Article

Cour d'appel Mons, 05/02/2019, 2018/RQ/24, R.D.C.-T.B.H., 2019/4, p. 558-562

Cour d'appel Mons 5 février 2019

FAILLITE
Faillite - Champ d'application - Notion d'entreprise - Gérant
Par ailleurs, le législateur a dans l'exposé des motifs souligné l'importance de deux critères cumulatifs: la personne physique doit travailler « à titre indépendant » et exercer une « activité professionnelle ».
La présomption d'indépendance des mandataires a donc un objet précis: celui de les exclure a priori du statut social des travailleurs salariés. Cette présomption pourrait toutefois être renversée si elle ne s'identifie pas avec la réalité factuelle et que la mandataire de société était liée par un contrat de travail.
La notion de profession est « l'exercice régulier d'une activité en vue de se procurer des revenus nécessaires à l'existence ». La notion d'activité professionnelle a reçu plusieurs acceptions dans diverses réglementations belges ou européennes en droit économique. Dans ce cas, le recours à la notion d'organisation se retrouve.
C'est ce que le législateur belge a retenu en imposant, dans la prémisse de la définition, que l'entreprise soit une « organisation ». Cette notion d'organisation doit dès lors être intégrée dans la notion d'activité professionnelle.
FAILLISSEMENT
Faillissement - Toepassingsgebied - Ondernemingsbegrip - Zaakvoerder
De wetgever benadrukt in de memorie van toelichting het belang van twee cumulatieve voorwaarden: de natuurlijke persoon moet “op zelfstandige basis werken” en zelfstandig “een beroepsactiviteit uitoefenen”.
Het vermoeden van zelfstandigheid van mandatarissen heeft een zeer precies voorwerp: hen a priori uitsluiten van het sociaal statuut van werknemers. Dit vermoeden kan worden omgekeerd indien het niet overeenstemt met de realiteit en wanneer de mandataris van de vennootschap is verbonden met een arbeidsovereenkomst.
De notie van beroepsactiviteit is “de normale uitoefening van een activiteit met het oog op het bekomen van inkomsten van levensnoodzakelijke inkomsten”. Het concept activiteit heeft meerdere invullingen gekregen in diverse Belgische en Europese regelingen in het ondernemingsrecht. In deze omstandigheden, kunnen we de terugkeer naar het begrip organisatie plaatsten.
De Belgische wetgever nam in de definitie van onderneming als uitgangspunt dat de onderneming “een organisatie” moet zijn. De notie van organisatie dient te worden geïntegreerd in de notie van zelfstandige beroepsactiviteit.

Madame X

Siég.: B. Inghels (conseiller f.f. de président)
Pl.: Me N. Chevalier
Affaire: 2018/RQ/24

La cour, après en avoir délibéré, prononce l'arrêt suivant:

Vu régulièrement produites, les pièces de la procédure prescrites par la loi, et notamment:

- la requête d'appel déposée au greffe de la cour le 19 novembre 2018;

- la copie certifiée conforme du jugement dont appel rendu le 6 novembre 2018 par la 1re chambre du tribunal de l'entreprise du Hainaut, division de Tournai;

Entendu la partie appelante et son conseil à l'audience du 11 décembre 2018 à laquelle les débats ont été déclarés clos et la cause prise en délibéré, ainsi que madame l'avocat général Badot, en son avis verbal donné sur-le-champ.

1. Les faits et antécédents de la procédure

1. Les faits peuvent être résumés comme suit:

Madame X a exercé une activité commerciale en personne physique, depuis 2006, comme exploitante d'une agence de paris sportifs « LADBROKES ». Suite à une incapacité de travail de longue durée, elle a recommencé cette activité, en nom personnel, en 2014.

Le 21 juin 2017, madame X a constitué une SPRL. Madame X a été désignée en qualité de gérante statutaire. Le mandat du gérant est rémunéré selon l'article 11 des statuts.

Cette société a repris l'activité de paris sportifs exercée précédemment par madame X en personne physique. Interrogée à l'audience des plaidoiries, madame X a répondu que cette reprise d'activité s'est faite sans contrepartie financière.

Madame X exerce « depuis la constitution de cette SPRL, l'activité de gérante » (voy. sa requête d'appel, p. 2).

2. Le 10 octobre 2018, madame X a fait aveu de faillite, se fondant sur les nouvelles dispositions du Livre XX du Code de droit économique (ci-après CDE).

3. Un jugement prononcé le 6 novembre 2018 par le tribunal de l'entreprise du Hainaut, division Tournai, - erronément renseigné comme le tribunal du commerce du Hainaut, division Tournai - a dit n'y avoir lieu de prononcer la faillite de madame X, celle-ci n'étant pas une entreprise.

4. Par requête déposée au greffe de la cour d'appel de Mons le 19 novembre 2019, madame X a formé appel contre ce jugement.

Elle critique ce jugement car elle est en état de cessation de paiements et d'ébranlement du crédit, et elle estime être une entreprise au sens de l'article I.1, 1°, du CDE.

5. Madame l'avocat général a émis un avis oral, dans lequel elle souligne que:

- la SPRL n'est pas elle-même en faillite;

- l'essentiel des dettes remonte à avant la constitution de la société;

- madame X ne démontre aucune organisation - professionnelle - en son chef;

- la jurisprudence citée par madame X (Cass., 3 janvier 2005, J.T.T., 2005, Liv. 918, 233; Cass., 12 décembre 2016, J.T.T., 2017, Liv. 1276, 185) concerne la réglementation du chômage et n'est pas transposable.

2. La recevabilité de l'appel

L'appel, régulier en la forme, est recevable. Sa recevabilité n'est du reste pas contestée.

3. Discussion

1. A titre préalable, la cour constate qu'au dispositif du jugement dont appel, il est précisé qu'il est prononcé par le tribunal de commerce du Hainaut, division Tournai, alors que depuis le 1er novembre 2018, cette juridiction a été remplacée par le tribunal de l'entreprise du Hainaut, division Tournai. Cette mention est cependant contredite sur les autres pages du jugement, telles la page de garde et l'intitulé repris au haut de chaque page (pp. 2 à 5).

Si l'article 780 du Code judiciaire sanctionne le défaut d'indication du juge ou du tribunal dont il émane, cette absence ne peut entraîner la nullité si elle n'est pas soulevée in limine litis, comme en l'espèce. Les irrégularités commises par application de l'article 780 du Code judiciaire peuvent en outre être rectifiées s'il apparaît à l'évidence qu'il s'agit d'une erreur matérielle qui peut être corrigée (Cass., 8 mai 2002, Larcier Cass., n° 1219).

En l'espèce, il résulte du procès-verbal de l'audience publique et des mentions accessoires du jugement dont appel qu'il s'agit manifestement d'une erreur matérielle et que c'est bien le tribunal de l'entreprise qui a prononcé la décision dont appel. La cour corrigera donc cette erreur au dispositif du présent arrêt.

2. Madame X estime qu'elle était dans les conditions pour être déclarée en faillite.

Elle précise être une personne physique qui exerce une activité professionnelle à titre indépendant.

Elle se prévaut notamment de sa soumission au statut social des travailleurs indépendants et du fait que ses revenus sont taxés au titre de rémunération des dirigeants d'entreprise. Dès lors, son activité est une activité professionnelle.

De même, elle précise être une organisation. Celle-ci se manifeste « par le développement de ses connaissances et compétences » (p. 5). Elle se réfère à un arrêt de la Cour de cassation, rendu en matière de chômage, selon lequel la qualité d'administrateur d'une société commerciale est une activité effectuée par le chômeur pour son propre compte, (...), qui peut être intégrée dans les échanges économiques de biens et de services, et qui n'est pas limitée à la gestion normale des biens propres (Cass., 3 janvier 2005, J.T.T., 2005, Liv. 918, 233; Cass., 12 décembre 2016, J.T.T., 2017, Liv. 1276, 185).

Enfin, le fait que les mandataires ne soient pas soumis à l'obligation d'inscription de la BCE et de tenue d'une comptabilité n'indique pas que le législateur ait voulu exclure les mandataires du champ d'application du CDE.

3. L'article XX.99 du CDE énonce que « le débiteur qui a cessé ses paiements de manière persistante et dont le crédit est ébranlé est en état de faillite ».

La notion de « débiteur » est définie à l'article I.22, 8°, du CDE: le débiteur est une entreprise, à l'exclusion de toute personne morale de droit public.

L'entreprise trouve sa définition à l'article I.22, 7°, du CDE, qui renvoie à la définition de base prévue à l'article I.1, 1°, du CDE: « Sauf disposition contraire, pour l'application du présent code, on entend par:

1° entreprise: chacune des organisations suivantes:

a) toute personne physique qui exerce une activité professionnelle à titre indépendant (...) »

4. La difficulté d'interprétation résulte du fait que les commentaires issus des travaux préparatoires laissent subsister des ambiguïtés ou des contradictions.

D'une part, selon les travaux préparatoires du Livre XX: « Le fait de reprendre la notion générale d'entreprise dans le Livre XX implique une extension de la portée de la réglementation de l'insolvabilité. Celle-ci ne concerne plus les 'commerçants' et les 'sociétés commerciales', mais vise à comprendre toutes les formes d'organisation afin de leur permettre de bénéficier des possibilités de réorganisation et de les soumettre, le cas échéant, à une liquidation sous forme de faillite. » (la cour souligne) (projet de loi portant insertion du Livre XX « Insolvabilité des entreprises » dans le Code de droit économique (...), exposé des motifs, Doc. parl., n° 54-2407/001 (2016-2017), p. 24). A ce moment, les travaux préparatoires intégraient expressément la notion de « durabilité » dans leur réflexion (id., p. 27). Cette référence à elle seule a été critiquée (W. Derijcke, « Les nouveaux champs d'application du droit de l'insolvabilité », in Le nouveau droit de l'insolvabilité, JBBW, Larcier, 2017, p. 23).

Déjà, le Conseil d'Etat avait relevé que cette définition risquait d'entraîner un élargissement insoupçonné de la définition de l'entreprise aux mandataires de sociétés (avis C.E. n° 60.760/2 du 13 février 2017, Doc. parl., Chambre, 2016-2017, n° 54-2407/001).

La notion d'entreprise a été revue, y compris en matière d'insolvabilité. Les travaux préparatoires précédant la réforme du droit de l'entreprise révèlent que la volonté du législateur était aussi d'élargir la définition d'entreprise et d'englober très largement les personnes physiques exerçant à titre indépendant. « Le but est de conférer un vaste contenu à la notion d'entreprise de manière à couvrir tous les acteurs actifs sur le plan économique. A cet égard, la nouvelle définition utilisera des critères formels au lieu de critères matériels, comme c'est le cas actuellement.

Cela n'empêche évidemment pas que pour certaines dispositions, le champ d'application soit limité par des critères matériels renvoyant à un but économique. Ainsi, il y a dans le nouveau système des entreprises économiques et non économiques (exposé des motifs, Doc. parl., n° 54-2828/001 (2016-2017), p. 6) ».

Le législateur n'a pas exclu la possibilité d'une interprétation de la notion d'entreprise pour le mandataire de société (ce qui fait dire à la doctrine et à certaines décisions de jurisprudence que « le législateur a sciemment fait entrer les personnes physiques exerçant un mandat de gestion dans une personne morale dans le champ d'application de l'insolvabilité » (en ce sens, Z. Pletinckx, « Le champ d'application des procédures », in La réforme du droit de l'insolvabilité et ses conséquences (sur les avocats): une (r)évolution?, Larcier, 2017, p. 21)). Il n'est cependant pas si certain que c'était l'effet voulu par lui, puisque la réforme du droit de l'entreprise présentait un objectif clair: la nouvelle définition générale doit être la pierre angulaire pour la compétence du tribunal d'entreprise (anciennement dénommé tribunal de commerce), la preuve d'entreprise (la preuve actuel du commerçant), le droit de l'insolvabilité (Livre XX dCDE) et les dispositions ayant trait aux obligations relatives à la BCE et comptables.

« Une extension du champ d'application similaire à celle proposée pour l'obligation d'inscription et l'obligation de comptabilité a déjà été introduite antérieurement par le législateur pour le droit de l'insolvabilité (loi du 11 août 2017 portant insertion du Livre XX 'Insolvabilité des entreprises', dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au Livre XX, et des dispositions d'application au Livre XX, dans le Livre I du Code de droit économique). Le présent projet décrit également la notion de 'débiteur' sur la base de la définition générale d'entreprise, sans que le champ d'application soit modifié en comparaison avec la loi du 11 août 2017 (ibid., p. 7). »

En précisant cet objectif de cohérence, y compris pour l'obligation d'inscription et l'obligation de comptabilité, le législateur sème ainsi le doute sur ce qu'il a voulu précisément à l'occasion de cette réforme de la notion d'entreprise pour le droit de l'insolvabilité. En effet, comme le souligne le jugement dont appel, l'obligation d'inscription et l'obligation de comptabilité ne concernent pas le mandataire de société, alors que ces obligations présentent une importance essentielle dans la mise en oeuvre du droit de l'insolvabilité. L'obligation d'inscription permet d'identifier avec clarté l'entreprise, l'obligation comptable assure la transparence auprès des tiers, en particulier des créanciers.

Ces deux éléments impliquent qu'il faut aller plus loin dans la vérification.

5. Par ailleurs, le législateur a dans l'exposé des motifs souligné l'importance de deux critères cumulatifs: la personne physique doit travailler « à titre indépendant » et exercer une « activité professionnelle ».

a) Le critère du statut d'indépendant ne devrait pas, pris isolément, être décisif. Il ne l'est a fortiori pas s'agissant du mandataire de société. La définition du travailleur indépendant est, selon l'article 3, § 1er, alinéa 1er, de l'A.R. du 27 juillet 1967, « toute personne physique qui exerce en Belgique une activité professionnelle en raison de laquelle elle n'est pas engagée dans les liens d'un contrat de louage de travail ou d'un statut ». Le critère de cette définition légale est un critère sociologique et négatif: il ne faut pas être un salarié ou un fonctionnaire. La législation est d'ordre public.

En plus de ce critère sociologique, la loi a prévu un critère supplétif pour les mandataires, le critère fiscal: « Est présumé, jusqu'à preuve du contraire, se trouver dans les conditions visées à l'alinéa précédent, toute personne qui exerce en Belgique une activité professionnelle susceptible de produire des revenus visés à l'article 23, § 1er, 1° ou 2° ou à l'article 30, 2°, du Code des impôts sur les revenus de 1992. » En outre, l'alinéa 4 précise que: « Sous réserve de l'application des articles 5bis et 13, § 3, les personnes qui sont désignées comme mandataires dans une association ou une société de droit ou de fait qui se livre à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif, ou qui, sans être désignées, exercent un mandat dans une telle association ou société, sont présumées, de manière réfragable, exercer une activité professionnelle de travailleur indépendant. »

Il s'agit des dirigeants d'entreprises.

La présomption d'indépendance des mandataires a donc un objet précis: celui de les exclure a priori du statut social des travailleurs salariés. Cette présomption pourrait toutefois être renversée si elle ne s'identifie pas avec la réalité factuelle et que le mandataire de société était lié par un contrat de travail.

Ainsi, à défaut de toute autre indication, le rattachement au seul critère fonctionnel du statut social ne peut pas être déterminant, puisqu'il est lui-même tributaire d'un critère sociologique.

En l'espèce, le renversement de la présomption n'a pas été invoqué par le Ministère public.

b) Le second critère distinctif concerne l'activité professionnelle. La notion de profession est « l'exercice régulier d'une activité en vue de se procurer des revenus nécessaires à l'existence » (I. Verougstraete et crts., Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, Kluwer, éd. 2010-2011, p. 323, n° 3.1.2.3).

Telle quelle, elle ne peut s'assimiler à l'interprétation donnée par la Cour de cassation en matière de chômage (Cass., 3 janvier 2005, J.T.T., Liv. 918, 233; Cass., 12 décembre 2016, J.T.T., 2017, Liv. 1276, 185) puisque, dans cette réglementation, il incombe à la Cour de vérifier l'existence dans le chef du chômeur d'une activité effectuée pour son propre compte, ce qui pourrait être le cas par exemple d'un travail occasionnel. Le champ des définitions ne se recoupe pas.

Par contre, la notion d'activité professionnelle a reçu plusieurs acceptions dans diverses réglementations belges ou européennes en droit économique. Dans ces cas, le recours à la notion d'organisation se retrouve.

A titre d'exemple, et même si cette loi n'est pas englobée dans le CDE, il peut être pertinent de rappeler que l'entreprise est définie dans la loi du 2 août 2002 relative à la lutte contre les retards de paiements comme: « toute organisation (...) agissant dans l'exercice d'une activité économique ou professionnelle indépendante, même lorsque cette activité n'est exercée que par une seule personne; ». La directive n° 2000/35/CE relative à la lutte contre le retard de paiement définit aussi l'« entreprise » comme « toute organisation agissant dans l'exercice d'une activité économique ou professionnelle indépendante, même lorsque cette activité n'est exercée que par une seule personne » (la cour souligne).

Ainsi, l'entreprise repose souvent sur le critère d'organisation, lequel a reçu en cette matière une interprétation récente de la C.J.U.E. (C.J.U.E., 15 décembre 2016, C-256/15, Drago Nemec / Republika Slovenija, www.curia.eu): « Il ne suffit pas qu'une personne conclue une transaction se rapportant à une activité économique, (...), pour relever de la notion d''entreprise' (...). Encore faut-il que cette personne agisse en tant qu'organisation dans le cadre d'une telle activité ou d'une activité professionnelle indépendante. » Au point 34, la C.J.U.E. relève également que « (...) cette exigence implique que ladite personne, quels que soient sa forme et son statut juridique en droit national, exerce cette activité de manière structurée et stable, laquelle activité ne saurait donc se limiter à une prestation ponctuelle et isolée, (...) ».

Il s'en déduit que, en droit européen, la forme ou le statut juridique de la personne ne peuvent constituer à eux seuls des éléments déterminants pour définir l'activité professionnelle. Encore faut-il que l'activité professionnelle soit exercée de manière structurée et stable.

C'est ce que le législateur belge a retenu en imposant, dans la prémisse de la définition, que l'entreprise soit une « organisation ». Cette notion d'organisation doit dès lors être intégrée dans la notion d'activité professionnelle, comme l'ont très justement retenu les premiers juges.

6. Dès lors, si le législateur était critiqué pour avoir dans un premier temps seulement mentionné le critère de « durabilité » (projet de loi portant insertion du Livre XX « Insolvabilité des entreprises » dans le Code de droit économique (...), exposé des motifs, Doc. parl., n° 54-2407/001 (2016-2017), p. 27), il faut en effet y ajouter la notion de « structure » pour être en présence d'une organisation et s'inscrire dans une perspective européenne.

Il ne peut en théorie pas être exclu qu'un mandataire développe, par lui-même, une organisation personnelle. Dans le cadre d'une interprétation conforme au droit européen, la seule interprétation possible d'une organisation suppose cependant la démonstration concrète d'une activité professionnelle structurée et stable.

Très souvent, cette organisation fait défaut dans le chef du mandataire. En effet, et c'est le principe même de la représentation, les personnes morales agissent par l'intermédiaire de leurs organes. L'administrateur ou le gérant est donc un mandataire, c'est-à-dire qu'il agit au nom et pour le compte de la société. En agissant dans ce cadre strict, le mandataire n'exerce pas une activité qui lui est propre: il développe une activité qui est celle de la personne morale au nom et pour compte de laquelle il agit. Il s'appuie généralement sur l'organisation, c'est-à-dire la structure durable, mise en place par la personne morale.

Il sera donc exceptionnel - mais non exclu - qu'un mandataire ait mis en place une organisation personnelle. Convenir de l'inverse, a priori et par principe, heurterait la construction classique de la personne morale.

7. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'activité d'exploitation d'une agence de paris sportifs « LADBROKES » s'exerce au nom et pour le compte de la SPRL.

Cette société n'est d'ailleurs pas actuellement en état de faillite.

Aucune organisation spécifique distincte de celle de la SPRL n'est démontrée en l'espèce: madame X n'apporte aucun élément permettant de convaincre qu'elle ait organisé son activité de manière structurée et stable. La seule circonstance qu'elle paye des cotisations sociales ou l'impôt comme travailleur indépendant ne suffit pas.

Les dettes dont elle se prévaut à l'appui de son aveu témoignent du reste qu'elles se rapportent soit à son activité antérieure de commerçante, en personne physique, soit à des rapports de sa vie privée (taxes pour parking, commandes Hello Fresh, ...). Aucune ne permet de retenir qu'il y aurait une quelconque organisation mise en place pour l'exercice d'une activité propre à madame X.

Dans ce contexte, la cour dit l'appel recevable mais non fondé et confirme le jugement entrepris.

8. A titre surabondant, toute interprétation doit s'inscrire dans une perspective téléologique du Livre XX du CDE.

A ce jour, l'article 2, 13°, de la proposition de directive relative aux cadres de restructuration préventifs, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficience des procédures de restructuration, d'insolvabilité et d'apurement et modifiant la directive n° 2012/30/UE, qui devrait influencer le droit de l'insolvabilité dans un futur proche, définit l' « entrepreneur » comme étant: une personne physique exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. Ainsi, le retour probable aux critères de commercialité, d'industrie, d'artisanat ou de profession libérale incite dès à présent à réfléchir avec prudence aux diverses interprétations du texte actuel, intégrant une vision européenne et prospective, de manière à éviter des interprétations ponctuelles. Dans ce contexte, le mandataire de société ne devrait pas être considéré comme une entreprise s'il n'exerce pour son propre compte une activité répondant à ces critères.

9. Madame X succombe et conserve ses frais et dépens.

Par ces motifs;

La cour, statuant contradictoirement;

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935, relative à l'emploi des langues en matière judiciaire;

Entendu madame Martine Hermand, substitut général, en son avis verbal donné sur-le-champ.

Rectifie le dispositif du jugement dont appel et acte qu'il a été rendu par le président de chambre, assisté du greffier, en audience publique de la 1re chambre du tribunal de l'entreprise du Hainaut, division Tournai, le mardi 6 novembre 2018;

Dit l'appel non fondé et confirme le jugement entrepris, pour les motifs énoncés.

Délaisse à madame X les frais et dépens en cette instance.

(…)