Article

Tribunal de l'entreprise Liège (div. Namur), 05/02/2019, A/17/01005, R.D.C.-T.B.H., 2019/9, p. 1147-1152

Tribunal de l'entreprise de Liège (div. Namur)5 février 2019

SOCIÉTÉS ET ASSOCIATIONS
ASBL - Droits et obligations des membres
Les droits et obligations des membres adhérents d'une ASBL doivent figurer dans les statuts de l'association. Le fait qu'ils soient repris dans un règlement d'ordre intérieur ne répond pas au prescrit de la loi et on doit en conclure que l'ASBL n'a pris aucune disposition à ce sujet. Dans cette hypothèse, il faut alors recourir aux règles prévues par l'article 1184 du Code civil applicables en cas de résolution unilatérale d'un contrat synallagmatique
VENNOOTSCHAPPEN EN VERENIGINGEN
VZW - Rechten en verplichten van de leden
De rechten en verplichtingen van de leden van een VZW moeten in de statuten van de vereniging worden vermeld. Het feit dat ze zijn opgenomen in een reglement van inwendige orde voldoet niet aan de wet en er moet worden geconcludeerd dat de vereniging geen enkele voorziening heeft getroffen wat dit betreft. In dit geval is het dan noodzakelijk om terug te grijpen naar de regels van artikel 1184 van het Burgerlijk Wetboek die van toepassing zijn in geval van eenzijdige verbreking van een wederkerig contract.

Club nautique namurois Yachting / M.N.

Siég.: W. David (juge président de la chambre), B. Doneux et J.-Fr. Himmer (juges consulaires)
Pl.: A. Pinsart, J.-P. Vest, administrateurs, Mes V. Geninet et L. Lemaire loco P. Lemaire
Affaire: A/17/01005

(...)

II. Exposé du litige
A. Les faits pertinents de la cause

1. Le Club nautique namurois Yachting (ci-après « CNNY ») est un club nautique qui s'est vu délivrer par la Région wallonne une autorisation d'occupation précaire du domaine public des voies navigables aux termes de laquelle il a été autorisé à occuper la darse de Beez et à y accueillir les plaisanciers (pièce 2 du CNNY) (l'art. 11, al. 2, de cette autorisation précise que le règlement d'exploitation joint à l'autorisation en fait partie intégrante et est applicable à l'infrastructure en question. L'art. 18 de ce règlement d'exploitation (pièce 3 du CNNY) dispose que: « Aucun bateau de plaisance ne peut être utilisé comme habitation permanente, sans une autorisation préalable et écrite du gestionnaire. Il en va de même d'une domiciliation. »).

L'article 14 de cette autorisation dispose que: « Il est strictement interdit de faire toute publicité permanente par enseignes, panneaux ou affiches, sur le domaine autorisé, et dont les messages n'ont aucun rapport avec l'activité développée sur le site. »

Monsieur N. était membre adhérent du CNNY. Son bateau, dénommé « D.J. », est amarré au sein de la darse de Beez et il est domicilié sur ledit bateau.

2. Les statuts du CNNY (pièce 1 du CNNY) précisent notamment ce qui suit:

- « Article 5.2. L'association compte des membres effectifs, des membres adhérents et des membres sympathisants.

Seuls les premiers possèdent la plénitude des droits rattachés à la qualité de membre effectif y compris le droit de vote à l'assemblée générale.

Les membres adhérents et sympathisants ont les droits et les obligations qui leur sont accordés par le règlement d'ordre intérieur. »;

- « Article 5.5. L'exclusion d'un membre ne peut être prononcée que par l'assemblée générale à la majorité des 2/3 des voix des personnes présentes et représentées. »;

- « Article 7.1. L'assemblée générale se compose de tous les membres effectifs. Elle est le pouvoir souverain de l'association et possède les pouvoirs qui lui sont expressément reconnus par la loi et les présents statuts. Sont notamment réservés à sa compétence les pouvoirs:

(...)

3° d'exclure un membre »;

- « Chapitre VII. Règlement d'ordre intérieur.

Le règlement d'ordre intérieur sera établi souverainement et promulgué par le Conseil d'administration. »;

- « Chapitre VIII. Disposition supplétive.

Les dispositions qui ne sont pas réglées par les présents statuts sont réglées conformément à la loi du 27 juin 1921. »

Le règlement d'ordre intérieur du CNNY (pièce 4 du CNNY) comprend, quant à lui, les dispositions suivantes:

- « Art. 3. (...)

b) les amarrages ne pourront être attribués pour une période excédant un an (éventuellement renouvelable) »;

- « Art. 11. a) L'accès des personnes aux installation du CNNY est reconnu:

1° au membre en règle avec la trésorerie et muni de sa carte de membre, à son conjoint et ses enfants (...).

b) L'amarrage des bateaux est consenti pour une année, l'amarrage courant du 1er janvier au 31 décembre.

c) Les renouvellements des emplacements seront attribués par le conseil d'administration. Leur attribution ne confère aucun droit de prorogation ou de tacite reconduction.

d) Au cas où des embarcations resteraient dans les eaux du CNNY au-delà des périodes réservées et payées, elles seraient immédiatement conduites au plus proche quai public aux risques et frais des propriétaires défaillants, sans autre sommation préalable. »;

- « Art. 12. a) Toute personne se soumet du seul fait de son entrée dans l'enceinte du CNNY, à l'autorité du capitaine de port ou de son délégué.

b) Toute personne ayant accès au port à quelque titre que ce soit, devra veiller en permanence à se comporter de manière à faciliter le bon fonctionnement du CNNY (...).

c) Tout membre ayant enfreint les dispositions des statuts ou du présent règlement, qui entrave le bon fonctionnement ou la paisible harmonie du club, ou qui est en défaut de paiement, pourra être frappé d'une sanction (...) Tout membre qui tient des propos non fondés qui jettent le discrédit vis-à-vis du CNNY ou d'un de ses délégués pourra être frappé d'une sanction.

(...)

j) Exception faite pour la capitainerie du port, la domiciliation du CNNY et la résidence à bord des bateaux se trouvant dans le port sont interdites sauf accord préalable du conseil d'administration. »;

- « Art. 13. a) Trois sanctions sont prévues: l'interdiction d'accès à la concession du CNNY, la suspension, pouvant aller jusqu'à un an, et l'exclusion.

b) Le conseil d'administration peut à tout moment exclure un membre ou un yacht.

c) La décision de sanction est prise par le conseil d'administration et sera prise au scrutin secret, à la majorité simple des administrateurs présents. »;

- « Art. 14. a) Toute sanction prise à l'encontre d'un membre sera notifiée à l'intéressé par lettre recommandée et portée à la connaissance des autres membres. »;

- « Art. 15. a) Le membre frappé d'une sanction n'aura plus accès aux installations du club pour la durée notifiée comme dit à l'article 13.

b) Il évacuera tous ses biens de l'enceinte du club, sous sa propre responsabilité et à ses frais, dans un délai maximum de 2 semaines à dater de l'envoi de la notification de sanction, faute de quoi le tout sera évacué à l'initiative du CNNY, mais aux risques, frais et périls du défaillant. ».

3. Le 22 octobre 2016, plusieurs membres adhérents du CNNY se sont réunis au restaurant. Monsieur N. a établi un « bref rapport » de cette réunion (pièce 9 du CNNY). On peut notamment y lire:

« Tout commence par une discussion à bâtons rompus sur l'état actuel du CNNY où nous ne sommes que membres adhérents (cotisants).

(...)

Ici chacun y va de sa petite histoire, depuis les doubles paiements d'emplacements de bateaux, des histoires de compteurs électriques surfacturés ou utilisés par des bateaux de passage, un droit de pénétrer dans les bateaux sans autorisation, des harcèlements en tous genres, des menaces d'expulsion (...) et pas mal de paiements de la main à la main. Distribution de billets de 200 EUR.

Relevé tout au long de la soirée et en synthèse que nous aimerions pour le port de Beez il y a:

- notre désir de participer à la gestion du CNNY (tous membres effectifs?)

- une plus grande transparence dans les décisions (refus de l'arbitraire et des passe-droits)

- une plus grande transparence dans les droits, les devoirs et le défraiement des administrateurs. »

Ce document n'a pas été signé ou approuvé formellement par les participants à la réunion.

4. Le conseil d'administration du CNNY a eu connaissance de ce rapport et a répondu aux reproches qui étaient formulés à son endroit dans une communication affichée sur le port (pièce 10 du CNNY).

5. Le conseil d'administration du CNNY du 17 décembre 2016 (pièce 8a du CNNY) a approuvé les termes d'un projet de lettre à adresser à monsieur N., projet « examiné » par le conseil du CNNY.

Ce projet (pièce 7 du CNNY) précise que:

« Réuni en sa séance du 17 décembre de (…) heures, le conseil d'administration a pris les décisions suivantes concernant monsieur N.:

1. ne pas renouveler son autorisation d'amarrage pour 2017;

2. l'exclure en tant que membre adhérent du CNNY, pour les motifs suivants:

a) monsieur N. est l'auteur d'un rapport intitulé 'bref rapport de notre réunion gastronomique du 22 octobre 2016' portant des accusations graves à l'égard des administrateurs à qui il prête des actes de détournement de fonds, à savoir 'double paiement d'emplacement de bateaux, compteurs électriques surfacturés, des paiements de la main à la main, des distributions de billets de 200 EUR'.

Plusieurs membres présents au cours de cette réunion nous ont rapporté n'être pas du tout d'accord avec ce qu'il avait écrit.

Ledit rapport n'engage dès lors que sa seule responsabilité;

b) depuis le 26 août 2016, monsieur N. a adressé aux administrateurs 12 courriers dans lesquels il exprime toutes sortes de critiques non fondées, reposant sur des affirmations mensongères, destinées à dénigrer la gestion du club;

c) monsieur N. a interpellé violemment notre secrétaire, madame M.A., en brandissant la menace de poursuivre le club en justice;

d) monsieur N. utilise son bateau à des fins publicitaires pour sa société SARL X.O.;

e) monsieur N. a fixé sa résidence dans son bateau et s'y est domicilié sans autorisation du club.

Ces comportements sont contraires à:

- l'article 12, c, du règlement d'ordre intérieur et d'administration (...);

- l'article 12, j, dudit règlement (...) et l'article 18 du règlement d'exploitation (...);

- l'article 14 de la convention d'autorisation d'occupation concédée par le SPW (...).

La décision d'exclusion est prise à titre de sanction visée à l'article 13, b) dudit règlement qui prévoit que 'le conseil d'administration peut à tout moment exclure un membre ou un yacht'.

Il est rappelé qu'en vertu des articles 3 et 11 du règlement d'ordre intérieur, les amarrages ne sont jamais attribués que pour une période d'un an, sans tacite reconduction. Les renouvellements relèvent du pouvoir souverain d'autorisation du conseil d'administration.

En conséquence, monsieur N. est invité, comme le prévoit l'article 15 dudit règlement, à évacuer son bateau et tous ses effets personnels dans les 15 jours de la notification de la présente décision, faute de quoi il y sera procédé à ses risques et frais. »

6. L'assemblée générale du CNNY du 17 décembre 2016 a décidé de ne pas réserver de suite favorable à sa demande d'admission comme membre effectif, notamment en raison des sanctions décidées par le conseil d'administration le même jour (pièce 19a du CNNY). Cette décision a été notifiée à monsieur N. le 19 décembre 2016 (pièce 19 B du CNNY).

7. Le 2 janvier 2017, deux administrateurs du CNNY, agissant pour le compte du conseil d'administration, ont adressé un courriel à monsieur N. pour l'informer du fait qu'en exécution de la décision du conseil d'administration du 17 décembre 2016, il n'aurait plus accès aux commodités et services du CNNY (eau, poubelles, ...) et au môle (pièce 13 du CNNY).

8. Le 31 janvier 2017, le conseil du CNNY a envoyé un courrier officiel au conseil de monsieur N. aux termes duquel il a demandé à ce dernier de rappeler à son client qu'il devait évacuer son bateau du port pour le 3 février 2017 au plus tard et qu'à défaut, il introduirait une procédure judiciaire pour y contraindre monsieur N. (pièce 14 du CNNY).

9. Le 6 mars 2017, le SPW a adressé un courrier au CNNY, courrier qui fait suite aux plaintes de plusieurs membres adhérents (pièce 22 du CNNY). On peut notamment y lire:

- que des contradictions existent entre le règlement d'ordre intérieur du CNNY et le règlement d'exploitation. Le SPW invite à cet égard le CNNY à adapter son règlement d'ordre intérieur et à le lui soumettre pour examen;

- concernant l'exclusion de monsieur N. au motif qu'il est domicilié dans son bateau sans accord du CNNY, que ce dernier opérerait une discrimination en reprochant à monsieur N. d'être domicilié dans son bateau sans autorisation préalable alors que d'autres plaisanciers sont dans la même situation sans que le CNNY ne s'en offusque. Le SPW relève qu'aucune mise en demeure n'a été adressée à monsieur N. pour lui permettre de régulariser la situation;

- concernant l'affichage publicitaire sur le bateau de monsieur N., que celui-ci constitue bien une infraction au règlement d'exploitation. Le SPW précise qu'il eut été préférable d'adresser une mise en demeure à monsieur N. pour régulariser la situation plutôt que de l'exclure pour ce motif. Il relève par ailleurs que cet affichage pose une question de fond, à savoir que si le bateau en question est un bateau de plaisance, sa présence au sein du port ne pose pas de problème. En revanche, s'il s'agit d'un bateau à usage mixte (logement et activité professionnelle), il ne peut être accueilli au sein du port;

- que le CNNY est tenu de respecter les conditions de l'autorisation qui lui a été octroyée et de traiter tous les plaisanciers sans aucune discrimination.

10. Le CNNY a répondu à ce courrier à une date qui ne figure pas dans sa réponse (pièce 23 du CNNY).

11. Le 19 juin 2017, la SARL X., gérée par monsieur N., a adressé une facture au propriétaire d'un autre bateau, U.J., sur laquelle on peut lire: « gardiennage de votre bateau le MS E. comme selon notre contrat du 22 décembre 2016 » (pièce 30 du CNNY).

12. Le CNNY produit plusieurs relevés de compte adressés à monsieur N. sur lesquels figure la mention suivante: « Le paiement inclut sans réserve l'engagement du membre à respecter les statuts et le règlement d'ordre intérieur et d'administration du CNNY. » A partir de 2012, ces relevés précisent également que le paiement du membre emporte engagement de respecter le règlement d'exploitation du SPW (pièce 36 du CNNY).

B. Les prétentions des parties

13. Le CNNY demande ce qui suit:

« Condamner le défendeur à sortir son bateau dénommé 'D.J.' de l'enceinte du port de Beez endéans les 15 jours de la signification du jugement à intervenir, sous peine d'une astreinte de 250 EUR par jour de retard jusqu'à l'évacuation complète de son bateau; condamner le défendeur au paiement d'une indemnité d'occupation fixée à 10.065 EUR majorée de 15 EUR par jour jusqu'à évacuation complète du port;

condamner le défendeur aux dépens (...) »

14. Monsieur N. demande, quant à lui, ce qui suit:

« Dire la demande recevable mais non fondée.

En conséquence:

- à titre principal, déclarer nulle et de nul effet la décision prise par le conseil d'administration de la demanderesse en date du 17 décembre 2016;

- à titre subsidiaire, déclarer la décision prise par le conseil d'administration abusive ou à tout le moins non fondé;

- à titre infiniment subsidiaire, dire pour droit que le concluant sera redevable de la somme maximale de 1.720 EUR à titre d'indemnité d'occupation;

Condamner la demanderesse aux entiers frais et dépens de l'instance en ce compris l'indemnité de procédure liquidée à la somme de 1.440 EUR. »

III. Discussion
A. Introduction

15. Le conseil d'administration du CNNY a pris deux décisions le 17 décembre 2016:

(i) ne pas renouveler l'autorisation d'amarrage de monsieur N. pour l'année 2017; et

(ii) l'exclure en tant que membre adhérent de l'association.

Des règles différentes régissent ces deux décisions. Elles seront donc examinées séparément.

B. Le non-renouvellement de l'autorisation d'amarrage de monsieur N.

(...)

C. L'exclusion de monsieur N. de sa qualité de membre adhérent du CNNY
1° Principes applicables

19. L'article 2ter de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les fondations, les partis politiques européens et les fondations politiques européennes dispose que: « Les statuts de l'association peuvent fixer les conditions auxquelles des tiers qui ont un lien avec l'association peuvent être considérés comme membres adhérents de l'association. Les droits et obligations des membres, fixés par la présente loi, ne s'appliquent pas aux membres adhérents. Leurs droits et obligations sont fixés par les statuts. »

Cette disposition impose « de fixer les droits et obligations des membres adhérents dans les statuts. La clause statutaire qui confie au Roi le soin de préciser les droits et obligations est insuffisante (dans le même sens: M. Davagle, Guide juridique des ASBL, Kluwer, 2011, p. 165). Ainsi, par exemple, si les statuts sont muets sur l'exclusion d'un adhérent, celle-ci peut intervenir sans respecter les dispositions de la loi de 1921 » (P. T'Kint, Le droit des ASBL, Tome 1, Aspects civils et commerciaux , Larcier, 2013, p. 736).

20. La doctrine précise à juste titre à propos des membres adhérents:

- « Quant aux membres adhérents ou, comme il aurait été plus clair de les appeler, les adhérents, il ne s'agit pas de véritables membres mais de tiers qui ont un lien avec l'association et qui ont cette qualité aux conditions fixées par les statuts (loi de 1921, art. 2ter). Ils entretiennent des relations privilégiées avec l'association en vertu d'un contrat sui generis avec celle-ci. » (V. Simonart, Associations sans but lucratif, associations internationales sans but lucratif et fondations, R.P.D.B., Bruylant, 2016, p. 208);

- « Les adhérents sont admis et peuvent démissionner ou être exclus aux conditions fixées par l'association. La loi de 1921 ne fixe aucune règle à cet égard, de sorte qu'il faut se référer aux statuts et au droit commun. Ainsi, une ASBL ne peut leur infliger de sanctions qu'en respectant les droits de la défense. Si les statuts sont muets sur cette question, les adhérents des associations à durée indéterminée peuvent démissionner conformément au droit commun des contrats à durée indéterminée et au principe de la liberté d'association (...) ou, le cas échéant, être exclus sur la base de l'article 1184 du Code civil (résolution partielle d'un contrat pluripartite). Leurs droits et obligations envers l'association sont purement contractuels, en ce sens qu'ils jouissent uniquement des droits qui leur sont accordés conformément aux statuts (...), outre bien sûr les droits qui résultent du droit commun comme le droit de prendre connaissance des décisions de l'assemblée générale qui les concernent. » (V. Simonart, Associations sans but lucratif, associations internationales sans but lucratif et fondations, R.P.D.B., Bruylant, 2016, p. 210);

- « Les membres adhérents peuvent, dans le respect des règles internes, être exclus de l'association. La procédure d'exclusion prévue par l'article 12 de la loi de 1921 ne leur est pas applicable puisqu'ils n'ont pas la qualité de membre. » (M. Davagle, Guide juridique des ASBL, Kluwer, 2011, p. 165).

21. Sauf clause contraire des statuts, l'exclusion d'un membre adhérent ressortit à la compétence du conseil d'administration (qui dispose du pouvoir résiduel, à savoir de tous les pouvoirs qui ne sont pas expressément attribués à un autre organe) (P. T'Kint, Le droit des ASBL, Tome 1, Aspects civils et commerciaux , Larcier, 2013, p. 173 et p. 745).

2° Application des principes au cas d'espèce

22. En l'espèce, les statuts du CNNY se bornent à renvoyer au règlement d'ordre intérieur concernant les membres adhérents et sympathisants. Cette manière de procéder contrevient à l'article 2ter de la loi du 27 juin 1921 qui précise expressément que ce sont les statuts qui doivent fixer ces droits et obligations. Il convient dès lors d'écarter les dispositions du règlement d'ordre intérieur relatives aux membres adhérents et d'en revenir au droit commun.

23. La relation qui régit une ASBL et ses membres adhérents est de nature contractuelle. C'est donc le droit commun des contrats qui doit trouver à s'appliquer dans le silence des statuts et non le droit des ASBL relatif aux membres effectifs. Les développements de monsieur N. relatifs à ces derniers sont dès lors sans pertinence en l'espèce.

24. Dans ce contexte, le fait que ce soit le conseil d'administration du CNNY qui ait mis fin au contrat qui liait l'ASBL à monsieur N. n'est pas critiquable. Il s'agit sans conteste de l'organe compétent pour ce faire.

Monsieur N. critique également le fait que deux administrateurs auraient été représentés lors du conseil d'administration qui a décidé de son exclusion et qu'un doute existe quant à la validité de leurs procurations. Ces mandats n'ont cependant pas été remis en cause par leurs auteurs, qui les considèrent donc comme valables (tout comme l'ASBL, d'ailleurs). Il n'appartient pas à un tiers de s'immiscer dans cette relation contractuelle. La critique de monsieur N. est d'autant moins pertinente que le quorum et les majorités requises étaient en tout état de cause réunies pour que le conseil puisse statuer valablement.

Monsieur N. affirme encore que la décision du conseil d'administration ne serait pas valide au motif qu'il n'y aurait pas eu de réelle délibération en son sein. Ici encore, cette prétendue irrégularité ne concerne pas les tiers. En outre, le caractère collégial d'un organe n'impose pas à celui-ci de délibérer sur tous les points qui lui sont soumis. Il faut mais il suffit qu'une délibération ait été possible. Si le conseil est dès lors unanime, cette unanimité peut être actée sans devoir passer par un « débat » préalable.

25. En l'espèce, le CNNY a mis fin au contrat qui le liait à monsieur N. en raison de fautes commises par ce dernier. Il s'agit donc d'une résolution extrajudiciaire du contrat.

Il convient de rappeler à cet égard que:

- « Comme pour la faculté de remplacement décidée unilatéralement par le créancier (...), la jurisprudence a admis la possibilité pour le créancier de résoudre le contrat pour inexécution par le débiteur de ses obligations sans recourir préalablement à justice, même en dehors de toute clause résolutoire expresse. L'urgence, la gravité des infractions commises par le débiteur, l'impossibilité de poursuivre les relations contractuelles ou encore la mauvaise foi flagrante du débiteur sont généralement invoquées à l'appui de la solution.

(...)

Plus précisément, les conditions requises sont en substance celles que l'on retient pour la validité du remplacement sans intervention du juge (...), soit:

- les situations d'urgence où le recours à justice rendrait finalement la sanction sans intérêt pratique;

- les hypothèses dans lesquelles le cocontractant a déjà renoncé à exécuter ses obligations ou se trouve dans l'impossibilité de le faire, soit qu'il l'ait indiqué formellement, soit que cela résulte de son comportement ou des circonstances;

- les cas d'incompétence flagrante ou de mauvaise foi évidente rendant inutile ou impossible la poursuite des relations contractuelles.

La résolution implique que le créancier commence par mettre le débiteur en demeure, conformément au droit commun, et qu'il laisse, dans la mesure du possible, selon les circonstances, au débiteur un délai raisonnable pour remédier aux manquements. Le créancier doit dès lors indiquer au débiteur le manquement qu'il lui reproche. Il doit communiquer sans ambiguïté son intention de mettre fin au contrat dans les conditions ainsi précisées.

Il faut encore que le créancier qui entend faire application de cette faculté veille à la constatation de la défaillance de son débiteur afin que le contrôle ultérieur du tribunal puisse s'exercer.

Si une partie avait recouru à tort à la mesure ou si elle avait rendu impossible le contrôle a posteriori par le tribunal, elle se serait elle-même rendue coupable de l'inexécution de l'obligation contractuelle et devrait en supporter la responsabilité.

Les autres conditions sont celles requises pour l'application de l'article 1184, notamment quant à la gravité du manquement justifiant la résolution.

Comme indiqué ci-dessus, le juge éventuellement saisi en cas de contestation vérifie a posteriori si la résolution est intervenue régulièrement; dans la négative, il constatera que la partie qui en a pris l'initiative a elle-même manqué à ses obligations. » (P. Van Ommeslaghe, De Page - Traité de droit civil belge, Tome II, Les obligations, Volume 1, Bruylant, 2013, pp. 913-915);

- « Les conditions de la résolution unilatérale. La résolution par décision du créancier est subordonnée à diverses conditions strictes. Selon l'opinion majoritaire, ces conditions sont les suivantes:

1° le débiteur doit avoir commis une faute contractuelle d'une suffisante gravité pour justifier la résolution judiciaire de la convention;

2° comme toute sanction de l'inexécution, la résolution unilatérale doit être précédée, en règle générale, d'une mise en demeure qui somme le débiteur de s'acquitter de ses engagements dans un délai raisonnable;

3° le créancier doit avoir pris les mesures utiles pour constater les défaillances du débiteur, par voie judiciaire, d'une manière contradictoire ou par tout autre moyen;

4° le créancier est tenu de notifier de manière claire et non équivoque sa décision de résoudre la convention et de préciser, dans cet acte de notification, le manquement reproché qui fonde cette décision;

5° la résolution extrajudiciaire n'est admise que dans des circonstances exceptionnelles. » (P. Wéry, Droit des obligations, vol. 1, 2e éd., Larcier, 2011, n° 791).

- « Le rôle du juge: un contrôle éventuel et a posteriori. L'admission de la résolution unilatérale modifie radicalement l'office du juge. Son intervention n'est plus un préalable obligé de la résolution. Il n'appartient plus au juge de la prononcer. Il n'interviendra qu'éventuellement et a posteriori pour, selon les cas, ratifier la décision du créancier ou, au contraire, la désavouer.

La saisine du juge est, le plus souvent, l'oeuvre du cocontractant qui s'estime indûment évincé du contrat. Il entend que le tribunal déclare la rupture fautive et qu'il en tire les conséquences sur le plan juridique. Sous peine de placer le juge devant le fait accompli et de consacrer une sorte de faculté de résiliation unilatérale de tout contrat, il importe de reconnaître au tribunal saisi a posteriori les pouvoirs les plus étendus. Selon les cas, le cocontractant obtiendra des dommages-intérêts compensatoires; la résolution de la convention aux torts exclusifs du créancier qui s'est fait indûment justice à soi-même, avec une condamnation aux dommages-intérêts complémentaires; ou la résolution aux torts partagés des parties. Le créancier qui s'est rendu à tort justice à lui-même peut, par ailleurs, perdre le droit de réclamer les dommages-intérêts. » (P. Wéry, Droit des obligations, vol. 1, 2e éd., Larcier, 2011, n° 792; voy. égal.: B. Kohl, Contrat d'entreprise, R.P.D.B., Bruylant, 2016, p. 521).

Les parties n'ont pas conclu sur ces questions (et notamment sur l'obligation d'une mise en demeure préalable et du respect des droits de la défense). Il convient de rouvrir les débats pour leur permettre de le faire.

(...)

IV. Décision

Après en avoir délibéré, le tribunal, statuant contradictoirement, et en premier ressort,

reçoit la demande,

la déclare fondée.

Dans la mesure précisée ci-après,

- condamne monsieur N. à sortir son bateau dénommé « D.J. » de l'enceinte du port de Beez et ce dans les 30 jours de la signification du présent jugement et sous peine d'une astreinte de 200 EUR par jour de retard (seuls les jours pleins étant comptabilisés dans le calcul de l'astreinte) avec un maximum de 20.000 EUR, astreinte commençant à courir 24 heures après l'échéance du délai de 30 jours susvisé;

- pour le surplus, ordonne d'office la réouverture des débats pour permettre aux parties de conclure aux fins déterminées supra.

(...)