Cour d'appel de Liège 9 octobre 2003
PRATIQUES DU COMMERCE
Clauses abusives - Dispositions impératives - Clause d'attribution de compétence territoriale - Article 32.20 de la LPCC
La réglementation des clauses abusives par la LPCC a un caractère impératif et non d'ordre public.
Est nulle, dans un contrat de consommation, en vertu de l'article 32.20 de la LPCC, la clause qui attribue compétence aux seules juridictions du lieu du siège social du vendeur.
PRATIQUES DU COMMERCE
Généralités - Champs d'application de la loi - Services - Notion - Service mobilier ou immobilier - Placement d'une véranda
Sont des services au sens de la LPCC toutes les prestations pouvant être tenues pour un acte de commerce, à savoir toute prestation d'un travail matériel fourni en vertu d'un contrat de louage d'industrie pourvu qu'elle soit accompagnée même accessoirement d'une fourniture de marchandises, ce qui est le cas d'un service consistant dans le placement d'une véranda, comprenant la fourniture des matériaux.
PRATIQUES DU COMMERCE
Contrat conclu en dehors de l'entreprise du vendeur - Nullité - Clause de renonciation - Fardeau de la preuve
Est nul tout contrat de vente au consommateur conclu en dehors de l'entreprise du vendeur qui ne mentionne pas, selon les conditions imposées par la loi, la clause de renonciation sans frais ouverte au consommateur par l'article 89 LPCC, sauf pour le vendeur, qui supporte la charge de cette preuve, à démontrer que le consommateur a demandé de façon préalable et expresse la visite du vendeur en vue de négocier l'achat du produit ou du service qui est l'objet du contrat.
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HANDELSPRAKTIJKEN
Onrechtmatige bedingen - Dwingende bepalingen - Beding tot toewijzing van de territoriale bevoegdheid - Artikel 32.20 WHPC
De regeling in verband met de onrechtmatige bedingen in de WHPC is van dwingend recht en niet van openbare orde.
De clausule in een consumentenovereenkomst die voorziet dat alleen de rechtsinstanties van de maatschappelijke zetel van de verkoper bevoegd zijn, is nietig op grond van artikel 32.20 WHPC.
HANDELSPRAKTIJKEN
Algemeen - Toepassingsgebied van de wet - Diensten - Begrip - Roerende of onroerende dienst - Plaatsing van een veranda
Zijn diensten in de zin van de WHPC, alle prestaties die als daden van koophandel kunnen worden beschouwd, m.n. elke levering van een materieel werk op grond van een aannemingscontract voor zover dit - eventueel bijkomstig - vergezeld gaat met de levering van een goed. Dit is het geval bij de plaatsing van een veranda waarbij de levering van materialen inbegrepen is.
HANDELSPRAKTIJKEN
Overeenkomst gesloten buiten de onderneming - Nietigheid - Verzakingsbeding - Bewijslast
Is nietig, elke consumentenkoopovereenkomst die wordt aangegaan buiten de onderneming van de verkoper en die geen beding bevat met betrekking tot de kosteloze verzaking door de consument, zoals voorzien in artikel 89 WHPC, tenzij de verkoper (die hier de bewijslast draagt) bewijst dat de consument voorafgaandelijk en uitdrukkelijk om het bezoek van de verkoper gevraagd heeft om over de aankoop van het product of de dienst te onderhandelen.
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SA Mini-Flat / Ph. C.
Siég.: R. De Francquen (président), M. Ligot et A. Jacquemin (conseillers) |
Pl.: Mes Picavet, Veulemans et Kerkhofs |
(...)
Attendu que l'appelante réitère le déclinatoire de compétence soulevé in limine litis en instance; qu'elle soutient qu'en application de ses conditions générales imprimées sur le bon de commande signé par l'intimé le 19 août 1997, seules les juridictions de son siège social sont compétentes, ce qui justifierait le renvoi de la cause non pas, à ce stade de la procédure, devant le tribunal de commerce de Hasselt comme postulé, mais devant la cour d'appel d'Anvers conformément à l'article 643 du Code judiciaire;
Attendu que le règlement de ce déclinatoire de compétence suppose que soit préalablement tranchée la question de l'applicabilité au contrat litigieux de la loi du 14 juillet 1991 sur l'information et la protection du consommateur dont l'intimé se réclame, puisqu'en vertu des articles 32.20 et 33 de cette loi, “le consommateur ne peut être attrait devant un autre juge que celui prévu par le Code judiciaire et il est désormais interdit que le juge territorialement compétent soit celui du domicile ou du siège social du vendeur” (Ferrant, Les pratiques du commerce, éd. Kluwer, 2003, p. 87);
Attendu que l'appelante conteste que la loi du 14 juillet 1991 s'applique au contrat conclu relatif à la vente et à la construction d'une véranda;
Qu'elle souligne que cette convention constitue un contrat d'entreprise dont le caractère immobilier échapperait au champ d'application de la loi et qu'elle se prévaut à cette fin d'une jurisprudence fournie du tribunal de commerce de Hasselt, confirmée à l'occasion par la cour d'appel d'Anvers (24 juin 1998, 1995/AR/1994), et surtout d'un jugement définitif rendu en ce sens le 25 mars 1997 par le tribunal correctionnel de Hasselt pour opposer à l'intimée l'autorité “erga omnes” de la chose jugée au pénal quant à ce;
Attendu toutefois que l'intimé n'était pas partie à l'instance pénale en question;
Qu'or, “l'autorité de la chose jugée au pénal ne fait pas obstacle à ce que, lors d'un procès civil ultérieur, une partie ait la possibilité de contester les éléments déduits du procès pénal, lorsqu'elle n'était pas partie à l'instance pénale ou dans la mesure où elle n'a pu librement y faire valoir ses droits” (Cass. 2 novembre 2001, J.L.M.B. 2002, p. 683 et note de Ceulemans);
Attendu que la loi du 14 juillet 1991 s'applique aux ventes de produits et de services au consommateur effectuées par un vendeur;
Qu'il n'est pas discuté ici qu'appelante et intimé sont bien respectivement vendeur et consommateur au sens de l'article 1er de la loi;
Que celui-ci dispose par ailleurs qu'il faut entendre par “produits: les biens meubles corporels” et par “services: toutes prestations qui constituent un acte de commerce ou une activité artisanale visée par la loi sur le registre de l'artisanat”;
Que si depuis sa modification le 7 décembre 1998, l'article 31, § 2, 1°, de la loi élargit la notion de produits également aux biens immeubles pour l'application de la section relative aux clauses abusives, et ce afin de se conformer à la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, il n'apparaît pas qu'il puisse être tenu compte de cette modification dans le présent litige, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, dès lors que celui-ci trouve sa source dans un contrat conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi le 1er février 1999 et que la meilleure doctrine ne reconnaît à ces dispositions qu'un caractère impératif et non d'ordre public (Verougstraete, “Le rôle des magistrats dans l'application de la loi sur les pratiques du commerce”, in Les pratiques du commerce, l'information et la protection du consommateur, Bruylant, 1994, p. 47); que si l'application de la loi pourrait tout au plus “être envisagée [aux litiges] nés après la publication de la directive du 5 avril 1993, bien qu'une directive ne soit pas directement applicable”, il demeure que “dans son état actuel, la jurisprudence paraît pencher pour cette absence de rétroactivité” en l'absence de décision expresse du législateur (De Caluwé, Delcorde et Leurquin, Les pratiques du commerce, Larcier, p. 12.20.2);
Attendu qu'il importe finalement peu en l'occurrence dès lors que le contrat litigieux, loin de se réduire à une seule vente de produits, comprend une vente de services, au sens de l'article 1er de la loi, en sorte de rentrer ainsi dans son champ d'application général;
Qu'en effet “parmi les prestations pouvant être tenues pour un acte de commerce, l'article 2 du Code de commerce range: toute prestation d'un travail matériel fournie en vertu d'un contrat de louage d'industrie, pourvu qu'elle soit accompagnée même accessoirement d'une fourniture de marchandises” (De Caluwé, Delcorde et Leurquin, o.c., p. 5.7.(3)), ce que comprend le contrat litigieux comme le révèle le bon de commande qui vise tant la fourniture du matériel en méranti 1er choix que son placement selon les indications y portées;
Qu'on observait déjà en 1971 que “les restrictions 'meubles', se rapportant aux 'services' du texte original du projet de loi du 6 juin 1969” ayant été écartées, les services en question peuvent tout aussi bien être “meubles” qu'“immeubles” (De Paepe, La loi sur les pratiques du commerce, Bruxelles, Ced.Samsom, 1971, cité par De Caluwé, Delcorde et Leurquin, ibid.); que Stuyck le confirme 26 ans plus tard en relevant qu'“il n'est guère douteux que la notion de 'services' de la LPPC vise également les actes de commerce subjectifs, c'est-à-dire toutes obligations des commerçants qu'elles aient pour objet des immeubles ou des meubles, à moins qu'il soit prouvé qu'elles aient une cause étrangère au commerce (art. 2, in fine Code de commerce)” (“'Consommateurs' et 'vendeurs' dans la loi sur les pratiques du commerce”, in Les pratiques du commerce, autour et alentour, Publications des facultés universitaires Saint-Louis, 1997, p. 26), rejoignant ainsi l'opinion notamment aussi défendue par Schamp et Van Den Abbeele (“À l'exception de la vente d'immeubles, tout contrat de services concernant les biens immobiliers et conclu avec un professionnel, telle la location et la construction, tombe sous l'application de la loi”, in La nouvelle réglementation des clauses abusives: champ d'application et problèmes de droit transitoire, J.T. 1992, p. 596) ainsi que par Ballon qu'ils citent et selon lequel “tant que des opérations sur des immeubles ou des meubles incorporels ne répondant pas à la définition de 'produits', peuvent être considérées comme des actes de commerce, et qu'elles peuvent être considérées comme des 'services', elles ne sortent pas du champ d'application de la loi” (“Enkele belangrijke nieuwigheden in de wet betreffende de handelspraktijken en de voorlichting en de bescherming van de verbruiker”, DAOR 1992, p. 60, n° 5) ou encore par Ferrant (“Les prestations de services relatives aux biens immobiliers (telles les activités des agences immobilières) sont soumises à la loi, même si les biens immobiliers sont exclus, comme produits, de son champ d'application” (o.c., p. 18);
Que la loi du 14 juillet 1991 a ainsi déjà été appliquée:
- à la réalisation d'une véranda, le vendeur ayant mis en oeuvre les matériaux qu'il fournissait (Mons 24 juin 1994, D.C.C.R. 1995, p. 362 et note De Vroede: “Réaliser une véranda est une prestation de services”);
- à la fourniture et au placement d'une véranda (Liège 16 avril 1998, J.L.M.B. 1998, p. 1829 );
- à la fabrication, la livraison et la pose d'un abri de piscine (Mons 9 octobre 2000, 99/RG/878 produit par l'intimé);
- aux prestations des agents immobiliers (Liège 29 janvier 2001, J.L.M.B. 2001, p. 1301 );
Attendu que la loi sur l'information et la protection du consommateur étant applicable, c'est à juste titre que le jugement du 4 avril 2000 a rejeté le déclinatoire de compétence soulevé par l'appelante;
Attendu que celle-ci ne conteste pas que le contrat a été conclu à la résidence de l'intimé;
Qu'il tombe ainsi sous le coup de l'article 88 de la loi qui frappe de nullité tout contrat de vente au consommateur conclu en dehors de l'entreprise du vendeur qui ne mentionne pas (“en caractères gras dans un cadre distinct du texte au recto de la première page”) la clause de renonciation sans frais ouverte au consommateur par l'article 89 durant un délai de 7 jours ouvrables à dater du lendemain du jour de la signature du contrat, sauf à démontrer conformément à l'article 87, a, que c'est le consommateur qui a demandé de façon préalable et expresse la visite du vendeur, en vue de négocier l'achat de ce produit ou service;
Que s'avèrent donc sans aucune pertinence au regard de ces critères précis, les considérations générales de l'appelante tenant à ce que la vente d'une véranda ne se prêterait pas à la technique de la vente de porte à porte qu'aurait eu en vue le législateur ou impliquerait par sa nature même la visite d'un vendeur à domicile dont il serait logique de supposer qu'elle a bien été demandée par le client;
Qu'encore faut-il l'établir et que le fardeau de la preuve incombe au vendeur (De Caluwé, Delcorde et Leurquin, o.c., n° 23.49);
Qu'or, l'appelante ne rapporte pas cette preuve:
- sur le bon de commande en possession de l'intimé, la mention “l'acheteur a demandé par téléphone/par écrit un rendez-vous avec un représentant de Mini-Flat (Biffez ce qui ne convient pas)” a carrément été biffée, à la différence de l'exemplaire de l'appelante où elle subsiste; le doute qui en résulte ne fait pas la preuve demandée, d'autant qu'il s'observe que sur l'exemplaire du vendeur, on n'a même pas biffé ce qui ne convenait pas dans l'option;
- dans la lettre de renonciation qu'il adresse à l'appelante 3 jours plus tard, l'intimé fait état de ce que “le document initial rédigé par mon épouse (qui a justifié votre visite spontanée) ne comportait qu'une demande de renseignement () relative à des prix et ne faisait état d'aucune référence à une proposition d'achat (). Dans ces conditions, votre déplacement n'ayant en aucun cas expressément été demandé ()”;
- l'appelante répond le 25 août 1997 qu'elle ne peut prendre en considération l'annulation que moyennant le respect des conditions générales de vente prévoyant une indemnité de 25% du prix mais ne conteste pas les circonstances précises dénoncées par l'intimé;
- elle ne verse pas au débat le document initial qui lui a été adressé alors que s'il lui avait été favorable, son importance ne pouvant lui échapper dès le départ, elle l'aurait opposé à l'intimé;
Attendu que le contrat ne comprenant nulle mention de la clause de renonciation, c'est à bon droit que les premiers juges en ont constaté la nullité, ont ordonné la restitution à l'intimé du chèque émis lors de sa signature et ont débouté l'appelante de sa demande reconventionnelle d'indemnisation;
Par ces motifs,
(...)
La cour,
Reçoit l'appel,
Confirme les jugements entrepris.
(...)