Après les tribunaux de l’entreprise du Hainaut, division Tournai (jugement du 21 décembre 2016), et d’Anvers, division Hasselt (jugement du 13 juillet 2017), le tribunal de l’entreprise du Hainaut, division Charleroi, a eu l’occasion de se prononcer sur l’arbitrabilité d’un litige en matière de concession de vente.
En l’occurence, une société allemande et une société belge avaient conclu un contrat de distribution désignant la société belge comme distributeur exclusif en Belgique et au Luxembourg. Ledit contrat était expréssement soumis au droit suisse et contenait une clause d’arbitrage. La société allemande – le concédant – avait accordé un préavis de six mois à son distributeur, qui l’avait assigné devant le tribunal de l’entreprise en paiement de « dommages et intérêts ». Les parties, qui s’accordaient sur la qualification du contrat, ont sollicité du tribunal qu’il examine d’abord son pouvoir de juridiction au regard de la clause d’arbitrage.
Le tribunal constate d’abord que le litige en question, qui porte sur une demande d’indemnités évaluables en argent, est « de nature patrimoniale« , de sorte que la condition de l’article 1676, §1er du Code judiciaire (tel qu’applicable depuis le 1er septembre 2013) est remplie (« Toute cause de nature patrimoniale peut faire l’objet d’un arbitrage. Les causes de nature non-patrimoniale sur lesquelles il est permis de transiger peuvent aussi faire l’objet d’un arbitrage« ).
En citant les travaux préparatoires de la modification de l’article 1676, §1er du Code judiciaire, le tribunal souligne que ce double critère (nature patrimoniale et permis de transiger) met fin aux controverses qui ont pu exister par le passé s’agissant de l’arbitrabilité des litiges en présence de normes d’ordre public. Dorénavant, il ne suffit pas qu’une question soit d’ordre public pour la rendre inarbitrable.
Reste toutefois à décider si l’article 1676, §4 du Code judiciaire, qui stipule: « Les dispositions qui précèdent sont applicables sous réserve des exceptions prévues par la loi« , n’empêche pas de soumettre à l’arbitrage un litige en matière de concession de vente.
Le tribunal se pose la question rhétorique s’il n’est pas permis de penser que si le législateur s’est montré soucieux de permettre l’arbitrage d’un litige en présence de normes d’ordre public, il a – a fortiori et implicitement – autorisé ce même mode de règlement des conflicts en présence de normes impératives, comme celles relatives aux concessions exclusives de vente.
Le tribunal souscrit la réponse affirmative du tribunal de commerce de Hainaut, div. Tournai et du tribunal de commerce d’Anvers, div. Hasselt: l’arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 2010 (enseignant: « Lorsqu’une convention d’abirtage est subordonnée à une loi étrangère, le juge qui connait du déclinatoire de compétence doit exclure l’arbitrage lorsque le litige ne peut être soustrait au pouvoir du juge national en vertu de toutes les règles juridiques pertinentes de la lex fori« ) ne s’applique pas, car il est antérieur à la modification de l’article 1676 du Code judiciaire. La clause d’arbitrage trouve donc à s’appliquer. Partant, le tribunal s’est déclaré sans pouvoir de juridiction.