Le droit transitoire du Livre XX
TABLE DES MATIERES
Chapitre 2. Les opérations de vente publique
Chapitre 4. Les professions libérales
Chapitre 1. Le principe |
1.En vertu de l'article 72 de la loi du 11 août 2017, les dispositions de cette nouvelle loi s'appliquent aux procédures d'insolvabilité ouvertes à partir de l'entrée en vigueur de celle-ci, soit le 1er mai 2018. Comme l'ouverture de la procédure est définie à l'article I.22, il ne devrait donc pas y avoir théoriquement de problème d'application du droit. La loi s'appliquera aux procédures de faillite, à partir de la décision d'ouverture de la faillite, aux procédures de réorganisation judiciaire, à partir de la décision octroyant le sursis (cf. toutefois, infra, le n° 12 et le n° 13).
2.Cette solution radicale a pour conséquence qu'en principe les régimes anciens et nouveaux devront coexister, ce qui impliquera que pendant plusieurs années des régimes légaux distincts devront être appliqués.
Cela se vérifiera sur le plan du droit matériel. A titre d'exemples:
- l'opposabilité nouvelle des actes accomplis en période suspecte visée à l'article XX.65, § 2, du code ne profitera aux intéressés que pour les procédures de faillite ouvertes après l'entrée en vigueur de la loi;
- l'effacement des dettes ne pourra être accordé que dans le cadre des faillites déclarées après l'entrée en vigueur de la loi;
- les honoraires des mandataires de justice, des juges-délégués et juges-commissaires seront déterminés en fonction de la date d'ouverture de la procédure au sein de laquelle ils oeuvrent;
- le contenu possible du plan dépendra de la date de l'ouverture de la procédure.
Cela se vérifiera aussi quant aux actes de procédure. La procédure électronique intégrale ne s'appliquera qu'aux nouvelles procédures (voy. infra). Les avertissements adressés en cours de faillite aux autorités ordinales, par exemple, ne s'appliqueront qu'aux nouvelles procédures concernant des professions libérales, même si avant l'entrée en vigueur du Livre XX du code, un titulaire de profession libérale faisait l'objet d'une procédure.
Les tribunaux devront donc appliquer, pendant un certain temps, deux types de procédure et deux corps de lois. Il faudra, dans la pratique, clairement identifier la loi applicable afin d'éviter toute erreur. L'informatisation du système devrait faciliter cette approche.
3.La situation est peut-être moins simple qu'il n'y paraît. La première difficulté concerne les chambres des entreprises en difficultés. Ces chambres comme précisé au Livre III, constituent des dossiers qui, le cas échéant, seront intégrés au dossier de la procédure comme prévu à l'article XX.41, § 4, du code. Le fait qu'un dossier soit ouvert dans ces chambres ne signifie pas pour autant qu'une procédure soit ouverte au sens du Livre XX. Le fait qu'en vertu de l'article XX.25, § 3, le débiteur puisse être invité à communiquer les données au juge rapporteur « le cas échéant au moyen du registre » ne signifie pas pour autant qu'une procédure ait été ouverte [2].
4.Une autre nuance s'impose. Le Livre XX du code contient plusieurs procédures qui se déroulent en tout ou en partie hors des procédures formelles d'insolvabilité mais qui sont en lien avec elles. Pour chacune d'elles, il faudra examiner leur application dans le temps.
5.Le mandataire judiciaire de l'article XX.30 du code est désigné hors de toute procédure mais son mandat peut perdurer même après l'ouverture de la procédure si son mandat est confirmé par le tribunal. Ce n'est que le mandataire visé à l'article XX.30 du code qui bénéficiera d'une telle prorogation de son mandat et donc seulement s'il est désigné à partir du 1er mai 2018. Les actes d'un mandataire judiciaire désigné avant le 1er mai 2018 en vertu de l'ancienne loi sur la continuité (art. 14 de la loi sur la continuité) ne se retrouveront pas dans Regsol: une ouverture de réorganisation judiciaire, sous l'égide de cette ancienne loi, signifiait la fin de leur mandat.
6.L'administrateur provisoire de l'article XX.31 du code ne concerne que les procédures ouvertes à partir de l'entrée en vigueur du Livre XX. Aucun problème particulier ne se pose.
7.L'administrateur provisoire de l'article XX.32 du code précurseur de la faillite, a des pouvoirs similaires à ceux de l'ancien article 8 de la L.C.E. Il nous semble qu'il sera nécessaire que le greffier du tribunal de l'insolvabilité intègre ces données dans le Regsol nouveau: ceci pourrait même se faire dans le cas d'une procédure entamée avant le 1er mai 2018 et conclue par une faillite, ou réorganisation judiciaire décidée seulement postérieurement au 1er mai 2018.
8.Pour l'accord amiable hors réorganisation judiciaire, un problème similaire se pose. En fait, il n'y a pas d'ouverture de procédure proprement dite, puisque l'accord amiable se déroule en principe hors d'action des tribunaux. Toutefois l'accord amiable a plusieurs liens avec le tribunal de l'insolvabilité:
- le débiteur peut demander la désignation d'un médiateur d'entreprise;
- l'accord peut être déposé dans Regsol;
- l'homologation peut être demandée.
Et ceci, même sans mentionner le fait que cette voie pourrait être le remplaçant du pre-pack avorté.
Le seul fait de déposer un accord dans Regsol n'initie pas une procédure: ce document restera d'ailleurs confidentiel.
Le fait de demander la désignation d'un médiateur d'entreprise n'initie pas une procédure proprement dite. Cette démarche informelle d'ailleurs suscitera une ordonnance qui à ce stade ne devra pas se trouver dans Regsol même si elle est faite à partir du 1er mai 2018. Cela reste une procédure tout à fait confidentielle qui échappe à ce stade à l'approche formelle d'une intégration dans le registre.
La demande d'homologation de l'accord par contre, faite à partir du 1er mai 2018, sera faite au greffe par le biais d'une demande conjointe des parties (art. XX.37 C.D.E.). Cette requête a un caractère tout à fait confidentiel qui ne se prête pas à une insertion telle quelle dans Regsol et le greffier sera amené à examiner cette requête sous cet angle. La démarche de l'article XX.37 du code pourra être faite dès le 1er mai 2018, même si l'accord est antérieur. L'acte initial est la demande d'homologation.
Des accords entre parties conclus avant le dépôt au greffe bénéficieront ainsi de la protection élargie accordée aux actes commis en période suspecte.
9.En matière d'interdiction, la coexistence de deux systèmes d'interdiction est complexe. En effet tant les éléments de l'interdiction que la procédure ont changé. Les nouvelles règles de procédure de l'interdiction s'appliqueront dès le 1er mai 2018 à toutes les procédures ouvertes ou non avant ou après le 1er mai 2018. Par contre, en ce qui concerne les éléments matériels, il faudra distinguer selon la date d'ouverture de la procédure pour l'application de l'ancienne ou de la nouvelle loi.
10.En matière de responsabilité, la même règle s'applique pour les actions intentées après le 1er mai 2018 dans des actes relatifs à des insolvabilités antérieures au 1er mai 2018. Il semblerait que pour ces procédures détachables de la procédure d'insolvabilité proprement dite ce soient les dispositions nouvelles qui s'appliqueraient immédiatement.
11.En matière pénale - qui ne connaît pas d'aggravation des peines - le nouveau régime des sanctions devrait s'appliquer immédiatement, sauf en ce qui concerne l'extension du champ d'application des sanctions. Le fait d'avoir intégré les infractions qui se trouvaient naguère logées dans la loi sur la continuité dans le Code pénal, ne devrait pas créer de vide juridique.
12.Un élément tout à fait singulier concerne les procédures de faillite et réorganisation dont la décision d'ouverture se situe à partir du 1er mai 2018. En vertu de l'article I.22, 5°, du code, le moment de l'ouverture de la procédure est le moment auquel la décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité prend effet, que la décision soit ou non susceptible de recours. Or les actes initiateurs de la procédure (p. ex. un aveu de faillite, une requête en réorganisation judiciaire) peuvent avoir été accomplis avant le 1er mai 2018 et donné lieu à une décision rendue à partir du 1er mai 2018. Il serait impensable de demander au requérant ou au débiteur qui fait l'aveu de sa faillite de se soumettre à des exigences d'une loi qui n'est pas encore en vigueur. Le Livre XX du code ne s'appliquera donc pas à ce genre de procédure qui restera soumise à l'ancien droit. La définition de l'article I.22, 5°, du code n'est qu'une définition et celle-ci doit être lue dans le contexte des normes matérielles de la loi. Elle sera d'ailleurs parfaitement valable dans d'autres contextes que celui du droit transitoire.
13.Partant, le registre ne devrait appréhender comme nouvelle procédure que celle dont l'acte initiateur (aveu, citation, requête) est accompli à partir du 1er mai 2018 à 0h.
Chapitre 2. Les opérations de vente publique |
14.L'article 72 de la nouvelle loi contient une disposition particulière concernant les ventes publiques. En vertu de l'article 72, alinéa 2, les opérations de vente publique menées conformément aux articles 1193, 1209, 1214, 1224 et 1587 du Code judiciaire, dont le jour de la première séance de vente ou, en cas d'enchères dématérialisées, le jour du début des enchères est initialement fixé dans un délai de 4 mois suivant l'entrée en vigueur des articles 27, 30, 31, 32, 35, 36, 39, 41 à 47, demeurent régies par les dispositions telles qu'elles étaient d'application avant l'entrée en vigueur de la présente loi.
Chapitre 3. Le registre |
15.Dans la mesure où l'article 72 de la loi nouvelle fait une distinction entre procédures nouvelles et anciennes, le registre devra refléter cette distinction et rendre la solution des problèmes plus simple en identifiant dès l'abord selon quel système sera gérée la procédure d'insolvabilité. Ce sera en plus, en quelque sorte inévitable.
16.En matière de faillite, en particulier, là où existait avant le 1er mai 2018, un système de registre, le workflow est fort différent - c'est même un des apports importants du Livre XX du code. Que ce soit pour les rapports, pour le sort des cautions, pour l'abrogation de la procédure « sommaire » ancienne de clôture, le flux a changé. Par ailleurs, l'électronique n'est plus facultative et le système n'est plus hybride: le rôle du papier a changé de nature, l'insertion dans le système a des effets qu'elle n'avait pas sous l'ancienne loi, etc. Mélanger les deux systèmes n'était pas une option.
17.En clair et avec les nuances indiquées sous le titre I, a) pour la réorganisation, Regsol ne devrait intégrer que les procédures nouvelles; b) pour la faillite, Regsol comprendra une version « new-Regsol ». Pour la faillite, par exemple, seules les nouvelles faillites bénéficieront d'un dossier électronique complet permettant de voir tout l'historique. Le droit d'écrire et de prendre connaissance devrait logiquement aussi différer selon le type de procédure dont les intéressés veulent prendre connaissance. On peut imaginer quelle serait la frustration d'un intéressé qui espère obtenir à distance pour une ancienne faillite connaissance d'éléments qui ne sont insérés que pour les nouvelles faillites.
Un problème de nature particulière concerne le sort.
Chapitre 4. Les professions libérales |
18.En vertu de la jurisprudence, les professions libérales étaient déjà largement considérées comme entreprises. Les nouvelles précautions prises en ce qui les concernent, ne sont sans doute pas applicables telles quelles en vertu du droit transitoire. Rien n'empêche toutefois les tribunaux, dans la gestion de procédures déjà ouvertes, d'appliquer de façon prétorienne des mesures destinés à sauvegarder le secret professionnel.
Les professions libérales se trouvent confrontées à de nouvelles infractions qui pourraient résulter de leurs activités ou comportements.
Le Livre XX du code implique une double limitation des poursuites:
- les poursuites ne peuvent être entamées qu'après l'ouverture après le 1er mai 2018 d'une procédure d'insolvabilité dans le cadre de laquelle les faits reprochés ont été commis;
- les procédures ne peuvent être fondées que sur des faits qui, s'ils ont été commis avant le 1er mai 2018, étaient déjà répréhensibles sous l'ancienne loi.
[1] | Président honoraire de la Cour de cassation. |
[2] | Si le registre ne contient pas les éléments recueillis par les chambres des entreprises en difficultés - ce qui semble vraisemblable à l'heure actuelle - le débiteur ne produira évidemment pas les données à partir du registre. |