Un premier projet d’Accord de Retrait a été publié par la Commission européenne le 28 février 2018. Il contient un titre VI relatif à la poursuite de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale.
Nous avions eu l’occasion, lors d’une précédente actualité, de relayer la publication des premiers « position papers » de la Commission européenne et du Royaume-Uni à cet égard (respectivement les 28 juin et 22 août 2017) . Dans son document initial, la Commission se limitait à indiquer que l’accord de retrait à conclure avec le Royaume-Uni devra assurer que les dispositions de droit européen applicables à la date effective du Brexit (en particulier le Règlement Bruxelles Ibis) continueront à s’appliquer aux clauses d’élection de for et de droit applicable conclues, aux procédures débutées et aux jugements rendus avant cette date. En réponse, le position paper du Gouvernement britannique défendait lui le maintien d’une « coopération judiciaire en matière civile et commerciale étroite, qui reflèterait de manière proche les principes du cadre juridique européen existant ».
Ces divergences sont en ligne avec le désaccord des parties quant aux conditions d’accès du Royaume-Uni au marché unique européen. La Commission européenne a en effet rappelé que le Royaume-Uni devrait subir les conséquences de son choix de quitter l’Union (en faisant sien le motto de Theresa May « Brexit means Brexit), et ne pourrait espérer conserver un accès au marché intérieur européen dans les mêmes conditions après l’avoir quitté. Une position similaire est probable concernant la possibilité pour le Royaume-Uni de rester partie à l’espace judiciaire européen. Il en est d’autant plus ainsi eu égard au refus répété du Royaume-Uni, encore rappelé dans son position paper, de se soumettre à la juridiction de la Cour de justice en la matière alors que sa jurisprudence contribue de manière essentielle au régime existant et permet d’en assurer une interprétation identique dans les différents Etats membres.
La Commission n’est pas revenue sur sa position initiale dans son premier projet d’Accord de Retrait, dans la mesure où il ne contient que des dispositions transitoires sans reprendre aucun accord spécifique quant à la forme future que pourrait prendre la coopération judiciaire en matière civile et commerciale entre les deux parties pour les situations nées après la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Le projet prévoit tout d’abord une période de transition à compter de la date de son entrée en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 (art. 121), au cours de laquelle le droit européen resterait applicable au Royaume-Uni (art. 122) et la Cour de justice resterait compétente pour son interprétation (art. 126).
Le titre VI reprend ensuite diverses dispositions transitoires visant à régler les situations encore existantes à l’issue de cette période transitoire (arts. 62 à 65). On se permettra de renvoyer le lecteur à la lecture de ce titre relativement aride, en soulignant uniquement ici que le règlement Bruxelles Ibis (relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale) resterait applicable aux procédures engagées, aux clauses d’élections de for conclues et aux jugements rendus avant la fin de cette période. Les règlements Rome I (relatif au droit applicable aux obligations contractuelles) et Rome II (relatif au droit applicable aux obligations extracontractuelles) continueraient quant à eux à s’appliquer, respectivement, aux contrats conclus et aux événements causals survenus avant la fin de la période de transition.
En l’absence d’accord spécifique entre les deux parties sur l’avenir de leurs relations en matière de coopération judiciaire, le Royaume-Uni devra être considéré comme un Etat tiers au regard des différents instruments de droit international privé européens. Les questions de droit international privé le concernant relèveront donc en grande partie du droit national de chaque Etat membre en ce qui concerne les conflits de juridictions (les règlements de Rome I et Rome II, en matière de conflits de loi, ayant un caractère “universel”). Certains instruments internationaux seront toutefois potentiellement applicables (comme la Convention de La Haye de 2005, la Convention de Lugano de 2007 ou la Convention relative à la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers encore en projet au sein de la Conférence de La Haye de droit international privé).