Dans son arrêt Achmea du 6 mars 2018 (C-284/16) concernant un traité conclu entre les Pays-Bas et la Slovaquie, la Cour de justice de l’Union Européenne a condamné le recours à l’arbitrage international pour les litiges opposant un investisseur d’un État de l’Union européenne à un autre État de l’Union européenne sur le fondement d’un traité bilatéral de protection des investissements.
De tels traités, qui existent « extra-UE » (entre un État membre et un État tiers) et « intra-UE » (entre des États membres uniquement), ont pour objet d’offrir une protection juridique aux investisseurs ayant la nationalité d’un des deux États signataires, lorsque ces investisseurs ont investi dans l’autre État signataire. Pour ce faire, ils comportent des clauses relatives au traitement des investisseurs étranger, à la protection des investissements étrangers contre la nationalisation, l’expropriation ou contre toute autre atteinte (directe ou indirecte) qui pourrait leur être portée. Ils prévoient généralement la possibilité pour les investisseurs d’enclencher une procédure d’arbitrage international en cas de rupture du traité par l’État dans lequel ils ont investi.
La Cour de justice a jugé, en substance, qu’un tribunal arbitral institué par un traité d’investissement (l’arbitrage commercial est expressément exclu par la Cour de justice, paras. 44 et 45) viendrait empiéter sur la compétence exclusive des tribunaux de l’Union européenne pour appliquer le droit européen dans la mesure où la sentence qu’il rend ne peut faire l’objet que d’un contrôle judiciaire extrêmement réduit dans le cadre d’un recours en annulation. Les articles 344 (en vertu duquel « les États membres s’engagent à ne pas soumettre un différend relatif à l’interprétation ou à l’application des traités [européens] à un mode de règlement autre que ceux prévus par ceux-ci ») et 267 (établissant la compétence préjudicielle de la Cour de justice pour l’interprétation du droit européen) du TFUE s’opposeraient « à une disposition contenue dans un accord international conclu entre les États membres aux termes de laquelle un investisseur de l’un de ces États membres peut, en cas de litige concernant des investissements dans l’autre État membre, introduire une procédure contre ce dernier État membre devant un tribunal arbitral, dont cet État membre s’est obligé à accepter la compétence ». La Cour a atteint cette conclusion au terme d’un raisonnement alambiqué, qui va à l’encontre de l’opinion de son avocat général et a été dénoncé comme hautement politisé par de nombreux commentateurs.
La Commission européenne considérait en effet de longue date que l’existence de traités bilatéraux d’investissement intra-UE ne se justifie plus, dans la mesure où tous les États membres sont soumis aux mêmes règles au sein du marché unique, y compris en matière d’investissements transfrontaliers (en particulier, celles résultant de la liberté d’établissement et de la libre circulation des capitaux). Ces traités constitueraient par ailleurs une discrimination fondée sur la nationalité contraire au droit de l’Union, dans la mesure où ils confèrent des droits supplémentaires aux nationaux de certains États membres uniquement.
Il est encore trop tôt que pour tirer les conséquences exactes de cette nouvelle jurisprudence, qui mériterait de faire l’objet d’une étude détaillée dépassant l’objet de ce post, si ce n’est qu’elle fera sans nul doute couler beaucoup d’encre…