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Le retrait litigieux à l'épreuve de la pratique financière contemporaine, R.D.C.-T.B.H., 2019/2, p. 215-244

Le retrait litigieux à l'épreuve
de la pratique financière contemporaine

Corentin De Jonghe [1]

TABLE DES MATIERES

I. Introduction

II. Délimitation de la portée, des conditions d'application et des effets du retrait litigieux A. Introduction

B. Champ d'application du retrait i) Remarques transversales

ii) Caractère litigieux des droits cédés

iii) Caractère onéreux de la cession

iv) Période de validité du retrait

v) Exceptions

C. Mise en oeuvre du retrait i) Remboursement du prix réel de la cession

ii) Modalités d'exercice et effets du retrait

iii) Réflexions complémentaires relatives aux personnes pouvant bénéficier du retrait

III. Retrait litigieux et cessions groupées: état de lieux A. Introduction

B. Opérations de transmission universelle ou à titre universel i) Droit civil

ii) Droit des sociétés

C. Cessions groupées non organisées i) Approche française

ii) Proposition de solution

D. L'exemple de la titrisation i) Application du retrait aux opérations de titrisations belges?

ii) Eléments militants contre l'application du retrait en matière de titrisation

iii) Impact de l'application du retrait sur les opérations de titrisation

E. Conclusion

IV. Actualité du retrait: tentative d'encadrement du rachat des dettes souveraines A. Introduction

B. Initiatives législatives destinées à lutter contre les activités des fonds vautours i) Position de la question

ii) Présentation synthétique des législations en cause

C. Appréciation critique

D. Conclusion

V. Considérations finales

RESUME
Le retrait litigieux est un mécanisme millénaire destiné à protéger les débiteurs cédés des excès commis par les acheteurs de procès, dont l'activité fut jugée socialement néfaste tant par les Romains que par les rédacteurs du Code civil. Si la lutte contre une certaine forme de spéculation trouve sans conteste un écho dans le débat politique actuel, l'ancienneté de la faculté de retrait soulève la question de sa pertinence, voire même de sa compatibilité, avec la pratique financière contemporaine. Cette contribution explore cette question, au moyen de l'analyse de la jurisprudence rendue en France au sujet de l'application des articles 1699 et suivants du Code civil aux opérations de cession groupée de créances, ainsi que d'instruments législatifs récents, s'inspirant ouvertement du mécanisme que ces dispositions consacrent.
SAMENVATTING
De naasting is een eeuwenoud mechanisme dat is ontworpen om gecedeerde schuldenaren te beschermen tegen de excessen van bepaalde speculanten waarvan de activiteiten door zowel de Romeinen als de auteurs van het burgerlijk wetboek als sociaal schadelijk werden beschouwd. De strijd tegen deze vorm van speculatie komt tot uiting in het huidig politieke debat. De leeftijd van het naastingsmechanisme doet echter de vraag rijzen naar de relevantie en zelfs de verenigbaarheid ervan met de hedendaagse financiële praktijk. In deze bijdrage wordt deze kwestie onderzocht door middel van een analyse van de Franse rechtspraak over de toepassing van de artikelen 1699 e.v. van het Burgerlijk Wetboek op gegroepeerde cessietransacties van vorderingen, alsmede recente wetgevingsinstrumenten, die openlijk geïnspireerd zijn op het mechanisme dat in deze bepalingen is vastgelegd.
I. Introduction

Le retrait litigieux est un mécanisme, consacré par les articles 1699 à 1701 du Code civil [2], par lequel le débiteur d'un droit qui fait l'objet d'un litige en cours de procédure peut mettre fin au procès en remboursant au cessionnaire le prix auquel il a acquis le droit [3].

Sa raison d'être découle de la volonté de lutter contre une opération de pure spéculation de la part du cessionnaire, rachetant une créance à bas prix en profitant de l'insécurité liée aux aléas du procès [4]. Le législateur a, de la sorte, entendu éviter que certaines personnes ou sociétés animées d'un esprit de lucre « exploitent à fond [sic] tous les artifices de la procédure pour faire pression sur l'autre partie, et l'amener à abandonner le procès ou à consentir une transaction défavorable » [5].

Compte tenu de l'apparition d'acteurs spécialisés dans le rachat d'obligations souveraines [6] ou, de manière plus générale, de dettes litigieuses [7], cette précaution, plus que millénaire [8], n'a pas eu pour effet d'empêcher le développement de l'activité des acheteurs de procès.

Bien entendu, cette activité n'a pas vu le jour en Belgique et n'a la plupart du temps pas vocation à être régie par le droit belge. Il n'en demeure pas moins que son existence a conduit notre législateur à intervenir récemment, et à plusieurs reprises, afin de tenter d'encadrer certaines de ses dérives [9].

Outre ces développements législatifs récents - qui, comme nous le verrons, s'y réfèrent d'ailleurs plus ou moins ouvertement - le retrait litigieux connaît par ailleurs un certain regain de vitalité chez nos voisins français, où il est régulièrement invoqué, avec succès, dans le cadre d'opérations mettant en oeuvre des cessions groupées de créances, en ce compris d'opérations de titrisation [10].

Or, il nous a paru surprenant de permettre l'application de ce mécanisme dans des situations totalement inconnues à l'époque de sa consécration et, en particulier, dans le cadre de l'une des opérations financières les plus typiques de la fin du XXe siècle [11], en faveur de laquelle plusieurs interventions du législateur ont eu lieu afin d'en faciliter la mise en oeuvre [12].

Comment, en effet, admettre qu'une cession en principe envisagée par les parties comme un ensemble juridiquement indissociable et financièrement cohérent, puisse être remise en question par le débiteur cédé, en vertu d'un droit qui tend à isoler artificiellement l'un de ces éléments?

L'on objectera à cette question qu'il serait peu justifié de permettre aux parties à la cession de paralyser la faculté que le cédé tient de la loi par le simple fait d'inclure le droit litigieux dans un ensemble plus large.

Comme nous le verrons, c'est cette objection qui semble avoir guidé la Cour de cassation française vers la reconnaissance de l'application du retrait aux opérations de cessions globales de créances.

Quoiqu'il en soit, outre celle de son caractère transposable en Belgique, cette jurisprudence nous a paru soulever la question suivante: le retrait litigieux est-il encore compatible avec la pratique financière contemporaine ou, au contraire, le temps est-il venu d'en adapter les conditions d'application ou les effets, voire de s'en séparer?

Pour répondre à ces questions, nous avons tout d'abord fait le point sur les conditions d'application, les modalités d'exercice et les effets de cette institution globalement méconnue (infra, II.), afin de nous permettre d'aborder de manière critique son application aux cessions d'universalités, qu'elles soient, ou non, organisées par la loi, avec une attention particulière pour la titrisation de créances, vis-à-vis de laquelle l'application du retrait nous paraît particulièrement interpellant (infra, III.).

Une fois cet exercice réalisé, il nous a semblé utile de nous pencher sur les législations récentes s'en inspirant plus ou moins directement (infra, IV.), dans le but de mieux évaluer la pertinence des objectifs que le retrait poursuit au regard des préoccupations du législateur contemporain (infra, V.).

II. Délimitation de la portée, des conditions d'application et des effets du retrait litigieux
A. Introduction

1.Licéité de la cession d'un doit litigieux. Avant de nous pencher sur le retrait litigieux en tant que tel, un premier constat s'impose: les droits litigieux ne sont pas hors commerce et peuvent donc, conformément au droit commun, être l'objet d'une convention en prévoyant la cession [13].

A bien y regarder, cela n'a rien d'étonnant: la cession d'un droit litigieux se justifie généralement par la volonté du cédant de se débarrasser des ennuis ou des déceptions du procès et permet au créancier qui n'a pas les forces nécessaires pour soutenir un procès de réaliser son droit sans attendre [14].

La mise en place d'une telle cession nous paraît donc éloignée d'une situation contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs [15], rendant illicite la convention qui la concrétise [16].

La loi pose néanmoins deux balises spécifiques afin d'éviter les excès auxquels l'acquisition d'un droit litigieux est susceptible de conduire.

La première, catégorique, résulte de l'article 1597 du Code civil et interdit purement et simplement à certaines personnes d'acquérir des droits faisant l'objet d'une contestation [17]. La seconde, plus nuancée, découle des articles 1699 à 1701 du Code civil [18], qui constituent le siège du retrait litigieux et dont il sera question dans la suite de notre exposé.

Par la consécration de ces dispositions, le législateur confirme que, s'il ne considère pas illicite la cession de droits litigieux ou contestés, il n'en regarde pas moins une telle opération avec une méfiance toute particulière. En d'autres termes, la loi n'a pas placé les droits litigieux hors commerce; elle s'est contentée de lutter contre les risques de spéculation et d'exploitation des débiteurs qui peuvent en résulter.

Cette conclusion nous semble être confirmée par la pratique économique contemporaine, qui multiplie les cas de cessions groupées de droits les plus divers, parmi lesquels il est courant de trouver un ou plusieurs droits litigieux [19], sans que le développement de ces pratiques n'ait pour autant amené le législateur à intervenir, au contraire [20].

B. Champ d'application du retrait

2.Plan. Avant d'établir la portée exacte des conditions d'application du retrait que sont, d'une part, le caractère litigieux du droit cédé (infra, ii.) et, d'autre part, le caractère onéreux de la cession (infra, iii.), nous effectuerons quelques considérations liminaires, relatives à son affinité particulière avec la cession de créances; l'interprétation stricte des dispositions le concernant; sa raison d'être; ainsi que l'influence de l'intention des parties à la cession sur la possibilité de sa mise en oeuvre (infra, i.).

Nous terminerons en établissant sa période de validité du retrait (infra, iv.) ainsi que les exceptions à son application, que celles-ci découlent de la loi ou de la structure de l'opération dans le cadre de laquelle il est invoqué (infra, v.).

i) Remarques transversales

3.Retrait litigieux et cession de créances. Malgré son emplacement dans le chapitre du Code civil relatif aux cessions de créances, le retrait litigieux s'applique à toute cession à titre onéreux de droit(s) présentant un caractère litigieux et ne se limite dès lors pas aux seules cessions de créance(s) litigieuse(s) [21].

La faculté de retrait peut dès lors par exemple également s'exercer lorsque la cession porte sur un droit réel ou un droit intellectuel [22].

C'est la raison pour laquelle nous avons, jusqu'à présent, parlé de manière générale de la cession de « droits » litigieux.

Il n'en demeure pas moins que le retrait litigieux présente une affinité particulière avec la cession de créance, à laquelle nous limiterons notre exposé.

4.Interprétation stricte. Le retrait litigieux constitue une exception à l'irrévocabilité des conventions légalement formées ainsi qu'au principe de la liberté contractuelle [23].

Son caractère exceptionnel, imposant une interprétation stricte, est donc régulièrement rappelé, tant en doctrine [24] qu'en jurisprudence [25].

5.Raisons d'être. L'on explique généralement que la consécration du retrait vise à atteindre les objectifs complémentaires que sont: (i) la lutte contre le caractère spéculatif attaché à l'achat d'une créance litigieuse; (ii) la protection des débiteurs cédés [26]; et (iii) l'assèchement du contentieux [27].

Nous aurons l'occasion d'établir l'importance respective de chacune de ces raisons d'être dans la suite de notre exposé.

6.Influence de l'intention des parties à la cession. La Cour de cassation semble admettre que l'intention des parties à la cession, en général, et l'absence de volonté de spéculer sur l'issue du procès dans le chef du cessionnaire, en particulier, puissent être prises en compte par le juge devant qui le bénéfice du retrait est invoqué.

Par un arrêt du 7 mars 1946, elle a en effet exclu l'application du retrait en cas d'apport en société pour la raison que « la cédante, demeurant intéressée au sort de la créance, n'a pas voulu se prémunir contre la perte de celle-ci, et que, d'autre part, on ne peut reprocher à la cessionnaire d'avoir spéculé sur le procès » [28].

La portée de cet arrêt doit néanmoins être prise avec une certaine réserve, dès lors qu'il concerne une forme particulière de cession (l'apport en société) pour lequel la contrepartie n'est pas le paiement d'un prix au sens strict du terme [29]. En outre, la Cour de cassation française exclut quant à elle toute prise en compte de l'intention animant le cessionnaire [30], ce qui est conforme à l'enseignement de la doctrine classique suivant lequel la loi frappe d'une véritable présomption de fraude toute acquisition de droits litigieux [31].

Nous reviendrons sur cette question, à nos yeux cruciale, à l'occasion de l'analyse de l'application du retrait aux cessions groupées de créances (voy. infra, III.) [32].

ii) Caractère litigieux des droits cédés

7.Procès en cours. L'article 1700 du Code civil précise que: « la chose est censée litigieuse dès qu'il y a un procès et contestation sur le fond du droit » [33] et pose de la sorte la première condition incontournable à l'exercice du retrait: le droit visé doit être litigieux.

Pour que le retrait litigieux puisse sortir ses effets, il faut donc non seulement qu'il existe un procès entre le cessionnaire et le débiteur cédé - ce qui implique que toute cession antérieure à l'intentement du procès fait échapper le droit cédé au retrait - mais également que ce dernier ait formulé une contestation sur le fond du droit en cause [34].

Il ne suffit dès lors pas qu'une citation ait été signifiée pour que l'on puisse considérer que le droit présente un caractère litigieux [35]: le débiteur doit de surcroît avoir contesté la réclamation dans un acte de la procédure engagée [36]. Cela implique également qu'il ne peut être question de retrait lorsque le droit en cause fait l'objet d'une procédure par défaut.

Rien ne nous semble par contre justifier l'interprétation consacrée par la jurisprudence française, suivant laquelle le retrayant doit nécessairement présenter la qualité de défendeur à l'action. En effet, comme le souligne à juste titre un auteur: « het kan ook zijn dat de zogenaamde schuldenaar zijn zogenaamde schuldeiser dagvaardt om te horen zeggen dat hem niets schuldig is » [37].

L'approche française s'explique par l'idée qu'il n'est pas opportun d'accorder le retrait à celui qui vient, par une prétention dont il est l'auteur, troubler la possession du cessionnaire [38]. Une telle inquiétude se justifie en particulier dans les opérations de cession de droits réels immobiliers [39].

Cette préoccupation pourrait néanmoins tout aussi bien être rencontrée en sanctionnant la fraude de celui qui crée artificiellement les conditions du retrait, en lui en refusant le bénéfice [40], ou en permettant au juge de vérifier le sérieux de la contestation et de refuser la mise en oeuvre du retrait lorsque celle-ci ne présente manifestement pas un tel caractère [41].

8.Contestation sur le fond du droit. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l'existence d'une contestation doit être appréciée « d'après la résistance opposée par le défendeur à l'action et d'après les moyens de défense qu'il y oppose, de sorte que si, à l'époque de la cession, le défendeur n'avait manifesté par aucun acte l'intention de ne pas obtempérer à la demande et s'il n'avait fait valoir aucun moyen de défense à l'action intentée contre lui, on ne peut dire qu'il y avait alors contestation ni que celle-ci existait sur le fond du droit et le mettait en péril » [42].

Le critère de la contestation sur le fond du droit implique donc que le débiteur ait fait valoir un moyen tendant à démontrer qu'il ne doit rien ou, à tout le moins, qu'il ne doit pas tout ce que le cessionnaire réclame de sa part [43].

Dès lors, une simple contestation sur la compétence, sur la recevabilité de la demande ou sur l'exécution du titre judiciaire n'est pas suffisante à rendre litigieux le droit en question [44], dans la mesure en tous cas où elle ne met pas en péril son existence ou son étendue [45].

A notre avis, la mise en cause de la responsabilité du créancier pour manquement aux obligations que la loi ou la jurisprudence met à sa charge [46] a pour effet de rendre litigieux le droit qu'il invoque contre le débiteur. La formulation d'un moyen en ce sens vise en effet à réduire l'obligation du débiteur, par le biais de la compensation [47].

9.Modes alternatifs de résolution des litiges. Qu'advient-il lorsque les parties décident d'avoir recours à un mode alternatif de résolution des conflits afin de résoudre le litige qui les oppose?

L'arbitrage ne soulève guère de difficulté: celui-ci relève de la fonction de juger et suppose la volonté des parties de voir trancher leur litige par un tiers étranger aux intérêts particuliers en jeu, à l'issue d'une procédure contradictoire se clôturant par une décision faisant autorité [48]. En d'autres termes, les parties ont recours à l'arbitrage en vue d'être départagées sur la base de leurs obligations et droits respectifs, avec les mêmes effets qu'une décision d'un tribunal [49]. Rien ne nous semble empêcher le mécanisme du retrait de s'appliquer dans une telle hypothèse [50].

Par contre, la médiation [51] et la conciliation [52] tendent essentiellement à favoriser la résolution du litige par la voie d'un accord. Dès lors, si leur mise en oeuvre suffit sans doute à révéler l'existence d'une contestation entre le créancier et son débiteur [53], leur objet est, au moins pour partie, d'éviter le procès [54]. Cela implique, selon nous, que leur existence ne suffit pas à rendre le droit litigieux au sens de l'article 1700 du Code civil [55].

iii) Caractère onéreux de la cession

10.Cession intervenant contre le paiement d'un prix en numéraire. Une limite au champ d'application du retrait résulte du type de cession qu'il concerne: il faut que la cession soit faite à titre onéreux puisque « l'exercice du droit de retrait (…) suppose que le droit litigieux a été cédé moyennant un prix que le retrayant rembourse au cessionnaire de la créance pour mettre un terme au litige » [56].

Cela n'implique néanmoins pas que la cession doive nécessairement s'analyser en une vente [57]. Le critère proposé par Henri De Page à ce sujet est que la cession ait eu lieu contre le paiement d'un prix en numéraire [58].

La référence à un tel critère se justifie par l'interprétation stricte de la notion de prix [59] auquel l'article 1699 du Code civil [60] fait référence [61]. Il est également possible de considérer qu'elle se justifie par l'impossibilité pour celui qui prétend exercer le retrait de fournir la contrepartie promise au cessionnaire dans la plupart des autres cas [62].

iv) Période de validité du retrait

11.Principes. La faculté de retrait s'éteint en même temps que le litige affectant le droit en cause: l'objet du retrait étant au moins pour partie de faire cesser les procès et de les éteindre, il ne peut en effet être question de retrait quand le droit n'est plus sujet à litige [63].

Un droit cesse donc d'être litigieux lorsque la contestation a été tranchée par une décision statuant sur le principal et qui est devenue irrévocable. L'exercice des voies de recours, en ce compris le pourvoi en cassation, conserve au droit son caractère litigieux. La même solution s'impose tant que le délai d'exercice des voies de recours ordinaires n'est pas encore expiré [64].

Par ailleurs, le retrait peut être exercé dès la cession du droit litigieux [65], sans qu'il y ait lieu d'attendre que la cession ait été notifiée au débiteur cédé. Le risque de spéculation existe en effet dès l'acquisition du droit par l'effet de la convention intervenue entre le cédant et le cessionnaire et ne dépend pas de l'accomplissement des formalités destinées à la rendre opposable aux tiers.

12.Cessions occultes. La délimitation du champ d'application ratione temporis du retrait est plus complexe à établir en cas de cession occulte de créance.

Rappelons à cet égard que l'article 1690 du Code civil [66] prévoit que la cession est opposable aux tiers autres que le débiteur cédé par la conclusion de la convention de cession, mais n'est opposable à ce dernier qu'à partir du moment où elle lui a été notifiée.

C'est donc par la notification de la cession au débiteur cédé que le cessionnaire s'assurera que celui-ci ne pourra plus valablement se libérer entre les mains du cédant ou entre celles de l'un de ses créanciers [67]. Une telle notification n'est toutefois pas obligatoire et les parties à la cession peuvent donc décider de ne jamais notifier la cession au débiteur cédé; l'on parle dans un tel cas de « cession occulte » ou, en néerlandais, de « stille cessie ».

Qu'advient-il, alors, si le débiteur cédé ne prend connaissance de la cession qu'une fois le procès terminé?

Pensons notamment à la situation dans laquelle le contrat de cession s'accompagne par l'octroi d'un mandat non représentatif d'encaissement [68]. Une telle opération présente un avantage pratique: le débiteur n'est pas inquiété par l'existence d'un changement de créancier et le cessionnaire ne doit pas entrer dans une relation commerciale directe avec le débiteur [69]. Elle ne constitue par ailleurs pas un cas de simulation, dès lors qu'une simulation implique qu'un acte apparent remplace un acte réel ou l'absence d'acte. Or, en cas de cession occulte, l'acte réel de cession correspond à l'acte apparent, il n'est simplement pas rendu opposable au débiteur cédé [70].

Dans un tel cas, si le débiteur cédé veut faire valoir son droit au retrait une fois le procès terminé, il devra, selon nous, faire un détour par le principe général de droit fraus omnia corrumpit [71] et, dès lors, établir l'existence d'une fraude à ses droits, laquelle implique « la volonté malicieuse, la tromperie intentionnelle, la déloyauté dans le but de nuire ou de réclamer un gain » [72], [73].

Quant aux conséquences attachées à la démonstration de l'existence d'une telle fraude, un parallèle pourrait être fait avec les effets de la fraude en matière de prescription: une partie de la doctrine suggère en effet, à titre de sanction du comportement frauduleux, de reconnaître à la victime la faculté de faire valoir son droit après l'acquisition du bénéfice de la prescription, à la condition qu'elle agisse sans retard injustifié - dans un délai raisonnable - après avoir eu connaissance des faits en cause [74], [75].

v) Exceptions

13.Exceptions légales. L'article 1701 du Code civil [76] énumère trois hypothèses dans lesquelles la cession de droits litigieux ne peut pas donner lieu à retrait [77].

La première vise celle faite à un cohéritier ou copropriétaire du droit cédé. Elle ne s'applique donc qu'au cas où il existe une indivision entre cédant et cessionnaire. Dans un tel cas, l'exclusion du retrait se justifie par la volonté de faire cesser l'indivision ou de réduire le nombre des indivisaires et ainsi de limiter les occasions de procès entre eux [78].

Dans la deuxième hypothèse, le cessionnaire accepte de recevoir des droits litigieux en règlement de sa créance. La cession a alors pour but d'éteindre une dette du cédant à l'égard du cessionnaire, sous la forme d'une dation en paiement.

La troisième hypothèse est celle dans laquelle la cession a été faite au possesseur de l'héritage sujet au droit litigieux. Il s'agit d'une hypothèse complexe, qui semble être extrêmement rare en fait [79].

Le point commun entre ces trois exceptions est l'existence d'une juste cause à la cession et, dès lors, le fait que, dans les situations qu'elles visent, « loin de spéculer sur l'issue d'un procès, le cessionnaire acquiert des droits qui lui permettent de conforter sa position ou d'en acquérir une meilleure » [80].

14.Exception découlant du caractère accessoire du droit litigieux [81]. En règle, le retrait litigieux est exclu si le droit qui en est l'objet a été cédé en tant que simple accessoire d'un droit principal qui ne fait pas l'objet d'une contestation [82], à la condition toutefois, suivant la jurisprudence française, qu'il soit en outre inséparable de ce droit [83]. C'est au juge du fond qu'il appartient d'apprécier souverainement le lien que les droits présentent entre eux.

Cela s'explique par le fait que, dans un tel cas, l'acquéreur ne spécule pas sur un droit incertain, mais l'acquiert par l'effet d'une cession portant sur des droits qui ne font pas l'objet de contestation [84].

Notre Cour de cassation partage globalement cette approche, sans pour autant consacrer le critère d'inséparabilité à laquelle son homologue française se réfère: « pour l'application des articles 1699 et 1700 du Code civil, la cession d'un droit accessoire ne peut faire l'objet d'un retrait si celui-ci ne peut s'exercer sur la cession du droit principal » [85].

Ainsi, une contestation relative à un gage ou à une hypothèque qui garantit un droit qui n'est lui-même pas contesté ne le rend pas litigieux. Pour le surplus, cette question présente surtout un intérêt en cas de cession groupée présentant un caractère hétérogène, telle que la cession d'un fonds de commerce, que nous n'aborderons néanmoins pas en détails ici [86].

C. Mise en oeuvre du retrait

15.Plan. Le retrait litigieux ne peut être exercé par le débiteur cédé qu'à la condition qu'il soit en mesure de remettre le retrayé dans la situation dans laquelle il se trouvait avant la cession, en lui remboursant le prix réel de la cession (infra, i.).

Cette précision exceptée, le retrayant dispose d'une grande latitude dans la manière dont il entend faire usage de la faculté que la loi lui octroie - qui n'est soumise à aucune exigence de forme particulière - et qui lui permettra de se débarrasser purement et simplement du cessionnaire (infra, ii.).

Dans certains cas, les effets du retrait pourront de surcroît bénéficier à d'autres parties que le seul débiteur le mettant en oeuvre (infra, iii.).

i) Remboursement du prix réel de la cession

16.Remise du retrayé dans la situation dans laquelle il se trouvait avant la cession. Le débiteur cédé doit, s'il veut faire usage du retrait, rembourser au cessionnaire le prix réel de la cession, en ce compris les intérêts de ce prix à partir du jour du paiement, les frais relatifs à la cession et les frais de l'instance suivie par le cessionnaire jusqu'à la demande en retrait, ainsi que ceux exposés par le cédant, s'ils ont été contractuellement mis à la charge du cessionnaire [87].

En effet, si le législateur a entendu protéger les débiteurs cédés contre les pressions indues de spéculateurs mal intentionnés, il a aussi voulu « dat de overnemer die de naasting ondergaat, wordt hersteld in de toestand van voor de overdracht, zodat slechts de nagestreefde winst ontsnapt  » [88].

Ce n'est que dans cette mesure qu'il est possible de dire que « si l'exercice du [retrait] fait perdre l'espoir d'une plus-value au cessionnaire, il ne lui porte pas pour autant préjudice » [89]. Pour ce faire, la notion de prix réel doit être envisagée comme le montant dont le remboursement permet la libération du retrayant, sans pour autant léser le retrayé: « l'objet [de l'article 1699 du Code civil] est que les cessionnaires soient détournés de faire de ces odieux marchés, de par la crainte de n'en pas tirer le bénéfice » [90] ni plus, ni moins.

Le prix réel de cession visé par l'article 1699 du Code civil [91] est donc celui véritablement payé par le cessionnaire pour l'acquisition des droits litigieux. Il ne s'agit ni de la valeur en litige dans le procès, ni de la valorisation des droits litigieux dans les comptes du cédant ou du cessionnaire: les parties sont en effet totalement libres de déterminer le prix auquel elles entendent se transférer ces droits.

Cela implique également que c'est le prix effectivement payé par le cessionnaire qui devra être recherché, et pas nécessairement celui mentionné dans l'acte de cession: « il serait autrement trop facile aux parties de paralyser le retrait en majorant fictivement le prix de la cession ou, au contraire en donnant la fausse apparence d'une cession du droit à titre gratuit » [92]. Le cas échéant, les règles régissant la théorie de la simulation trouveront à s'appliquer [93].

Il convient de noter à ce sujet que le projet de réforme du droit des obligations prévoit l'ajout dans la loi de la précision suivant laquelle « le débiteur cédé peut exiger des parties la preuve des montants » nécessaires à la détermination du prix réel de la cession [94].

Comme nous le verrons, l'évolution de la pratique économique a conduit à une adaptation de la notion de prix réel de la cession, jusqu'à la transformer en une simple valeur arithmétique, détachée de l'équilibre initialement voulu par le législateur (voy. infra, n° 30, 32 et 34).

ii) Modalités d'exercice et effets du retrait

17.Exercice du retrait. L'exercice du retrait n'est soumis à aucune exigence particulière de forme. Il est en principe adressé au cessionnaire, puisque c'est à lui qu'il appartient de l'accepter ou d'en contester la réunion des conditions de mise en oeuvre.

Les parties s'accordant sur l'exercice du retrait peuvent le consacrer sous la forme d'un simple acte sous seing-privé: le retrait prend alors la forme d'une convention par laquelle le cessionnaire accepte la proposition du retrayant de prendre à son compte le marché qu'il a fait avec le cédant.

Alternativement, le retrayant peut également agir par voie de conclusions lorsque le cessionnaire est (devenu) partie au procès, qu'il ait repris l'instance ou y soit intervenu.

Dans un tel cas, le retrait ne pourra jamais être exercé à titre subsidiaire: celui-ci étant destiné à éviter l'exercice de pressions indues sur le débiteur cédé à l'occasion du procès, il serait en effet contraire à sa raison d'être que ce dernier ne l'exerce après qu'il ait été statué sur le fond du droit litigieux, à savoir après que le droit ait cessé de l'être [95].

En l'absence de procédure pendante et à défaut d'accord sur l'exercice du retrait, le retrayant n'a d'autre choix que de citer le cessionnaire devant le tribunal pour entendre donner acte du retrait et le voir valider [96]. Dans cette hypothèse, si les conditions du retrait sont réunies, le juge donnera acte de l'offre de remboursement du cédé, et constatera le retrait.

18.Effets du retrait. Comme nous l'avons vu [97], le mécanisme mis en place par le législateur prévoit une indemnisation quasi intégrale du cessionnaire, qui n'est tenu de supporter que la perte du lucrum cessans éventuel. En contrepartie de cette indemnisation, le cessionnaire se voit enlever les droits qui lui ont été cédés et est censé ne les avoir jamais acquis vis-à-vis du débiteur cédé [98].

Ainsi, par le retrait, le débiteur cédé se débarrasse purement et simplement du cessionnaire: à son égard, il n'y aura désormais plus de droit litigieux, ce dont le cessionnaire ne pourra en aucune manière se plaindre [99].

Le retrait expulse, exproprie réellement le cessionnaire et, par voie de conséquence, fait disparaître le procès [100]. S'agissant d'un moyen de libération organisé par la loi, le retrait nous semble également avoir pour conséquence inévitable que les droits acquis par les tiers entre la cession et son exercice ne peuvent être opposés au retrayant [101].

Selon Henri De Page, par l'effet de la subrogation réelle, le tiers saisissant pourra néanmoins reporter ses droits sur la créance en remboursement du prix de la cession due au retrayé [102]. La même solution nous semble s'imposer en présence d'une hypothèque [103] ou d'un gage [104].

Pour le surplus, dès lors que le mécanisme du retrait n'est destiné qu'à purger le procès, dans l'intérêt du cédé - voire, dans une certaine mesure, du cédant, mais en aucun cas dans celui du cessionnaire - le retrait ne pourra avoir une influence négative quelconque sur l'éventuelle action en paiement du prix de la cession du cédant contre le cessionnaire [105], à tout le moins si le cessionnaire a bien été informé du caractère litigieux du droit qu'il acquiert et s'est donc engagé en connaissance de cause [106].

Le retrait n'aura, enfin, pas pour effet de conférer au cédant une action directe contre le cédé: ce mécanisme demeure pour lui une res inter alios acta [107].

19.Moment de la prise d'effets du retrait. La position défendue par certains auteurs suivant laquelle la simple déclaration du retrayant suffit pour que le retrait sorte ses effets ne nous paraît pas convaincante.

Le retrait litigieux opère, en effet, la libération du débiteur. Or, une telle libération ne nous semble pouvoir être acquise que par le paiement de l'indemnité due ou par des offres réelles [108].

iii) Réflexions complémentaires relatives aux personnes pouvant bénéficier du retrait

20.Codébiteurs. La Cour de cassation a décidé que « le débiteur retrayant qui a remboursé au cessionnaire un droit litigieux conformément à l'article 1699 du Code civil, est libéré de sa dette (…) par conséquent, les codébiteurs sont également libérés, sous réserve du prix, des frais et des intérêts à compter du paiement, que le débiteur cédé a payé » [109].

Dans un tel cas, le cessionnaire retrayé perd son droit contre tous les codébiteurs, le retrayant pouvant ensuite exercer son recours contre ses coobligés au prorata de la dette initiale de chacun, non sur le montant de cette dette, mais sur le montant qu'il a payé pour l'éteindre [110].

21.Cautions. Une controverse est née en France au sujet de la possibilité, pour une caution, de faire appel au mécanisme du retrait.

Selon une partie de la doctrine, la caution ne devrait pas bénéficier du retrait, dès lors que « l'article 1699 du Code civil réserve le retrait au débiteur du droit litigieux cédé, ce que n'est pas la caution dans ce cas-là » [111]. La créance résultant du contrat de cautionnement n'est en effet, dans une telle hypothèse, cédée qu'à titre d'accessoire de la créance garantie.

Certains auteurs soutiennent néanmoins, sur la base d'arrêts de la Cour de cassation française [112], que la caution doit pouvoir faire appel au mécanisme du retrait [113].

Cette difficulté ne se présente bien entendu pas dans la situation, sans doute assez rare en pratique, dans laquelle c'est la créance issue du contrat de cautionnement qui est cédée [114].

L'on pourrait également associer à cette hypothèse celle dans laquelle la créance principale ne vaut plus rien du fait de l'insolvabilité du débiteur. En effet, dans un tel cas, seule la créance issue du contrat de cautionnement conserve de la valeur, ce qui implique que le prix apparemment payé pour l'achat de la créance garantie porte en réalité sur l'achat du droit que le créancier dispose envers la caution [115].

22.Action oblique. Il nous semble que le retrait ne saurait valablement être exercé par un créancier par la voie de l'action oblique.

En effet, cette action n'est offerte au créancier que s'il apparaît que son débiteur se désintéresse de ses propres droits, lorsque ce désintérêt découle de son laisser-aller, de son indolence, de son retard ou de sa paresse, voire même de sa malveillance, ou de raisons d'ordre affectif ou familial [116].

En outre, l'article 1166 du Code civil n'a pas pour objet « de permettre [au créancier] de se substituer à son débiteur dans la gestion même de son patrimoine  » et les simples facultés ne peuvent être exercées par voie oblique « car elles ne constituent pas des droits nés et actuels, se rapportant à une situation juridique déjà réalisée dans ses éléments essentiels » [117].

Or, le retrait se rapproche plus d'une faculté que d'un droit: son exercice induit en effet, par le paiement qu'il nécessite, un arbitrage entre, d'une part, un paiement anticipé pour un montant en principe plus faible que la valeur postulée en justice et, d'autre part, l'exécution de la créance cédée à l'issue du procès, selon les modalités arrêtées par la décision y mettant fin [118].

III. Retrait litigieux et cessions groupées: état de lieux
A. Introduction

23.Position de la question. Les développements de la pratique économique soulèvent de manière régulière la question du sort qu'il convient de réserver au retrait lorsque le droit litigieux n'est pas transmis de manière isolée, mais à titre d'élément d'un ensemble cédé.

En pratique, il nous semble que deux hypothèses doivent être distinguées afin d'aborder cette question.

La première est celle dans laquelle la cession du droit litigieux intervient à l'occasion de la transmission universelle (ou à titre universel) du patrimoine, organisée par des dispositions légales spécifiques, consacrant un régime dérogatoire à celui résultant des articles 1690 et suivants du Code civil [119] (infra, B.).

La seconde concerne les cessions globales qui ne sont pas, en tant que telles, organisées par la loi et qui reposent dès lors - sous réserve d'éventuelles dispositions destinées à en faciliter la mise en oeuvre [120] - sur le droit commun du Code civil [121] (infra, C.).

Après avoir analysé la question de l'application du retrait dans ces deux cas de figure, nous serons en mesure d'établir un premier diagnostic au sujet de sa compatibilité avec la pratique économique contemporaine, en général, et les opérations de cession globale de créances, en particulier (infra, E.).

B. Opérations de transmission universelle ou à titre universel

24.Plan. La transmission universelle porte, activement et passivement, sur la totalité d'un patrimoine, tandis que la transmission à titre universel a pour objet une quotité d'un patrimoine [122].

En cas de succession légale ou de legs (universels ou à titre universel), le droit litigieux ne fait pas à proprement parler l'objet d'une cession au sens de l'article 1699 du Code civil, puisque les héritiers ou légataires universels sont saisis de plein droit, par l'effet de la loi, des biens qui leur sont transmis; le retrait litigieux n'a donc pas vocation à s'appliquer à de telles opérations [123] (infra, i.).

L'assimilation des effets des opérations de restructuration organisées par le Code des sociétés et des associations (ci-après, le « CSA ») à ceux découlant de l'article 1122 du Code civil [124] nous paraît également écarter le retrait de ces opérations ainsi que, par extension, des apports ou cessions d'universalités ou de branches d'activités (infra, ii.).

Dans toutes ces hypothèses, en effet, la transmission du droit litigieux ne trouve pas son fondement dans les articles 1690 et s. du Code civil mais dans la disposition les consacrant spécifiquement; les conséquences découlant des articles 1699 et s. du Code civil [125] s'en trouvent, par voie de conséquence, neutralisées [126].

i) Droit civil

25.Successions et legs (universels ou à titre universel). Les libellés des articles 724 [127], 1006 [128] et 1122 [129] du Code civil impliquent que les héritiers sont, par le seul fait du décès, saisis des biens, droits et actions du défunt. Ils sont en outre de plein droit parties aux conventions conclues par leurs auteurs.

Le débiteur d'un droit litigieux pourrait-il faire usage du mécanisme du retrait dans un tel contexte?

Cette question doit recevoir une réponse négative dès lors que le droit litigieux est transféré de plein droit, par l'effet de la loi, et ne résulte pas d'une convention translative résultant d'un accord de volonté entre le cédant et le cessionnaire: « en réalité, ce droit ne se retrouve dans le patrimoine de l'héritier que parce que l'auteur est décédé et que, dès le départ, ce dernier était censé stipuler au profit de ses héritiers et ayants cause » [130].

Cette conclusion nous paraît en outre être confirmée par le fait que les circonstances dans lesquelles le droit litigieux est acquis par son nouveau titulaire exclut toute intention spéculative dans son chef et fournit de surcroît une cause légitime à la cession.

ii) Droit des sociétés

26.Fusions, scissions et opérations apparentées. Le droit des sociétés consacre la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante (art. 12:2 CSA [131]) ou des sociétés qui fusionnent à la société issue de la fusion (art. 12:3 CSA [132][133] ainsi que la transmission à titre universel de ce patrimoine dans les cas de scissions prévus par les articles 12:4 et s. du CSA [134], [135]. A ces opérations s'ajoutent celles qui y sont assimilées par les articles 12:7 et 12:8 du CSA.

Dans toutes ces hypothèses, la transmission résulte de l'article 12:13, alinéa 1er, du CSA [136], qui prévoit que « La fusion ou la scission entraîne de plein droit et simultanément les effets juridiques suivants: (…) 3° l'ensemble du patrimoine, activement et passivement, de chaque société dissoute est transféré aux sociétés bénéficiaires », l'article 12:14 [137] de ce code précisant qu'elle est opposable aux tiers dans le respect des formalités consacrées par son article 2:18 [138], [139].

Le transfert d'un droit litigieux dans un tel contexte ne se fonde pas sur le droit commun du Code civil mais sur les dispositions précitées du CSA. En outre, par analogie avec l'article 1122 du Code civil, l'on considère que la société absorbante (ou issue de la scission) n'est pas tierce par rapport aux opérations auxquelles la société absorbée (ou scindée) était partie, mais doit, au contraire, être regardée comme son ayant cause (à titre) universel [140].

Dans cette mesure, il ne pourrait, selon nous, être question de cession du droit litigieux au sens de l'article 1699 du Code civil: « hoewel er in die gevallen in zekere zin ook een overdracht van rechten plaatsvindt, is die overdracht geen op zichzelf staande transactie maar eerder één van de rechtsgevolgen van een wijziging in rechtspersoonlijkheid of rechtsbekwaamheid » [141].

Sauf volonté contraire des parties [142], la même conclusion s'impose en cas d'apports d'universalité ou de branches d'activités, conformément aux articles 12:96 [143] et 12:98 du CSA [144].

Il n'est dès lors pas surprenant que l'application du retrait ait été exclu par la Cour de cassation française en cas de transfert résultant d'une scission [145].

27.Cessions d'universalité et de branche d'activité. Le législateur consacre également la possibilité [146], pour les parties qui envisagent de conclure un contrat de cession d'universalité [147] ou de branches d'activités [148], de soumettre [149] cette cession à la procédure relative aux apports d'universalités et de branches d'activités dont il a été question au point précédent.

Selon nous, le choix d'une telle procédure a pour conséquence d'écarter le retrait, dès lors que l'article 12:103 du CSA [150] prévoit que la cession de l'universalité ou de la branche d'activité a les effets visés à l'article 12:96 de ce code [151]. Le bénéficiaire d'une telle cession a donc, lui aussi, qualité d'ayant cause à titre universel du cédant, et la cession des éléments d'actif et de passif concernés est opposable aux tiers par le seul respect des formalités prévues par l'article 12:98 du CSA [152], qui renvoie à cet égard à l'article 2:18 de ce code.

Si les parties ne font pas usage de ce régime facultatif, la cession s'opérera sur la base du droit commun des obligations, avec toutes les difficultés et controverses qui en résultent dans la matière qui nous occupe (à ce sujet, voy. infra, C.).

Comme chacun sait, en effet, la cession d'un fonds de commerce - auquel l'universalité sera assimilée par défaut - n'est pas organisée par le droit belge, celui-ci s'analysant, dans notre pays, comme une simple universalité de fait [153], dont la transmission requiert la cession des divers éléments le composant [154].

C. Cessions groupées non organisées

28.Plan. Nous avons vu que le retrait a vocation à s'appliquer à l'occasion de toutes les cessions à titre onéreux de droits litigieux reposant sur les articles 1690 et s. du Code civil, quelle que soit la forme que cette cession adopte, du moment qu'elle a lieu contre le paiement d'un prix en numéraire [155].

Rien ne justifie en effet que les parties à la cession puissent tenir en échec une faculté que le retrayant tire de la loi pour la seule raison que le droit litigieux a été cédé dans le contexte d'une cession globale, intervenant au moyen d'un montage juridique complexe.

Le retrait litigieux ne nous semble dès lors pouvoir être écarté des opérations qui se fondent sur le droit commun de la cession de créance - dont il fait partie - qu'à la condition d'établir la volonté du législateur d'en neutraliser les effets [156].

La situation la plus évidente sera celle dans laquelle une disposition légale prévoit expressément une telle dérogation.

Le retrait devra également être écarté lorsqu'il faut conclure à son incompatibilité avec le régime mis en place par les dispositions régissant - ou visant à faciliter - l'opération de cession groupée dans le cadre duquel le droit litigieux a été transmis [157].

Faute d'être dans l'une ou l'autre de ces deux hypothèses, les dispositions de droit commun auront vocation à régir la cession globale en cause, en ce compris, dès lors, les articles 1699 à 1701 du Code civil [158].

Bien entendu, cette circonstance n'implique pas pour autant que le retrait s'appliquera de manière automatique à de telles opérations: le droit du retrayant demeure en effet subordonné aux conditions d'application dont il a été question dans la première partie de notre exposé (à ce sujet, voy. supra, nos 7 à 14).

Comme nous allons le voir, cette exigence est toutefois interprétée de manière particulièrement souple par la Cour de cassation française, ce qui nous semble non seulement détourner le retrait de son utilité sociale, mais également intervenir au détriment de la sécurité juridique d'opérations pourtant voulues et encouragées par le législateur (infra, ii.)

Nous proposerons dès lors une manière alternative de concilier cessions groupées et retrait litigieux, sans en dénaturer la raison d'être (infra, iii.).

i) Approche française [159]

29.Principe: application du retrait aux opérations de cessions globales. Sans doute afin d'éviter que les cessions groupées ne deviennent un moyen de contourner les effets de l'article 1699 du Code civil, la Cour de cassation française consacre le principe suivant lequel la nature globale de l'opération à l'occasion de la cession intervient n'est pas un obstacle à ce que le débiteur cédé puisse invoquer la faculté que cette disposition lui octroie.

En théorie, sa position n'est pas contestable. En pratique, lorsque les parties n'ont convenu qu'un prix unique et global pour la cession, se pose toutefois la question de la détermination du prix réel de la cession du droit litigieux, ce qui est plus problématique.

La Cour de cassation française considère en effet à ce sujet que le seul fait que la cession d'un bloc de créances a été faite pour un prix global calculé statistiquement, et non créance par créance, n'est pas, en soi, de nature à écarter le retrait [160]: il suffit que le prix réel de la cession puisse être déterminé en fonction d'éléments précis et concrets produits par les parties [161], [162].

Cette solution soulève toutefois plusieurs problèmes fondamentaux, divisant la doctrine (voy. les points suivants).

30.Méthode artificielle de détermination du prix de la cession. Dans un arrêt du 24 janvier 2018 [163], la Cour de cassation française a, une nouvelle fois, justifié la légalité du calcul du prix réel de la cession retenu par les juges d'appel par le fait que celui-ci reposait sur une interprétation de la commune intention des parties à la cession et respectait l'accord intervenu entre elles, privant de la sorte de fondement le grief formulé par le pourvoi, dénonçant la violation de l'article 1591 du Code civil.

Même si la Cour lui a finalement donné tort, nous ne pouvons nous empêcher de partager la position du demandeur en cassation, suivant laquelle il est plus que douteux que la méthode de calcul en cause correspondait effectivement à la commune intention des parties et ne dénaturait pas l'opération conclue entre elles.

En effet, l'arrêt avait été déféré à la censure de la Cour de cassation française pour avoir décidé que les constats suivants lesquels (i) « l'acte de cession stipule que certains éléments du portefeuille de créances ont une valeur quasiment nulle et d'autres une valeur proche de leur valeur faciale, avec toutes sortes de situations intermédiaires »; (ii) « le prix d'un portefeuille de créances tient compte de l'appréciation qu'ont le cédant et le cessionnaire du risque et des chances de recouvrement »; (iii) « les parties, qui n'ont pas procédé (…) à une analyse financière de chaque créance cédée (…) ont procédé par voie statistique » suffisent à établir que la valeur de chaque créance transmise à l'occasion de la cession a été considérée comme identique par les parties, ce qui implique que le prix de chaque créance pouvait être déterminé au moyen de la division du prix global du portefeuille par le nombre de créances acquises.

Or, le fait de ne pas avoir procédé à une analyse financière de chaque créance cédée - ou, de manière plus générale, d'avoir eu recours à une méthode statistique - n'implique pas pour autant que les parties n'ont pas procédé à l'évaluation de la valeur du portefeuille cédé en prenant, un minimum, compte des différences existant entre les créances le composant (comme p. ex. celle résultant de leur valeur nominale respective).

Par ailleurs, et de manière beaucoup plus fondamentale, les parties à la cession n'ont sans doute tout simplement jamais entendu valoriser la créance faisant l'objet du retrait de manière indépendante du reste des créances concernées par l'opération, qui participent toutes à l'équilibre économique voulu par elles.

Cela nous paraît impliquer que, contrairement à ce que décide la jurisprudence française, il n'est tout simplement pas possible d'isoler - autrement qu'artificiellement - le prix réel de la cession d'une créance cédée à l'occasion d'une opération envisagée de manière globale, et que ce prix ne peut, en tous cas, être établi au moyen d'une méthode de calcul aussi simpliste que celle dont il vient d'être question, totalement détachée des caractéristiques concrètes de l'opération en cause.

31.Différences de traitement peu justifiables. A l'inverse de la décision évoquée au point précédent, un arrêt de la Cour de cassation française du 22 mars 2011, également rendu dans le cadre d'une affaire relative à la cession d'un portefeuille de créances, confirme que le juge du fond peut légalement écarter le retrait sur la base du constat suivant lequel « les stipulations de l'acte ne donnant aucun élément permettant de savoir, en dehors d'une procédure contentieuse, si [la valeur de la créance litigieuse en cause] est nulle ou proche de sa valeur faciale (…) il serait impossible [au cessionnaire] de justifier de son prix de cession » [164].

Dans la mesure où les magistrats sont libres de l'appréciation du caractère déterminable (ou non) du prix de cession de la créance litigieuse, il est dès lors possible que, dans certains cas, le retrait soit écarté pour la seule raison que le juge considère que les modalités particulières de l'opération en cause n'ont pas été suffisamment précisées par les parties à la cession alors que, dans d'autres cas, pourtant tout à fait comparables, le retrait pourra sortir ses effets, au moyen d'une méthode de calcul censée traduire la commune intention des parties à la cession sur ce point.

Certes, la liberté des magistrats à ce sujet est limitée: il leur est ainsi interdit d'écarter le retrait pour la seule raison que le prix global est calculé statistiquement [165]. De manière plus spécifique, le fait qu'il existe un prix complémentaire, déterminé en fonction du résultat des procédures, n'est pas non plus une cause d'exclusion du retrait, si ce prix complémentaire n'est pas aléatoire et est seulement soumis à une condition de perception des fonds [166].

Il n'en demeure pas moins qu'en refusant d'aller jusqu'au bout de son raisonnement et d'analyser le prix réel de la cession comme un résultat arithmétique (à ce sujet, voy. également le point suivant), la Cour de cassation française, alors qu'elle admet le principe de l'établissement d'un prix de cession artificiel, tolère que des retrayants placés dans des situations objectivement similaires soient traités de manière différentes, pour de simples considérations d'ordre pratique.

32.Partisans d'une approche objective complète. Cette jurisprudence est critiquée par les partisans d'une approche que l'on pourrait qualifier d'objective, en vertu de laquelle « la vente 'en bloc' n'est pas un problème, il [suffit de] ventiler » [167].

Selon ces auteurs, si, subjectivement, les parties n'ont pas entendu donner un prix spécifique à la cession de la créance litigieuse, il existe néanmoins un prix objectif à cette cession, pouvant toujours être déterminé au moyen des éléments de la cause. Dans cette mesure, le prix de cession visé par l'article 1699 du Code civil devrait toujours être considéré comme déterminable par le juge, et ce d'autant plus, ajoutent-ils, que rien ne justifie que les parties à la cession puissent paralyser une prérogative que la loi attribue au débiteur cédé par le choix des modalités de calcul du prix de la cession [168].

Afin de déterminer ce prix, ils suggèrent d'utiliser une simple méthode arithmétique, consistant à appliquer à la valeur nominale de la créance le coefficient de décote résultant du rapport entre le prix d'acquisition du bloc de créances et le montant total des valeurs nominales des créances cédées.

Le cas échéant, ils soulignent que ce calcul peut être affiné si, au sein du portefeuille, les créances sont classées par catégories pour lesquelles un prix, ou un coefficient d'abattement dû aux incertitudes de recouvrement, est indiqué [169].

Alternativement, ils soutiennent que le prix pourrait être fixé par le juge en cherchant à établir la ventilation qui lui semble correspondre à la volonté des parties, à la lumière des éléments et circonstances de la cause, et ce sans être tenu par l'éventuelle proposition faite par le retrayant, mais sans qu'il ne lui soit non plus interdit de l'entériner, s'il la considère convaincante [170].

33.En conclusion. La solution consacrée en France a le mérite de ne pas rendre le retrait totalement inefficace face aux opérations de transmission envisagées de manière globale.

Elle nous paraît dès lors cohérente avec le principe suivant lequel, en règle, les débiteurs de droits litigieux ne devraient pas voir leur faculté de retrait écartée à l'occasion de cessions qui reposent sur le droit commun du Code civil, dont le retrait litigieux fait partie.

Elle intervient toutefois au moyen d'une détermination artificielle du prix réel de la cession du droit en cause, au détriment de l'équilibre sur lequel le retrait litigieux avait initialement été envisagé par le législateur.

Selon nous, cette circonstance rend nécessaire de chercher, dans chaque cas d'espèce dans lequel le retrait est invoqué, une méthode de calcul permettant d'établir un prix de cession qui prend dûment en compte les caractéristiques propres de l'opération en cause. A cet égard, l'approche objective, évoquée au point précédent, si elle n'est pas parfaite, nous paraît devoir être préférée à celle consacrée par la Cour de cassation française, qui manque singulièrement de cohérence.

Cette transformation du prix réel de la cession en une simple valeur de calcul n'est toutefois acceptable qu'à la condition que le champ d'application du retrait soit limité aux seules hypothèses dans lesquelles le risque spéculatif qu'il est destiné à combattre est effectivement susceptible d'exister.

Dans cette mesure, c'est l'arrêt du 15 janvier 2013 de la Cour de cassation française qui nous semble le plus problématique, en ce qu'il censure la décision par laquelle la cour d'appel de Paris avait exclu la mise en oeuvre du retrait en raison du fait que « (...) la cession de créances, dont le but était de céder les procédures en cours aux associés de la société (...) afin de clôturer la liquidation amiable de cette société, est intervenue sans intention spéculative des parties » [171], [172].

Cette position, certes conforme à l'enseignement de la doctrine classique, est particulièrement choquante à la lumière des conséquences concrètes de l'application du retrait dans cette affaire: la créance litigieuse - dont la valeur postulée en justice était de 100.000 EUR - fut réduite de plus de 99,999% de sa valeur, puisqu'elle avait été cédée aux anciens associés de la société en liquidation pour le prix symbolique de 1 EUR [173].

Dans un tel cas, plutôt qu'un mécanisme de protection du débiteur contre les manoeuvres abusives d'un créancier procédurier peu scrupuleux, le retrait devient un droit d'aubaine qui, sous couvert d'assèchement du contentieux, remet en cause la pérennité d'opérations juridiques pourtant très éloignées des préoccupations qui ont conduit à son adoption.

ii) Proposition de solution

34.Proposition d'application raisonnée de la faculté de retrait. La raison d'être principale du retrait est, selon nous, la protection des débiteurs cédés contre les pressions que les acheteurs de procès pourraient être tentés de leur faire subir en vue d'obtenir le remboursement d'une créance acquise dans un but de pure spéculation.

Pour cette raison, nous pensons que le retrait litigieux ne devrait pas sortir ses effets dans des hypothèses dans lesquelles l'opération en cause n'est pas destinée, dans l'esprit des parties, à valoriser et à transférer spécifiquement les aléas d'un procès [174].

Lorsque l'opération ne traduit pas une intention d'exploiter les faiblesses du débiteur, il n'est en effet pas acceptable de lui donner la possibilité d'éteindre sa dette au moyen du remboursement d'un montant forfaitaire, qui ne correspond la plupart du temps pas au véritable prix payé par le cessionnaire pour acquérir le droit concerné (à ce sujet, voy. supra, nos 30, 32 et 34).

Il faut dès lors reconnaître au cessionnaire la possibilité d'établir que l'acquisition du droit litigieux se justifie par d'autres motifs que la seule volonté de spéculer sur l'issue du procès en cours; l'arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 1946, dont il a été question ci-avant, paraît d'ailleurs admettre une telle possibilité [175].

Cette solution est en tous cas cohérente avec le fait que le législateur contemporain considère que la principale raison d'être du retrait - pour ne pas dire la seule - est la lutte contre une certaine forme de spéculation.

Ainsi, la proposition de loi réformant le droit des obligations souligne que l'article 1699 du Code civil « vis[e] à dissuader [les] cessions spéculatives  » [176], sans aucune référence aux autres motifs parfois avancés pour justifier le mécanisme que cette disposition consacre [177].

Lors des discussions ayant eu lieu à la Chambre au sujet de la lutte contre les activités des fonds vautours - dont nous parlerons plus en détails dans la suite de notre exposé - c'est également la lutte contre une forme malsaine de spéculation qui fut avancée comme raison d'être de ce mécanisme: « [l'article 1699 du Code civil] a pour but de lutter contre des opérations malsaines: une personne rachète à bas prix une créance contestée devant les tribunaux pour spéculer sur la possibilité d'en obtenir le remboursement à sa valeur nominale. Le législateur neutralise cette intention spéculative en interdisant au nouveau créancier de réclamer plus que le prix d'achat qu'il a payé pour acquérir cette créance » [178].

Sauf à revenir à une interprétation stricte de la notion de prix réel de la cession - ce qui aurait pour conséquence, à nos yeux peu indiquée, d'exclure le retrait de presque toutes les opérations de cession envisagées comme un tout [179] - ce n'est donc que par la consécration du droit, pour les parties à la cession, d'établir que celle-ci n'était pas animée par une telle spéculation malsaine, qu'il nous paraît possible de préserver l'utilité sociale du retrait, sans pour autant mettre indûment en danger la pérennité des opérations de cession globale incluant des droits litigieux [180].

Si la question peut, à première vue, paraître théorique, il suffira de souligner que l'interprétation souple des conditions d'application du retrait litigieux consacré par la Cour de cassation française la conduit à admettre qu'il puisse sortir ses effets dans le contexte des opérations de titrisation de créances, à contre-courant de la volonté des législateurs européens de faciliter la mise en place de ce genre d'opérations (à ce sujet, voy. les points suivants).

D. L'exemple de la titrisation

35.Position de la question et plan. Selon la Cour de cassation française, il n'existe, dans le cas de la titrisation, ni incompatibilité [181], ni dérogation avec les dispositions du Code civil régissant le retrait et « la circonstance que la cession des créances litigieuses se réalise au profit d'un fonds commun de créances, aux conditions prévues par [les dispositions légales organisant la titrisation], ne fait pas obstacle à l'exercice du droit au retrait litigieux prévu à l'article 1699 du Code civil » [182].

Ce constat fait, c'est au moyen de l'application des principes dégagés ci-avant qu'elle analyse, au cas par cas, la possibilité pour les retrayants d'invoquer leur droit dans le cadre d'opérations de titrisation, à savoir, en substance, à la condition que le prix de cession de la créance litigieuse soit déterminable sur la base de la commune intention des parties, révélée au moyen des éléments concrets de la cause (à ce sujet, voy. supra, n° 29).

Cette position exprimée en France soulève dès lors la question de savoir s'il existe un risque que notre Cour de cassation suive son homologue française sur ce point, ou si, au contraire, le dispositif législatif belge est de nature à écarter l'application du retrait des opérations de titrisation mises en place dans notre pays (infra, i.).

Aucune disposition légale ne nous semblant empêcher l'application du retrait dans un tel contexte, nous nous pencherons ensuite sur les éléments qui pourraient être invoqués afin de démontrer que la cession du droit litigieux n'a pas vocation à tomber dans le champ d'application des articles 1699 et s. du Code civil [183] (infra, ii.), avant d'établir l'impact que l'application du retrait à de telles opérations pourrait avoir (infra, iii.).

i) Application du retrait aux opérations de titrisations belges?

36.Structure générale d'une opération de titrisation belge. La titrisation est une opération par laquelle une institution (l'« initiateur ») regroupe et reconditionne un portefeuille de prêts, qu'il organise en différentes catégories de risque adaptées à différents investisseurs afin de le transmettre à un Special purpose vehicle (le « SPV »), ou, selon la législation belge, l'organisme de placement en créances (l' « OPCr »), à des fins de crédit [184].

Le SPV finance l'acquisition de ces créances auprès de l'initiateur par l'émission de titres négociables dénommés, au sens le plus large, des Asset-Backed Securities (ou « ABS ») qui seront ensuite proposés à la vente aux investisseurs. La rémunération versée aux investisseurs en contrepartie de l'acquisition de ces titres est enfin générée par les flux de trésorerie provenant des créances ainsi titrisées, inscrites à l'actif du SPV [185], [186].

37.Législation applicable. Par l'adoption de la loi 19 avril 2014 relative aux organismes de placement collectif alternatifs et à leurs gestionnaires, le législateur a exclu les OPCr de la législation sur les organismes de placement collectif [187] et a, de la sorte, supprimé la figure de l'OPCr public [188].

Les dispositions régissant spécifiquement les opérations de titrisation - qui ne concernent donc plus que les OPCr institutionnels [189] - sont à présent insérées dans la Partie IIIbis de la loi du 3 août 2012 relative aux organismes de placement collectif qui répondent aux conditions de la directive n° 2009/65/CE et aux organismes de placement en créances (ci-après, la « loi sur les OPCr »). Elles sont complétées par un arrêté royal du 30 juillet 2018 portant certaines mesures d'exécution relatives aux organismes de placement en créances institutionnels (ci-après, l'« arrêté royal sur les OPCr »), qui abroge les anciens arrêtés royaux réglementant la matière [190].

Nous ne nous intéresserons ici qu'au régime spécifique mis en place par le législateur pour les OPCr institutionnels, afin de déterminer si celui-ci écarte, directement ou indirectement, l'application des articles 1699 et s. du Code civil [191].

38.Principes régissant la cession des créances titrisées. La cession des créances entre l'initiateur et le SPV, sur laquelle la titrisation repose, est soumise au droit commun: la propriété des créances titrisées est transférée solo consensu et, sauf lorsque la loi en dispose autrement, la cession est opposable aux tiers dans les conditions prévues par l'article 1690 du Code civil [192], [193].

Les formalités découlant des articles 1328 du Code civil (preuve de la date de la cession) et 5 de la loi hypothécaire (opposabilité de la cession d'une créance privilégiée ou hypothécaire) ont été écartées par le législateur pour les opérations de titrisation [194]. Aucune dérogation n'a par contre été prévue pour l'article 1699 du Code civil [195].

39.Aménagements des moyens de défense pouvant être invoqués par les débiteurs cédés. L'application des règles de droit commun de la cession de créance implique que le débiteur cédé devrait, en règle, pouvoir opposer au SPV toutes les exceptions dont il disposait envers le cédant avant la date à laquelle la cession lui a été rendue opposable [196].

Ce principe a toutefois été fortement nuancé par le législateur à l'occasion de l'adoption de la loi du 3 août 2012 visant à faciliter la mobilisation des créances bancaires (ci-après, la « loi mobilisation »), qui concerne la mobilisation de toutes les créances pécuniaires découlant d'un accord en vertu duquel un établissement de crédit [197] ou un prêteur en crédit hypothécaire ou en crédit à la consommation [198] (ci-après, ensemble, les « banques et institutions assimilées ») consent un prêt ou un crédit [199] (ci-après, les « créances bancaires » [200]).

L'article 3bis de la cette loi précise tout d'abord qu'une créance bancaire est librement cessible par le créancier, sous réserve des restrictions expressément prévues par la loi ou par le contrat à l'origine de la créance bancaire. Selon les travaux préparatoires, cette précision est destinée à confirmer que « les créances bancaires ne diffèrent pas fondamentalement des autres créances sur le plan de la cessibilité; pas d'accord obligatoire du débiteur, pas de caractère intuitu personae du créancier » [201].

Son article 6 limite ensuite le jeu de l'exception d'inexécution et de la compensation en cas de cession des créances que les banques et institutions assimilées détiennent sur leurs clients [202], afin d'empêcher ces derniers d'invoquer, après la mobilisation, des moyens de défense fondés sur leur relation avec les prêteurs initiaux, pour refuser le paiement.

Selon le législateur, à défaut d'un tel aménagement, le cessionnaire ne pourrait en effet avoir aucune certitude que les créances cédées seront effectivement payées, rendant les créances concernées inaptes à faire l'objet d'une opération de mobilisation [203].

En principe, les cessions de créances intervenant dans le cadre d'une opération de titrisation bénéficieront de ce régime dérogatoire, sauf si les créances sont issues de crédits à la consommation et de crédits hypothécaires avec une destination mobilière. Dans de telles hypothèses, en effet, les articles VII.104 et VII.147/19 du CDE précisent que le consommateur doit garder, à l'égard du cessionnaire, les moyens de défenses qu'il peut opposer au cédant; ces dispositions ne sont écartées ni par la loi sur les OPCr ni par la loi mobilisation.

40.Conclusion: absence de disposition écartant le retrait des opérations de titrisation belges. Il résulte de ce qui précède que la législation organisant la titrisation en Belgique fait appel aux règles et principes de droit commun de la cession de créances, aménagés, quoique de manière incomplète, afin d'en faciliter la mise en oeuvre.

En substance, ces aménagements portent sur l'allégement de certaines formalités d'opposabilité de la cession des créances titrisées, ainsi que sur une limitation des moyens de défense pouvant être opposés par le débiteur cédé au SPV en faisant l'acquisition.

Aucune disposition n'écarte par contre directement les articles 1699 à 1701 du Code civil [204] des opérations de titrisation.

Il semble en outre difficile d'inférer une incompatibilité entre le retrait et les opérations de mobilisation de créances de la seule volonté du législateur d'éviter que le débiteur cédé puisse opposer au cessionnaire des moyens de défense fondés sur sa relation avec le cédant afin de refuser de s'exécuter.

Le retrait s'analyse en effet comme une conséquence que la loi attache à la cession d'un droit litigieux - et non comme un moyen de défense - s'exerçant non pas contre le cédant mais bien contre le cessionnaire. En outre, dès lors que la volonté précitée du législateur a été concrétisée par l'article 6 de la loi mobilisation, qui ne concerne que les exceptions de compensation et d'inexécution, il semble possible d'affirmer a contrario que celui-ci n'a pas jugé utile d'écarter le retrait des opérations de mobilisation de créances telles que la titrisation.

Au contraire, l'article 3bis de la loi mobilisation précise expressément que les créances bancaires ne sont pas fondamentalement différentes des autres créances sur le plan de leur cessibilité et que leur cession ne peut intervenir que sous réserve des restrictions prévues par la loi.

Cette conclusion se renforce en outre lorsque la titrisation a pour objet une créance issue d'un crédit hypothécaire à destination mobilière ou d'un crédit à la consommation, dès lors que, dans de tels cas, le débiteur doit conserver tous les moyens de défense qu'il peut opposer au cédant [205].

Aucune disposition légale organisant - ou visant à faciliter - les opérations de titrisation ne nous semble dès lors exclure que le retrait puisse être invoqué dans le cadre de telles opérations.

C'est donc en application de ce qui a été dit ci-avant concernant l'application du retrait aux opérations de cessions globales de créances qu'il conviendra d'évaluer, au cas par cas, l'application du retrait aux opérations de titrisation, avec toutes les incertitudes et controverses qui en résultent (voy. supra, nos 29 à 34).

ii) Eléments militants contre l'application du retrait en matière de titrisation

41.Objectifs poursuivis par une opération de titrisation. L'objectif fondamental qu'une opération de titrisation permet d'atteindre est la transmission de l'ensemble des créances titrisées à un organisme situé en dehors du périmètre de consolidation de l'initiateur [206] et, dès lors, indépendant de son bilan comptable [207].

Outre le transfert des risques [208] et la libération de capital économique et réglementaire [209] découlant d'une telle transmission, les buts qu'une opération de titrisation peut poursuivre consistent principalement en l'optimisation du coût de financement de l'initiateur [210] ainsi que dans l'amélioration de certains des ratios financiers qu'il doit respecter [211].

Le mobile qui justifie, dans le chef de l'initiateur, la cession de la créance litigieuse doit donc être déterminée à la lumière des circonstances particulières de chaque espèce et ne pourra, dans la plupart des cas, être réduite à la seule volonté de se débarrasser des difficultés liées au recouvrement des créances cédées [212].

Bien entendu, pour les investisseurs, l'acquisition des titres émis par le SPV se justifie par l'espoir qu'il existe une plus-value entre le montant auquel le portefeuille titrisé a été cédé au SPV et celui qui sera généré par les flux financiers émanant des créances composant ce portefeuille. A leur égard, la situation se rapproche donc de celle visée par l'article 1699 du Code civil [213].

Les porteurs de titres ne sont toutefois pas, à proprement parler, les cessionnaires de la créance litigieuse [214].

L'intention les animant ne devrait dès lors pas être prise en compte dans le cadre de l'application du retrait. Ils ne seront d'ailleurs pas en mesure d'exercer des pressions indues sur les débiteurs cédés puisqu'ils n'interviendront pas dans la collecte des créances titrisées.

Par contre, il est vrai que le SPV - qui est l'entité cessionnaire des créances titrisées - a notamment pour objet d'assurer la rémunération des porteurs des titres émis [215]. Il est donc possible de soutenir que, dans son chef, l'acquisition d'un ou de plusieurs droits litigieux pourrait traduire une intention spéculative, visant à assurer la meilleure rémunération possible aux investisseurs.

La structure et le fonctionnement d'une opération de titrisation nous paraissent toutefois impliquer que cette seule circonstance n'est pas suffisante pour assimiler de manière automatique et indistincte la transmission de droits litigieux à un SPV à la situation socialement nocive visée par l'article 1699 du Code civil [216] (à ce sujet, voy. le point suivant).

42.Structure et modalisation des opérations de titrisation. Plusieurs caractéristiques propres à la titrisation de créances nous semblent pouvoir être invoquées en vue d'écarter l'application du retrait litigieux.

Il est tout d'abord difficile d'affirmer que le SPV acquiert les créances qui lui sont cédées sur la base de l'évaluation de la situation particulière de chaque débiteur cédé - qu'il croit pouvoir exploiter à son avantage - alors que, dans les faits, ces créances lui sont transmises en bloc, pour un prix calculé statistiquement.

Le montant global versé à l'initiateur ne peut en effet être analysé comme la simple addition de la valeur réelle ou estimée de chaque créance composant le portefeuille cédé au SPV, puisqu'il prend également compte du coût du montage entier ainsi que de l'équilibre économique sur lequel il repose (à ce sujet, voy. égal. supra, n° 30) [217].

Les titres qu'il émet et qu'il doit gérer dans l'intérêt des investisseurs ne représentent de surcroît pas une créance déterminée, mais plutôt une portion du pool de créances formé à l'occasion de la titrisation. Son objectif d'assurer la rémunération des investisseurs interviendra donc selon une politique globale, et non pas créance par créance.

Par ailleurs, il y aura, dans de nombreux cas, dissociation entre la propriété des créances, acquises par le SPV, et le recouvrement de celles-ci, exercé dans le cadre d'un mandat confié à l'initiateur de la titrisation, agissant comme agent de recouvrement [218].

Pour les opérations où telle dissociation existe, les débiteurs cédés, non informés de la cession intervenue, ne verront, en pratique, pas leur situation changer, leur créancier initial demeurant chargé d'assurer le recouvrement des créances cédées.

Cette circonstance fait dire à certains auteurs qu'elle est suffisante pour assurer le respect du principe suivant lequel la cession ne pourrait préjudicier les débiteurs cédés, notamment par la substitution au cédant originaire d'un créancier moins accommodant [219]. A suivre cette opinion, en présence d'une telle dissociation, la cession d'un droit litigieux dans le cadre d'une opération de titrisation ne comporte aucun risque particulier de pressions indues pour le débiteur cédé.

Selon nous, il conviendra de vérifier le bien-fondé de cette analyse au regard de la politique d'investissement concrètement suivie par le SPV et, le cas échéant, du contenu du mandat qu'il a confié en vue de l'encaissement des créances titrisées [220]. Il n'en demeure pas moins que cette manière de procéder atténue un peu plus le risque que l'éventuelle inclusion de droits litigieux dans l'opération soit animée par une intention spéculative malsaine, intervenant au détriment des débiteurs cédés.

Pour toutes ces raisons, la cession d'une créance litigieuse entre l'initiateur et le SPV ne peut donc être assimilée sans nuance à une opération par laquelle une personne acquiert les aléas d'un procès particulier, à des fins de spéculation, et que l'article 1699 du Code civil [221] vise à décourager. Sauf cas particulier, le retrait ne devrait donc pas s'appliquer dans le cadre d'une opération de titrisation standard.

iii) Impact de l'application du retrait sur les opérations de titrisation

43.Diminution de l'attractivité des opérations de titrisation belges. Compte tenu de la structure générale d'une opération de titrisation, ce n'est que de manière indirecte que les investisseurs pourraient être impactés par l'exercice, par un débiteur cédé, de sa faculté de retrait [222].

Si notre Cour de cassation devait suivre l'exemple de son homologue française et admettre le retrait en cette matière, cela aurait dès lors pour conséquence principale d'entraîner une diminution sensible en termes de notation financière des opérations concernées [223], et donc d'attractivité des titres émis par les SPV [224].

L'application du retrait en matière de titrisation est donc loin de concerner uniquement le retrayé, mais impacte au contraire toutes les parties prenantes à l'opération dans le cadre duquel il est invoqué, ainsi que, de manière plus générale, toutes les opérations de titrisation belges incluant des créances litigieuses.

De manière incidente, cela aura sans doute pour effet d'éviter que les parties mettent en place des structures reposant sur des actifs dont le remboursement est douteux et dont la multiplication est susceptible de mettre en danger la stabilité financière. Certains auteurs affirment d'ailleurs que le retrait est un simple risque inhérent à l'acquisition de titres émis sur la base de créances cédées au SPV avec une (forte) décote en raison de leur caractère litigieux, dont l'existence n'est dès lors ni problématique, ni choquante [225].

S'il n'est évidemment pas négatif, l'effet modérateur dont il vient d'être question nous paraît néanmoins devoir être atteint par d'autres biais que celui du retrait litigieux, dont ce n'est tout simplement pas la raison d'être [226].

E. Conclusion

44.Un bilan mitigé. Concernant les opérations de transmission universelle (ou à titre universel) du patrimoine, le retrait litigieux ne pose pas de problème particulier: de telles opérations ne reposant pas sur le droit commun de la cession de créances, son application est tout simplement écartée.

Pour ce qui concerne les opérations de cession d'universalité non organisées, le résultat de notre analyse est plus préoccupant: comment, en effet, accueillir sereinement la possibilité que soit un jour consacrée, en Belgique, une interprétation de l'article 1699 du Code civil [227] permettant au retrayant de « détricoter » des opérations financières très éloignées de celles que le législateur a entendu décourager?

De lege lata, reconnaître au cessionnaire la possibilité de démontrer que son acquisition du droit litigieux ne répond pas à l'intention spéculative socialement nocive que vise à combattre le retrait litigieux, nous paraît constituer une manière raisonnable d'éviter certaines difficultés auxquelles une interprétation trop souple de ses conditions d'application peut conduire, sans pour autant priver le débiteur cédé de toute possibilité de faire valoir ses droits.

Cette solution n'exclut toutefois pas totalement que le retrait soit invoqué par les débiteurs dont la créance est titrisée. Or, s'il n'est, en soi, pas choquant que les débiteurs soient fondés à invoquer le retrait lorsque la cession du droit litigieux intervient dans le cadre d'opérations de titrisation présentant effectivement un caractère spéculatif, il est plus préoccupant que le législateur ne se soit pas penché sur les conséquences qu'une telle situation pourrait avoir sur les possibilités de mobilisation des créances bancaires, qu'il entent pourtant encourager (voy. également, supra, n° 43).

Il est de surcroît permis de s'interroger sur la manière dont les informations visées à l'article 5.252, § 1er, aliéna 2, de la proposition de loi réformant le droit des obligations - généralement inconnues des parties à l'origine d'une opération de titrisation - pourront, dans les faits, être mises à la disposition des débiteurs cédés [228].

Cette circonstance nous semble dès lors tout naturellement suggérer une intervention législative, destinée à renforcer la sécurité juridique et à protéger l'investissement [229].

Cette intervention pourrait bien entendu se borner à exclure le retrait de certaines opérations déterminées de cessions globales de créances, au moyen d'une modification de la loi mobilisation ou de celle sur les OPCr.

L'extrême difficulté de trouver une articulation satisfaisante entre les intentions poursuivies par le législateur lors de la consécration du retrait litigieux et, d'autre part, celles, presque opposées, qui l'ont conduit à adapter le cadre législatif en vue de permettre (et de faciliter) la mobilisation des créances bancaires, en général, et les opérations de titrisation [230], en particulier, nous paraît toutefois soulever la question, beaucoup plus fondamentale, de l'opportunité de la suppression pure et simple de ce mécanisme de notre arsenal juridique.

Pour pouvoir répondre à cette question, il nous semble nécessaire de nous pencher sur l'actualité des préoccupations qui le sous-tendent, afin de déterminer si elles sont effectivement devenues dépassées et anachroniques.

Or, plusieurs interventions législatives récentes nous paraissent au contraire établir l'actualité de l'objectif du législateur de protéger (certains) débiteurs cédés du comportement abusif adopté par certains acheteurs de procès, confirmant l'utilité du retrait sans la lutte contre les dérives spéculatives (voy. infra, IV.).

IV. Actualité du retrait: tentative d'encadrement du rachat des dettes souveraines
A. Introduction

45.Activités des fonds dits vautours [231]. Le rachat de créances douteuses, qu'elles soient souveraines ou privées, est devenu une activité financière à part entière [232], à l'occasion de laquelle des sociétés spécialisées acceptent d'assumer des risques importants dans l'espoir d'obtenir un rendement élevé pour leur investissement.

Parmi les acteurs présents sur ce marché sont apparus les fonds d'investissement que l'on a pris l'habitude de qualifier, en raison de leur comportement opportuniste et jusqu'au-boutiste, de fonds « vautours » [233] ou « procéduriers ».

Leur méthodologie peut, en substance, être résumée de la manière suivante [234]: dans un premier temps, ils rachètent à bas prix, sur le marché secondaire, des titres émis par un état (ou une entreprise) connaissant des difficultés financières [235]. Une fois propriétaires de ces titres, les fonds titulaires refusent, dans un deuxième temps, de participer à la restructuration de la dette de l'émetteur et à la discipline collective à laquelle se soumettent les autres créanciers. Enfin, ils multiplient ensuite les actions visant à obtenir le remboursement de leur créance, en s'adressant à un tribunal de toute juridiction qu'ils pensent être favorable à leur cause, tout en saisissant, dans la foulée, tous les actifs disponibles [236].

Ce sont les dérives auxquelles ce modèle d'investissement peut conduire qui ont amené le législateur belge à intervenir afin de renforcer la position des débiteurs souverains (voy. le point suivant).

B. Initiatives législatives destinées à lutter contre les activités des fonds vautours
i) Position de la question

46.Rachat des dettes souveraines. Le législateur belge, qui, ainsi que nous le verrons, est intervenu à plusieurs reprises afin d'encadrer les activités des fonds vautours, vise spécifiquement, sous cette dénomination, les « fonds de couverture qui rachètent à vil prix des obligations (des créances) de pays pauvres, souvent accablés de dettes, pour ensuite entamer une procédure judiciaire à l'usure et les obliger à payer la valeur nominale (le montant initial de la créance) de ces obligations au moment de leur émission, majorée des intérêts moratoires » [237].

Alternativement, il décrit les fonds vautours comme étant des « fonds de couverture qui rachètent à vil prix des obligations d'états ou les créances sur des états, pour ensuite entamer une procédure judiciaire et les obliger à payer la valeur nominale de ces obligations ou de ces créances au moment de leur émission ou de leur naissance, majorée des intérêts moratoires » [238].

La législation belge concerne donc exclusivement les fonds (vautours) qui s'engagent dans le rachat de l'endettement public, à l'exclusion de ceux dont l'activité se limite au rachat d'autres types de créances douteuses, et ce même si le comportement des seconds ne diffère pas fondamentalement de celui des premiers.

47.Lien avec le retrait litigieux. Si toutes les obligations souveraines rachetées par les fonds vautours ne seront pas nécessairement litigieuses au sens de l'article 1699 du Code civil [239], il est indéniable que le comportement que ces fonds adoptent présente de nombreuses similitudes avec celui des acheteurs de procès, que cette disposition vise précisément à décourager.

L'analyse des législations adoptées en vue d'encadrer et de lutter contre les dérives liées aux activités de ces fonds nous semble dès lors constituer une excellente manière d'évaluer la pertinence du retrait litigieux au regard des objectifs poursuivis par le législateur contemporain.

Trois textes peuvent être évoqués à ce sujet, dont deux ont véritablement pour objet les activités décrites ci-avant (voy. supra, n° 45).

ii) Présentation synthétique des législations en cause

48.Première intervention: protection des fonds octroyés dans le cadre de l'aide au développement. La première intervention du législateur belge a eu lieu au moyen de l'adoption d'une loi du 6 avril 2008 [240] dont l'objectif est de protéger les fonds destinés à la coopération au développement (ci-après, la « loi du 6 avril 2008 »).

Cette initiative législative fait suite à des saisies mises en oeuvre par la société Kensington International afin d'obtenir l'apurement d'une partie des 120 millions de dollars dont elle réclamait le paiement au Congo-Brazzaville, en remboursement d'une créance qu'elle avait acquise pour à peine 1,8 million de dollars.

La première saisie concernait un montant de 10,3 millions d'euros issu d'un prêt d'état à état destiné au financement de la construction d'une centrale thermique à Brazzaville. La seconde avait quant à elle pour objet un don, d'un montant de 587.585 EUR, de la Coopération belge au développement en faveur de la direction générale de la télévision nationale du Congo-Brazzaville.

C'est afin d'empêcher de telles saisies que la loi du 6 avril 2008 [241] déclare, en substance, que les sommes et biens destinés à la coopération internationale belge ainsi que les sommes et les biens destinés à l'aide publique belge au développement sont insaisissables et incessibles [242].

Cette intervention répond à des considérations morales assez proches de celles ayant conduit à la consécration du retrait litigieux: l'activité des fonds vautours, que le législateur considère contraire à la politique menée en matière d'allégement de la dette des pays du tiers monde et nocive au développement des pays les plus pauvres, est en effet expressément qualifiée d'immorale et de perverse [243].

Une telle qualification rappelle évidemment la vision qu'avait Pothier des « odieux acheteurs de procès ».

49.Deuxième intervention: immunité de saisie des biens de l'état étranger. La loi du 23 août 2015 [244] ne constitue pas, à proprement parler, une mesure destinée à lutter contre les activités des fonds vautours [245] mais vise plutôt à éviter les possibles perturbations des relations internationales de la Belgique découlant de la saisie de biens qui sont la propriété d'états étrangers [246], [247].

L'insaisissabilité [248] que cette loi met en place n'en demeure pas moins de nature à entraver l'activité des fonds (vautours ou non), comme le confirme le recours que deux d'entre eux ont introduit devant la Cour constitutionnelle afin d'en obtenir l'annulation [249].

50.Troisième intervention: lutte contre les activités des fonds vautours. Le troisième instrument adopté par le législateur s'attaque quant à lui de front aux activités des fonds vautours: il s'agit de la loi du 12 juillet 2015 dont l'intitulé est explicite à cet égard, puisqu'il précise qu'elle est destinée à la lutte contre les activités des fonds vautours (ci-après, la « loi du 12 juillet 2015 ») [250].

En substance, cette loi, dont le champ d'application temporel n'est pas précisé [251], concerne les créanciers qui ont racheté un emprunt ou une créance sur un état dans l'objectif d'obtenir un avantage que la loi qualifie d'illégitime [252].

Par son adoption, le législateur entend dénoncer les méthodes des fonds vautours, pour la raison qu'il considère immoral le fait qu'ils « rachètent à très bas prix des créances sur des états très fortement endettés, voire au bord de l'insolvabilité, en spéculant sur l'amélioration de la situation de ces états, sur l'existence d'avoirs saisissables ou encore sur l'octroi à ces états d'aides ou autres sommes qui pourraient faire l'objet de saisies » [253], en les privant en conséquence de sommes nécessaires à leur développement et au bien-être de leur population [254].

La logique dissuasive que la loi du 12 juillet 2015 met en oeuvre se rapproche en définitive de celle du retrait litigieux: les droits du créancier cherchant à obtenir un avantage illégitime contre un état débiteur doivent en effet, en vertu de son article 2, être « limités au prix qu'il a payé pour racheter ledit emprunt ou ladite créance » [255], [256].

Malgré la référence que le législateur fait à l'article 1699 du Code civil, il n'est toutefois pas évident que le prix en question comprenne les frais et loyaux coûts d'achat de cette créance, et encore moins que le cessionnaire soit en droit de demander le remboursement des intérêts à compter du jour où il a payé le prix de la cession.

Il est également notable, dans le cadre d'un article consacré au retrait litigieux, que le critère incontournable afin d'identifier le caractère « malsain et dangereux » [257] de l'activité d'un créancier - et, partant, le caractère potentiellement illégitime de l'avantage qu'il poursuit - est relatif à la disproportion manifeste entre la valeur de rachat de la créance ou de l'emprunt et sa valeur nominale (faciale), le cas échéant augmentée des intérêts, pénalités et frais dont le créancier demande le paiement [258].

Les travaux préparatoires précisent que la consécration du critère de disproportion manifeste trouve fondement dans le principe général de l'abus de droit: « s'agissant des fonds vautours, il est question de l'exercice disproportionné d'un droit » [259], [260].

L'article 2 de la loi du 12 juillet 2015 prévoit ensuite une série de circonstances factuelles servant à caractériser cette disproportion manifeste, sur la base desquelles le juge peut conclure au caractère illégitime de l'avantage recherché par le créancier et, en conséquence, faire application du mécanisme correcteur que cette disposition consacre [261].

C. Appréciation critique

51.Position de la question. La loi du 12 juillet 2015 constitue une immixtion notable dans les relations entre les créanciers et leurs débiteurs, en vue de protéger les seconds des pressions indues qu'exerceraient les premiers en vue d'obtenir le remboursement intégral de leur créance.

Une telle intervention législative mérite certainement de reposer sur une réflexion approfondie au sujet des conséquences qu'elle est susceptible d'entraîner.

Pourtant, les difficultés que ce texte de loi peut potentiellement présenter au niveau de la liquidité du marché de la dette souveraine et, par suite, est susceptible d'entraîner, l'impact qu'il pourrait avoir sur les possibilités de financement des pays les plus pauvres par ce biais n'ont trouvé que peu d'échos au sein du parlement [262], [263].

Outre cet aspect purement financier, l'intervention du législateur soulève une série d'autres questions sur lesquelles il ne s'est également penché que de manière très sommaire: pensons notamment à la limitation du droit de propriété des porteurs d'obligations souveraines que la loi du 12 juillet 2015 implique ainsi qu'à la distinction qu'elle établit entre les créanciers d'un état souverain et les autres [264]. Nous évoquerons ces deux difficultés l'une à la suite de l'autre dans la suite de notre exposé.

52.Première difficulté: protection extraordinaire accordée aux débiteurs souverains. Un premier constat s'impose: la volonté du législateur d'empêcher qu'un créancier ne profite de la situation de faiblesse d'un débiteur en difficulté pour réaliser des « profits démesurés » pourrait tout aussi bien s'appliquer aux rachats de dettes de particuliers ou d'autres acteurs qui souffrent de difficultés économiques [265].

Deux éléments nous semblent néanmoins justifier le fait que cette protection soit réservée aux seuls débiteurs souverains.

Tout d'abord, une dette publique est en principe destinée à financer une dépense visant directement ou indirectement un intérêt public [266]: lorsqu'un état fortement endetté ne parvient plus à honorer ses engagements, les ressources affectées au service de la dette ne pourront l'être au bénéfice de la population. Dans un tel cas, l'état en cause pourrait se voir contraint de renoncer à apporter certains besoins et services pourtant essentiels à ses citoyens les plus pauvres.

La seconde raison [267] pouvant être invoquée afin de justifier la protection extraordinaire octroyée aux débiteurs souverains découle de l'absence de règles internationales consacrant et organisant une procédure destinée à restructurer la dette des pays fortement endettés [268], à l'occasion de laquelle les états en état de défaut pourrait obtenir le répit nécessaire afin d'organiser et de modaliser le paiement de leur dette [269].

Il s'agit là d'une différence indéniable avec la situation dans laquelle se trouvent les débiteurs privés et qui conduit inévitablement [270] à l'instauration d'un rapport de force entre l'état défaillant et ses créanciers, que les procédures collectives d'insolvabilité organisées par les droits nationaux permettent, en principe, d'éviter [271].

Si la volonté du législateur d'apporter une réponse à ces problèmes est compréhensible, la loi du 12 juillet 2015 ne s'y limite néanmoins pas et pourra potentiellement sortir ses effets dans de nombreuses autres situations que celle dans laquelle un état en voie de développement doit faire face à un créancier refusant indûment de participer à l'effort collectif de restructuration de sa dette.

En effet, s'il est vrai que le juge peut prendre en compte, pour évaluer le caractère illégitime de l'avantage poursuivi par le créancier, le fait que le paiement des sommes réclamées « aurait un impact défavorable identifiable sur les finances publiques de l'état débiteur et est susceptible de compromettre le développement socio-économique de sa population », il ne s'agit néanmoins pas d'un critère qui doit obligatoirement être rencontré pour que le mécanisme protecteur prévu par l'article 2 de la loi du 12 juillet 2015 puisse sortir ses effets.

De la même manière, la loi ne se contente pas d'octroyer au débiteur souverain un répit destiné à lui permettre de s'accorder avec ses créanciers, puisqu'elle ne prévoit aucune limitation dans le temps. Le mécanisme qu'elle consacre peut de surcroît sortir ses effets même si l'état débiteur a déjà disposé d'un délai raisonnable pour tenter de convaincre ses créanciers. Enfin, le législateur ne conditionne pas non plus la réduction des droits du créancier au fait que celui-ci refuserait de participer aux mesures de restructuration proposées ou aurait multiplié les procédures en vue d'obtenir remboursement de sa créance [272].

La portée extrêmement large de la loi belge est particulièrement évidente à la lecture de l'article 60 de la loi dite Sapin 2 [273], qui répond à la même préoccupation de lutte contre les fonds vautours.

Cette disposition ne concerne en effet que les titres de créances émis par des états qui figurent sur la liste des bénéficiaires de l'aide publique au développement de l'OCDE et requiert en outre, pour pouvoir sortir ses effets, que ces titres aient été acquis alors que l'état en question se trouvait en situation de défaut sur ce titre de créance ou avait proposé une modification de ses termes. Elle est de surcroît modalisée temporellement. Comme nous venons de le voir, la loi belge ne s'embarrasse d'aucune de ces précisions.

Aucune différence de traitement contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution n'a néanmoins été identifiée par la Cour constitutionnelle à ce sujet, qui considère que: « les règles énoncées [par la loi] ont pour but d'influencer le comportement des personnes qui détiennent des créances sur des états [ne] concernent que le rachat d'une créance [et] visent à régler l'activité d'un type particulier de créanciers, à savoir ceux qui recherchent un profit jugé illégitime [sans qu'elles ne] visent [pour autant] à empêcher les transactions normales sur les marchés secondaires » [274], ce qui, à la lumière de l'objectif poursuivi par le législateur [275], suffit à ses yeux à justifier raisonnablement la différence de traitement ainsi consacrée [276].

Compte tenu de ce qui précède, l'on ne peut toutefois que regretter que la Cour constitutionnelle n'ait pas pris la peine d'expliquer plus en détails la raison pour laquelle il existe, en l'espèce, un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, à la lumière des effets concrets de la disposition légale qui était critiquée devant elle.

A nos yeux, pour qu'une telle proportionnalité existe, il convient que le juge devant qui l'article 2 de la loi du 12 juillet 2015 est invoqué pèse soigneusement les différents éléments du litige qui lui est soumis [277], de manière à réserver l'application de cette disposition aux seules situations dans lesquelles la demande du créancier est effectivement constitutive de l'abus de droit dénoncé par le législateur et, partant, s'identifie à la « spéculation malsaine et dangereuse pour le débiteur » que ce dernier a entendu combattre [278].

53.Seconde difficulté: limitation du droit de propriété du créancier. La Cour européenne des droits de l'homme (ci-après, la « Cour eur. D.H. ») a confirmé que les titres de créance qui font l'objet de transaction sur le marché des capitaux et qui peuvent être transférés d'un porteur à l'autre constituent des biens au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme [279], [280].

Or, il semble difficilement contestable que la loi du 12 juillet 2015 a pour effet de limiter la jouissance que le créancier est en droit d'attendre de sa créance [281]. En application de la jurisprudence de la Cour eur. D.H., le caractère admissible d'une telle atteinte doit notamment être évaluée à la lumière de l'existence et de l'ampleur de l'indemnisation octroyée en contrepartie de cette atteinte: l'indemnité doit ainsi être « raisonnablement en rapport avec la valeur du bien » [282], à savoir sa valeur de marché au moment de l'expropriation [283].

Il est en effet tout aussi incontestable qu'en faisant acquisition d'obligations émises par un état, ce créancier fait un investissement « dont la valeur peut fluctuer en fonction des aléas des marchés et de la situation économique de l'état émetteur » [284]. Dès lors, selon la Cour eur. D.H., lorsqu'un fonds acquiert une obligation souveraine sur le marché secondaire, il se livre à une opération « nécessairement aléatoire, à ses profits et risques » [285].

Pour cette raison, « le point de référence pour apprécier le degré de la perte subie par [les détenteurs d'obligations souveraines] ne saurait être le montant que ceux-ci espéraient percevoir au moment de l'arrivée à maturité de leurs obligations (…) [s]i la valeur nominale d'une obligation reflète la mesure de la créance de son détenteur à la date de l'arrivée à maturité, elle ne représente pas la véritable valeur marchande à la date à laquelle [l'atteinte à son droit de propriété a lieu] » [286].

En d'autres termes: « l'achat par un investisseur de titres de créance d'état constitue, par définition, une transaction comportant un certain risque financier, parce que soumis aux aléas de l'évolution des marchés des capitaux » [287]. Le marché joue le rôle de révélateur de l'ampleur de l'aléa associé à l'acquisition de la dette souveraine et, dans cette mesure, « la privation du droit d'obtenir le paiement intégral de la créance peut être justifiée par l'aléa qui pèse sur la créance  » [288].

De manière conforme à ce raisonnement, la Cour constitutionnelle, saisie de la question de la compatibilité de l'article 2 de la loi du 12 juillet 2015 avec le protocole précité et l'article 16 de la Constitution [289], considère que cette disposition consacre effectivement une ingérence dans le droit de propriété des créanciers qu'elle vise, mais que le risque financier résultant des aléas du marché et de la situation économique de l'état débiteur, ainsi que le fait que la disposition attaquée « n'ôte pas au cessionnaire de la créance sur l'état le droit d'obtenir de celui-ci le paiement de la somme qu'il a payée pour le rachat de la créance », d'autre part, aménagent un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général, d'une part, et le droit de propriété du créancier qu'elle impacte, d'autre part [290].

54.Conclusion. La loi du 6 avril 2008, destinée à protéger les fonds destinés à la coopération au développement, constitue une réponse législative précise à un problème sociétal clairement identifié, à savoir l'impact néfaste de la volonté de certains fonds spéculatifs d'obtenir à tout prix le remboursement de leur créance sur le développement des pays les plus pauvres.

Par contre, alors qu'elle répond officiellement à des préoccupations similaires, la loi du 12 juillet 2015 permet au mécanisme qu'elle consacre de sortir ses effets dans des situations ne répondant que très partiellement aux préoccupations invoquées afin de justifier son adoption.

S'il est évidemment possible d'expliquer en partie le champ d'application grossièrement taillé de cette loi par la hâte avec laquelle elle a été adoptée, il nous semble également que, plus fondamentalement, la très grande marge d'appréciation laissée aux juges dans la détermination des hypothèses dans lesquelles la loi du 12 juillet 2015 peut sortir ses effets traduit le rejet, par le législateur, d'une certaine pratique financière contemporaine, regardée comme malsaine et dangereuse.

D. Conclusion

55.Lutte contre les acheteurs de procès: changement d'angle. L'analyse synthétique des lois des 6 avril 2008 et 12 juillet 2015, ainsi que, dans une moindre mesure, de celle du 23 août 2015, met en exergue l'hostilité du législateur contemporain vis-à-vis des créanciers opportunistes et jusqu'au-boutistes qui se spécialisent dans le rachat de dettes souveraines.

Les montants en jeu et la couverture médiatique donnée à certaines affaires ayant opposé des fonds vautours à des pays fortement endettés expliquent sans doute l'attention accrue du législateur pour ce type particulier d'achat spéculatif [291].

Ainsi que nous l'avons vu, certains des mécanismes correcteurs qu'il a adoptés en vue de lutter contre les dérives des fonds vautoirs ont néanmoins une portée potentiellement (beaucoup) plus étendue.

Quoi qu'il en soit, malgré certaines différences notables avec le retrait [292], les lois adoptées à cette fin nous semblent confirmer que la considération morale sous-tendant l'article 1699 du Code civil est toujours d'actualité, même si elle tend à être confinée à un domaine particulier, dans lequel les excès des acheteurs de créances sont considérés comme particulièrement choquants.

La protection de (certains) débiteurs contre les pressions judiciaires illégitimes demeure dès lors un sujet de préoccupation incontestable du législateur et le retrait litigieux conserve, dans un tel contexte, toute sa pertinence [293].

V. Considérations finales

Une partie de la doctrine classique soutenait que la seule raison d'être du retrait litigieux devrait être celle de diminuer le nombre des procès: « voilà la véritable raison d'être du retrait litigieux. S'il fallait la chercher dans la haine traditionnelle du législateur et des jurisconsultes contre les acheteurs de procès (…) nous n'hésitons pas à dire que cette institution devrait disparaître de nos lois » [294].

Une telle affirmation paraît être confirmée par la pratique financière contemporaine, qui trouve normal que l'acquéreur d'un portefeuille de créances puisse spéculer sur la différence entre le prix d'achat global de créances dévaluées et ce qu'il espère retirer des flux financiers issus des créances ainsi cédées [295]. Le législateur belge n'interdit en outre pas la titrisation de créances contestées ou litigieuses [296].

Néanmoins, comme nous l'avons vu, la lutte contre une spéculation excessive, en général, et l'instrumentalisation des procédures judiciaires, en particulier, est un objectif qui demeure indéniablement poursuivi par le législateur contemporain [297].

Il est en outre remarquable que l'adoption de l'article XVII.39 du CDE [298], qui interdit implicitement aux avocats de représenter un groupe dans le cadre d'une action en réparation collective, est pour partie justifiée par la volonté du législateur d'éviter que ces derniers fassent un usage abusif de ce nouveau type de procédure en vue de développer une nouvelle activité économique [299].

La position suivant laquelle le retrait ne pourrait être analysé que comme un simple mécanisme visant à l'extinction des litiges nous paraît dès lors peu convaincante.

Selon nous, il importe, au contraire, de prendre dûment en compte le fait que ce mécanisme est avant tout destiné à protéger les débiteurs des pressions que les acheteurs de procès spéculant sur la possibilité d'obtenir le recouvrement de l'intégralité de la créance qui leur a été cédée pourraient être tentés d'exercer.

C'est en effet en limitant son application aux seules opérations présentant un tel risque qu'il devient acceptable d'interpréter la notion de prix réel de la cession - au remboursement duquel le retrait est conditionnée - en tant que simple valeur déterminable arithmétiquement.

Même si une telle interprétation, qui se justifie par l'évolution de la pratique, nous semble se faire au détriment du véritable équilibre voulu par le législateur - en pratique, difficile, voire impossible à respecter - il est indéniable que le retrait consacre une approche nuancée pour faire face au problème contre lequel il vise à lutter [300].

A ce titre, il constitue sans conteste une manière originale d'envisager certaines dérives financières contemporaines, qu'il serait dommage d'abandonner [301].

Il n'en demeure pas moins que la mise en oeuvre de l'article 1699 du Code civil [302] dans le contexte financier actuel ne brille pas par sa simplicité et soulève un nombre important de problèmes qui, selon l'interprétation retenue, nuisent à l'efficacité du mécanisme qu'il consacre, ou, au contraire, permettent aux débiteurs d'y faire appel dans des hypothèses qui ne devraient pas le concerner.

En particulier, pour les situations dans lesquelles il est impossible de concilier de manière satisfaisante le retrait avec la volonté du législateur de faciliter les cessions globales de créances - à savoir, dans le cas des opérations de mobilisation de créances bancaires et de titrisation - il nous semble nécessaire qu'une intervention législative ait lieu, à l'occasion de laquelle un arbitrage pourra être effectué entre le droit au retrait du débiteur cédé, d'une part, et les intérêts financiers des parties impliquées dans des opérations de mobilisation incluant une ou plusieurs créances litigieuses, d'autre part.

Seule une telle intervention permettrait en effet à ce mécanisme millénaire de demeurer légitime et cohérent avec le contexte économique dans lequel il s'insère, et de continuer à remplir l'objectif sociétal qui continue à le justifier.

[1] Collaborateur scientifique auprès du Centre de droit privé de l'Université Libre de Bruxelles. Avocat au Barreau de Bruxelles (Jones Day).
[2] Le contenu de ces dispositions est repris, de manière quasi inchangée, à l'art. 5.252 de la proposition de loi portant insertion du livre 5 « Les obligations » dans le nouveau Code civil (Doc. parl., Chambre, 2018-2019, n° 3709/001, p. 326 - ci-après, la « proposition de loi réformant le droit des obligations »).
[3] G. de Foestraets, « Retrait litigieux et cession d'universalité », J.T., 2010, p. 605. En d'autres termes, il s'agit de « la faculté, accordée à celui contre lequel un droit litigieux a été cédé, de s'en faire tenir quitte par le cessionnaire en lui remboursant le prix de la cession augmenté de quelques accessoires » ( G. Baudry-Lacantinerie, Précis de droit civil, t. III, Larose et Forcel, 1889, p. 393).
[4] A. Benabent, « Droit des obligations », Précis Domat de droit privé, 15e éd., L.G.D.J., 2016, p. 544.
[5] H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. IV, vol. I, Bruylant, 4e éd., 1997, par A. Meinertzhagen, n° 605.
[6] A ce sujet, voy. infra, n° 45.
[7] Voy., p. ex., la société basée à Londres Henderson and Jones, dont le site web explique clairement l'activité: « We will buy claims for immediate money and/or a share of the proceeds. We will then litigate the claim ourselves, taking the expense and risk. » (www.hendersonandjones.com/whatwedo/).
[8] Le retrait litigieux trouve son origine dans deux lois de l'époque romaine: la loi per diversas, adoptée à l'époque de l'empereur Anastase, et la loi ab anastasio, adoptée sous le règne de l'empereur Justinien.
[9] A ce sujet, voy. infra, nos 48 à 50.
[10] A ce sujet, voy. A. Benabent, « Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux », Précis Domat de droit privé, 11e éd., L.G.D.J., 2015, p. 75.
[11] La titrisation trouve son origine aux Etats-Unis dans les années 70 et a été progressivement introduite par la suite dans les différents droits européens (voy. K. Marcours, « Effectisering vanuit een bancair perspectief », D.B.F., 2002, p. 127).
[12] A ce sujet, voy. infra, n° 39.
[13] Selon les art. 6, 1108, 1128 (tel qu'il est interprété), 1131 et 1133 du Code civil, la validité des conventions est subordonnée au caractère licite de leur objet et de leur cause: les conventions peuvent avoir n'importe quel objet ou n'importe quelle cause, pour autant qu'elles ne soient pas contraires à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ainsi que, dans la mesure précisée par la Cour de cassation, aux lois impératives (à ce sujet, voy. not. P. Van Ommeslaghe, « Les obligations », De Page. Traité de droit civil belge, Bruylant, 2013, pp. 357 et s.) L'art. 1598 du Code civil le rappelle pour le contrat de vente: « tout ce qui est dans le commerce peut être vendu, lorsque des lois particulières n'en ont pas prohibé l'aliénation ».
[14] Voy. E. Savaux, « Cession de droits litigieux », Répertoire de droit civil, Dalloz, 2015, n° 53.
[15] Selon la Cour de cassation, « n'est d'ordre public que la loi qui touche aux intérêts essentiels de l'Etat ou de la collectivité ou qui fixe, dans le droit privé, les bases juridiques sur lesquelles repose l'ordre économique ou moral de la société » (voy., p. ex.: Cass., 23 janvier 2015, C.43.0579.N; Cass., 25 juin 2015, C.14.0008.F; Cass., 10 décembre 2015, C.12.0533.N). Pour une critique de cette approche, voy. toutefois L. Cornelis, « Mal aimé, mal armé: l'ordre public en droit privé », R.C.J.B., 2017, pp. 190 et s.
[16] A un objet illicite et, partant, hors commerce, « le contrat [conclu] dans l'intention de créer et de maintenir une situation contraire à l'ordre public » (Cass., 17 juin 2007, T. Straf., 2008, p. 447, note B. Ketels et G. Vermeulen).
[17] « Les juges, leurs suppléants, les magistrats remplissant le ministère public, les référendaires, les juristes de parquet, les greffiers, huissiers de justice, défenseurs officieux et notaires, ne peuvent devenir cessionnaires des procès, droits et actions litigieux qui sont de la compétence du tribunal dans le ressort duquel ils exercent leurs fonctions, à peine de nullité, et des dépens, dommages et intérêts. » Notons que le champ d'application de cette disposition n'est pas identique à celui du retrait litigieux, dès lors que la menace de procès suffit, dans son cas, à rendre le droit litigieux (voy. A. Christiaens, « Commentaar bij art. 1699-1701 B.W. », Bijzondere overeenkomsten. Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Kluwer, afl. 50, octobre 2001, p. 7).
[18] Art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[19] A ce sujet, voy. infra, III. Le développement des activités des acheteurs de créances douteuses nous paraît conduire à la même conclusion (à ce sujet, voy. infra, IV. mais également L. Wozny, « National Anti-Vulture Funds Legislation: Belgium's turn », Columbia Business Law Review, 2017, p. 704).
[20] L'intervention du législateur, lorsqu'elle existe, vise plutôt à faciliter la mise en place de telles opérations, comme nous le verrons en ce qui concerne les opérations de mobilisation de créances bancaires, en général, et de titrisation, en particulier.
[21] Voy. not. A. Verbeke, N. Carette et K. Vanhove, Handboek burgerlijk recht, deel III, Intersentia, 2007, p. 544.
[22] Pour l'invocation du retrait litigieux dans le cas de la cession d'un droit intellectuel, voy. Bruxelles, 12 mai 2017, Ing. Cons., 2017/2, pp. 379 et s.
[23] En ce sens, madame Charlier souligne qu'« il n'en reste pas moins que la liberté des conventions est un principe de base du Code civil et que la protection voulue par le législateur [par le biais du retrait litigieux] s'inscrit nécessairement dans des limites étroites » (M. Charlier, « Le retrait de droit litigieux », Liber Amicorum Marc Châtel, Kluwer, 1991, p. 49). Voy. égal. R. Marty, « Le droit de retrait en matière de cession de créance ou l'expropriation pour cause de spéculation », JCP E, 2009, n° 2; V. Forti, « Confirmation de l'interprétation stricte des conditions posées par l'article 1700 du Code civil pour exercer le retrait litigieux », AJ Contrat, 2017, p. 281.
[24] Voy. not. R. Marty, « Le droit de retrait en matière de cession de créance ou l'expropriation pour cause de spéculation », JCP E, 2009, n° 2; V. Forti, « Confirmation de l'interprétation stricte des conditions posées par l'article 1700 du Code civil pour exercer le retrait litigieux », AJ Contrat, 2017, p. 281.
[25] Voy. not. Cass. fr., 20 janvier 2004, D., 2004, 674; Cass. fr., 20 avril 2017, n° 15-24.131.
[26] A. Kluyskens, « De contracten », Beginselen van burgerlijk recht, IV, Standaard, 1952, n° 52.
[27] G. Baudry-Lacantinerie, Précis de droit civil, t. III, Larose et Forcel, 1889, p. 393.
[28] Cass., 7 mars 1946, Pas., 1946, p. 96.
[29] A ce sujet, voy. infra, n° 10.
[30] Cass. fr., 15 janvier 2013, Bull. civ., IV, n° 3.
[31] H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. IV, 3e éd., Bruylant, 1972, p. 473, se référant à l'art. 1352 C. civ.
[32] En particulier, voy. infra, n° 34.
[33] L'art. 5.252, § 1er, al. 3, de la proposition de loi réformant le droit des obligations dispose de manière similaire qu'« un droit est censé litigieux dès qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit ».
[34] Il en résulte qu'un droit discuté au cours d'une procédure en référé ne sera pas litigieux au sens de l'art. 1700 C. civ. (art. 5.252, § 1er, al. 3, de la proposition de loi réformant le droit des obligations), le juge n'étant pas saisi du principal et ne pouvant ordonner que des mesures provisoires (art. 584 et 1039 C. jud.).
[35] Sauf, évidemment, si la citation émane du débiteur et que celui-ci y conteste l'existence ou l'étendue de sa dette vis-à-vis du défendeur.
[36] Cass., 23 décembre 1977, Pas., 1978, I, p. 477; R.W., 1978-1979, p. 362, note A. Van Oevelen.
[37] A. Christiaens, « Commentaar bij art. 1699-1701 B.W. », Bijzondere overeenkomsten. Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Kluwer, afl. 50, octobre 2001, p. 4.
[38] Ou encore celle suivant laquelle l'on ne peut permettre qu'un tiers soulève une prétention plus ou moins justifiée pour se substituer ensuite à bon compte au cessionnaire (E. Savaux, « Cession de droits litigieux », Répertoire de droit civil, Dalloz, 2015, nos 96 et 98).
[39] Voy. not. O. Gout, obs. sous Cass. fr., 15 janvier 2003, n° 11-27.298, D., 2003, 542.
[40] M. Kebir, « Titulaire du droit de retrait litigieux », D., 2014.
[41] Ce qui est néanmoins contraire avec l'enseignement classique suivant lequel le sérieux de la contestation n'a pas d'importance pour l'application de ce mécanisme (à ce sujet, voy. G. Baudry-Lacantinerie, Précis de droit civil, t. III, Larose et Forcel, 1889, p. 395).
[42] Cass., 7 février 1846, Pas., 1846, I, p. 157. Sur le caractère suffisamment concret de la contestation et l'insuffisance d'une simple formule de style à ce sujet, voy. Cass., 23 décembre 1977, Arr. Cass., 1978, p. 505.
[43] La doctrine classique ajoute que le caractère sérieux ou non de cette position n'a, dans ce contexte, aucune importance (voy. G. Baudry-Lacantinerie, Précis de droit civil, t. III, Larose et Forcel, 1889, p. 395).
[44] Notamment quand ces moyens sont soulevés dans un but purement dilatoire. Par contre, la prescription ou le délai préfix (et la chose jugée) rejaillissent sur le droit lui-même, que son (prétendu) titulaire ne peut plus faire reconnaître en justice. Un moyen les invoquant rend donc le droit litigieux.
[45] « Il s'agit tout simplement de distinguer si le moyen tend seulement à neutraliser l'instance actuelle, en laissant le demandeur libre d'agir de nouveau plus tard (soit en prenant une autre voie, soit en s'adressant en d'autres juges, soit en évitant les irrégularités de procédure qu'on lui reproche aujourd'hui) ou bien s'il tend à faire déclarer le défendeur quitte pour toujours, à repousser le droit du demandeur définitivement et irrévocablement. » (Marcadé, Explication du Code napoléon, 5e éd., t. VI, p. 353).
[46] Pensons notamment au banquier dispensateur de crédit, en particulier lorsqu'il agit dans le cadre de l'octroi d'un crédit réglementé: à ce sujet, voy. not. M. Gregoire et C. De Jonghe, « Le nouveau crédit hypothécaire », Rev. not. belge, 2017, pp. 310 et s.; F. de Patoul, « La responsabilité des prêteurs et des intermédiaires de crédit », Crédit aux consommateurs et aux PME, Larcier, 2016, pp. 127 et s.
[47] Voy. à ce sujet, E. Savaux, « Cession de droits litigieux », Répertoire de droit civil, Dalloz, 2015, n° 32.
[48] P. de Bournonville, « Arbitrage », Rép. not., t. XIII, livre 6, Larcier, 2017, nos 4 et 10.
[49] Art. 1713, § 9, C. jud.
[50] Le retrait semble également être admis en cas de procédure visant à obtenir l'annulation d'une sentence arbitrale devant les juridictions de l'ordre judiciaire (en ce sens, voy. Cass. fr., 28 février 2018, n° 16-22.112. Pour un commentaire critique de cette décision, voy. P.-Y. Gautier, « Où l'appel-nullité d'arbitrage permettrait d'exercer le retrait litigieux », R.T.D. civ., 2018, p. 431).
[51] L'art. 1723/1 C. jud. précise que: « la médiation est un processus confidentiel et structuré de concertation volontaire entre parties en conflit qui se déroule avec le concours d'un tiers indépendant, neutre et impartial qui facilite la communication et tente de conduire les parties à élaborer elles-mêmes une solution ».
[52] Les art. 730/1 et 731 C. jud. disposent à présent que « le juge favorise en tout état de la procédure un mode de résolution amiable des litiges » et qu'« il entre dans la mission du juge de concilier les parties ».
[53] Au sens de l'art. 1597 C. civ. (voy. E. Savaux, « Cession de droits litigieux », Répertoire de droit civil, Dalloz, 2015, n° 14).
[54] G. de Leval, « La médiation », Droit judiciaire, t. 2, Larcier, 2015, pp. 1431 et s.
[55] Art. 5.252, § 1er, al. 3, de la proposition de loi réformant le droit des obligations. Dans le même sens, voy. A. Christiaens, « Commentaar bij art. 1699-1701 B.W. », Bijzondere overeenkomsten. Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Kluwer, afl. 50, octobre 2001, p. 8.
[56] Cass. fr., 17 janvier 2018, n° 16-21.097.
[57] Il pourrait ainsi s'agir d'une transaction entre deux prétendants à un droit litigieux par laquelle l'un abandonne, à prix d'argent, sa prétention contre le cédé à l'autre.
[58] H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. IV, 3e éd., Bruylant, 1972, p. 469. Dans le même sens, voy. not. A. Verbeke, N. Carette et K. Vanhove, Handboek burgerlijk recht, deel III, Intersentia, 2007, p. 544; S. Sobrie, « Onbekend maakt onbemind. 'Vergeten' vorderingen in het burgerlijk procesrecht », Smaakmakers in het procesrecht. Over buitengerechtelijke recepten, vergeten vorderingen en exotische incidenten, Intersentia, 2016, p. 73.
[59] « Le prix consiste, par définition même, et nécessairement, en une somme d'argent » (H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. IV, Bruylant, 3e éd., 1972, p. 68).
[60] Art. 5.252, § 1er, al. 1er, de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[61] Cass. fr., 12 mars 1957, J.C.P., 1957, II, 10005.
[62] A ce sujet, voy. infra, n° 16.
[63] Cass., 23 décembre 1977, R.W., 1978-1979, p. 362. Voy à ce sujet, A. Van Oevelen, « Overdracht van betwiste rechten », T. Not., 1979, p. 21.
[64] En ce sens, voy. E. Savaux, « Cession de droits litigieux », Répertoire de droit civil, Dalloz, 2015, n° 20.
[65] Pensons à l'hypothèse d'une cession occulte dont le cédé a eu connaissance de science personnelle (à ce sujet, voy. égal. le point suivant).
[66] Art. 5.253 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[67] Après la notification, en effet, le paiement n'est pas libératoire de sorte que le débiteur reste tenu au paiement à l'égard du cessionnaire (voy. not. Cass., 22 décembre 2005, R.W., 2007-2008, p. 1072; Cass., 15 juin 2007, Pas., 2007, p. 1234). De manière plus générale, une fois la cession opposable au débiteur cédé, celui-ci doit en subir les effets externes et adapter son comportement à cette nouvelle situation de fait (P. Wery, Droit des obligations, vol. 2, Larcier, 2016, p. 863).
[68] Tel est le cas, notamment, de certaines opérations de cessions de créances réalisées par des sociétés d'affacturage aux seules fins de garantir le recouvrement de ces créances (donc sans service de gestion de portefeuille, ni de financement). L'opération se rapproche économiquement d'une opération d'assurance-crédit. Elle est toutefois construite sur l'institution de la cession de créances sans garantie expresse de solvabilité (ce qui est le droit commun, voy. art. 1694 C. civ.).
[69] A ce sujet, voy. P-A. Foriers, « La cession de créance, les principes généraux à la lumière de la loi du 6 juillet 1994 », La cession de créance, Bruxelles, Ed. de Jeune Barreau, 1995, p. 9.
[70] Ph. Stroobant, « La vente d'une créance », Manuel de la vente, Kluwer, 2010, p. 445.
[71] Certains auteurs vont même plus loin et soutiennent que: « na afloop van het geding is de naasting toch nog mogelijk indien de overdracht tijdens het geding voor de overgedragen schuldenaar werd verborgen gehouden: de overnemer moet immers niet profiteren van een wetsontduiking  » (A. Christiaens, « Commentaar bij art. 1699-1701 B.W. », Bijzondere overeenkomsten. Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Kluwer, afl. 50, octobre 2001, p. 8).
[72] Cass., 3 octobre 1997, Pas., 1997, I, n° 386; Cass., 6 novembre 2007, Pas., 2007, I, p. 1942. Précisons que, selon la Cour de cassation, pour être constitutif de fraude, l'acte déloyal doit être accompli dans l'intention de causer un dommage ou d'obtenir un gain; il ne suffit donc pas que l'acte déloyal soit volontaire et cause de la sorte un dommage (Cass., 16 novembre 2015, Pas., 2015, I, n° 679).
[73] Sur la notion de fraude, voy. not. Fr. Glansdorff, « L'adage fraus omnia corrumpit », J.T., 2018, p. 132; A. Lenaerts, « Le principe général du droit Fraus omnia corrumpit: difficultés et possibilités en droit privé belge », Théorie générale des obligations et contrats spéciaux, Larcier, 2016, pp. 12 et s.; P. Marchal, « Principes généraux du droit », R.P.D.B., Bruylant, 2014, p. 253.
[74] Voy. not. I. Claeys, « De nieuwe verjaringswet: een inleidende verkenning », R.W., 1998-1999, p. 400; M.E. Storme, « Perspectieven voor de bevrijdende verjaring in het vermogensrecht », T.P.R., 1994, p. 2017, n° 33; M. Marchandise, La prescription libératoire en matière civile, Larcier, 2007, p. 156.
[75] Sur la légalité de cette approche, voy. Cass. fr., 16 juin 1993, R.T.D. civ., 1994, 371, obs. P.-Y. Gautier.
[76] Le contenu de cette disposition est repris à l'art. 5.252, § 2, de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[77] La doctrine donne traditionnellement un caractère limitatif aux trois hypothèses visées par l'art. 1701 C. civ.
[78] La doctrine souligne également que, dans une telle hypothèse, « afgezien van het feit dat de afstand onder mede-eigenaars meestal geschiedt met de bedoeling uit onverdeeldheid te treden, zou de naasting toch in geen geval een einde kunnen maken aan het proces, want de mede-eigenaar tegenover wie de naasting wordt uitgeoefend, blijft nog steeds mede-eigenaar voor zijn persoonlijk aandeel. Het doel dat de wetgever met de naasting nastreeft, kan bijgevolg niet worden verwezenlijkt » (A. Christiaens, « Commentaar bij art. 1699-1701 B.W. », Bijzondere overeenkomsten. Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Kluwer, afl. 50, octobre 2001, p. 18).
[79] Voy. néanmoins les cas d'application analysés par G. Baudry-Lacantinerie et L. Saignat dans « De la vente et de l'échange », Traité théorique et pratique de droit civil, XIX, Paris, Sirey, 1908, n° 966.
[80] E. Savaux, « Cession de droits litigieux », Répertoire de droit civil, Dalloz, 2015, n° 91.
[81] Cette exception n'en est pas vraiment une et s'explique par le fait que le droit faisant l'objet de la cession n'est pas contesté, seul l'un de ses accessoires l'est, ce qui ne suffit pas à rendre le droit principal litigieux.
[82] Voy. A. Van Oevelen, « Overdracht van betwiste rechten », R.W., 1978-1979, n° 8.
[83] Cass. fr., 19 mars 1957, Gaz. Pal., 1957, 2, p. 33. Voy. égal. Cass. fr., 15 janvier 2013, n° 1-27.298. Dans l'approche française, le critère de l'inséparabilité à un droit principal prime en réalité celui de l'accessoire (voy. not. O. Gout, « Le rayonnement du droit au retrait litigieux », D., 2013, 542).
[84] O. Gout, « Le rayonnement du droit au retrait litigieux », D., 2013, 542; E. Savaux, « Cession de droits litigieux », Répertoire de droit civil, Dalloz, 2015, n° 87.
[85] Cass., 23 décembre 1977, Pas., 1978, I, p. 477.
[86] Voy. p. ex. Cass. fr., 31 mai 1978, Bull. civ., III, n° 231. A ce sujet, voy. toutefois infra, n° 28 et s.
[87] Voy. S. Sobrie, « Onbekend maakt onbemind. 'Vergeten' vorderingen in het burgerlijk procesrecht », Smaakmakers in het procesrecht. Over buitengerechtelijke recepten, vergeten vorderingen en exotische incidenten, Intersentia, 2016, p. 77.
[88] A. Christiaens, « Commentaar bij art. 1699-1701 B.W. », Bijzondere overeenkomsten. Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Kluwer, afl. 50, octobre 2001, p. 5.
[89] F. Pollaud-Dulian,« Le prix du retrait dans les cessions globales de créances », D., 2012, 834.
[90] M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, L.G.D.J., 1932, t. X, n° 321.
[91] Art. 5.252, § 1er, al. 1er, de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[92] G. de Foestraets, « Retrait litigieux et cessions d'universalité », J.T., 2010, p. 609.
[93] A. Christiaens, « Commentaar bij art. 1699-1701 B.W. », Bijzondere overeenkomsten. Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Kluwer, afl. 50, octobre 2001, p. 13. Sur ces règles, voy. not. P. Van Ommeslaghe, « Les obligations », Traité de droit civil belge, Bruylant, 2013, pp. 407-489.
[94] Art. 5.252, § 1er, al. 2, de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[95] M. Charlier, « Le retrait de droits litigieux », Liber amicorum Marc Châtel, Kluwer, 1991, p. 51.
[96] Ibid.
[97] Voy. supra, n° 16.
[98] M. Charlier, « Le retrait de droits litigieux », Liber amicorum Marc Châtel, Kluwer, 1991, p. 52.
[99] En ce sens, Cass., 21 septembre 2004, Pas., 2004, I, n° 423.
[100] Voy. R. Marty, « Le droit de retrait en matière de cession de créance ou l'expropriation pour cause de spéculation », JCP E, 2009, n° 5.
[101] S. Sobrie, « Onbekend maakt onbemind. 'Vergeten' vorderingen in het burgerlijk procesrecht », Smaakmakers in het procesrecht. Over buitengerechtelijke recepten, vergeten vorderingen en exotische incidenten, Intersentia, 2016, p. 78.
[102] H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. IV, 3e éd., Bruylant, 1972, p. 473.
[103] Art. 10 de la loi hypothécaire.
[104] Art. 9 du Titre XVII du Livre III C. civ.
[105] Rappelons qu'en matière de cession de créance, la garantie découlant de l'art. 1693 C. civ. ne porte que sur l'existence de la créance à la date de la cession, et non sur la possibilité pour le cessionnaire d'obtenir son exécution par le débiteur.
[106] Voy. not. Ph. Stroobant, « La vente d'une créance », Manuel de la vente, Kluwer, 2010, p. 474.
[107] H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. IV, 3e éd., Bruylant, 1972, p. 473.
[108] Dans le même sens, H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. IV, 3e éd., Bruylant, 1972, p. 471.
[109] Cass., 21 septembre 2004, Pas., 2004, I, n° 423.
[110] L. Simont et P.-A. Foriers, « Examen de jurisprudence. Les contrats spéciaux (1992-2010) », R.C.J.B., 2014, pp. 813-814.
[111] E. Savaux, « Cession de droits litigieux », Répertoire de droit civil, Dalloz, 2015, n° 102.
[112] Voy. not. Cass. fr., 26 février 2002, n° 99-12.228; Cass. fr., 29 octobre 2003, R.J.D.A., 2004, n° 298; Cass. fr., 31 janvier 2012, n° 10-20.972.
[113] Voy. le raisonnement proposé par M. Mignot, in « Cession de créance, retrait litigieux et cautionnement », Revue Lamy de droit civil, 2011.
[114] En ce sens, voy. Cass. fr., 16 février 2002, R.T.D. civ., 2002, p. 532, obs. crit. P.-Y. Gautier.
[115] « Le cautionnement est l'objet principal de la cession si le cédant et le cessionnaire savent, lors de la cession, que la créance garantie est parfaitement irrécouvrable, contrairement au cautionnement. » (M. Mignot, « Cession de créance, retrait litigieux et cautionnement », Revue Lamy de droit civil, 2011, n° 16).
[116] P. Wery, « Les obligations », Rép. not., t. IV, livre 1, Larcier, 2016, n° 560.
[117] H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. III, 1967, pp. 210 et 213.
[118] R. Marty, « Le droit de retrait en matière de cession de créance ou l'expropriation pour cause de spéculation », JCP E, 2009, n° 15.
[119] Art. 5.248 et s. de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[120] En matière de titrisation ou de mobilisation des créances bancaires, voy. infra, nos 38 et 39.
[121] Pensons notamment à la cession d'un fonds de commerce (sur son caractère non organisé par la loi, voy. not. D. Gol, « Transfert d'entreprises en difficultés en dehors des procédures collectives. Quelques points d'attention », La cession d'une entreprise en difficulté, Larcier, 2015, pp. 11 à 34) ou aux opérations de titrisation (voy. infra, no 38).
[122] P. Van Ommeslaghe, « Les obligations », De Page. Traité de droit civil belge, Bruylant, 2013, p. 1981.
[123] Le nouveau titulaire de la créance n'est en effet pas tiers par rapport aux opérations auxquelles l'ancien créancier était partie; l'on ne peut dès lors à proprement parler de cession au sens de l'art. 1699 C. civ. ou de l'art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations (P. Van Ommeslaghe,« Les obligations », De Page. Traité de droit civil belge, Bruylant, 2013, p. 1987).
[124] Sur le fait que la société absorbante doit être considérée comme l'ayant cause universel de la société absorbée au sens de cette disposition voy. déjà, avant la réforme du 29 juin 1993, l'arrêt de la Cour de cassation du 30 avril 1970 (Pas., 1970, I, p. 749). Cette solution demeurait douteuse lors d'une scission, en raison de la présence de deux ayants cause, mais fut confirmée à l'occasion de ladite réforme (voy. K. Geens « Les effets de la fusion », Les fusions et scissions internes de sociétés en droit commercial et en droit fiscal, Ed. du Jeune Barreau de Bruxelles, 1993, pp. 147 et s.). La même approche fut ensuite consacrée, par la loi du 13 avril 1995, pour les apports d'universalité et de branche d'activités, ainsi que pour certaines opérations assimilées aux fusions et scissions proprement dites (voy. P. Hainaut-Hamende, Les sociétés anonymes, 2e partie, Larcier, 2009, pp. 398 et s. et pp. 531 et s.).
[125] Art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[126] Le même raisonnement est applicable aux opérations de restructuration des associations consacrées par les art. 13:1 et s. CSA.
[127] « Les héritiers sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt, sous l'obligation d'acquitter toutes les charges de la succession. » (art. 724 C. civ.).
[128] « Lorsqu'au décès du testateur il n'y aura pas d'héritiers auxquels une quotité de ses biens soit réservée par la loi, le légataire universel sera saisi de plein droit par la mort du testateur, sans être tenu de demander la délivrance. » (art. 1006 C. civ.).
[129] « On est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention. » (art. 1122 C. civ.).
[130] G. de Foestraets, « Retrait litigieux et cessions d'universalité », J.T., 2010, p. 607.
[131] Ancien art. 671 C. soc.
[132] Ancien art. 672 C. soc.
[133] Sur les effets de la fusion, voy. not. J. Cattaruzza, « La restructuration des sociétés commerciales. Aspects juridiques », Droit des sociétés commerciales, t. 2 - 2012, 4e éd., Kluwer, 2012, pp. 1864 et s. ou J. Malherbe et alii, Droit des sociétés. Précis, Bruylant, 2011, pp. 1038 et s.
[134] L'art. 12:4 est relatif à la scission par absorption, l'art. 12:5 à la scission par constitution de nouvelles sociétés et l'art. 12:6 à la scission dite mixte (anciens art. 673 à 675 C. soc.).
[135] Sur le fait que la scission entraîne plusieurs transmissions à titre universel du patrimoine au profit des sociétés bénéficiaires des apports, voy. P. Van Ommeslaghe,« Les obligations », De Page. Traité de droit civil belge, Bruylant, 2013, pp. 1992-1993.
[136] Ancien art. 682, al. 1er, C. soc.
[137] Ancien art. 683 C. soc.
[138] Auparavant, conformément aux formalités prescrites par l'ancien art. 76 C. soc.
[139] Rappelons que les art. 77 et 78 de la loi du 25 avril 2014 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit organisent l'opposabilité de la cession des droits et obligations résultant de la scission et de la fusion des établissements de crédits.
[140] P. Van Ommeslaghe, « Les obligations », De Page. Traité de droit civil belge, Bruylant, 2013, pp. 1984 et s.
[141] S. Sobrie, « Onbekend maakt onbemind. 'Vergeten' vorderingen in het burgerlijk procesrecht », Smaakmakers in het procesrecht. Over buitengerechtelijke recepten, vergeten vorderingen en exotische incidenten, Intersentia, 2016, p. 73.
[142] Les parties peuvent convenir d'écarter ce régime qui, à défaut, s'appliquera (J. Cattaruzza, « La restructuration des sociétés commerciales. Aspects juridiques », Droit des sociétés commerciales, t. 2 - 2012, 4e éd., Kluwer, 2012, p. 1870).
[143] Cette disposition se lit de la manière suivante: « L'apport d'universalité entraîne de plein droit le transfert à la société bénéficiaire de l'ensemble du patrimoine actif et passif de la société ayant effectué l'apport. L'apport de branche d'activité entraîne de plein droit le transfert à la société bénéficiaire des actifs et passifs s'y rattachant. »
[144] Ces opérations permettent en effet, elles aussi, « moyennant le respect d'une procédure particulière prévue par le [CSA] d'effectuer le transfert d'un ensemble d'actifs et de passifs constituant une véritable universalité de droit (…) Ce transfert intervient de plein droit et est en principe opposable aux tiers [dans les conditions énoncées par l'article 2:18 du CSA] » (P.-A. Foriers et R. Jafferali, « La cession de fonds de commerce et autres opérations apparentées », La cession du fonds de commerce, Larcier, 2005, p. 45).
[145] Voy. Cass. fr., 5 octobre 2004, JurisData, n° 2004-025233.
[146] Art. 12:103 CSA; ancien art. 770 C. soc.
[147] « (…) opération par laquelle une société transfère, sans dissolution, l'intégralité de son patrimoine, activement et passivement, à une ou plusieurs sociétés existantes ou nouvelles, moyennant une rémunération consistant exclusivement en actions ou parts de la ou des sociétés bénéficiaires des apports » (art. 12:9 CSA; ancien art. 678 C. soc.).
[148] « (…) opération par laquelle une société transfère, sans dissolution, à une autre société une branche de ses activités ainsi que les passifs et les actifs qui s'y rattachent, moyennant une rémunération consistant exclusivement en actions ou parts de la société bénéficiaire de l'apport » (art. 12:10 CSA; ancien art. 679 C. civ.). La branche d'activité étant définie comme étant l'« ensemble qui, d'un point de vue technique et sous l'angle de l'organisation, exerce une activité autonome, et est susceptible de fonctionner par ses propres moyens » (art. 12:11 CSA; ancien art. 680 C. soc.).
[149] Les parties doivent exprimer leur volonté de soumettre la cession au régime consacré par le CSA (voy. J. Cattaruzza, « La restructuration des sociétés commerciales. Aspects juridiques », Droit des sociétés commerciales, t. 2 - 2012, 4e éd., Kluwer, 2012, p. 1871).
[150] Ancien art. 770 C. soc.
[151] Ancien art. 763 C. soc.
[152] Aux conditions de l'art. 12:98 CSA; ancien art. 765 C. civ.
[153] Voy. p. ex. D. Gol, « Transfert d'entreprises en difficultés en dehors des procédures collectives. Quelques points d'attention », La cession d'une entreprise en difficulté, Larcier, 2015, p. 12; P. Van Ommeslaghe,« Les obligations », De Page. Traité de droit civil belge, Bruylant, 2013, p. 1998.
[154] Une précision semble toutefois devoir être apportée concernant l'application du retrait en cas de cession d'un fonds de commerce: contrairement à la situation dans laquelle l'on se trouve en présence de la cession d'un portefeuille homogène de créances, que l'on ne peut pour cette raison placer dans un rapport de principal à accessoire, le fonds de commerce est composé d'éléments que l'on pourrait qualifier d'hétérogènes. Selon nous, rien n'empêche dès lors le cessionnaire d'invoquer la jurisprudence suivant laquelle le retrait doit être écarté si le droit litigieux se trouve dans un rapport accessoire avec un autre droit, non contesté (voy. supra, nos 14).
[155] Sur les conditions d'application exactes du retrait, voy. supra, n° 7 à 14.
[156] Pour rappel, les opérations prévoyant la transmission de droits litigieux mais qui ne reposent pas sur les art. 1690 et s. C. civ. (art. 5.248 et s. de la proposition de loi réformant le droit des obligations) échappent, pour cette seule raison, à l'application de l'art. 1699 C. civ. (art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations) (à ce sujet, voy. supra, nos 24 à 27).
[157] Dans le même sens, voy. M. Cohen-Blanche, « Titrisation et exercice du droit au retrait litigieux », La Semaine juridique. Entreprise et Affaires, 29 mai 2008, n° 22.
[158] Art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[159] Le cas de la titrisation est évoqué de manière spécifique, infra, D. La Cour de cassation française fait toutefois application du même raisonnement à son égard qu'à celui d'autres types d'opérations de cession de portefeuilles de créances.
[160] Cass. fr., 27 mai 2008, Bull. civ., IV, n° 109.
[161] A cet égard, elle ne semble pas prête à adopter une approche purement objective, pourtant défendue par une partie de la doctrine, puisqu'elle s'assure au contraire que le prix mis à jour par les juges du fond repose (à tout le moins en théorie) sur la commune intention des parties (Cass. fr., 4 juin 2007, n° 06-16746; Cass., 18 septembre 2007, n° 06-16617; Cass. fr., 22 mars 2011, n° 09-17118; Cass. fr., 31 janvier 2012, n° 10-20972; Cass. fr., 15 janvier 2013, Bull. civ., IV, n° 3).
[162] Le juge peut, pour ce faire, ordonner la communication forcée des documents permettant d'établir ce prix (Cass. fr., 12 juillet 2005, Bull. civ., n° 319; Cass. fr., 31 janvier 2012, n° 10-20.972).
[163] Cass. fr., 24 janvier 2018, n° 16-22.039.
[164] Cass. fr., 22 mars 2011, n° 09-17.118. Voy. égal. Cass. fr., 18 septembre 2007, n° 06-16.617.
[165] Cass. fr., 12 juillet 2005, Bull. civ., n° 319; Cass. fr., 28 mai 2008, Bull. civ., n° 109.
[166] « L'existence d'un prix complémentaire, fonction du résultat de la procédure, qui ne présente aucun caractère aléatoire, puisqu'il est déterminable et seulement soumis à une condition de perception des fonds, ne fait pas obstacle au retrait litigieux » (Cass. fr., 28 juin 2016, n° 14-15.347).
[167] P.-Y. Gautier, « La cession de créances 'en bloc' n'empêche pas l'exercice du droit du retrait », R.T.D. civ., 2005, p. 793.
[168] O. Gout, « Le rayonnement du droit au retrait litigieux », D., 2013, 542.
[169] Sur les méthodes de détermination du prix réel de la cession en cas de vente en bloc, voy. P-Y. Gautier, « La cession de créances 'en bloc' n'empêche pas l'exercice du droit de retrait », R.T.D. civ., 2005, p. 793.
[170] P. Markhoff, « Condition d'exercice du retrait litigieux lorsque la créance est incluse dans un portefeuille cédé pour un prix global », JCP E, 2007, p. 2580.
[171] Bull. civ., IV, n° 3.
[172] Rappelons qu'en France, la personnalité morale de la société subsiste en effet aussi longtemps que les droits et obligations ne sont pas liquidés (voy. O. Gout, « Le rayonnement du droit au retrait litigieux », D., 2013, 542).
[173] La décote est en réalité encore plus importante puisque ce prix incluait d'autres droits litigieux de la société en liquidation.
[174] Rappelons que la cause d'un contrat se définit en droit belge comme « les mobiles déterminants qui ont poussé chaque partie à conclure le contrat et qui étaient connus ou devaient l'être de l'autre partie » (voy. P.-A. Foriers, « Pierre Van Ommeslaghe et la théorie de la cause », J.T., 2018, p. 575), ce qui implique que « dans un contrat synallagmatique, la cause des obligations de l'une des parties ne réside pas exclusivement dans l'ensemble des obligations de l'autre partie, mais dans celui des mobiles qui a principalement inspiré son débiteur et l'a déterminé à contracter » (Cass., 14 mars 2008, Pas., 2008, I, n° 181).
[175] Cass., 7 mars 1946, Pas., 1946, I, p. 96.
[176] Proposition de loi portant insertion du Livre 5 « Les obligations » dans le nouveau Code civil, Doc. parl., Chambre, 2018-2019, n° 3709/001, p. 221.
[177] A ce sujet, voy. supra, n° 5.
[178] Exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., 2014-2015, 54-1057/001, p. 10.
[179] Voy. ce qui est dit au sujet de la transformation du prix réel de la cession en une simple valeur de calcul. La transformation de la notion de prix réel de la cession en simple valeur de calcul ne nous semble en outre pas contredite par l'art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations, qui prévoit au contraire que le débiteur peut exiger des parties à la cession la preuve des montants constituant le prix réel de la cession et les frais et loyaux coûts (art. 5.252, § 1er, al. 2).
[180] Rappelons que nous ne parlons ici que des cessions globales reposant sur le droit commun du Code civil.
[181] Si l'opposabilité aux tiers de la cession des créances titrisées déroge au droit commun, rendant la titrisation française incompatible avec l'art. 1690 C. civ. de ce pays, cela n'implique pas pour autant que cet aménagement écarterait également les règles résultant de l'art. 1699 de ce code, distinctes et indépendantes de celles consacrées par son art. 1690.
[182] Cass. fr., 15 avril 2008, n° 03-15.969.
[183] Art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[184] Voy. la définition donnée par le considérant n° 1 du règlement n° 2017/2402 du 12 décembre 2017 créant un cadre général pour la titrisation ainsi qu'un cadre spécifique pour les titrisations simples, transparentes et standardisées.
[185] Voy. Y. Boughdene et E. De Keuleneer, Pratiques et techniques bancaires, Larcier, 2013, p. 101.
[186] Voy. égal. la définition donnée à l'art. 2, 7°, de la loi du 3 août 2012 sur la mobilisation des créances.
[187] Selon l'exposé des motifs, il est à présent possible de créer de nouveaux véhicules de titrisation et d'offrir au public les titres qu'ils ont émis sans être soumis à des exigences autres que celles prévues par la loi du 16 juin 2006 relative aux offres publiques d'instruments de placement et aux admissions d'instruments de placement à la négociation sur des marchés réglementés (Doc. parl., Chambre, nos 53-3432/1 et 53-3433/1, pp. 115-116).
[188] Cette réforme traduit la volonté du législateur d'aligner la législation belge sur l'approche retenue par le législateur européen. La gestion des organismes de placement en créances n'est en effet pas organisée par la directive AIFM, dont l'art. 2, 3., g), exclut de son champ d'application les entités dont le seul objet est de réaliser une ou plusieurs opérations de titrisation.
[189] En substance, les titres émis par ces OPCr ne peuvent être acquis que par: (i) les investisseurs professionnels, tels que les entités qui sont tenues d'être agréées ou réglementées pour opérer sur les marchés financiers (comme les établissements de crédit, les entreprises d'assurance, les organismes de placement collectif, les fonds de pension); (ii) les grandes entreprises, les gouvernements, les banques centrales et autres entités analogues; ou (iii) d'autres investisseurs institutionnels dont l'activité principale consiste à investir dans des instruments financiers (art. 5 et 271/1 de la loi sur les OPCr).
[190] Arrêté royal du 29 novembre 1993 relatif aux organismes de placement en créances et arrêté royal du 8 juillet 1997 portant certaines mesures d'exécution relatives aux organismes de placement en créances.
[191] Art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[192] Dès lors, comme le prévoit l'art. 1690, § 1er, al. 2, C. civ. (art. 5.253, al. 2, de la proposition de loi réformant le droit des obligations), la cession de la créance sera en principe opposable au débiteur cédé à partir du moment où elle lui a été notifiée ou à dater de l'instant où elle a été reconnue par lui. Voy. toutefois les régimes particuliers instaurés par les art. VII.103 et VII.147/18 du Code de droit économique pour les contrats de crédit conclus avec des consommateurs. Seule la première de ces dispositions est écartée par l'art. 271/8 de la loi sur les OPCr.
[193] P. Van Ommeslaghe, « Les obligations », De Page. Traité de droit civil belge, Bruylant, 2013, p. 1921. Voy. égal., implicitement, J.-Fr. Romain,« Régime spécifique de la titrisation suivant la nature des créances cédées: la titrisation des crédits hypothécaires et des crédits à la consommation », Financieel recht tussen oud en nieuw, Maklu, 1996, pp. 235 et s.
[194] Art. 271/8 de la loi sur les OPCr et art. 81quater de la loi hypothécaire. Notons que cette dernière disposition a un champ d'application plus large et ne vise donc pas que ces opérations.
[195] Art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[196] P. Wery, « Les obligations », Rép. not., t. IV, livre 1/2, Larcier, 2016, pp. 755 et s.
[197] Ainsi que la BNB, la BCE et la SA bpost.
[198] Voy. art. VII.158 et s. CDE.
[199] Sont également visées, les personnes morales de droit étranger appartenant à l'une de ces catégories.
[200] La loi mobilisation définit cette notion au moyen d'un renvoi à l'art. 3, 10°, de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers.
[201] Doc. parl., Chambre, 2017-2018, 54-2682/001, p. 45.
[202] A ce sujet, voy. not. S. Landuyt et L. Anckaert, « Nieuwe financieringstechnieken in de bancaire sector: covered bonds en de mobilisering van schuldvorderingen », R.D.C., 2013, pp. 152 et s.; Y. Van Wassenhove, « Overdracht van een individuele kredietvordering ('bankvordering') na de inwerkingtreding van de mobiliseringswet », D.B.F., 2013, pp. 348 et s.; Fr. Heremans « Les nouvelles lois de mobilisation de créances dans le secteur financier », J.T., 2013, pp. 93 et s.
[203] Doc. parl., Chambre, 2011-2012, 53-2341/001, p. 44.
[204] Art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[205] Art. VII.104 et VII.147/19 CDE.
[206] Cet aspect est essentiel pour que la titrisation puisse effectivement avoir un effet sur les ratios prudentiels s'imposant à l'Initiateur (à ce sujet, voy. F. Bogaert, Overdracht van kredietrisico. Krediet derivaten en effectisering, Intersentia, 2013, p. 257).
[207] Bien entendu, les créances cédées s'y trouvent remplacées par un autre actif, représenté par le prix de la cession payé par l'organisme cessionnaire; l'actif incorporel constitué des créances est ainsi mobilisé, par sa transformation, à tout le moins en partie, en liquidités.
[208] Pensons aux risques de crédit, de taux d'intérêt ou encore de liquidité (voy. J. Antoine et M.-C. Capiau-Huart, Titres et bourse, t. 1, Instruments financiers , 3e éd., Larcier, 2012, p. 276).
[209] Rappelons notamment que toute banque doit détenir un niveau minimum de fonds propres en contrepartie des actifs qu'elle détient. En transférant une partie de ces actifs (et les risques qui y sont liés), la banque réduit ses besoins en fonds propres minimums et libère ainsi du capital économique et réglementaire.
[210] Ainsi, au lieu de recourir aux crédits bancaires traditionnels, certaines entreprises trouvent avantage à se présenter directement comme emprunteur à court terme, en leur nom propre, sur le marché de capitaux, en émettant des titres négociables qui sont souscrits par d'autres entreprises disposant d'une trésorerie excédentaire (voy. L. Dabin, « Régime juridique des marchés financiers et des valeurs mobilières », Rép. not., t. XII, livre 11, Larcier, 2010, n° 138).
[211] Voy. égal. K. Marcours, « Effectisering vanuit een bancair perspectief », D.B.F., 2002, pp. 130 et s.
[212] Même s'il n'est pas non plus exclu qu'une opération de titrisation soit mise en place précisément dans un tel objectif.
[213] Art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[214] Une fois cédées au SPV, les créances demeurent inscrites à son actif. Par la suite, seuls les titres émis pourront circuler, sans que leur transfert n'implique la cession des créances qu'ils représentent.
[215] Le SPV doit avoir pour objet exclusif d'acquérir des créances (art. 271/3 de la loi sur les OPCr) et doit être administré de manière à assurer une gestion autonome, dans l'intérêt exclusif des porteurs de titres (art. 271/4 de la loi sur les OPCr).
[216] Art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[217] Voy. V. Forti, « L'exercice du retrait litigieux à l'égard de la cession à un fonds commun de créances », D., 2008, p. 1732.
[218] Sur cette pratique, voy. F. Bogaert, Overdracht van kredietrisico. Krediet derivaten en effectisering, Intersentia, 2013, pp. 252 et s.
[219] En ce sens, voy. J.-Fr. Romain, « Examen du régime de la titrisation des créances en droit civil belge », R.D.C., 1992, p. 854.
[220] En particulier lorsque l'agent de recouvrement est une personne distincte de l'initiateur. Dans un tel cas, en effet, il est possible que la société chargée d'obtenir le paiement des créances s'avère moins accommodante que le prêteur initial et exerce des pressions indues sur les débiteurs cédés.
[221] Art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[222] Les porteurs de titre se voient d'ailleurs la plupart du temps octroyer des garanties de paiement leur permettant de protéger leur investissement contre les risques de défaillance des débiteurs cédés (à ce sujet, voy. not. F. Bogaert, Overdracht van kredietrisico. Krediet derivaten en effectisering, Intersentia, 2013, pp. 264 et s.).
[223] A savoir, les opérations incluant des créances litigieuses dans le portefeuille à titriser.
[224] R. Marty, « Le droit de retrait en matière de cession de créance ou l'expropriation pour cause de spéculation », JCP E, 2009, n° 6.
[225] F. Pollaud-Dulian « Le prix du retrait dans les cessions globales de créances », D., 2012, 834.
[226] Le législateur européen précise ainsi que les titrisations simples, transparentes et standardisées (« STS »), ne peuvent inclure des expositions en défaut ou relatives à un débiteur qui a été déclaré insolvable (art. 20.11 du règlement n° 2017/2042 du 12 décembre 2017 créant un cadre général pour la titrisation ainsi qu'un cadre spécifique pour les titrisations simples, transparentes et standardisées).
[227] Art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[228] Cette précision n'est néanmoins pas forcément incompatible avec un tel type d'opération, dès lors que, selon certains auteurs, « c'est aux parties à la cession du portefeuille global qu'il incombe de fournir les éléments de nature à déterminer le prix de cession de la créance, sur laquelle porte le retrait » (P. Markhoff, « Condition d'exercice du retrait litigieux lorsque la créance est incluse dans un portefeuille cédé pour un prix global », La Semaine juridique. Entreprise et affaires, décembre 2007, 2580).
[229] Dans le même sens, voy. V. Forti, « L'exercice du retrait litigieux à l'égard de la cession du fonds commun de créances », D., 2008, 1732.
[230] En ce compris celles englobant des créances présentant un caractère litigieux.
[231] A ce sujet, voy. égal. C. De Jonghe, « Vers un encadrement européen de l'activité des fonds vautours? », D.F.E., Legitech, mai 2019/02-03.
[232] « Many investors engage in this highly specialized form of investing. One study calculated that as of June 2016, private distressed debt fund managers held $63.3 billion in available capital, up from $28.2 billion in December 2006. Scholars have estimated the distressed debt market at more than 200 financial institutions investing between $350-400 billion in U.S. distressed debt and substantially more outside of it. » (voy. L. Wozny, « National Anti-Vulture Funds Legislation: Belgium's turn », Columbia Business Law Review, 2017, p. 704).
[233] Sur cette notion, voy. le point suivant.
[234] Voy. R. Vabres, « Les fonds vautours: quels enjeux? », R.I.S.F., 2014/3, p. 3.
[235] L'attention des autorités publiques se borne aux activités déployées sur le marché de la dette souveraine, auquel nous limiterons dès lors également notre exposé.
[236] Pour une description alternative, voy. J.I. Blackman et R. Mukhi, « The Evolution of Modern Sovereign Debt Litigation: Vultures, Alter Egos, and Other Legal Fauna », Law and Contemporary Problems, vol. 73, 2010, p. 50.
[237] Proposition de loi visant à sauvegarder la coopération au développement et l'allègement de la dette à la suite de l'intervention de fonds vautours, Doc. parl., Sénat, 2007-2008, n° 4-482/1, p. 1.
[238] Proposition de loi relative à la lutte contre les activités des fonds vautours, Doc. parl., Chambre, 2014-2015, n° 1057/001, p. 2.
[239] Art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.
[240] Loi du 6 avril 2008 visant à empêcher la saisie ou la cession des fonds publics destinés à la coopération internationale, notamment par la technique des fonds vautours (M.B., 16 mai 2008).
[241] Pour une analyse de cette loi, voy. not. A. Hansebout, « De wet van 6 april 2008: over onbeslagbaarheid en aasgierfondsen », R.W., 2008-2009, liv. 14, p. 596.
[242] Voy. art. 36 de la loi du 19 mars 2013 relative à la coopération belge au développement (M.B., 12 avril 2013) et art. 5 de la loi du 3 juin 1964 modifiant l'arrêté royal n° 42 du 31 août 1939 réorganisant l'Office national du ducroire et autorisant le ministre des Finances et le ministre qui a les relations commerciales extérieures dans ses attributions, à consentir des prêts à des états ou à des organismes étrangers (M.B., 17 juin 1964).
[243] Proposition de loi visant à sauvegarder la coopération au développement et l'allègement de la dette à la suite de l'intervention de fonds vautours, Doc. parl., Sénat, 2007-2008, n°4-482/1, pp. 2 à 4.
[244] Loi du 23 août 2015 insérant dans le Code judiciaire un article 1412quinquies régissant la saisie de biens appartenant à une puissance étrangère ou à une organisation supranationale ou internationale de droit public (M.B., 3 septembre 2015).
[245] Aucune référence aux fonds vautours n'est d'ailleurs faite dans l'exposé des motifs de cette loi.
[246] Proposition de loi insérant dans le Code judiciaire un article 1412quinquies régissant la saisie de biens appartenant à un Etat tiers ou à une organisation internationale, rapport fait au nom de la Commission de la justice, Doc. parl, Chambre, 2014-2015, n° 1241/005, p. 3.
[247] Pour une analyse de cette loi, voy. F. Dopagne,« L'immunité de saisie des biens de l'Etat étranger et de l'organisation internationale: notes sur l'article 1412quinquies du Code judiciaire », J.T., 2016, pp. 57 et s.; S. Duquet et J. Wouters, « De (on)beslagbaarheid van bankrekeningen van buitenlandse ambassades », R.W., 2015-2016, pp. 1483-1499; P. Vrielynck, « Beslag op bankrekeningen van vreemde staten, ambassades en internationale organisaties - de verklaring van derde beslagene - einde van een historie? », T. Fin. R., 2007, pp. 123-130; J. Vanderschuren, « La saisie des biens appartenant à une puissance étrangère en droit belge », R.D.I.A., 2018, pp. 324 et s.
[248] Plus précisément, la loi prévoit que les créanciers ne peuvent procéder à une saisie que dans trois cas distincts, à condition d'obtenir préalablement, via une requête, l'autorisation du juge des saisies.
[249] Voy. C.C., 27 avril 2017, n° 48/2017. Pour une analyse de cette décision, voy. A. Nicolas, « La saisie de biens appartenant à une puissance étrangère à l'aune du contrôle constitutionnel », Actualités en droit commercial et bancaire, Larcier, 2017, pp. 433 et s.
[250] Loi du 12 juillet 2015 relative à la lutte contre les activités des fonds vautours (M.B., 11 septembre 2015).
[251] Selon les travaux préparatoires, celle-ci concerne toutes les « procédures qui sont introduites postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi », et ce quelle que soit la date d'achat de la créance ou des titres en cause (proposition de loi relative à la lutte contre les activités des fonds vautours - Rapport, Ch. repr., Doc. parl., 2014-2015, Doc. 54-1057/003, p. 24).
[252] A savoir, celui visant à « profiter de la misère d'un pays pour [le] contraindre (…) à honorer intégralement une dette (…) acquise pour une bouchée de pain » (proposition de loi relative à la lutte contre les activités des fonds vautours - Rapport, Ch. repr., Doc. parl., 2014-2015, Doc. 54-1057/003, p. 5).
[253] Proposition de loi relative à la lutte contre les activités des fonds vautours, Doc. parl., Chambre, 2014-2015, n° 1057/001, pp. 3 et 4.
[254] Ibid., pp. 5 à 6.
[255] Art. 2, al. 1er, de la Loi du 12 juillet 2015.
[256] Sont concernés par la limitation de leurs droits, aussi bien les créanciers cherchant à obtenir d'une juridiction belge une condamnation de l'état débiteur, que ceux, déjà titulaires d'un titre, qui viseraient à le mettre en oeuvre par des mesures conservatoires ou exécutoires (voy. J. Vanderschuren, « La lutte contre les activités des fonds vautours en Belgique », R.D.I.A., 2018, pp. 375 et s. ou O. Creplet et J. Courbis, « La loi belge du 12 juillet 2015 relative à la lutte contre les activités des fonds vautours », Revue luxembourgeoise de bancassurfinance, 2016, pp. 79 et s.).
[257] Proposition de loi relative à la lutte contre les activités des fonds vautours, Doc. parl., Chambre, 2014-2015, n° 1057/001, p. 10.
[258] Compte tenu de l'importance qu'auront pris, dans la plupart des cas, les intérêts de retard et les pénalités éventuelles, la disproportion s'établira donc, en pratique, au moyen de la comparaison entre la valeur d'achat de la créance et les sommes dont le créancier demande le paiement à l'état débiteur.
[259] Proposition de loi relative à la lutte contre les activités des fonds vautours, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget, Doc. parl., Chambre, 2014-2015, n° 1057/003, p. 18.
[260] Cette référence à l'abus de droit est réitérée lorsque le législateur se réfère à l'art. 17 de la convention européenne des droits de l'homme, suivant lequel: « aucune des dispositions de la présente convention ne peut être interprétée comme impliquant pour (…) un individu (…) un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente convention  », afin de justifier l'atteinte au droit de propriété découlant de la loi du 12 juillet 2015 (voy. rapport, Doc. parl., Chambre, 2014-2015, Doc. 54-1057/003, p. 19).
[261] Pour une analyse de ces différents critères, voy. P. Wautelet « La chasse aux 'vautours' est ouverte. Du bon usage de la loi du 12 juillet 2015 », Liber amicorum Nadine Watté, Bruylant, 2017, pp. 555 et s. ou C. De Jonghe, « Vers un encadrement européen de l'activité des fonds vautours? », D.F.E., Legitech, mai 2019/02-03, nos 9 et 10.
[262] Voy. néanmoins l'intervention du parlementaire R. Van de Velde (proposition de loi relative à la lutte contre les activités des fonds vautours, rapport fait au nom de la Commission des finances et du budget, Doc. parl., Chambre, 2014-2015, n° 1057/003, pp. 21 à 24).
[263] Sur ces questions, voy. C. De Jonghe, « Vers un encadrement européen de l'activité des fonds vautours? », D.F.E., Legitech, mai 2019/02-03, nos 4 à 7.
[264] La requête en annulation introduite à l'encontre de cette loi devant la Cour constitutionnelle soulève d'autres questions que nous n'aborderons pas ici, à savoir: la violation de la liberté d'établissement prévue par les traités européens, de l'art. 3 du Règlement Rome I, du droit d'accès à un tribunal ou encore de l'art. 1134 du Code civil, consacrant le principe de la convention-loi. Aucun de ces griefs n'a été accueilli par la Cour constitutionnelle. Pour de plus amples informations à ce sujet, nous renvoyons le lecteur au commentaire que monsieur Vanderschuren a fait de cette décision: « La loi anti-fonds vautours belge réussit son examen constitutionnel », J.T., 2018, pp. 870 et s.
[265] La requête visant à obtenir l'annulation de cette loi dénonçait quant à elle l'existence d'une triple différence de traitement: « entre, d'une part, ce type de créancier et, d'autre part, le créancier qui a poursuivi aussi un avantage illégitime par le rachat d'un emprunt consenti à une personne autre qu'un état ou de la dette d'une telle personne, le créancier qui par un rachat de ce type ne poursuit pas un avantage illégitime ainsi que le créancier actif sur le marché primaire qui a conclu un contrat d'emprunt avec un état ou qui détient une créance sur un état » (C.C., 31 mai 2018, n° 61/2018, p. 5).
[266] A ce sujet, voy. égal. C. De Jonghe, « Vers un encadrement européen de l'activité des fonds vautours? », D.F.E., Legitech, mai 2019/02-03, n° 6.
[267] Le gouvernement invoquait également, dans l'écrit déposé dans le cadre de la procédure visant à obtenir l'annulation de cette loi, une troisième raison justifiant, selon lui, cette différence de traitement, à savoir le fait que « bien que disposant généralement de biens à travers le monde, [les Etats] ne disposent pas toujours de l'assistance juridique adéquate pour se défendre contre les actions intentées par les fonds d'investissement » (C.C., 31 mai 2018, arrêt n° 61/2018, p. 6). L'on remarquera toutefois qu'une telle justification ne concerne que les pays les moins développés, alors que la loi vise indistinctement tous les états endettés.
[268] Voy. not. H. Muir Watt, « Dette souveraine et main visible du marché: de nouveaux enjeux du droit international privé des contrats », Rev. crit. dr. intern. privé , 2015, p. 331.
[269] Sur l'opportunité de la mise en place d'une telle solution, voy. C.G. Paulus, « A Statutory Procedure for Restructuring Debts of Sovereign States », R.I.W., 2003, pp. 401-406; C. Lequesne-Roth, « Remédier à l'insolvabilité des Etats: la restructuration des dettes souveraines », Les défis du droit global, Bruylant, 2017, pp. 152 et s.
[270] Sauf en présence d'une clause d'action collective, qui permet de pallier l'absence de procédure collective d'insolvabilité organisée par le droit international au profit des états (à ce sujet, voy. C. De Jonghe, « Vers un encadrement européen de l'activité des fonds vautours? », D.F.E., Legitech, mai 2019/02-03, n° 2).
[271] Ce ne sont d'ailleurs pas toujours les créanciers qui ont recours à des pratiques douteuses dans le cadre de ces négociations: à ce sujet, voy. S.I. Strong, « Rogue Debtors and anticipated Risk », U. Pa. J. Int'l L., 2014, pp. 1139-1147.
[272] Le fait que « l'état débiteur a fait l'objet de mesures de restructuration de sa dette, auxquelles le créancier a refusé de participer » et que « le créancier fait un usage systématique de procédures judiciaires pour obtenir le remboursement de l'emprunt ou des emprunts qu'il a déjà précédemment rachetés » ne sont que deux des critères consacrés par le législateur afin de qualifier d'illégitime l'avantage recherché par le créancier, ne devant pas nécessairement être rencontrés pour que la réduction de ses droits puisse sortir ses effets.
[273] Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (J.O.R.F., n° 0287 du 10 novembre 2016). A son sujet, voy. C. De Jonghe, « Vers un encadrement européen de l'activité des fonds vautours? », D.F.E., Legitech, mai 2019/02-03, nos 13 et 14.
[274] Voy. C.C., 31 mai 2018, n° 61/2018, pp. 28 à 30.
[275] A savoir, la lutte contre les activités des fonds vautours.
[276] Au sujet de cette décision de la Cour constitutionnelle, voy. J. Vanderschuren, « La loi anti-fonds vautours belge réussit son examen constitutionnel », J.T., 2018, pp. 870 et s.
[277] Ce qui plaide pour une analyse cumulative des différents critères consacrés par le législateur, au moyen de laquelle le juge pourra déterminer les situations dans lesquelles la disproportion entre valeur d'achat et valeur nominale traduit effectivement la volonté du créancier d'acquérir un avantage (illégitime) au détriment des populations des pays les plus pauvres (dans le même sens, voy. P. Wautelet,« La chasse aux 'vautours' est ouverte. Du bon usage de la loi du 12 juillet 2015 », Liber Amicorum Nadine Watté, Bruylant, 2017, p. 578).
[278] Proposition de loi relative à la lutte contre les activités des fonds vautours, Doc. parl., Chambre, 2014-2015, n° 057/001, p. 10.
[279] Protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Paris, 20 mars, 1952.
[280] Cour eur. D.H., 21 juillet 2016, Mamatas et autres / Grèce, § 91; Cour eur. D.H., 2 décembre 2010, Yuriu Lobanov / Russie, § 33. La protection de ce titre en tant que bien existe même lorsque la créance qu'il représente n'a pas été consacrée par une décision coulée en force de chose jugée (voy. à ce sujet, R. Ergec, « La protection de la propriété à l'aide du concept d''espérance légitime' dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », En hommage à Francis Delpérée. Itinéraires d'un constitutionnaliste, Bruylant, 2007, pp. 513-527).
[281] D'autant plus que l'impossibilité d'obtenir l'exécution forcée d'un jugement définitif condamnant un état à verser une somme d'argent à un particulier ou à exécuter une créance est également analysée par la Cour eur. D.H. comme une ingérence dans le droit au respect des biens (Cour eur. D. H., 10 décembre 2013, Krstic / Serbie, § 77).
[282] Cour eur. D.H., 19 février 2009, Kozacioglu / Turquie,, § 64.
[283] Cour eur. D.H., 12 novembre 2013, Pyrantiene / Lituanie, § 67.
[284] Cour eur. D.H., 21 juillet 2016, Mamatas et autres / Grèce, § 94.
[285] Cour eur. D.H., 15 mai 2001, Gerald De Dreux-Breze / France, § 9.
[286] Cour eur. D.H., 21 juillet 2016, Mamatas et autres / Grèce, § 112.
[287] Trib. UE, 7 octobre 2015, Allessandro Accorinti et al. / BCE, T-79/13, § 82.
[288] P. Wautelet,« La chasse aux 'vautours' est ouverte. Du bon usage de la loi du 12 juillet 2015 », Liber Amicorum Nadine Watté, Bruylant, 2017, pp. 590 et 591.
[289] Celui-ci dispose que « nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
[290] C.C., 31 mai 2018, n° 61/2018, p. 33.
[291] A ce sujet, voy. p. ex. C. Kleiner, « L'affaire du siècle: NML c. République d'Argentine ou la 'contribution' des fonds vautours au droit international », Mélanges en l'honneur du Professeur Pierre Mayer, Paris, L.G.D.J., 2015, pp. 391 et s. ou M. Vernengo, « Argentina, Vulture Funds and The America Justice System », Challenge, 2014, pp. 46-55.
[292] Outre le fait qu'il ne protège qu'une catégorie particulière de débiteurs, rappelons que, contrairement à l'art. 1699 C. civ. (art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations), l'art. 2 de la loi du 12 juillet 2015 ne fait pas référence à une indemnisation complète du créancier pour l'expropriation qu'il consacre.
[293] La Belgique n'est en outre pas isolée dans cette volonté de lutter contre les activités des fonds vautours (voy., en France, l'art. 60 de la loi Sapin II dont il a été question ci-avant, au Royaume-Uni, le « UK (Debt Relief (Developing Countries) Act » de 2010, ou, au niveau européen, la résolution du Parlement européen du 17 avril 2018 sur l'amélioration de la viabilité de la dette des pays en développement (2016/2251(INI)).
[294] G. Baudry-Lacantinerie, Précis de droit civil, t. III, Larose et Forcel, 1889, p. 394.
[295] F. Pollaud-Dulian, « Le prix du retrait dans les cessions globales de créances », D., 2012, 834.
[296] Le législateur européen précise par contre que les titrisations simples, transparentes et standardisées (« STS »), ne peuvent inclure des expositions en défaut ou relatives à un débiteur qui a été déclaré insolvable (art. 20.11 du règlement n° 2017/2042 du 12 décembre 2017 créant un cadre général pour la titrisation ainsi qu'un cadre spécifique pour les titrisations simples, transparentes et standardisées).
[297] Pensons également, au niveau européen, au considérant AC de la résolution du Parlement européen du 17 avril 2018, qui énonce que « les fonds vautours ciblant des débiteurs en détresse et interférant avec des processus de restructuration de leurs dettes ne doivent pas bénéficier d'appui légal et judiciaire pour ces activités destructrices, et que des mesures supplémentaires doivent être prises à cet égard » (résolution n° 2016/2251(INI)).
[298] Cette disposition a été insérée dans le Code de droit économique par l'art. 3 de la loi du 28 mars 2014 portant insertion d'un Titre 2 « De l'action en réparation collective » au Livre XVII « Procédures juridictionnelles particulières » du Code de droit économique et portant insertion des définitions propres au Livre XVII dans le Livre 1er du Code de droit économique.
[299] « On soulignera par ailleurs que cette procédure ne vise pas à réaliser des profits ou à lancer une nouvelle activité économique. C'est pourquoi les avocats sont exclus de cette procédure en tant que conseils mandatés pour ester en justice.  » (Doc. parl., Ch. repr., n° 3300/004, p. 17). Ce motif a néanmoins été nuancé de la manière suivante par la Cour constitutionnelle: « Les travaux préparatoires précités de la loi attaquée ne peuvent donc être suivis lorsqu'ils affirment, sur la base d'éléments tirés de systèmes juridiques étrangers, que la représentation du groupe n'a pas été confiée aux avocats au motif notamment qu'il s'agirait d'éviter des demandes de dédommagement exorbitantes ou introduites 'à tort et à travers', en ne faisant primer que les propres intérêts de ceux-ci. » (C.C., 17 mars 2016, n° 41/2016, point B.30.1.).
[300] En conditionnant la libération du retrayant au remboursement du retrayé non seulement du prix d'acquisition du droit litigieux, mais également des frais exposés et des intérêts de ce prix à partir du jour du paiement. Cette nuance a, malheureusement, quelque peu été perdue de vue par le législateur à l'occasion de l'adoption de la loi du 12 juillet 2015.
[301] Cette manière de procéder respecte de surcroît la jurisprudence de la Cour eur. D.H. qui, ainsi que nous l'avons vu, admet le principe de l'expropriation du propriétaire d'un titre de créance, lorsque celle-ci a lieu moyennant le paiement d'une juste contrepartie, déterminée sur la base de sa valeur de marché.
[302] Art. 5.252 de la proposition de loi réformant le droit des obligations.