanties de type indépendant, abstrait, payable à première demande, sont des engagements 'intuitu personae' tant en considération de la personne du donneur d'ordre que de celle du bénéficiaire [1].

En ce qui concerne ce dernier, l'impossibilité de transfert du bénéfice d'une garantie à première demande, se justifie par le risque d'abus inhérent à ce type de construction: en ordonnant l'émission d'une garantie abstraite, le donneur d'ordre prend le risque spécifique d'un appel abusif à la garantie. Il le fait notamment en fonction de la confiance qu'il a dans le comportement correct du bénéficiaire qui est sa contrepartie au contrat commercial sous-jacent. Autoriser le transfert en faveur d'un bénéficiaire inconnu du donneur d'ordre reviendrait à faire supporter à ce dernier le risque final 'le cas échéant aggravé', d'un paiement de la garantie fait sur base d'un appel 'injustifié' mais dont le caractère abusif ne serait néanmoins pas apparu de manière suffisamment criante pour faire obstacle à l'exécution d'une garantie à première demande.

Ce risque apparaît moins évident dans le cadre d'un cautionnement accessoire, puisque la caution est alors en mesure d'opposer au créancier toutes les exceptions qui peuvent être avancées par le débiteur principal - ce qui réduit le risque d'un paiement du cautionnement sur base d'un appel manifestement abusif.

Par ailleurs, en tant que garantie accessoire, le cautionnement suit normalement le sort de la créance principale en cas de cession de celle-ci.

Comme l'a justement qualifié la cour d'appel, un engagement par lequel une banque se porte garante de la bonne exécution des engagements du débiteur principal et conditionne l'appel à sa garantie par la présentation d'un jugement de condamnation de ce dernier est soumis aux règles du cautionnement et pas à celles de la garantie abstraite.

Le caractère intuitu personae dans le chef du bénéficiaire du cautionnement ne s'impose donc pas comme allant de soi, ce qui ne veut pas dire que la possibilité d'un transfert ne peut être valablement exclue.

Encore faut-il le faire d'une manière non ambiguë.

Le doute était-il permis en l'espèce?

Oui répond la cour: la loi ne prévoit nullement que la caution est automatiquement déchargée en cas de cession de bail [2]. Par conséquent, rien n'interdit d'imaginer - à défaut d'une stipulation contraire expresse - que le banquier émetteur de la garantie locative accepte de rester tenu en cas de changement de locataire. Une clause spécifique prévoyant que la garantie prend fin en cas de changement locataire n'est donc nullement inutile. La simple mention de ce que la garantie n'est pas transférable ne permet dès lors pas, selon la cour, de savoir si le garant a entendu viser le changement de bénéficiaire ou le changement de débiteur principal.

La cour admet, par ailleurs, que le maintien de la garantie en cas de changement de locataire peut poser problème à la banque garante tenue de garantir un débiteur dont elle n'a pas eu la possibilité d'apprécier la solvabilité. Cette difficulté justifie qu'une clause d'intransférabilité visant cette hypothèse soit introduite dans la garantie; encore ladite clause doit-elle être suffisamment dépourvue d'ambiguïté ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Qu'il nous soit permis d'émettre des réserves quant au raisonnement suivi par la cour à ce niveau.

Les garanties et cautionnements émis par une banque pour compte de ses clients sont des opérations de crédit par signature [3] qui ne sont jamais qu'un des modes d'utilisation possible d'une ouverture de crédit. C'est la convention de crédit négociée entre la banque et son client qui fixe, en l'occurrence, les modes d'utilisation du crédit. C'est également dans cette convention de crédit que la banque puise la base de ses recours contre son client après paiement de la garantie et en précise les modalités, notamment le droit de débiter le compte du client donneur d'ordre des sommes payées en exécution de la garantie ou du cautionnement.

Suivant l'appréciation qu'a le banquier de la solvabilité de son client - et de la persistance de cette solvabilité pendant la durée du crédit - elle exigera ou non la couverture de sa garantie par la constitution d'une provision ou la mise en place de sûretés.

Considérer que le maintien de la garantie en cas de changement de locataire s'inscrit dans la logique du bail et qu'une clause expresse est nécessaire pour l'exclure méconnaît complètement la réalité du crédit.

Le raisonnement tenu par la cour entraîne, pour la caution qui omet d'inclure une clause excluant expressément le transfert dans l'hypothèse visée, une situation des plus inconfortables et évidemment contraire à sa volonté: la banque - dont l'intervention n'a pas été sollicitée lors de la cession de bail découvrirait lors de l'appel à sa garantie qu'elle couvre les engagements d'un locataire qui n'est pas un de ses clients, lequel n'a le cas échéant jamais pris contact avec elle et dont non seulement elle n'a pu apprécier la solvabilité en temps opportuns mais vis-à-vis duquel elle ne dispose d'aucun recours - ni aucune sûreté - de nature contractuelle [4]...

La cour admet du reste qu'il est 'normal qu'une banque n'accepte pas de couvrir les engagements d'un locataire dont elle n'a pas pu examiner la solvabilité' mais elle estime que 'n'étant pas protégée par une disposition législative', il est nécessaire que la banque exprime dans sa garantie sa volonté d'exclure, le cas échéant, le 'transfert' de la garantie 'dans le chef du locataire'.

En réalité, la cour semble avoir perdu de vue ce qui procède de l'essence même de la mécanique dans laquelle s'inscrit le cautionnement, à savoir l'articulation de trois contrats qui, s'ils sont économiquement liés, n'en demeure pas moins juridiquement distincts [5]: un premier contrat 'principal' existe entre le créancier et son débiteur, un second contrat - en l'espèce l'ouverture de crédit - existe entre la caution et le débiteur principal [6], un troisième contrat - le cautionnement - lie la caution au créancier et le débiteur principal n'est pas personnellement partie à ce contrat [7]; au contraire, le cautionnement est abstrait des relations existant entre le débiteur principal et la caution de manière telle que l'évolution de ces relations est sans incidence possible sur le sort du cautionnement.

Dès lors, lorsqu'une clause du contrat de cautionnement en exclut le transfert, la seule hypothèse logique est que les parties au contrat de cautionnement - caution et créancier - ont voulu écarter la possibilité d'une cession de la créance née du cautionnement à un autre créancier.

L'hypothèse du changement de débiteur garanti relève quant à elle d'une modification de l'objet du cautionnement (novation de l'obligation garantie par changement du débiteur de cette obligation - Code civil art. 1271, 2°). Cette novation, 's'analysant en l'extinction de l'obligation ancienne et la substitution à celle-ci d'une nouvelle éteint la dette principale et par conséquent libère la caution (Code civil article 1281, 2ème alinéa). Il n'en irait autrement que si la caution avait volontairement accédé à la novation (Code civil article 1281, alinéa 3).' [8] L'extinction du cautionnement suite à l'extinction de la dette principale n'est du reste que la conséquence logique du caractère accessoire du cautionnement [9].

Par conséquent exiger, le cas échéant, que la possibilité de maintien du cautionnement en cas de changement de débiteur de l'obligation principale soit exclue expressément par une clause du cautionnement c'est raisonner à l'envers: non seulement aucune clause spéciale n'est requise pour ce qui 'va sans dire' mais, au contraire, c'est le maintien du cautionnement nonobstant le changement du débiteur principal qui aurait nécessité l'accord de la caution [10].

Par contre, la cession de la créance cautionnée à un nouveau créancier ne peut quant à elle, être considérée comme une novation entraînant libération de la caution [11] qui reste normalement tenue - sauf clause excluant expressément cette hypothèse - envers le nouveau créancier.

C'était bien - et nécessairement - l'hypothèse visée, en l'espèce par la clause d'intransférabilité de la garantie.

[1] R.P.D.B., Complément t. VII, 'Les Garanties Bancaires Autonomes', Bruylant 1990, n°s 48 à 52.
[2] Aucune disposition ne prévoit par ailleurs, comme c'est le cas pour les baux commerciaux (loi du 4 avril 1951, art. 11.III) que le preneur d'origine reste en cas de cession de bail, solidairement tenu de toutes les obligations qui dérivent du bail initial; de même que l'art. 1735 du Code civil prévoit expressément que le preneur reste tenu des dégradations qui arrivent par le fait de ses sous-locataires. Dans ces deux hypothèses, la caution resterait évidemment tenue dans les mêmes conditions que le preneur débiteur solidaire (ou in solidum).
[3] J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, IV, 2ème éd., 1988, n°s 589 et s.
[4] Serait seule ouverte à la caution l'action subrogatoire de l'art. 1251, 3° du Code civil.
[5] H. De Page, Traité Élémentaire de Droit Civil Belge, t. IV, n° 834. On oppose ainsi, 'Le contrat de cautionnement stricto sensu à l'opération économique de cautionnement': voy. R.P.D.B., Complément t. V, n° 5 et réf. citées.
[6] La relation existant entre la caution et le débiteur principal est un contrat - ou quasi-contrat - 'à qualifier en tenant compte de chaque situation de fait': voy. R.P.D.B., Complément t. V, n° 6.
[7] H. De Page, Traité Élémentaire de Droit Civil Belge, t. IV, n° 834.
[8] H. De Page, Traité Élémentaire de Droit Civil Belge, t. IV, n° 894.
[9] R.P.D.B., Complément t. V, n° 17.
[10] Art. 1281, al. 3 du Code civil prévoit, du reste, que si le créancier a exigé 'l'accession' de la caution à la novation et que la caution refuse d'accéder au nouvel arrangement, l'ancienne créance subsiste ce qui signifie que dans ce cas, le débiteur principal reste tenu et par conséquent la caution continue de couvrir les engagements dudit débiteur principal - pas ceux du nouveau débiteur!
[11] R.P.D.B., Complément t. V, n° 301.