Article

Cour d'appel Liège, 08/01/2004, R.D.C.-T.B.H., 2004/10, p. 1025-1029

Cour d'appel de Liège 8 janvier 2004

APPEL
Délai de comparution - Saisie - Deux jours - Computation - Indifférence de la date de réception du pli judiciaire
Le délai de comparution en cas d'appel d'une décision du juge des saisies est de deux jours francs. Il suffit que plus de deux jours séparent la date d'envoi de la requête d'appel de la date d'introduction pour considérer que l'exigence légale a été respectée, la date de réception du pli judiciaire étant indifférente pour la computation du délai de comparution [1].
APPEL
Recevabilité - Renvoi au rôle particulier - Mesure d'ordre - Article 1046 C.jud. - Connexité - Grief
Le jugement par lequel le juge des saisies décide de renvoyer l'affaire au rôle particulier ne constitue pas une simple mesure d'ordre au sens de l'article 1046 du Code judiciaire lorsqu'il justifie implicitement mais certainement cette décision par le motif que la cause est connexe à une autre affaire pendante devant lui. Un tel jugement cause un grief à l'appelante qui se voit, dans les circonstances de la cause, privée de la possibilité de faire rétracter rapidement une ordonnance sur requête unilatérale prononcée à son insu [2].
SAISIE
Saisie contrefaçon - Tierce opposition - Demande de suspension de l'exécution - Article 1127 C.jud. - Requête unilatérale - Extrême urgence ou effet de surprise
En l'absence d'extrême urgence, la partie faisant l'objet d'une saisie en matière de contrefaçon ne peut recourir à la requête unilatérale pour obtenir à titre provisoire la suspension de l'exécution de l'ordonnance du juge des saisies ayant autorisé cette saisie [3].
BEROEP
Verschijningstermijn - Beslag - Twee dagen - Berekening - Geen belang voor de datum van ontvangst van de gerechtsbrief
De verschijningstermijn bij een beroep tegen een beslissing van de beslagrechter bedraagt twee volle dagen. Het vol­staat dat er meer dan twee dagen zijn verstreken tussen de datum van de verzending van het document en de inleiding van het beroep. De datum van ontvangst van het document is van geen belang voor de berekening van de verschijningstermijn [4].
BEROEP
Ontvankelijkheid - Terugverwijzing naar de bijzondere rol - Maatregel van inwendige orde - Artikel 1046 Ger.W. - Samenhang - Nadeel
De beschikking waarin de beslagrechter de zaak terugstuurt naar de bijzondere rol is geen loutere maatregel van inwendige orde in de zin van artikel 1046 van het Gerechtelijk Wetboek wanneer deze maatregel impliciet maar zeker gegrond wordt op de samenhang met een andere zaak die bij hem aanhangig is. Een dergelijke beslissing brengt een nadeel toe aan de appellante die door de omstandigheden van deze zaak de mogelijkheid verliest om een beslissing op eenzijdig verzoekschrift die buiten zijn medeweten is genomen, snel te doen intrekken [5].
BESLAG
Beslag inzake namaak - Derdenverzet - Vordering tot opschorting van de uitvoering - Artikel 1127 Ger.W. - Eenzijdig verzoekschrift - Uitzonderlijke hoogdringendheid of verrassingseffect
Bij gebrek aan uitzonderlijke hoogdringendheid kan de partij die het voorwerp van het beslag inzake namaak uitmaakt geen eenzijdig verzoekschrift instellen om de voorlopige opschorting te vorderen van de uitvoering van de beschikking van de beslagrechter die het beslag heeft bevolen [6].

NV Sara Lee / SA Café Liégeois

Siég.: R. de Francquen (président), M. Ligot et A. Jacquemin (conseillers)
Pl.: Mes C. De Meyer, N. Colin, P. Cappyns et P. Thomas

Vu l'appel du jugement rendu le 27 novembre 2003 par le juge des saisies de Verviers, interjeté le 5 décembre 2003 par la société de droit néerlandais Sara Lee/DE.NV;

Attendu qu'il y a lieu, conformément à ce que prescrit l'article 771 du Code judiciaire, de rejeter du délibéré la pièce que le conseil de l'appelante a transmise au greffe par télécopie et par courrier reçus les 22 et 23 décembre 2003, ladite pièce étant la traduction française d'un jugement rendu le 16 décembre 2003 par le juge des saisies de Malines; que s'il a été fait allusion à cette décision au cours des plaidoiries, la pièce ne figure pas à l'inventaire déposé par l'appelante et prenait de court l'intimée dès lors qu'il n'est pas précisé à quelle date ladite pièce lui aurait été remise pour examen et contradiction éventuelle;

Attendu que le litige opposant les parties concerne le brevet européen revendiqué par l'appelante qui fabrique et commercialise des poches de café destinées aux machines Senseo fabriquées sous licence par la firme Philips; que l'intimée qui est active dans le secteur du café depuis de nombreuses années fabrique depuis peu des poches de café aux dimensions identiques à celles de l'appelante et les vend à un prix moindre;

Qu'alliée aux sociétés Fort et Beyers actives en région flamande, l'intimée a introduit devant le tribunal de première instance d'Anvers le 6 janvier 2003 une action tendant à dire que les poches qu'elles fabriquent ne tombent pas sous la protection du brevet européen invoqué par l'appelante et qu'elles n'ont donc commis aucune contravention directe ou indirecte au brevet en commercialisant lesdites poches de café; que cette affaire qui concerne le fond du droit sera évoquée devant le tribunal anversois ce 9 janvier 2004;

Attendu que sur requête unilatérale l'appelante a obtenu le 31 octobre 2002 du juge des saisies d'Anvers l'autorisation de procéder à une saisie description à charge de la société Fort qui fit tierce opposition à la saisie pratiquée chez elle le 6 novembre 2002; qu'un arrêt de la cour d'appel d'Anvers du 29 septembre 2003 réforme le jugement intervenu sur tierce opposition et maintient la mesure conservatoire à charge de Fort dont il est apparu qu'elle était approvisionnée par l'intimée;

Que l'appelante a le 15 octobre 2003 demandé par requête au même juge des saisies d'Anvers de confier au même expert la saisie description à poursuivre à la fois chez Fort et chez l'intimée mais aussi de voir interdire aux deux sociétés d'encore distribuer des poches “contrefaisantes” sous peine d'une astreinte de 500 euros par poche; que l'ordonnance du 16 octobre 2003 qui accueille la demande a été signifiée à l'intimée le 23 octobre;

Attendu que l'intimée a signifié deux tierces oppositions à cette décision unilatérale du 16 octobre 2003, la première le 7 novembre 2003 devant le juge des saisies de Verviers, la seconde le 21 novembre 2003, s'associant à la firme Fort, devant le juge des saisies d'Anvers qui a rendu la décision critiquée; que les parties sont convenues devant le juge des saisies de Verviers d'un calendrier fixant les débats après échange de conclusions et conclusions additionnelles au 14 mai 2004, soixante minutes étant réservées pour l'ensemble des plaidoiries;

Attendu que le 10 novembre 2003 l'intimée présentait au juge des saisies de Verviers une requête unilatérale demandant en extrême urgence la suspension de l'astreinte et de l'exécution de la décision du juge des saisies d'Anvers du 16 octobre 2003 “pendant tout le temps nécessaire au règlement de la procédure de tierce opposition d'une part et de la procédure au fond pendante devant le tribunal de première instance d'Anvers d'autre part”; que le 12 novembre 2003 une ordonnance est rendue décidant la suspension provisoire du caractère exécutoire de l'ordonnance du 16 octobre 2003 en ce qu'elle interdit la distribution de poches de café et la suspension provisoire de la débition des astreintes; que la requête d'extrême urgence exposait en 13 pages de textes le problème rencontré par l'intimée et son souhait d'échapper aux contraintes imposées par la décision anversoise qui se basait sur la validité apparente du brevet;

Attendu que dès le 18 novembre 2003 l'appelante faisait tierce opposition à cette dernière ordonnance et entendait plaider à l'audience d'introduction du 21 novembre alors que son adversaire sollicitait le renvoi au rôle ou au mieux l'établissement d'un calendrier organisant à l'instar de celui déjà adopté pour la tierce opposition à l'ordonnance anversoise les délais pour échanger des conclusions; que sur insistance de l'appelante, tierce opposante à la décision ordonnant la suspension des mesures conservatoires, laquelle refusait toute remise, la cause fut entendue durant une bonne partie de la matinée; que dans la décision entreprise, le premier juge “avant de statuer quant à la recevabilité et au fondement de l'action, renvoie la cause au rôle particulier” après avoir énoncé que:

- eu égard à la complexité du dossier, à la technicité de l'argumentation développée dans une citation de 7 pages, l'intimée n'a pu organiser sa défense, prendre connaissance de l'ensemble des griefs invoqués contre elle, développer son argumentation et la communiquer à son adversaire;

- nombre de pièces invoquées par l'opposante sont rédigées en langue néerlandaise ou anglaise et qu'il est donc nécessaire de produire une traduction jurée;

- en outre il n'est pas a priori inexact de considérer que la tierce opposition à l'ordonnance rendue sur requête unilatérale d'extrême urgence revêt un lien de connexité avec la tierce opposition visant l'ordonnance de saisie contrefaçon prononcée à Anvers puisque “dans les deux cas, c'est la même décision anversoise qui est l'objet des débats et qu'il ne serait pas compréhensible que des décisions contradictoires soient prononcées à l'égard d'une même réalité”;

Attendu que l'appel dont la cour est saisie concerne cette dernière décision; que l'appelante invoque le grief qu'elle éprouve à n'être pas admise à plaider sur le champ sur le fondement de la mesure de suspension que son adversaire avait obtenue sur requête unilatérale;

Attendu que la requête d'appel a été déposée au greffe de la cour le vendredi 5 décembre 2003; que la notification en a été faite à l'intimée par pli judiciaire du lundi 8 décembre et a été reçue par l'intimée le mardi 9 décembre 2003, l'appel étant introduit céans le jeudi 11 décembre 2003;

Qu'à l'introduction l'appelante entendait plaider séance tenante tandis que son adversaire déposait des conclusions de 18 pages invoquant la nullité ou l'irrecevabilité de l'appel, l'impossibilité d'évoquer le fond dans le cadre de l'article 1068 du Code judiciaire et que subsidiairement il demandait le renvoi au rôle pour conclure sur le fond;

Qu'il fut proposé aux parties de plaider durant la matinée du lendemain mais que les plaideurs préférèrent une complète audience de relevée le 19 décembre 2003;

Attendu que les affaires soumises au juge des saisies sont introduites et instruites comme en référé, le délai séparant l'acte introductif d'instance de l'audience d'introduction étant de 2 jours francs;

Que ce même délai doit être respecté lorsqu'un appel est formé à l'encontre d'une décision de saisie;

Attendu que la date de la requête d'appel est celle de sa réception par le greffier des rôles et non celle de la notification qui est réalisée par un pli judiciaire expédié “au plus tard le premier jour ouvrable qui suit le dépôt” (art. 1056, 2°, C.jud.);

Qu'il suffit de constater que plus de deux jours séparent la date d'envoi de la requête d'appel (8 décembre) de la date d'audience d'introduction (11 décembre) pour considérer que l'exigence légale a été respectée, la date de réception du pli judiciaire étant indifférente pour la computation du délai de comparution (Cass. 9 décembre 1996, J.T. 1997, p. 687);

Attendu que le délai bref dont l'intimée a en fait disposé n'a pas empêché que son conseil auquel la requête et le dossier d'appel avaient été communiqués par porteur dès le 5 décembre, rédige des conclusions élaborées sur des questions de procédure, le fond de l'affaire étant volontairement délaissé; que l'organisation du droit de défense doit, dans les cas visés par la loi comme étant urgents, s'accommoder de délais courts; que l'intimée est d'autant moins fondée à se plaindre qu'elle a développé en 18 pages appuyées de citations et de références doctrinales ou jurisprudentielles une argumentation étoffée intéressant la recevabilité de l'appel et qu'il ne tenait qu'à elle d'aborder également le fond qu'elle connaissait parfaitement pour l'avoir d'abord étudié à l'effet de former tierce opposition et en même temps en vue de rédiger la requête unilatérale qui est à la base et au centre du débat actuel;

Que la requête d'appel n'est pas nulle comme l'intimée voudrait le voir dire;

Attendu que pour l'intimée, l'appel est à tout le moins irrecevable parce qu'il vise une mesure d'ordre contre laquelle l'article 1046 du Code judiciaire supprime toute possibilité de recours;

Attendu que “L'article 1046 du Code judiciaire, qui dispose que les décisions ou les mesures d'ordre telles que les remises ne sont susceptibles ni d'opposition ni d'appel, vise les décisions par lesquelles le juge ne résout aucune question de fait ou de droit litigieuse ou n'en préjuge pas, de sorte que la décision n'inflige à aucune des parties un grief immédiat. La mesure d'ordre est celle qui a trait à la simple administration formelle de la justice et qui ne porte ni directement, ni indirectement sur l'examen même de l'affaire, et ne peut influer sur le jugement de celle-ci” (G. de Leval, Éléments de procédure civile, n° 195 A et la note subpaginale 43, p. 280 et les références Cass. 9 janvier 1998, Pas. 1998, I, p. 18; Fett­weis, Manuel de procédure civile, n° 705); que tel n'est pas le cas en l'espèce;

Attendu qu'alors que l'appelante insistait pour que l'affaire soit plaidée à l'introduction parce que l'ordonnance rendue sur requête unilatérale ne lui avait pas permis d'exposer son point de vue et qu'elle en subissait les conséquences dés­agréables, la décision d'inviter les parties à s'accorder pour conclure et de renvoyer la cause au rôle à défaut de leur imposer une date de mise en état s'apparente à un déni de justice;

Que la complexité des procédures opposant les parties et la technicité de la question de fond n'avaient pas empêché le premier juge de prendre une décision jugulant les effets d'une autre décision judiciaire; que sauf à considérer qu'il avait accédé à la demande contenue dans la très longue requête unilatérale sans examiner son fondement et sans s'interroger sur les conséquences de sa décision, ce qui ne peut se concevoir d'un magistrat prudent et consciencieux, le premier juge était déjà informé des difficultés opposant les parties et qu'il avait admis d'y donner dans l'extrême urgence une solution à la révision de laquelle il ne lui est pas permis de se soustraire une fois que le débat est devenu contradictoire sous prétexte que le problème est complexe et mérite des conclusions plus élaborées; Que ce faisant le premier juge décide implicitement que l'extrême urgence admise de manière unilatérale disparaissait par cela seul qu'il avait pris la décision de suspendre les effets de l'ordonnance du juge des saisies d'Anvers;

Attendu que l'aveu du premier juge d'une “connaissance insuffisamment pointue des autres langues que le français” aurait pu justifier une remise s'il n'était acquis que pour obtenir l'ordonnance à laquelle tierce opposition était signifiée par l'appelante l'intimée a dû produire des pièces justificatives et notamment les nombreuses décisions rendues par les juridictions flamandes et que l'intimée cherche à contourner; que de ce point de vue l'argument est spécieux et pourrait laisser croire que la décision sur requête a été octroyée sans vérification sérieuse des éléments de fait s'appuyant sur des pièces rédigées en néerlandais;

Attendu surtout que le premier juge s'est engagé sur le plan du droit en affirmant, ce que l'intimée feint de considérer comme étant sans aucune portée, “qu'il n'est pas a priori inexact de considérer que la présente tierce opposition revêt un lien de connexité avec la tierce opposition formée par la SA Café Liégeois devant la chambre des saisies de céans à l'encontre de l'ordonnance rendue le 16 octobre 2003 par le juge des saisies d'Anvers, dès lors que, dans les deux cas, c'est la même décision anversoise qui est l'objet des débats et qu'il ne serait pas compréhensible que des décisions contradictoires soient prononcées à l'égard d'une même réalité”; Que ce motif, en dépit de la formulation négative et du conditionnel employé, est un motif décisoire où le premier juge laisse entendre clairement qu'il ne veut pas prendre attitude à propos de la tierce opposition à l'ordonnance prononcée par lui sur requête unilatérale parce qu'il est par ailleurs saisi d'une autre demande opposant les mêmes parties;

Que suivant le contexte, le conditionnel peut exprimer une opinion soit certaine soit hypothétique (voy. Cass. 14 septembre 1987, Pas. 1988, I, 49) et qu'en l'espèce il est clairement affirmé qu'une connexité existe entre les deux causes;

Que la décision de renvoyer au rôle sous prétexte d'une absence de traduction et de délai insuffisant pour que l'intimée prépare sa défense s'appuie sur le motif qu'une connexité devrait être admise comme implicitement suggéré par l'intimée lorsqu'elle concluait qu'il soit dit “en tout état de cause que les affaires devront être plaidées à la même audience et (qu'il y a lieu de) fixer date dès lors pour les plaidoiries lors de l'audience du 14 mai 2004” (conclusions d'instance du 21 novembre 2003, p. 6);

Que le jugement entrepris ne contient pas seulement une mesure d'ordre et n'est qu'en apparence une décision de remise visée à l'article 1046 du Code judiciaire; qu'il cause grief à l'appelante qui se voit privée des effets de la décision obtenue par elle devant le juge des saisies d'Anvers sans possibilité de débattre à bref délai des raisons avancées par l'intimée et des moyens qu'elle peut de son côté invoquer pour que soit maintenue la décision certes unilatérale elle aussi mais qui prend pour acquis la validité d'un brevet contesté mais toujours existant, la décision de référé prononcée aux Pays-Bas n'ayant apparemment pas influencé les magistrats de la cour d'appel d'Anvers;

Que l'appel est donc recevable;

Attendu que l'intimée a eu recours à la requête unilatérale pour se soustraire aux effets d'une mesure judiciaire l'obligeant à interrompre la production de poches de café contrefaisantes c'est-à-dire ayant les dimensions de celles protégées par le brevet dont l'appelante est titulaire; qu'elle invoquait l'extrême urgence parce que son personnel ou une partie de celui-ci devrait être mis en disponibilité;

Attendu que sauf lorsque l'effet de surprise s'impose pour éviter qu'un débiteur ne puisse s'organiser et se soustraire à toute mesure d'exécution, la requête unilatérale doit être évitée;

Qu'elle peut être utilisée lorsqu'une urgence exceptionnelle peut être déduite de la nature même de la mesure sollicitée (voy. Cass. 13 juin 1975, Pas. 1975, I, 984) ou qu'il est impossible d'organiser un débat contradictoire même introduit dans un délai abrégé à moins de subir un préjudice grave et imminent (voy. Liège 30 juin 1993, J.L.M.B. 1993, p. 960);

Que la notion d'absolue nécessité visée par l'article 584 du Code judiciaire ne peut être interprétée de manière extensive parce que “dérogeant gravement au principe du contradictoire, cette procédure doit demeurer exceptionnelle et ne peut être utilisée que dans la mesure où l'introduction par citation même à délai abrégé (art. 1036) serait de toute évidence inefficace voire impossible ou en cas d'extrême urgence découlant du péril qui résulterait de l'emploi d'une autre voie” (Van Compernolle, “Actualité du référé”, Ann. dr. Louvain 1989, p. 146 et références citées; Van Compernolle et Closset-Marchal, n° 358; Liège (7ième ch.) 18 février 2003, inédit, en cause BV ELLIPS et SA AGRA/SPRL MORDANT FRUIT);

Attendu que l'intimée venait d'introduire par citation devant le juge des saisies de Verviers une tierce opposition à l'ordonnance du juge des saisies d'Anvers;

Que si, voyant que la mise en état de cette demande allait demander un certain temps, elle pouvait également songer, comme l'autorise l'article 1127 du Code judiciaire et comme la consultation du professeur de Leval du 7 novembre 2003 le laissait entendre, à introduire une demande de suspension de la décision exécutée parce qu'il existerait une chance suffisamment importante que la tierce opposition soit déclarée recevable et fondée par le juge devant lequel elle est introduite, elle ne se trouvait pas obligée de recourir à la requête unilatérale mais pouvait sans inconvénient faire signifier citation; la tierce opposition qu'elle venait de signifier le 7 novembre 2003 pouvant d'ailleurs s'accompagner d'une demande de suspension puisque c'était devant le même juge qu'elle était formée;

Qu'il se voit qu'en l'espèce l'intimée a invoqué une urgence exceptionnelle pour éviter le débat contradictoire et obtenir une décision unilatérale favorable lui donnant satisfaction pour ensuite, lorsque la tierce opposante a voulu rendre le débat contradictoire, se soustraire à une confrontation loyale et invoquer comme une priorité à respecter le droit de défense qu'en utilisant la requête d'extrême urgence elle refusait en fait à son adversaire;

Que poursuivant dans la même voie d'obstruction, l'intimée a choisi de ne donner aucune explication sur le fond du litige; que l'effet dévolutif de l'appel saisit la cour de l'ensemble de la question et qu'il était ainsi permis d'examiner à tout le moins si le recours à la requête d'extrême urgence était ou non justifié;

Que ne l'étant pas, outre la réformation du jugement qui à tort proclame une connexité qui ne saurait exister à peine de dénier toute portée aux procédures d'urgence, il y a lieu de mettre à néant l'ordonnance dont opposition;

Par ces motifs,

(...)

La cour,

(...).

Reçoit l'appel,

Réforme le jugement entrepris,

Dit la tierce opposition recevable et, constatant que le recours à la requête d'extrême urgence ne se justifiait pas, la déclare fondée,

Met à néant l'ordonnance rendue par le juge des saisies de Verviers le 12 novembre 2003.

(...).

[1] L'arrêt rapporté fonde cette décision sur un arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 1996 (Pas., I, n° 494) qui consacre la théorie de “l'expédition”, au terme de laquelle la notification d'un pli judiciaire produit ses effets au jour de la remise de celui-ci aux services de la poste. Il y a lieu d'attirer l'attention sur ce que dans un arrêt n° 170/2003 du 17 décembre 2003 (J.T. 2004, p. 45 et l'excellente note de J.-F. van Drooghenbroeck), la Cour d'arbitrage a considéré que cette théorie se fonde sur une interprétation des artt. 32 et 46 du Code judiciaire qui est contraire aux artt. 10 et 11 de la Constitution. Selon la cour, la seule lecture de ces dispositions du Code judiciaire qui soit conforme au principe d'égalité est celle consistant à considérer que la notification produit ses effets à partir de la date de remise du pli judiciaire à la personne du destinataire ou à son domicile (théorie de la “réception”).
[2] La solution doit être approuvée. Conformément à un enseignement constant de la Cour de cassation, l'art. 1046 du Code judiciaire n'est applicable qu'aux décisions par lesquelles le juge ne tranche aucune question de fait ou de droit litigieuse ou n'en préjuge pas, de sorte que la décision ne peut infliger à aucune des parties un grief immédiat (voy. réc. Cass. 26 mai 2003, J.T. 2004, p. 561 ).
[3] Voy. la Note d'observations ci-après.
[4] Deze beslissing wordt gegrond op een arrest van het Hof van Cassatie van 9 december 1996 (Pas. 1996, I, nr. 494) waarin de verzendingstheorie wordt gevolgd. Dit houdt in dat de betekening van een gerechtelijke akte gevolgen sorteert vanaf de dag van de afgifte ervan aan de postdiensten. Opgemerkt moet worden dat het Arbitragehof in het arrest nr. 170/2003 van 17 december 2003 (J.T. 2004, p. 45 , met een uitstekende noot van J.-F. van Drooghenbroeck) oordeelde dat deze theorie steunt op een interpretatie van de artt. 32 en 46 van het Gerechtelijk Wetboek die in strijd is met de artt. 10 en 11 van de Grondwet. Volgens het Arbitragehof is de interpretatie van deze twee bepalingen van het Gerechtelijk Wetboek enkel in overeenstemming met het gelijkheidsbeginsel wanneer zij inhoudt dat de betekening gevolgen sorteert vanaf de datum van de overhandiging van het document aan de bestemmeling of aan zijn woonplaats (ontvangsttheorie).
[5] Dit is de correcte oplossing. Overeenkomstig een vaststaande rechtspraak van het Hof van Cassatie is art. 1046 van het Gerechtelijk Wetboek echter alleen van toepassing op de beslissingen waarbij de rechter geen enkel geschil van feitelijke of juridische aard beslecht of niet reeds een beslissing daarover wijst, zodat de beslissing geen onmiddellijk nadeel kan berokkenen aan een van de partijen (zie Cass. 26 mei 2003, J.T. 2004, p. 561 ).
[6] Zie de hiernavolgende Noot.
[7] Avocat. Maître de conférences à l'ULB.