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DROIT DE LA CONSOMMATION – Consommateur – Vente, R.D.C.-T.B.H., 2004/10, p. 1063-1066

DROIT DE LA CONSOMMATION

Consommateur - Vente

La loi du 1er septembre 2004 relative à la protection des consommateurs en cas de vente de biens de consommation

La loi du 1er septembre 2004 relative à la protection des consommateurs en cas de vente de biens de consommation est parue au Moniteur belge du 21 septembre 2004. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2005 mais ne s'appliquera qu'aux contrats conclus après cette date. Cette loi transpose en droit belge la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation. Celle-ci avait pour objectif de permettre aux consommateurs résidant dans la Communauté européenne de s'approvisionner librement sur le marché intérieur en bénéficiant “d'un socle minimal commun de règles de droit de la consommation, valables indépendamment du lieu de vente des biens” [1]. La directive et notre loi de transposition s'attachent essentiellement aux garanties et recours du consommateur en cas de non-conformité de la chose vendue au contrat. Elle vient compléter et renforcer la protection que les consommateurs trouvaient déjà dans la loi du 25 février 1991 relative à la responsabilité des produits défectueux et, bien entendu, dans la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et la protection et l'information du consommateur (LPPC).

Un double régime de garanties

L'article 3 de la loi du 1er septembre 2004 insère une nouvelle section (IV) dans le chapitre du Code civil consacré à la vente et qui sera constituée par les nouveaux articles 1649bis à 1649octies. Elle ne s'appliquera qu'aux ventes conclues entre, d'une part, un vendeur qui agit dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale et, d'autre part, un consommateur défini comme “toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale”. On observera que cette définition est plus restrictive que celle de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce qui ne restreint pas la notion de consommateur aux seules personnes physiques mais englobe également les personnes morales, pourvu qu'elles agissent à des fins excluant tout caractère professionnel. Ainsi, les ventes conclues entre deux personnes physiques ou morales dans le cadre de leurs activités professionnelles ou celles effectuées par une personne physique ou morale dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé resteront soumises à l'ancien régime.

Le nouveau régime ne vise que les biens de consommation, c'est-à-dire les biens mobiliers corporels, qu'ils soient déjà conditionnés, à fabriquer ou à produire. En sont exclus les biens vendus sur saisie ou par autorité de justice, de même que certains biens de première nécessité généralement distribués par réseau, comme le gaz, l'eau et l'électricité, dès lors qu'ils ne sont pas conditionnés en unités de vente.

La nouvelle notion de conformité

La directive européenne instaure un système qualifié bien à propos de “moniste” en ce qu'il “fond en une même obligation la garantie des vices cachés et l'obligation de délivrance” [2]. La nouvelle section du chapitre sur la vente énumère les conditions qui doivent être remplies pour que la chose vendue soit considérée comme conforme au contrat. Ces conditions, au nombre de quatre, sont cumulatives:

    • le bien doit correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités du bien que le vendeur a, le cas échéant, présenté sous forme d'échantillon ou de modèle au consommateur;
    • le bien doit être propre à tout usage spécial recherché par le consommateur, pour autant que cet usage ait été porté à la connaissance du vendeur à la conclusion du contrat et qu'il ait été accepté par lui;
    • le bien doit être propre aux usages auxquels servent habituellement les biens du même type;
    • le bien doit présenter la qualité et les prestations habituelles d'un bien de même type auxquelles le consommateur peut raisonnablement s'attendre eu égard à la nature du bien et, le cas échéant, aux déclarations publiques faites sur les caractéristiques concrètes du bien par le vendeur, le producteur ou son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage.

    À propos de cette dernière condition, on observera que le vendeur peut ainsi être engagé par des actes commis par des tiers au contrat de vente avec le consommateur, notamment par la publicité et l'étiquetage réalisé par le producteur ou l'importateur. Cette règle n'est pas entièrement nouvelle, car l'article 24, § 3, LPCC autorisant l'interprétation des contrats en fonction des données contenues dans la publicité en était déjà une application. Le vendeur peut toutefois s'en dégager s'il démontre qu'il ne connaissait ou ne pouvait raisonnablement connaître les informations publiques communiquées par le producteur ou son représentant, qu'il les avait rectifiées au moment de la conclusion du contrat, ou encore que ces éléments d'information émanant d'un tiers n'ont pu influencer la décision d'achat du consommateur.

    Pour revenir à la notion de conformité, la loi assimile au défaut de conformité la mauvaise installation du bien par le vendeur, ainsi que le montage défectueux par le consommateur, s'il résulte d'une erreur dans les instructions. En revanche, la connaissance par le consommateur du défaut ou son ignorance inexcusable ne lui permettront pas d'invoquer un défaut de conformité, pas plus que celui qui trouve son origine dans les matériaux qu'il a lui-même fournis.

    Contrairement à la directive qui instaure une présomption réfragable de conformité lorsque les exigences légales sont rencontrées, le libellé de la loi belge - qui répute le bien conforme au contrat lorsque les conditions légales sont remplies - semble exclure toute preuve du contraire. Mais ceci est en défaveur du consommateur belge et serait donc contraire à la directive qui impose un niveau de protection minimum du consommateur.

    La garantie de deux ans

    Une des nouveautés du système est d'avoir uniformisé le délai de garantie des vices apparents et des vices cachés à deux ans. Il se compte à partir de la livraison du bien. Le défaut de conformité doit exister au moment de la délivrance du bien, preuve dont le consommateur a la charge. Toutefois, la loi vient à son secours en stipulant que tout défaut de conformité qui apparaîtrait dans un délai de six mois à dater de la délivrance est présumé, sauf preuve contraire, exister à ce moment. La présomption est réfragable et la loi invite à cet égard à tenir compte du caractère neuf ou d'occasion du bien. Pour ces derniers, il est même possible de prévoir contractuellement une réduction du délai de garantie sans qu'il ne puisse être inférieur à un an.

    Inversement, la loi belge permettra encore à l'acheteur d'invoquer la garantie des vices cachés à l'expiration des deux ans, pourvu qu'il se trouve toujours dans les conditions du régime classique du Code civil.

    Les délais de forclusion et de prescription

    Dans le système du Code civil, le consommateur était tenu d'agir à bref délai, lors de l'agréation pour les vices apparents et au moment où ils se manifestent pour les vices cachés. Le nouveau régime ne prévoit aucun délai impératif dans lequel le consommateur serait tenu d'informer le vendeur de l'existence d'un défaut de conformité qu'il aurait constaté. Toutefois, les parties peuvent convenir d'un tel délai qui ne peut cependant être inférieur à deux mois à compter du jour où le consommateur aura constaté le défaut de conformité. Ce délai de forclusion ne peut être que de nature contractuelle. En revanche, le nouveau régime impose au consommateur d'agir en justice dans l'année de la découverte du défaut de conformité, sans que ce délai de prescription ne puisse expirer avant la fin du délai de deux ans dans lequel le défaut est censé apparaître.

    Les différentes modalités de réparation

    Lorsque l'existence d'un défaut de conformité est établi et que le consommateur se trouve toujours dans les délais pour agir, il bénéficie de quatre options pour obtenir réparation de son dommage, encore le terme “options” n'est-il pas tout à fait adéquat, car sa liberté de choix est limitée. En effet, son choix doit en priorité porter sur la réparation ou le remplacement du bien défectueux, à moins que ces opérations ne s'avèrent impossibles ou disproportionnées, notamment lorsque les coûts en rapport avec l'un ou l'autre mode sont déraisonnables. Et la loi d'ajouter certains critères, telles que la valeur du bien, l'importance du défaut de conformité, ou encore la voie la moins dommageable pour le vendeur et sans inconvénient majeur pour le consommateur, qui devraient permettre d'apprécier chaque cas.

    Si les deux premières options ne se justifient pas, le consommateur peut opter pour une réduction du prix de vente ou pour la résolution du contrat, encore cette dernière option demeure-t-elle fermée si le défaut de conformité est mineur. Enfin, lorsque la réparation prend la forme d'un remboursement du prix de vente au consommateur, on tiendra compte de l'usage que celui-ci a eu du bien depuis sa livraison.

    Observons enfin que le vendeur qui répond d'un défaut de conformité vis-à-vis d'un consommateur dispose d'une action en garantie contre le producteur du bien ou de tout intermédiaire contractuel et que dans ce cas les clauses limitant ou écartant la responsabilité de ce dernier lui sont inopposables.

    Les obligations d'information

    Si le vendeur offre au consommateur une garantie contractuelle, ce dernier doit être informé adéquatement de ses droits. Aussi, la directive et la loi belge prévoient-elles l'obligation pour le vendeur de mettre à sa disposition par écrit ou sur tout autre support durable le contenu de la garantie, les éléments essentiels à sa mise en oeuvre ainsi que le nom et l'adresse du garant. Et, précaution supplémentaire, il doit encore y préciser que le consommateur trouve dans la loi des garanties légales qui ne peuvent être affectées par la garantie contractuelle.

    Les sanctions

    Les nouvelles dispositions légales en matière de vente de biens de consommation au consommateur sont impératives. La loi prévoit dès lors la nullité de toutes les clauses contractuelles et des accords qui écarteraient ou limiteraient les droits qui lui sont reconnus par la loi lorsqu'ils ont été conclus avant que le défaut de conformité ne soit dénoncé au vendeur par le consommateur. Il en est de même de toute stipulation qui soumet le contrat à la loi d'un État tiers à l'Union européenne lorsqu'en l'absence de celle-ci la loi d'un État membre serait applicable et qu'elle procurerait une protection plus élevée au consommateur.

    Parallèlement à ces sanctions civiles, la loi prévoit une action en cessation contre tout acte contraire aux nouvelles dispositions du Code civil de nature à porter atteinte aux intérêts collectifs des consommateurs, pourvu qu'elle soit intentée par une association qui a pour objet la défense des intérêts des consommateurs. Pour faire bref, les règles sont celles de l'action en cessation portée devant le président du tribunal de commerce dans le cadre de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur. Une action similaire devant le président du tribunal de première instance est prévue lorsque le vendeur agit dans le cadre d'une profession libérale soumise aux dispositions de la loi du 2 août 2002. Enfin, la loi fait le toilettage d'autres dispositions, telles que l'article 32.12 de la loi du 14 juillet 1991 qui considère comme abusives les clauses qui suppriment ou diminuent la garantie légale en matière de vices cachés, ou encore celles du Code judiciaire qui déterminent les compétences des présidents des tribunaux de première instance et de commerce en matière de cessation.

    [1] Directive 1999/44/CE du 25 mai 1999, JO L 171 du 7 juillet 1999, pp. 12-16, considérants 2 et 5.
    [2] A. Puttemans, “Le contrat de vente à l'épreuve de la protection du consommateur”, in Aspects récents du droit des contrats, Éd. JBB, 2001, p. 53.