Dans un arrêt du 10 novembre 2017 (C.15.0318.F), la Cour de cassation s’est prononcée sur le lien de causalité entre la résiliation fautive d’un contrat et la perte du profit escompté par le cocontractant, qui en demandait la compensation.
En vertu de l’article 1149 du Code civil, la partie fautive est tenue d’indemniser intégralement son cocontractant pour la perte qu’il a faite et le gain dont il a été privé. La Cour de cassation précise qu’il suffit pour le demandeur de prouver que sans cette faute, le dommage ne se serait pas produit tel qu’il s’est réalisé, appliquant ainsi la théorie de l’équivalence des conditions (ou le test de la « condition sine qua non« ), comme en matière de responsabilité extracontractuelle.
Dans l’arrêt attaqué du 19 mai 2014, la cour d’appel de Bruxelles avait débouté la victime de la résiliation fautive du contrat (relatif à un terminal naval) de sa demande de dommages-intérêts. Les juges avaient considéré qu’elle ne démontrait pas que sans cette résiliation abrupte elle aurait « pour l’ultime échéance convenue, livré un terminal conforme, voire aurait eu de sérieuses chances d’y parvenir », et qu’elle n’était donc « pas fondée à réclamer une indemnité pour la perte du profit ou la perte d’une chance certaine de percevoir le profit contractuellement prévu en cas de parfaite et complète exécution du terminal naval ».
La Cour de cassation casse l’arrêt en indiquant que la preuve de la causalité n’impose pas au demandeur d’établir que, sans la résiliation fautive du contrat, il aurait lui-même exécuté ses obligations contractuelles jusqu’à son terme.En matière extractonctractuelle déjà (transposable en matière contractuelle) la Cour de cassation avait décidé que le juge doit reconstituer ce qui se serait produit si la faute n’avait pas été commise, mais ne doit pas pour autant modifier les circonstances dans lesquelles le dommage est survenu et imaginer d’autres circonstances possibles. Il faut donc évaluer ce qui se serait passé sans la faute, toutes choses demeurant égales par ailleurs. Cet exercice, relativement simple lorsque le dommage se réalise instantanément avec la faute, l’est moins lorsque le dommage invoqué se situe dans le futur.