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Cour de cassation (3e ch.), 11/03/2019, C.18.0399.F, R.D.C.-T.B.H., 2019/10, p. 1258-1259

Cour de cassation 11 mars 2019

OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES
Conditions de validité du contrat - Consentement - Contrat de vente - Cession des parts - Obligation d'information - Obligation d'examiner - Obligation de déclarer - Excuse - Fraus omnia corrumpit - Due diligence
Le dol au sens de l'article 1116 du Code civil implique qu'un cocontractant utilise intentionnellement des artifices en vue d'inciter l'autre partie à conclure le contrat.
La réticence d'une partie, lors de la conclusion d'une convention, peut, dans certaines circonstances, être constitutive de dol lorsqu'elle porte sur un fait qui, s'il avait été connu de l'autre partie, l'aurait amenée à ne pas conclure le contrat ou à ne le conclure qu'à des conditions moins onéreuses.
VERBINTENISSEN UIT OVERTEENKOMST
Geldigheidsvereisten - Overeenkomst - Toestemming - Bedrog - Koop - Aandelen - Informatieplicht - Onderzoeksplicht - Mededelingsplicht - Verschoonbaarheid - Fraus omnia corrumpit - Due diligence
Bedrog in de zin van artikel 1116 van het Burgerlijk Wetboek impliceert dat een contractant opzettelijk kunstgrepen bezigt om de andere partij ertoe aan te zetten de overeenkomst te sluiten.
De verzwijging van een partij bij het sluiten van een overeenkomst kan in bepaalde omstandigheden bedrog uitmaken wanneer ze een feit betreft dat, als de andere partij daarvan op de hoogte was geweest, ze de overeenkomst niet of slechts onder minder bezwarende voorwaarden zou hebben gesloten.

R.D.C. / D.D.

Sièg.: M. Delange (conseiller f.f. président), M. Lemal, M.-C. Ernotte, S. Geubel et A. Jacquemin (conseillers)
MP: J.-M. Genicot (avocat général)
Pl.: Me M. Grégoire
Aff.: C.18.0399.F

(…)

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 23 mars 2018 par la cour d'appel de Mons.

Le 18 février 2019, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.

Par ordonnance du 18 février 2019, le premier président a renvoyé la cause devant la 3e chambre.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

[…]

Sur le deuxième moyen

Le dol au sens de l'article 1116 du Code civil implique qu'un cocontractant utilise intentionnellement des artifices en vue d'inciter l'autre partie à conclure le contrat.

La réticence d'une partie, lors de la conclusion d'une convention, peut, dans certaines circonstances, être constitutive de dol lorsqu'elle porte sur un fait qui, s'il avait été connu de l'autre partie, l'aurait amenée à ne pas conclure le contrat ou à ne le conclure qu'à des conditions moins onéreuses.

L'arrêt relève qu'« il n'est pas contesté que l'immeuble, en ce compris son annexe, constituait l'essentiel de l'actif de la société […] dont les parts ont fait l'objet de la cession querellée », que « c'est ainsi que l'article 1er de la convention de cession stipule que: 'Cette société comprend principalement l'immeuble […] et tout le mobilier destiné à l'exploitation de l'immeuble en home pour personnes âgées tel que repris à l'objet social' », qu'« il n'est pas non plus contesté que [la demanderesse], postérieurement à la cession de son immeuble à la société […], a procédé, en 1989, à la construction d'une importante annexe, destinée à des chambres en vue d'héberger des personnes âgées, laquelle n'a jamais fait l'objet d'un permis de bâtir », que la demanderesse « a reconnu également qu'avant d'entamer les travaux de la construction de l'annexe, elle avait introduit, le 21 juin 1989, une demande de permis de bâtir qui n'a jamais fait l'objet d'une décision » et que la demanderesse a reconnu qu'elle « n'avait sollicité l'intervention d'un architecte que pour la réalisation des plans de l'annexe et l'introduction de la demande de permis, mais que ce dernier n'avait pas suivi les travaux et qu'elle même avait pris la décision de faire exécuter les travaux sans attendre la délivrance du permis, malgré l'existence d'une difficulté administrative qu'elle dit relative à la perte de temps ».

Il considère que, « cette décision n'étant jamais intervenue, [la demanderesse] ne pouvait donc pas ignorer que sa construction avait été érigée sans permis de bâtir », que la demanderesse « était donc forcément au courant de cette carence au moment de la conclusion de la convention de cession des parts de la société […] propriétaire de cet immeuble et de son annexe » et que, « dès lors qu'il est établi, notamment par une modification, dès le 8 novembre 1996, de l'objet social de la société […] autorisant la location de tout le patrimoine immobilier de cette dernière, que l'achat des parts de cette société ne pouvait se justifier que par rapport à sa rentabilité tournant autour de la possibilité de louer toutes les chambres du bâtiment et de son annexe à des personnes âgées, l'absence de permis de bâtir pour l'annexe de 110 m2, comprenant plusieurs chambres, susceptible de nuire au projet de location, ne pouvait que menacer cette rentabilité et donc porter atteinte à l'élément déterminant à l'origine du consentement [du défendeur] ».

Il en déduit qu'« eu égard à ces circonstances, il appartenait à [la demanderesse], lors de la convention de cession de parts, de porter à la connaissance des cessionnaires que l'annexe avait été construite sans permis de bâtir ou, à tout le moins, qu'elle n'avait jamais reçu le permis sollicité » et qu'« en s'abstenant de donner cette information, [la demanderesse] a manifesté une réticence dolosive sciemment en vue de favoriser l'obtention du consentement [du défendeur] à la cession des parts de la société […] propriétaire de cet immeuble et de son annexe ».

Par ces énonciations, l'arrêt, qui considère que l'incidence du défaut de permis d'urbanisme sur la possibilité pour la société de réaliser son objet social et la menace en résultant sur sa rentabilité faisaient peser sur la demanderesse une obligation d'en informer le défendeur, justifie légalement sa décision d'annuler pour dol la convention de cession de parts querellée.

Le moyen ne peut être accueilli.

[…]

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi;

Condamne la demanderesse aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de 1.016,58 EUR envers la partie demanderesse.