Par un arrêt du 24 avril 2023 (C.21.0548.F/1), la Cour de cassation a tranché en faveur de l’autonomie de la procédure arbitrale par rapport aux dispositions de procédure civile belge. Par ailleurs, elle décide que le rôle du secrétaire d’un tribunal arbitral, agissant sous l’égide du règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale et après l’accord des parties, est régi par la « note aux parties et aux tribunaux arbitraux sur la conduite de l’arbitrage de la Chambre de commerce internationale », laquelle autorise les secrétaires à rédiger tout ou partie du projet de sentence, tant que le tribunal arbitral revoit ledit travail.
Le premier point est certainement le plus central, et celui qui aura le plus d’impact sur la pratique de l’arbitrage en Belgique. Lorsque les parties choisissent de désigner comme siège de l’arbitrage la Belgique, seule la sixième partie du Code judiciaire s’applique. Ceci appelle deux commentaires.
D’une part, l’ensemble des dispositions de la sixième partie du Code judiciaire ne sont pas impératives ou d’ordre public. Les parties peuvent donc y déroger.
D’autre part, si le reste du Code judiciaire ne s’applique pas automatiquement à un arbitrage situé en Belgique, cela ne signifie pas qu’il ne puisse pas s’appliquer du tout. Conformément à l’article 1700 du Code judiciaire, les règles de procédure sont fixées par les parties ou, à défaut, le tribunal arbitral. Les parties pourront donc décider d’appliquer l’ensemble du Code judiciaire. Face à une question de procédure non-réglée par la sixième partie du Code judiciaire, le Tribunal arbitral pourrait également trouver dans le choix du siège en Belgique (lequel entraine en pratique la présence d’un ou de plusieurs arbitres belges) une justification de se référer au droit de la procédure civile belge (G. Keutgen et G.-A. Dal., « Titre 1 – La fixation des règles de procédure » in L’arbitrage en droit belge et international – Tome I – Le droit belge, 3e édition, Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 343-353, para. 421). Ce choix serait évidemment soumis au commentaire des parties, et ne serait en aucun cas un choix automatique mais une décision du Tribunal arbitral, en vertu de l’autonomie procédurale que lui accorde le droit belge de l’arbitrage, sous le contrôle des parties.
Deuxièmement, l’arrêt tranche en faveur du rôle actif des secrétaires des tribunaux arbitraux. Ce n’est pas la première fois que l’annulation d’une sentence arbitrale est demandée sur le fondement du rôle du tribunal arbitral. La pratique arbitrale elle-même a encadré le rôle des secrétaires d’un tribunal arbitral, notamment à l’initiative de la Chambre de commerce internationale ou du CEPANI (Voy. les lignes directrices du CEPANI). Sur le plan des principes, il n’y a rien de choquant à ce que des détenteurs d’une fonction juridictionnelle s’entourent d’aides pour la préparation de leur décision. Les juges à la Cour constitutionnelle ou à la Cour de Justice de l’Union européenne sont assistés de référendaires. Cette pratique est très répandue aux Etats-Unis, où les meilleurs étudiants font, dans les premières années qui suivent leur diplôme, des clerkships auprès des différents juges du pays. En plus d’assister les juges dans leurs tâches, ces rôles d’assistants permettent de former les jeunes juristes à la fonction juridictionnelle. C’est une manière de transmettre indispensable à la qualité de la Justice, et un investissement dans l’avenir qu’il ne faut pas gâcher.
Alexandre Hublet