Dans un jugement du 9 décembre 2020 (Group Canal +/Commission, C-132/19 P), la Cour clarifie les obligations de la Commission dans le cadre de l’article 9 du Règlement 1/2003. Si la Commission peut accepter et rendre obligatoire les engagements offerts pas une entreprise faisant l’objet d’une enquête pour pratiques anticoncurrentielles, elle ne peut le faire sans examiner les effets qu’auront ces engagements sur les intérêts de tiers.
L’affaire concernait les contrats de licence sur des contenus audiovisuels conclus entre Paramount et les principaux télédiffuseurs de contenu payant de l’Union européenne, dont Sky et Canal +. En 2015, la Commission a envoyé une communication des griefs à Paramount concernant certaines clauses contenues dans le contrat de licence conclu avec Sky, considérant que ces clauses restreignaient la liberté des télédiffuseurs d’accepter des ventes passive et conduisaient dès lors à une exclusivité territoriale absolue et à un cloisonnement des marchés nationaux.
En 2016, la Commission a accepté les engagements offerts par Paramount qui se déclarait prête à ne plus respecter ni agir afin de faire respecter les clauses qui figuraient dans les accords de licence conclu avec les télédiffuseurs et qui aboutissaient à une protection territoriale absolue. Canal +, qui avait conclu un accord avec Paramount et bénéficiait ainsi d’une protection sur le territoire français, a introduit une action devant le Tribunal afin d’obtenir l’annulation de la décision d’engagement. Le Tribunal a rejeté cette action, considérant que les engagements en cause ne liaient pas les autres cocontractants de Paramount et que ces tiers, dont Canal +, pouvaient faire respecter leurs droits contractuels devant les juridictions nationales.
Saisie d’un pourvoi, la Cour considère dans son arrêt que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son appréciation de l’incidence de la décision d’engagement sur les droits contractuels des tiers, en particulier au regard du principe de proportionnalité. En effet, lorsque la Commission applique le test de proportionnalité dans le cadre de l’article 9 du règlement 1/2003, elle est appelée à vérifier les engagements offerts non seulement sous l’angle de leur adéquation à répondre à ses préoccupations en matière de concurrence, mais également au regard de leur incidence sur les intérêts des tiers, de manière à ce que les droits de ces derniers ne soient pas vidés de leur substance.
Par ailleurs, la Cour considère que le Tribunal ne pouvaient renvoyer les cocontractants aux juridictions nationales en vue de faire respecter leurs droits contractuels sans méconnaître les dispositions de l’article 16 du règlement 1/2003 qui interdisent à ces juridictions d’adopter des décisions qui iraient à l’encontre d’une décision antérieure de la Commission en la matière. En effet, une décision d’une juridiction nationale qui obligerait un opérateur à contrevenir à ses engagement rendus obligatoires par décision de la Commission irait manifestement à l’encontre de cette décision.
Par conséquent, la Cour annule l’arrêt du Tribunal et, considérant que le litige est en état d’être jugé, annule la décision d’engagement de la Commission. La Cour estime en effet que la Commission a méconnu le principe de proportionnalité dans la mesure où, en adoptant la décision d’engagement, elle a vidé de leur substance les droits contractuels des tiers, dont ceux de Groupe Canal +.