Actualités

Droit commercial général

Résolution (pour faute) pour les mêmes motifs que ceux invoqués dans une résiliation (avec préavis) antérieure – Cass 7 janvier 2021

Dans un arrêt 7 janvier 2021 (C.20.0258.F) la Cour de cassation s’est prononcée sur la possibilité d’une résolution (pour faute) d’un contrat pour les mêmes motifs que ceux invoqués précédemment pour résilier ce même contrat avec préavis. En l’occurrence il s’agissait d’une concession de vente à durée indéterminée (Livre X du Code de droit économique) mais les enseignements de l’arrêt devraient logiquement s’appliquer à tous les contrats synallagmatiques.

Le 26 mai 2015, le concédant avait communiqué au concessionnaire les résultats d’un audit révélant des irrégularités commises par le concédant. A défaut de justifications fournies par le distributeur, le concédant lui avait notifié, le 26 août 2015, la résiliation du contrat, avec effet au 31 août 2017. Par citation du 14 septembre 2016, le distributeur avait assigné le concédant devant le tribunal de l’entreprise de Liège en vue d’obtenir, entre autres, sa condamnation au paiement d’une indemnité compensatoire de préavis et d’une indemnité complémentaire de rupture.

Dans l’intervalle, un nouvel audit avait été réalisé et de nouvelles irrégularités étaient apparues. Eu égard à ces irrégularités, le concédant avait formulé une demande de résolution judiciaire dans la procédure en cours. Le premier juge avait déclaré non fondées tant la demande du distributeur que celle du concédant.

La cour d’appel de Liège a confirmé la décision du premier juge en comparant la résiliation (avec préavis) de 2015 et la demande de résolution (pour faute) de 2016, en constatant que les motifs invoqués par le concédant étaient les mêmes dans les deux cas. Elle soulignait notamment le fait que (i) en 2015 le concédant n’avait pas que des « soupçons » quant à l’existence d’irrégularités mais en était convaincu compte tenu de « l’absence de justification des irrégularités » et le contrat prévoyait la possibilité de résoudre avec effet immédiat si le distributeur donne délibérément des fausses informations, (ii) le concédant considérait déjà en 2015 que les manquements étaient suffisamment graves pour justifier la résolution avec effet immédiat car la notification de résiliation mentionnait « nous aurions pu prononcer la résiliation immédiate, mais nous avons le souci de mitiger notre dommage » et (iii)  ce n’est que « subsidiairement » que le concédant invoquait comme fondement à la résiliation l’article du contrat selon lequel les parties peuvent résilier en donnant un préavis d’au moins 24 mois. La partie qui met fin au contrat est toujours en droit de postuler la résolution judiciaire en cas de manquement suffisamment grave, même durant l’exécution d’un préavis, mais selon la cour d’appel elle doit rester cohérente et ne peut justifier la résolution du contrat par les mêmes motifs que ceux qu’elle invoquait déjà précémment pour une résiliation avec préavis.

Dans son arrêt du 7 janvier 2021, la Cour de cassation annule l’arrêt de la cour d’appel.

La Cour de cassation rappelle que le juge qui doit se prononcer sur la demande de résolution en application de l’article 1184 du Code civil est tenu d’examiner l’étendue et la portée des engagements pris par les parties et, à la lumière des circonstances de fait, d’apprécier si le manquement invoqué est suffisamment grave pour prononcer la résolution.

La partie qui résilié un contrat de concession de vente avec préavis en application de l’article X.36 du Code de droit économique ne doit justifier d’aucun motif. Il s’ensuit que l’exercice par une partie de ce droit de résiliation ne fait pas obstacle à ce qu’elle demande sa résolution pour inexécution fautive par le débiteur de ses obligations, alors même que, à l’appui de sa résiliation unilatérale, elle a invoqué cette même inexécution fautive.

L’arrêt, qui rejette la demande de résolution parce que celle-ci ne pourrait se justifier par les mêmes motifs que ceux éventuellement invoqués lors de la résiliation avec préavis en application de l’article X.36 du Code de droit économique viole l’article 1184, alinéa 1er de l’ancien Code civil.

On peut par ailleurs se demander si réellement la résolution demandée en 2016 l’était « pour les mêmes motifs » que la résiliation de 2015, comme semble considérer la cour d’appel de Liège. La répétition d’une même faute est un nouvel élément qui peut a priori être de nature à motiver la gravité et la résolution, surtout s’il y avait déjà eu mise en demeure dans le passé.

Comments are closed.