Article

Cour d'appel Liège, 09/12/2002, R.D.C.-T.B.H., 2004/2, p. 154-155

Cour d'appel de Liège 9 décembre 2002

CHÈQUE
Paiement par le tiré - Absence de provision - Responsabilités
Paiement par le tiré - Absence de provision - Responsabilités
Même lorsqu'il ne doit servir que de garantie, un chèque exige au moment de son émission une provision préalable et suffisante.
Le paiement d'un chèque non provisionné doit être considéré comme l'exécution d'un ordre du client qui de ce fait accepte d'en assumer les conséquences et notamment que le dommage qui en résulterait pour lui ne soit pas indemnisé.
En exécutant un tel paiement, le banquier tiré épargne au tireur du chèque le risque d'une plainte du chef d'émission de chèque sans provision, opte pour une solution favorable à son client et, loin de lui avoir causé un dommage, ne peut se voir imputer une quelconque responsabilité aquilienne.
CHEQUE
Betaling door de betrokkene - Afwezigheid van dekking - Aansprakelijkheid
Zelfs wanneer hij enkel dient ter garantie, vereist de cheque op het moment van zijn uitgifte een voorafgaande en voldoende dekking.
De betaling van een ongedekte cheque moet beschouwd worden als de uitvoering van een order van de cliënt die bij deze aanvaardt er de gevolgen van te dragen en met name dat de schade die er voor hem uit voorvloeit niet zal worden vergoed.
Door een dergelijke betaling uit te voeren, bespaart de betrokken bankier aan de trekker van de cheque het risico van een klacht uit hoofde van de uitgifte van een cheque zonder dekking, opteert hij voor een gunstige oplossing voor zijn cliënt en, verre van zijn cliënt schade te hebben berokkend, kan hij niet worden aangesproken op grond van aquiliaanse aansprakelijkheid.

SA CBC Banque / Houyoux

Siég.: M. R. de Francquen (président), M. Ligot et Mme Jacquemin (conseillers)
Pl.: Mes Hussin loco Poncelet

(...)

Attendu que le 25 février 1997 l'intimé signait un chèque barré d'un import de 2 millions de francs à l'ordre de Paul Jehaes; que tiré sur un compte déjà en débit de quelque 173.965 francs, ce chèque sera endossé le 25 avril 1997 à la société anonyme Sopromax et finalement payé le même jour au Comptoir d'Escompte de Ciney au profit de l'épouse de l'intimé, l'un des administrateurs délégués de ladite société;

Que l'intimé fait grief à la banque d'avoir payé ce chèque alors qu'il n'y avait pas de provision sans lui en avoir référé préalablement, ce qui l'aurait empêché de signaler qu'il n'était pas débiteur de Paul Jehaes, actionnaire majoritaire et lui aussi administrateur délégué de la s.a. Sopromax, auquel il aurait remis ce chèque en garantie de l'engagement de caution que le bénéficiaire direct du chèque allait signer au profit de la société pour que celle-ci obtienne du même banquier le prêt de 9 millions nécessaire au règlement tant du matériel médical que lui-même cédait que du centre d'esthétique également cédé par son épouse;

Que le premier juge a estimé que l'appelante avait commis une faute lourde mais qu'en émettant un chèque sans provision qu'il n'a pas révoqué l'intimé aussi a commis une faute de même importance, justifiant un partage de responsabilité ne permettant à la banque d'obtenir un titre que pour la moitié du découvert du compte;

Attendu que même lorsqu'il ne doit servir que de garantie un chèque exige au moment de son émission une provision préalable et suffisante (voy. Civ. Bruxelles 5 novembre 1987, R.P.S. 1988, p. 70);

Que l'intimé savait parfaitement que son compte n'était pas provisionné mais déjà en situation négative irrégulière dès lors qu'il ne disposait pas d'une ouverture de crédit; que ce faisant il commettait même une infraction pénale; qu'il ne pouvait croire que puisque son compte était déjà débiteur de plus de 100.000 francs sans aucune réaction de son banquier qui ainsi ne lui consentait qu'une facilité de caisse (Dal, 'Ouverture de crédit, facilité de caisse et chèque sans provision', n° 10), il était autorisé à émettre un chèque dont le montant est, suivant ce qu'il affirme par la suite, déraisonnable;

Attendu que la responsabilité du banquier peut tout d'abord être engagée vis-à-vis de son cocontractant sur un plan contractuel; que le paiement d'un chèque non provisionné doit cependant être considéré comme l'exécution d'un ordre du client qui de ce fait accepte d'en assumer les conséquences et notamment que le dommage qui en résulterait pour lui ne soit pas indemnisé (Demonty, Derniers développements en matière de responsabilité du banquier, CUP, mai 1998, vol. 24, p. 75 et p. 81);

Que le tireur est mal venu de reprocher à son banquier de l'avoir considéré comme à même d'apprécier lui-même ses facultés financières; qu'en refusant le paiement du chèque, l'appelante aurait pris le risque de mécontenter un client dont elle pouvait supposer qu'il ne traversait que des difficultés passagères puisque propriétaire d'un très important immeuble loué à Sopromax il en retirait un loyer de quelque 130.000 francs par mois et devait percevoir le prix de la cession de son matériel médical (2.500.000 francs) tandis que son épouse sur le compte duquel l'argent aboutissait avait cédé son centre d'esthétique pour 3.500.000 francs;

Qu'en l'espèce, il n'y a eu ni faute lourde ni faute tout court du banquier qui a seulement pris un risque dans le seul but de plaire à un client dont il s'avère actuellement qu'il est devenu ou s'est rendu insolvable;

Attendu que la responsabilité d'une partie contractante ne peut être engagée sur un plan extra-contractuel du chef de l'exécution du contrat que si la faute qui lui est imputée constitue un manquement non à une obligation contractuelle mais à l'obligation générale de prudence et que si cette faute a causé un dommage autre que celui qui résulte de la mauvaise exécution du contrat (Cass. 28 septembre 1995, Pas. 1995, I, 856; Buyle et Creplet, la responsabilité civile des établissements de crédit, CUP, novembre 2001, vol. 50, p. 148); qu'en exécutant le paiement, l'appelante épargnait à l'intimé le risque d'une plainte du chef d'émission de chèque sans provision et optait pour une solution favorable à son client; que loin de lui avoir causé un dommage, elle ne peut se voir imputer une quelconque responsabilité aquilienne;

Par ces motifs,

(...)

La cour, statuant contradictoirement,

Reçoit l'appel,

Réformant la décision entreprise, condamne l'intimé à payer à l'appelante 53.891,18 euros majorés des intérêts au taux conventionnel de 18% l'an depuis le 1er avril 1997 jusqu'à parfait paiement.

(...)