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Les apports du Livre XX à l'insolvabilité transfrontalière, R.D.C.-T.B.H., 2018/3, p. 281-293

Les apports du Livre XX à l'insolvabilité transfrontalière

Patrick Wautelet [1] et Charles-Antoine Leunen [2]

TABLE DES MATIERES

I. Aperçu général

II. Mesures d'application du règlement européen A. Information 1. Publication relative à l'ouverture d'une procédure principale dans un autre Etat membre lorsque le débiteur dispose d'un établissement en Belgique

2. Publication relative à l'engagement pris au titre de l'article 36 du règlement insolvabilité

3. Information relative à une éventuelle procédure d'insolvabilité secondaire

B. Coordination/coopération

C. Reconnaissance

III. Les dispositions du Code de droit international privé

IV. Les dispositions visant spécifiquement les insolvabilités non européennes

V. Droits des créanciers et des tiers

VI. Compétences du curateur

VII. Coopération entre acteurs de l'insolvabilité

1.Parmi les grandes lignes directrices du projet de réforme et de rationalisation du droit de l'insolvabilité, il a été prévu de prendre en considération la dimension internationale de l'insolvabilité [3]. Sachant que cette dimension internationale est déjà réglée d'une part par le règlement européen relatif à insolvabilité, récemment révisé [4], et d'autre part, par des règles de conflit de lois et de juridiction dans le Code DIP, les dispositions du Titre VII du Livre XX du Code de droit économique ont une vocation plutôt complémentaire. Elles n'en sont pas moins intéressantes, et nous tenterons dans la présente contribution d'en esquisser les principaux apports au cadre normatif existant.

I. Aperçu général

2.Le Titre VII relatif à l'insolvabilité transfrontalière s'organise en deux chapitres, suivant les objectifs énoncés ci-dessus. Un premier, consacré à l'insolvabilité européenne, contient des mesures d'application se greffant sur les dispositions du règlement insolvabilité tel qu'il a été révisé. Il s'agit là tout d'abord d'intégrer dans le Livre XX du code des mesures qui existaient déjà dans la loi sur les faillites, tel l'article 3 relatif à l'ouverture de procédures d'insolvabilité territoriales et l'absence de nouvel examen quant à la qualité du débiteur. Ensuite, comme dans d'autres Etats membres, le législateur belge introduit un certain nombre de dispositions qui mettent en oeuvre, pour autant que de besoin, le règlement insolvabilité ou qui le complètent avec des dispositions d'ordre pratique [5].

3.Le Chapitre 2 du Titre IV du nouveau Livre XX vise les « autres procédures d'insolvabilité à dimension internationale ». L'on aura compris que sont en jeu les procédures qui échappent au règlement insolvabilité. Les dispositions sont dès lors exclusivement d'application lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur n'est pas situé sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne lié par le règlement. L'article XX.210 du code rappelle d'ailleurs fort opportunément que le Chapitre 2 n'est pertinent qu'à défaut pour le règlement insolvabilité de s'appliquer. Ce chapitre prolonge le premier effort entrepris par le législateur de 2004, qui avait déjà imposé aux curateurs un devoir de coopération. A ce titre, ce Chapitre 2 constitue un développement des dispositions en matière d'insolvabilité qui figuraient dans le Code de droit international privé.

4.L'exposé des motifs contient un aperçu didactique des différents scénarios, au nombre de six, pouvant se poser dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité transfrontalière. Nous y renvoyons le praticien qui y trouvera une synthèse utile pouvant le guider [6].

II. Mesures d'application du règlement européen

5.Avant d'entamer la discussion des articles du Chapitre 1er du Titre VII, il faut relever que le règlement insolvabilité a marqué le Livre XX à d'autres endroits que dans le Titre VII. Ainsi, l'article XX.12 du code détermine désormais la compétence territoriale du tribunal de l'insolvabilité selon la situation du centre des intérêts principaux du débiteur. Cette notion issue du règlement n° 1346/2000 est donc intégrée dans notre droit interne et trouvera à s'appliquer dans des procédures d'insolvabilité purement nationales, en dehors du champ d'application strict du règlement insolvabilité. Elle est par ailleurs définie à l'article I.22, 17°, C.D.E. selon les mêmes termes que la définition contenue à l'article 3, 1. du règlement insolvabilité. On peut se réjouir d'une telle cohérence. La question de l'effet d'interprétations données par la Cour de justice européenne concernant la notion de centre des intérêts principaux se posera néanmoins. La jurisprudence de la Cour de justice européenne rendue dans des affaires transfrontalières devra, nous semble-t-il, également valoir dans un contexte purement interne ou national [7]. Cela nous semble logique et préférable dans un souci de cohérence [8].

6.On trouve une seconde trace du règlement insolvabilité à l'article XX.122 du code traitant du choix des curateurs parmi la liste établie par l'assemblée générale du tribunal de commerce compétent. Cette disposition détermine le mode de sélection du curateur « sans préjudice de l'application des dispositions du [règlement insolvabilité] [9] ». La portée de cette réserve n'est pas facile à distinguer, dès lors que le règlement insolvabilité n'intervient pas dans le mode de sélection du curateur. Soit il s'agit d'une procédure principale ouverte en Belgique et dans ce cas, c'est le droit belge, précisément l'article XX.122 du code, qui déterminera comment doit être sélectionné le curateur, sans interférence du règlement insolvabilité. Soit il s'agit d'une procédure territoriale et là encore, selon la nature de la procédure ouverte, si il s'agit d'une faillite secondaire, le droit interne fixe le mode de sélection du curateur.

7.Les sept articles du Chapitre 1er du Titre VII sont tous des mesures d'application du règlement européen relatif à l'insolvabilité, récemment revisité [10]. Si l'on souhaitait catégoriser les dispositions concernées selon leur principal objectif, on pourrait distinguer trois types de dispositions [11]. Certaines dispositions sont relatives à l'information, d'autres visent la coordination et la coopération, et d'autres enfin ont trait à l'efficacité de la reconnaissance des procédures ouvertes dans un autre Etat membre.

A. Information
1. Publication relative à l'ouverture d'une procédure principale dans un autre Etat membre lorsque le débiteur dispose d'un établissement en Belgique

8.Lorsqu'une procédure d'insolvabilité principale est ouverte dans un autre Etat membre à l'encontre d'un débiteur et lorsque ce débiteur dispose d'un établissement en Belgique, l'article XX.202 du code prévoit de donner une publicité dans le Moniteur belge à l'existence de cette procédure principale ainsi qu'à l'identité du praticien de l'insolvabilité. Cet article reprend, sous une autre formulation, le principe qui était déjà énoncé à l'article 3 de la loi sur les faillites [12] et le complète sous deux aspects. D'abord, la publication au Moniteur belge devra dorénavant préciser la règle de compétence appliquée par la juridiction ayant ouvert la procédure, à savoir une des règles contenues à l'article 3, 1., du règlement insolvabilité. Ensuite, la deuxième phrase de l'article XX.202 du code précise que la publication au Moniteur belge est également effectuée lorsque la demande en est faite par le praticien de l'insolvabilité [13] ou par le débiteur non dessaisi.

9.La mesure de publicité dans le Moniteur belge concernant l'ouverture d'une procédure principale dans un autre Etat membre s'impose dès que le débiteur dispose d'un établissement en Belgique. L'article I.22, 18°, du C.D.E., introduit dans le Code de droit économique à la faveur de l'adoption du Livre XX, reprend à son compte la définition de la notion d'établissement qui figure à l'article 2, 10., du règlement insolvabilité. Si cette définition figure dans un texte national, il paraît opportun de lui donner la même interprétation que celle dont bénéficie le concept en droit européen.

10.Même si cela n'est pas prévu par le texte, il nous semble que lorsqu'une publication est faite dans le Moniteur belge concernant l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité principale dans un autre Etat membre à l'encontre d'un débiteur disposant d'un établissement en Belgique, cela doit entraîner l'ouverture d'un dossier dans le Registre Central de la Solvabilité (ci-après, le registre tel que ce terme est défini à l'art. I.22, 6°, C.D.E.). Le cas échéant, d'autres données et pièces concernant cette procédure d'insolvabilité pourront y être versées. On peut penser notamment à l'engagement que pourrait prendre le syndic de la procédure d'insolvabilité principale au titre de l'article 36 du règlement insolvabilité (voy. infra). Certes, le registre est, selon sa définition à l'article I.22, 6° C.D.E., destiné à la conservation des dossiers relatifs aux accords amiables, aux procédures de réorganisation et aux faillites, mais l'efficacité des procédures impose une interprétation plus large. Cela permettrait alors d'intégrer dans le registre, les procédures d'insolvabilité ouvertes dans un autre Etat membre lorsqu'elles impliquent un établissement en Belgique.

2. Publication relative à l'engagement pris au titre de l'article 36 du règlement insolvabilité

11.Une deuxième mesure de publicité ou d'information concerne les engagements pris au titre de l'article 36 du règlement insolvabilité [14]. Cette disposition, issue de la refonte du règlement en 2015, permet au syndic d'une procédure principale ouverte dans un Etat membre d'éviter l'ouverture d'une procédure secondaire dans un autre Etat membre où se trouverait un établissement du débiteur, en prenant un engagement à l'égard des créanciers de cet établissement de les traiter comme si une procédure secondaire avait été ouverte. Un tel engagement devra être consigné, selon les termes de l'article XX.204 du C.D.E., dans un document écrit, dont un exemplaire authentifié sera déposé dans le registre. Ce faisant, le législateur précise les modalités formelles auxquelles un tel engagement est subordonné, comme le permet l'article 36, 4., du règlement insolvabilité.

12.L'objectif de la mesure d'information est assez simple - permettre aux créanciers de l'établissement d'un débiteur de prendre connaissance de l'engagement pris par le syndic de la procédure principale ouverte à l'encontre de ce débiteur. En revanche, certaines questions se posent quant à son application pratique. Tout d'abord, il faut qu'il y ait un dossier dans lequel l'engagement du syndic peut être versé. Nous avons évoqué ci-dessus la nécessité de l'ouverture d'un dossier dans le registre [15] dès qu'une publication est effectuée relative à l'ouverture d'une procédure principale dans un autre Etat membre pour un débiteur ayant un établissement en Belgique. Si à cette occasion un dossier a été ouvert, l'engagement au titre de l'article 36 du règlement insolvabilité pourra y être versé. Ensuite, en vue du dépôt dans le registre, l'engagement du syndic de la procédure principale devra être consigné dans un document écrit authentifié. La portée exacte de cette authentification n'est pas certaine et le terme correspondant dans la version néerlandophone du texte, « geauthentiseerd », véritable offense au néerlandais, n'offre pas plus de précisions. Il nous semble qu'il ne faille pas y porter une attention trop importante - tout document qui permettrait de déterminer ou de confirmer que l'engagement a bien été pris par le syndic de la procédure principale devrait suffire. Enfin, il est prévu que le document devant être déposé au registre pourra l'être en français, en néerlandais ou en allemand. Si l'engagement est rédigé dans une langue étrangère, une traduction en français, en néerlandais ou en allemand devra être jointe à l'engagement. Cette disposition reprend au mot l'article 36, 3., du règlement insolvabilité. Deux observations s'imposent néanmoins. La première observation est que le texte de l'article XX.204 du code n'établit pas de règle sur l'utilisation prioritaire de l'une ou l'autre langue de sorte qu'il devrait être possible de déposer un engagement rédigé en français, même si l'établissement concerné se trouve en région flamande. Ensuite, on ne peut s'empêcher de comparer cette disposition sur l'utilisation des langues à celle relative à la déclaration de créance qui figure à l'article XX.155, § 4, du code. Cette disposition est plus flexible en ce qu'elle permet de faire une déclaration de créance dans une des langues nationales ou en anglais. L'anglais étant devenu, par la force des choses, la langue véhiculaire dans les procédures d'insolvabilité transfrontalières, on peut regretter que le législateur n'ait pas retenu la même solution pour l'engagement du syndic d'une procédure principale tel qu'il l'a fait à l'article XX.155, § 4, du code comme cela a été fait pour la déclaration de créance dans le cadre d'une faillite.

13.Il convient ici de rappeler que le dépôt de l'engagement au titre de l'article 36 du règlement insolvabilité n'entraîne pas de conséquences directes. Pour être efficace et empêcher l'ouverture d'une procédure secondaire, il doit en effet être approuvé par une majorité qualifiée de créanciers. Le règlement insolvabilité renvoie à cet égard aux conditions existant dans le droit national pour l'approbation des plans de réorganisation [16]. L'article 38 du règlement insolvabilité précise que la juridiction étant amenée à statuer sur l'ouverture d'une procédure secondaire, refusera celle-ci si un engagement au titre de l'article 36 a été donné et que celui-ci protège de manière adéquate les droits généraux des créanciers locaux.

3. Information relative à une éventuelle procédure d'insolvabilité secondaire

14.Le règlement insolvabilité révisé offre au syndic de la procédure principale des outils lui permettant tant bien que mal de contrôler l'ouverture d'une procédure secondaire [17]. Nous venons d'évoquer l'article 36 selon lequel le syndic de la procédure principale peut prendre un engagement à l'égard des créanciers d'un établissement dans un autre Etat membre que l'Etat membre d'ouverture afin de prévenir l'ouverture d'une procédure secondaire. De même, l'article 38, 3., du règlement insolvabilité permet de suspendre l'ouverture d'une procédure secondaire pendant 3 mois à la demande du praticien de l'insolvabilité de la procédure principale ou du débiteur non dessaisi. Par ailleurs, l'article 38, 4., du règlement permet au praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale d'influencer le type de procédure secondaire qui sera ouverte. Afin de garantir l'efficacité de ces différentes mesures, l'article XX.205 du code vient préciser et compléter l'article 38, 1., du règlement insolvabilité. Cette dernière disposition prévoit une notification par la juridiction saisie de la demande d'ouverture d'une procédure secondaire au syndic de la procédure principale ou au débiteur non dessaisi pour leur permettre d'être entendu. L'article XX.205 du code précise que la notification doit avoir lieu dans les 15 jours de la demande dont a été saisie la juridiction belge, en laissant le soin à la juridiction de déterminer dans quel délai le praticien de l'insolvabilité de la procédure principale doit faire connaître son point de vue [18]. Contrairement à l'article 38, 1., du règlement insolvabilité, l'article XX.205 du code n'envisage que la seule hypothèse du praticien de l'insolvabilité de la procédure principale. Il s'agit sans doute d'un oubli, de sorte que la disposition doit trouver une application analogue si la procédure principale a été ouverte sans désignation d'un praticien de l'insolvabilité. L'article XX.205 du code poursuit en indiquant qu'aussi longtemps que la possibilité de faire part de son point de vue n'a pas été donnée au syndic de la procédure principale - entendez que celui-ci n'a pas été dûment informé et que le délai imparti par le tribunal pour qu'il fasse connaître sa position n'est pas écoulé -, aucune procédure d'insolvabilité secondaire ne pourra être ouverte à l'encontre de l'établissement situé en Belgique.

15.Cela ne signifie pas pour autant qu'aucune mesure ne pourra être prise à l'égard de l'établissement du débiteur faisant l'objet d'une procédure principale dans un autre Etat membre. Le règlement insolvabilité prévoit un certain nombre de mesures conservatoires lorsque les intérêts des créanciers locaux sont en jeu (art. 38, 3., du règlement insolvabilité) [19]. L'article XX.205 du code complète ces mesures en précisant que toute personne intéressée peut demander qu'un praticien de l'insolvabilité soit nommé pour prendre des mesures conservatoires dans le cadre de l'exécution ou de la poursuite des contrats de travail conclus en Belgique. Cette disposition est à mettre en lien avec l'article 13, 2., du règlement insolvabilité, selon lequel les juridictions d'un Etat membre dans lequel pourrait être ouverte une procédure secondaire restent compétentes pour approuver la résiliation ou la modification de contrats de travail, quand bien même aucune procédure d'insolvabilité n'aurait été ouverte dans cet Etat membre [20]. En l'occurrence, selon l'article XX.205 du code, un employé (sans doute le tiers le plus intéressé) pourrait demander la désignation d'un praticien de l'insolvabilité ad hoc pour prendre des mesures conservatoires concernant l'exécution ou la poursuite de son contrat de travail. La disposition interpelle. Tout d'abord, les contours de l'intervention du praticien de l'insolvabilité ad hoc ne sont pas fixés, de sorte que le tribunal appelé à désigner un praticien de l'insolvabilité ad hoc devra s'en charger, et devra statuer sur la mission confiée au praticien, qui devra nécessairement être conservatoire. Nous rappelons que le but de l'article 13, 2., du règlement insolvabilité est de régler une situation en l'absence de l'ouverture d'une procédure secondaire. Par conséquent, le mandat du praticien de l'insolvabilité ad hoc devrait naturellement prendre fin si une procédure secondaire est ouverte. Ensuite, nous notons qu'il n'est pas précisé que les contrats de travail, couverts le cas échéant par des mesures conservatoires, doivent être liés à l'établissement en Belgique. Cela nous semble pourtant relever de l'évidence. Enfin, on peut regretter que le praticien de l'insolvabilité désigné sur base de l'article XX.205 du code n'ait pas été invité à se coordonner avec le praticien de la procédure d'insolvabilité principale. Une telle coordination est certainement à l'avantage d'une réorganisation ou liquidation harmonieuse. Il nous semble dès lors opportun que le tribunal inclue un tel devoir de coordination dans la décision relative à la désignation du praticien de l'insolvabilité ad hoc.

B. Coordination/coopération [21]

16.Au-delà des dispositions relatives à l'information, le Chapitre 1er du Titre VII du code concernant les procédures transfrontalières contient quelques dispositions visant à compléter le règlement insolvabilité sur le plan de la coordination et de la coopération [22]. Ainsi, l'article XX.207 du code indique que les demandes de coopération avec les juridictions d'autres Etats membres relèvent de la compétence du juge-commissaire, s'agissant d'une faillite, ou du juge-délégué, lorsqu'il s'agit d'une procédure en réorganisation judiciaire. Cette disposition donne effet à l'article 42, 1., du règlement insolvabilité concernant la coopération et la communication entre tribunaux, et ne fait finalement rien d'autre que préciser quelles seront les personnes de contact au sein du tribunal dans le cadre de procédures ouvertes au titre du règlement insolvabilité, plus particulièrement pour la coopération telle qu'elle est décrite à l'article 42, 3., du règlement insolvabilité.

17.Le § 2 de l'article XX.207 du code précise que cette règle s'applique lorsqu'une procédure d'insolvabilité est ouverte à l'égard d'un membre d'un groupe de sociétés. Il faut comprendre qu'il s'agit ici de l'hypothèse désormais couverte par les articles 56 et s. du règlement insolvabilité d'un groupe de sociétés dont les membres font l'objet de procédures d'insolvabilité dans différentes juridictions. Là encore, dans le cadre des mesures de coopération et de communication prévues par l'article 58 du règlement insolvabilité, il s'agit de préciser quelle personne, au sein de la juridiction belge, figurera en tant que personne de contact pour les juridictions étrangères dans le cadre d'une procédure transfrontalière impliquant un groupe de sociétés [23].

18.L'article XX.208 du code propose une même règle confirmant la compétence du juge-commissaire et du juge-délégué lorsque, dans le cadre de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité en Belgique, le tribunal estime que la coopération avec un praticien de l'insolvabilité désigné par un autre Etat membre est nécessaire. La différence avec l'énoncé de l'article XX.207 du code est qu'il ne s'agit pas ici de coopération entre juridictions, mais bien entre d'une part, une juridiction (belge) et, d'autre part, un praticien de l'insolvabilité dans un autre Etat membre, désigné comme syndic de la procédure principale ou de la procédure secondaire. Là encore, il s'agit de mettre en oeuvre les mécanismes prévus à cet égard par l'article 43 du règlement insolvabilité.

19.L'article XX.209 du code vient compléter le dispositif en précisant le détail des compétences du juge-commissaire et du juge-délégué dans le cadre fixé par les articles XX.207 et XX.208 du code. Le texte leur octroie le pouvoir de communiquer directement, par tout moyen approprié, avec les juridictions ou avec les praticiens de l'insolvabilité concernés, et de leur demander directement information ou assistance. La seule exigence consiste à obliger le juge-commissaire et le juge-délégué à consigner dans le registre [24] tous les contacts ainsi pris. Cette exigence n'implique pas, à notre sens, une transparence totale, qui pourrait s'avérer délicate dans certaines situations. Elle doit néanmoins permettre de suivre les contacts pris et le trajet ainsi suivi.

20.Enfin, l'article XX.206 du code précise que toute intervention d'un praticien de l'insolvabilité désigné dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre Etat membre doit se faire par l'intervention d'un avocat. Il peut être utile pour un praticien de l'insolvabilité étranger de s'adjoindre les services d'un praticien local qui peut le guider dans les complexités procédurales de notre système et qui peut l'informer de certaines facilités que pourrait lui offrir la déontologie de l'avocat, telle que la confidentialité de la correspondance. L'obligation en tant que telle de se faire représenter par un praticien local ne vaut néanmoins que lorsque le praticien étranger entend entreprendre une démarche véritablement judiciaire. Tel est le cas lorsqu'il demande la suspension de l'ouverture de la procédure secondaire (art. 38, 3., du règlement insolvabilité) ou la suspension de la procédure de réalisation des actifs (art. 46 du règlement insolvabilité). L'obligation de recourir au ministère d'un avocat peut également s'imposer en cas de demande d'intervention dans une procédure concernant un autre membre d'un groupe de sociétés (art. 60 du règlement insolvabilité).

C. Reconnaissance

21.Dans le cadre de la reconnaissance de décisions prises par des juridictions d'autres Etats membres, il est important d'empêcher les tribunaux de remettre en cause, fut-ce indirectement, ces décisions dans le cadre de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité territoriale. L'article XX.203 du code présente deux cas de figure. Le premier est celui de l'ouverture d'une procédure territoriale relative à un établissement situé en Belgique (alors que le centre des intérêts principaux se trouve dans un autre Etat membre). Dans ce cas, le § 1er de l'article XX.203 du code indique que le tribunal belge n'aura pas à vérifier la qualité éventuelle d'entreprise du débiteur, ni la situation des établissements situés dans d'autres Etats membres. Cela signifie donc que le tribunal belge pourra ouvrir une procédure territoriale même si le débiteur ne répond pas nécessairement à la condition d'entreprise telle qu'elle est définie dans le Livre XX [25]. On notera que le texte fait curieusement référence à la condition de l'état de faillite alors que la procédure territoriale pourrait également être une procédure en réorganisation judiciaire. Il n'y a cependant aucune raison de limiter les effets de la disposition à la seule procédure de faillite.

22.Le deuxième cas de figure présenté à l'article XX.203 du code concerne celui d'une procédure secondaire [26]. Si un tribunal belge devait se prononcer au sujet de l'ouverture, il n'aurait pas, dans cette hypothèse, à réexaminer l'état de faillite si la procédure principale exigeait que le débiteur soit insolvable. En d'autres termes, si parmi les conditions d'ouverture de la procédure principale, la juridiction de l'Etat membre concerné était tenue de vérifier l'état d'insolvabilité, le tribunal belge ne pourra pas réexaminer cette condition lors de l'ouverture de la procédure secondaire [27]. Nous relevons à nouveau que cette disposition évoque uniquement l'hypothèse d'une faillite, sans mentionner la menace planant sur la continuité de l'entreprise telle qu'on la retrouve dans la procédure de réorganisation judiciaire. Comme nous l'avons suggéré pour l'alinéa 1er de l'article XX.203 du code, nous ne voyons pas de raison de limiter les effets de cette disposition à la seule procédure de faillite.

III. Les dispositions du Code de droit international privé

23.En 2004 déjà, le législateur avait adopté certaines dispositions pour appréhender les insolvabilités internationales non visées par le règlement. Les articles 116 et s. du Code de droit international privé permettaient en effet de répondre aux principales questions posées par ces dispositions. Ce code offrait à titre principal une règle de compétence internationale (art. 118) ainsi qu'une disposition désignant le droit applicable (art. 119). L'article 121 complétait l'ensemble en indiquant quel sort réserver en Belgique aux décisions étrangères. Ces dispositions étaient directement inspirées de l'exemple européen.

24.Le législateur de 2004 avait également imposé aux curateurs un devoir de coopération. Organisé de façon rudimentaire par l'article 120, ce devoir était subordonné à une exigence de réciprocité. Il est difficile de déterminer si cette disposition a fait l'objet d'applications en pratique.

25.Dans son effort de consolidation des dispositions en matière d'insolvabilité, le législateur, à juste titre, n'a pas jugé utile de déplacer ces dispositions, ni même de les copier et de les intégrer dans le Code de droit économique. Elles subsistent, sous réserve de quelques modifications. Selon l'exposé des motifs, il y allait de la nécessité de « préserver la cohérence du DIP belge » [28]. En réalité, plusieurs raisons expliquent ce choix logistique qui peut paraître au premier abord surprenant.

26.On peut tout d'abord noter que les praticiens ont depuis 2004 pris le pli de consulter le Code de droit international privé pour trouver une réponse aux questions de compétence internationale et de droit applicable qu'ils rencontrent. L'option retenue par le législateur permet de ne pas bousculer ces réflexes. En outre, les dispositions du Code de droit international privé visent aussi bien les situations d'insolvabilité liées à une activité commerciale que les situations de détresse affectant les personnes physiques n'exerçant pas une activité commerciale [29]. Or, ces dernières échappent par nature à l'emprise du Code de droit économique. Si le législateur avait choisi d'intégrer les articles 116 à 121 du Code de droit international privé dans le Livre XX, il aurait en tout état de cause été nécessaire de conserver dans le Code de droit international privé certaines dispositions visant le surendettement. Enfin, les dispositions du Code de droit international privé forment un tout: les règles de compétence et de conflit de lois visant les situations d'insolvabilité se combinent aux dispositions générales qui fournissent d'importantes indications sur leur mise en oeuvre. Ainsi l'article 12 du Code de droit international privé précise-t-il qu'il appartient au juge de vérifier d'office sa compétence internationale. Il aurait été regrettable de perdre le bénéfice de ces dispositions générales en insérant les règles spéciales visant les situations d'insolvabilité dans le Code de droit économique.

27.Au total, s'il demeure intact, le Code de droit international privé subit un léger toilettage: certaines dispositions sont adaptées pour mieux refléter l'état actuel du droit européen. Les références au règlement initial sont ainsi modifiées pour tenir compte de la révision du règlement insolvabilité [30]. En outre, le vocabulaire utilisé est également adapté pour qu'il soit cohérent avec celui du règlement révisé [31]. La modification la plus spectaculaire concerne le devoir de coopération: l'article 120 du Code de droit international privé est supprimé. Cette suppression s'accompagne de l'introduction dans le Chapitre 2 du Titre IV du nouveau Livre XX d'une série de dispositions plus abouties visant à organiser la coopération entre acteurs de l'insolvabilité (voy. infra).

28.Il est une disposition du Code de droit international privé qui ne subit pas de modification. Il s'agit de l'article 118. Cette règle de compétence à vocation subsidiaire précise depuis 2004 dans quelles circonstances les juridictions belges peuvent ouvrir une procédure d'insolvabilité lorsque le règlement européen ne s'applique pas. L'article 118 permet l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité lorsque l'établissement principal ou le siège statutaire du débiteur est situé en Belgique [32]. La générosité de cette règle n'est qu'apparente. Dans la plupart des cas en effet, l'établissement principal du débiteur coïncidera avec le centre de ses intérêts principaux [33]. Dès lors que l'établissement principal est situé en Belgique, le règlement insolvabilité trouvera à s'appliquer. Partant, la première alternative retenue par l'article 118, § 1, du code est condamnée à demeurer lettre morte [34], même s'il est possible en théorie que le siège statutaire soit dissocié de l'établissement principal [35].

29.Ce n'est donc que lorsque le siège statutaire du débiteur est localisé en Belgique que l'article 118 se révèle opérationnel. Encore faut-il démontrer dans cette hypothèse que le siège social ne coïncide pas avec le centre des intérêts principaux [36].

30.L'article 118 permet d'autre part aux juridictions belges d'ouvrir une procédure dite « territoriale » lorsque le débiteur possède un établissement sur le territoire national.

31.La règle de l'article 118 a fait l'objet de critiques. On a notamment avancé que l'approche retenue par le législateur de 2004 était trop restrictive et soucieuse de respecter le principe de l'universalité de l'insolvabilité. Ce faisant, le législateur laissait entier le problème des actifs situés sur le territoire belge. Ces biens pouvaient en effet demeurer vacants si le curateur étranger ne s'en préoccupait pas. Il se peut aussi que ces biens ne soient pas considérés comme faisant partie de la masse selon le droit étranger.

32.L'exposé des motifs qui accompagnait le projet de loi annonçait un élargissement de la compétence internationale des juridictions belges dans le cas d'une procédure qui ne relève pas du règlement insolvabilité, pour « permettre d'ouvrir une procédure en Belgique lorsque le débiteur a des biens en Belgique, ce qui n'est pas possible selon le droit actuel » [37]. Avec cette modification, le droit international privé belge aurait rejoint le camp des Etats qui permettent à leurs tribunaux d'ouvrir une procédure en raison de la situation de biens sur leur territoire [38].

33.Pour une raison que l'on n'explique pas, la modification de l'article 118 annoncée par l'exposé des motifs ne figurait pas dans le projet de loi déposé par le Gouvernement le 20 avril 2017. Aucun des nombreux amendements qui ont été déposés n'a réparé cet oubli. Il reste à espérer que cette malencontreuse erreur sera réparée prochainement, de sorte que l'intention exprimée par le législateur soit effectivement traduite dans les textes. Il faudra à cette occasion examiner comment le législateur traduit concrètement son intention de limiter l'extension de compétence en réservant la possibilité de solliciter l'ouverture d'une procédure territoriale soit au curateur étranger, soit à un créancier qui démontre l'existence d'un intérêt particulier [39].

IV. Les dispositions visant spécifiquement les insolvabilités non européennes

34.Les articles XX.210 à XX.223 du Livre XX mettent en place une série de règles visant les insolvabilités non couvertes par le règlement européen. Il faut reconnaître que ces dispositions ne trouveront qu'exceptionnellement à s'appliquer. Pour écarter l'application du règlement, il ne suffit pas en effet que le siège statutaire du débiteur soit situé en dehors de l'UE. Encore faut-il que l'on ne soit pas en mesure de localiser le centre des intérêts principaux du débiteur dans un Etat membre. Il n'en demeure pas moins que l'impossibilité de s'appuyer, pour ces situations, sur le cadre européen peut rendre la liquidation de la masse plus complexe. L'on peut dès lors se réjouir que le législateur belge ait cru opportun de prévoir certaines dispositions visant ces hypothèses.

35.Quelles sont les situations visées par ces dispositions? Il s'agit principalement des procédures d'insolvabilité concernant un débiteur dont le centre des intérêts principaux est situé en dehors de l'Union européenne, ou sur le territoire d'un Etat membre non lié par le règlement [40]. Deux hypothèses peuvent être distinguées: soit le débiteur possède des actifs en Belgique - par exemple des avoirs bancaires ou des avoirs logés au sein d'un organisme de liquidation et de règlement -, soit il a déployé en Belgique des activités économiques par le biais d'un établissement. L'on constatera que dans ces hypothèses, seul un volet réduit de questions est susceptible de se poser. C'est en tenant compte de cette limite qu'il faut prendre connaissance des dispositions nouvelles.

36.Certaines de ces dispositions concernent les droits des créanciers. D'autres visent le rôle et les compétences du curateur. D'autres enfin organisent la coopération entre les différents acteurs de l'insolvabilité internationale.

37.L'exposé des motifs indique que ces règles ont été élaborées en tenant compte de certains principes directeurs [41]. Le premier est que, dans la mesure du possible, le législateur a tenté de maintenir un parallélisme avec les règles européennes ainsi qu'avec les dispositions adoptées en droit belge pour optimiser l'application des règles européennes. Cette méthode s'explique par le souhait de faciliter la mission des praticiens. Les solutions uniformes sont en effet plus aisées à mettre en oeuvre. Ce parallélisme n'a toutefois pas été maintenu lorsque la règle européenne ne peut se comprendre que par la confiance et les liens particuliers qui existent entre Etats membres. Ainsi le système d'interconnexion des registres mis en place par le règlement révisé ne trouve bien entendu pas d'équivalent dans le Chapitre 2 du Titre VII. Il en va de même de la possibilité pour un curateur étranger d'empêcher l'ouverture en Belgique d'une procédure territoriale en se soumettant à un engagement unilatéral. Un tel mécanisme, qui peut limiter l'exercice par un Etat d'une compétence qu'il possède, peut plus difficilement se concevoir sans un accord préalable entre Etats concernés. Sur certains points néanmoins, le législateur belge a choisi de faire confiance à la procédure étrangère. Ainsi, telle qu'elle est organisée aujourd'hui par l'article XX.223 du code, l'obligation imposée au curateur belge de transférer le solde positif de la liquidation au curateur étranger n'est plus subordonnée, comme elle l'était sous l'empire de l'article 120 du Code de droit international privé, à la démonstration de « l'existence d'une coopération et d'un échange d'informations réciproques dans la procédure en cause ». La volonté de coopération l'emporte donc sur le souhait de protéger les intérêts nationaux.

38.L'on peut ajouter que dans certains cas, le législateur belge a choisi de ne retenir qu'une version modifiée de la règle européenne, à défaut de pouvoir compter de manière automatique sur une réciprocité de la part d'autres Etats. C'est ainsi que l'article XX.219, § 3, du code permet au curateur belge de refuser de collaborer avec un curateur étranger lorsqu'il existe des « motifs sérieux ». Une telle réserve ne figure pas dans le règlement révisé.

V. Droits des créanciers et des tiers

39.L'article XX.212 du code pose le principe selon lequel « tout créancier » peut produire sa créance en Belgique lorsque la procédure d'insolvabilité y est ouverte. Sans doute un tel principe, qui est également posé à l'article 53 du règlement révisé, paraît-il évident. Il demeure néanmoins indispensable de l'affirmer pour éviter toute difficulté lorsqu'un créancier étranger s'avère être une autorité publique - trésor public ou institution de la sécurité sociale. L'on pourrait en effet hésiter sur la possibilité pour ces institutions étrangères de faire état de leur créance dans une procédure ouverte en Belgique. L'article XX.212 du code a le mérite d'écarter tout doute sur cette question. Contrairement à l'article 53 du règlement révisé, l'article XX.212 du code n'indique pas que la représentation par un avocat ou un autre professionnel du droit n'est pas obligatoire lorsqu'un créancier étranger souhaite produire sa créance. Cette règle semble néanmoins aller de soi. On rapprochera l'article XX.212 du code de l'article XX.155, § 2, selon lequel l'obligation de déclarer sa créance au registre [42] ne s'applique pas aux personnes physiques ou morales qui sont établies à l'étranger, sauf lorsqu'elles sont représentées par un tiers qui fournit une assistance judiciaire à titre professionnel.

40.Dans l'hypothèse inverse, celle d'une procédure ouverte à l'étranger, il est essentiel que les créanciers installés en Belgique puissent être informés de l'ouverture de la procédure et des modalités éventuelles de production de leurs créances. Il revient bien entendu au droit étranger de préciser les conditions dans lesquelles les créanciers belges seront informés. Pour garantir qu'une information minimale leur soit communiquée, l'article XX.213 du code prévoit que le praticien étranger peut solliciter la publication au Moniteur belge du contenu essentiel de la décision ouvrant la procédure d'insolvabilité. La formule est directement empruntée à l'article 28, § 1, du règlement révisé. Contrairement à cette disposition, la publicité demeure optionnelle. Il appartient en effet au curateur étranger de décider s'il est opportun de procéder à une telle mesure de publicité. L'on en revient ainsi au système prévu par l'article 21, 1., de la première mouture du règlement insolvabilité n° 1346/2000. Comme le précisait ce même règlement, l'option se transforme en obligation dès lors que le débiteur possède un établissement sur le territoire belge [43].

41.On notera une différence avec le modèle européen: la publicité ne peut être envisagée que s'il apparaît que la décision par laquelle la juridiction étrangère a ouvert une procédure d'insolvabilité sera reconnue en Belgique. Cette réserve, qui figure également dans la législation allemande [44], se comprend puisque la procédure ne peut bénéficier de la reconnaissance automatique prévue par le règlement. Pour autant, il ne faut pas en exagérer la portée. Au stade où elle se pose, la question de la reconnaissance concerne en effet principalement la vérification de la compétence indirecte. En outre, telle qu'elle est mise en place par l'article XX.213 du code, cette condition de reconnaissance doit sans doute d'abord être examinée par le curateur étranger. Il ne sera pas nécessaire d'obtenir, préalablement à la publication, une décision judiciaire confirmant qu'il est satisfait à cette exigence.

42.La possibilité de procéder en Belgique à une mesure de publicité destinée à informer de l'ouverture à l'étranger d'une procédure d'insolvabilité peut avoir un impact sur la situation du débiteur de l'entreprise faillie. Soit une entreprise établie en Belgique qui est redevable d'un montant à une entreprise établie en Turquie en raison de la fourniture de marchandises. Si l'acheteur belge s'acquitte de son dû entre les mains du débiteur turc alors que celui-ci a déjà fait l'objet d'une procédure d'insolvabilité, la validité du paiement pourrait être remise en question par le curateur, si d'aventure le montant payé n'est pas demeuré dans les comptes du débiteur failli. C'est ici qu'intervient l'article XX.222 du code: selon une formule déjà retenue par le législateur européen, le débiteur qui s'est acquitté de sa dette est libéré s'il ignorait l'ouverture de la procédure d'insolvabilité. Contrairement à l'article 31 du règlement révisé, l'article XX.222 du code n'introduit pas une présomption d'ignorance liée à l'existence d'une mesure de publicité [45]. Si elle ne figure pas dans le texte, une telle présomption peut découler de l'articulation des articles XX.213 et XX.222 du code. Il semble logique en effet que, lorsque le curateur nommé dans l'Etat d'ouverture de la procédure a procédé à la publicité visée par l'article XX.213 du code, il ne soit plus possible d'exciper d'une quelconque ignorance. Par contre, l'absence de toute mesure de publicité peut faire naître une présomption d'ignorance, qu'il appartiendra au curateur de renverser [46]. On notera que la mise en oeuvre de l'article XX.222 du code n'est pas subordonnée à la démonstration que le paiement ait bénéficié à la masse.

43.Deux autres dispositions précisent le sort du créancier ou d'un tiers qui interagit avec le débiteur. Ces dispositions sont directement inspirées du modèle européen. L'article XX.221 du code permet de régler la situation d'un créancier du débiteur qui aurait obtenu satisfaction de sa créance. Il se peut tout d'abord qu'il ait obtenu paiement de sa créance à l'aide de biens situés sur le territoire belge. Ce faisant, il aurait violé la règle du concours et bénéficié d'un avantage dont n'auraient pas profité les autres créanciers [47]. Suivant l'exemple du législateur européen, l'article XX.221 du code impose un devoir de restitution au créancier [48]. Ce devoir s'impose dès lors que le paiement de la créance a eu lieu après l'ouverture à l'étranger d'une procédure d'insolvabilité. Encore faut-il que cette procédure puisse être reconnue en Belgique. Si l'article XX.221 du code ne le précise pas, il faut comprendre que la restitution doit avoir lieu au bénéfice du syndic nommé dans la procédure étrangère. La mise en oeuvre de ce devoir de restitution dépend d'un élément temporel: le créancier n'est tenu à restitution que s'il a obtenu paiement après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité. L'élément décisif n'est donc pas le moment auquel le créancier a initié une procédure d'exécution contre le débiteur, mais bien le moment auquel le créancier obtient paiement de sa créance. Ce n'est que si la créance est éteinte, en tout ou en partie, après l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité, que le devoir de restitution s'impose. Contrairement à ce que fait le règlement européen, l'article XX.221 du code ne réserve pas la situation des créanciers qui bénéficient d'une position particulière parce qu'ils détiennent un droit réel. Il faut néanmoins lire la disposition en combinaison avec l'article 119, § 2, 1°, du Code de droit international privé qui conforte la position des créanciers bénéficiant d'un droit réel. Ces créanciers pourront valablement s'opposer à une demande de restitution émanant d'un curateur étranger.

44.Outre le devoir de restitution, l'article XX.221 du code met également en place un mécanisme d'imputation: pour éviter qu'un créancier n'obtienne un double paiement de sa créance, il est prévu qu'il ne puisse participer à la répartition de l'actif s'il a déjà obtenu un dividende dans le cadre d'une procédure ouverte à l'étranger. La mise en oeuvre de ce mécanisme d'imputation nécessite que l'on procède à une comparaison entre les différentes catégories de créanciers. Ceci pourrait se révéler délicat puisque la position qu'occupent les créanciers dépendra du droit applicable, un même créancier pouvant occuper des positions différentes selon le droit pertinent. En outre, le mécanisme d'imputation ne peut être mis en oeuvre qu'à l'égard de la distribution du fruit des actifs localisés sur le territoire belge. Ni le Code de droit international privé, ni le Code de droit économique ne prévoient de règles particulières permettant de procéder à une telle localisation. Il semble de bonne pratique de se référer à cet égard aux règles retenues par l'article 2, 9., du règlement révisé.

VI. Compétences du curateur

45.Les articles XX.214 à XX.216 du code fournissent des précisions sur les compétences que peut exercer en Belgique le curateur étranger. Selon l'article XX.214 du code, la nomination du praticien est établie par la présentation d'une copie de la décision qui le nomme. Cette disposition fait écho à l'article 22 du règlement révisé [49], dont les termes sont reproduits quasiment à l'identique. Concrètement, un curateur nommé par une juridiction libanaise ne devra pas obtenir le feu vert d'une juridiction belge avant de pouvoir entreprendre des démarches auprès d'un débiteur du failli ou du détenteur d'avoirs appartenant au failli. Ce dernier pourra au mieux exiger une traduction de la décision de nomination [50]. L'article XX.214 n'évoque pas la question de la légalisation éventuelle de la décision étrangère, contrairement à l'article 22 du règlement révisé qui exclut toute exigence de légalisation. Il faut comprendre que le droit commun de la légalisation s'applique, en ce compris les divers accords internationaux qui adoucissent ou écartent l'exigence de légalisation. On notera que le texte n'impose pas au curateur étranger d'informer la juridiction belge d'une éventuelle modification qui serait intervenue dans le cadre de la procédure étrangère, ni de l'ouverture d'une éventuelle autre procédure [51]. Le devoir de diligence qui s'impose à tout professionnel devrait néanmoins conduire le curateur à agir proactivement.

46.L'article XX.215 du code pose une règle importante: cette disposition précise que « toute intervention d'un praticien d'une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre état se fait par le ministère d'un avocat ». Sur ce point, le règlement révisé conserve le silence. La règle posée par l'article XX.215, dont on trouve un équivalent dans le Chapitre 1er visant les insolvabilités européennes [52], s'impose certainement lorsque le curateur étranger entend agir en justice, par exemple pour obtenir un titre exécutoire contre un débiteur du failli. L'article XX.215 du code vaut-il également lorsque le curateur étranger entreprend des démarches extra-judiciaires, par exemple en exigeant d'un établissement de crédit le transfert de fonds appartenant au failli? Une réponse négative s'impose. Exiger l'intervention d'un avocat serait en effet contradictoire avec le principe de reconnaissance de plein droit posé par l'article 121 du Code de droit international privé et en particulier avec l'article 121, § 3, de ce même code qui permet à l'administrateur étranger d'exercer en Belgique « les pouvoirs établis dans la décision étrangère ».

47.L'article XX.216 du code évoque les pouvoirs que peut exercer en Belgique le curateur étranger. Cette disposition fait dans une certaine mesure double emploi avec l'article 121, § 3, du Code de droit international privé qui pose déjà le principe selon lequel le praticien étranger peut exercer en Belgique les pouvoirs qui lui sont reconnus par la décision étrangère. L'article XX.216 du code amplifie ce principe puisqu'il évoque la possibilité pour le curateur étranger d'exercer « tous les pouvoirs qui lui reviennent dans le droit de l'Etat où l'insolvabilité étrangère a été prononcée ». Comme l'article 121, § 3, l'article XX.216 du code subordonne l'accueil des pouvoirs du curateur étranger à la reconnaissance préalable de la décision qui l'a nommé. L'article XX.216 du code contient des précisions inspirées de l'exemple européen. Le législateur a ainsi souligné que le curateur étranger pouvait exercer « tous les pouvoirs sur les biens du débiteur situés en Belgique ». Cette précision a une portée exclusivement pédagogique puisque l'article XX.216, § 1er, du code permet déjà au curateur étranger d'exercer ses pouvoirs sur le territoire belge. L'expérience a néanmoins montré qu'il est parfois difficile pour un curateur de revendiquer le transfert de biens du failli détenus par un tiers. L'existence d'une précision légale expresse sur ce point peut dès lors constituer une aide précieuse permettant au curateur étranger de convaincre ses interlocuteurs.

48.D'autre part, l'article XX.216 du code évoque aussi les limites posées à l'action du curateur étranger. Outre le fait qu'il ne peut intervenir sur le territoire belge que si la décision qui l'a nommé est reconnue, le curateur étranger devra se plier aux règles du droit belge lorsqu'il entend faire procéder à la réalisation d'un bien. Les modalités de réalisation des actifs demeurent nécessairement soumises à la loi locale. Les autres précisions fournies à l'article XX.216, § 3, du code sont directement empruntées à l'exemple européen: l'article 21, 3., du règlement révisé interdit également au curateur étranger d'utiliser des moyens contraignants ou de statuer sur une action en justice.

49.Enfin, toujours au titre des limitations posées à l'intervention du curateur étranger, l'on notera que l'article XX.216, § 1er, du code évoque l'hypothèse dans laquelle une procédure territoriale aurait été ouverte en Belgique en raison de l'existence d'un établissement. La reconnaissance d'une procédure étrangère ne fait en effet pas obstacle à l'ouverture d'une procédure secondaire. Dans ce cas, le curateur étranger devra accepter de céder la main au curateur nommé par la juridiction belge. Il conserve néanmoins la possibilité de déposer des « propositions afin de réaliser les actifs ou de les utiliser d'une manière quelconque ». On retrouve ici un élément qui figurait dans la version initiale du règlement européen. L'article 31, 3., permettait en effet au curateur de la procédure principale de « présenter des propositions relatives à la liquidation ou à toute autre utilisation des actifs de la procédure secondaire ». Cette disposition a connu un développement important avec la révision du règlement, puisque la version actuelle évoque plusieurs autres modalités de coopération entre syndics. Le législateur belge n'est pas en reste et a prévu d'autres modalités de coopération entre syndics à l'article XX.219, § 2, du code (voy. infra).

VII. Coopération entre acteurs de l'insolvabilité

50.Adopté en 2004, l'article 120 du Code de droit international privé contenait un embryon de réglementation de la coopération qui peut s'installer entre un curateur nommé dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité ouverte par une juridiction belge et les « administrateurs des procédures étrangères d'insolvabilité ». Ce devoir était limité par une exigence de réciprocité [53]. S'il constituait une initiative intéressante, l'article 120 n'apportait pas, loin s'en faut, de réponse à toutes les questions que peuvent susciter les efforts de coopération entre acteurs d'une situation internationale d'insolvabilité. Les articles XX.217 à XX.223 du Livre XX développent de manière plus ambitieuse et fouillée le devoir de coopération entre acteurs de l'insolvabilité internationale. Le cadre fourni par ces dispositions permettra d'accompagner les tentatives de coopération dans le respect des intérêts de toutes les parties concernées.

51.Les dispositions du Livre XX organisent la coopération tant entre « praticiens de l'insolvabilité » qu'entre juges et entre ces deux catégories. La coopération peut dès lors s'effectuer à plusieurs niveaux: un juge belge peut être amené à coopérer avec un homologue étranger (art. XX.217 C.D.E.); un curateur belge peut également coopérer avec un syndic étranger (art. XX.219 C.D.E.). Une juridiction belge peut aussi se rapprocher d'un curateur étranger (art. XX.217 C.D.E.). Enfin, une coopération peut être envisagée entre un curateur belge et une juridiction étrangère (art. XX.219 C.D.E.) [54].

52.Dans tous ces cas de figure, l'étendue du devoir de coopération est volontairement organisée de manière souple. Ainsi l'article XX.219, § 1er, du code évoque-t-il la possibilité pour un curateur nommé en Belgique de fournir des « renseignements présentant un intérêt pour le règlement de la procédure d'insolvabilité étrangère ». Si des exemples sont avancés par le législateur, la formule retenue indique bien que l'énumération ne se veut pas limitative. En réalité, les besoins de la pratique ne se laissent pas facilement enfermer dans des dispositions trop contraignantes. Ainsi est-ce à dessein que le législateur a choisi de laisser aux praticiens le soin de déterminer quelles informations peuvent être échangées.

53.On peut distinguer plusieurs volets de la coopération envisagée par le législateur. Le premier porte sur l'échange d'informations. Le législateur envisage la fourniture d'informations tant par le juge (art. XX.217 C.D.E.) que par le praticien (art. XX.219 C.D.E.). Il s'agit là d'une première étape devant permettre une collaboration plus poussée. Celle-ci n'est qu'esquissée par le législateur. L'article XX.217 du code fait ainsi référence à la possibilité pour un juge belge de « collaborer avec le juge étranger ou avec le praticien de l'insolvabilité étranger ». L'article XX.219 du code ne se montre guère plus explicite s'agissant d'une démarche de collaboration émanant d'un curateur belge, puisqu'il évoque la possibilité pour le praticien de collaborer avec le juge étranger ou le praticien de l'insolvabilité étranger. Deux pistes sont néanmoins évoquées par le législateur: l'article XX.219, § 2, du code fait d'abord référence à la possibilité pour les acteurs concernés de travailler de manière coordonnée à une restructuration des activités du débiteur. En outre, le législateur évoque également la possibilité d'une gestion commune de la réalisation ou de l'utilisation des biens du débiteur. Ces pistes sont évoquées à titre exemplatif. Le législateur n'a en réalité pas entendu limiter la possibilité pour les praticiens d'envisager une collaboration sur d'autres thèmes.

54.Le législateur a également apporté certaines précisions à propos des modalités concrètes que peut revêtir la coopération. Ceci vaut en particulier pour les démarches qui peuvent être entreprises par les juridictions. C'est ainsi que l'article XX.218 du code confie au juge-commissaire ou au juge-délégué le soin d'entreprendre les démarches concrètes de coopération avec une juridiction étrangère [55]. Ces personnes sont habilitées à « communiquer directement » avec les juridictions d'autres états (art. XX.218, al. 3, C.D.E.) [56]. Cette habilitation est importante: l'expérience apprend qu'à défaut de base légale, les juridictions belges sont réticentes à s'engager dans un dialogue avec un homologue étranger [57].

55.Le législateur a également précisé que la communication « peut se faire par tout moyen approprié ». Cette expression qui figure aussi dans la disposition miroir visant les procédures européennes [58], est directement empruntée à la loi type de la Cnudci [59]. La confiance dont fait preuve le législateur n'est néanmoins pas illimitée. Pour garantir le respect des droits des parties à la procédure, le même article XX.218 du code impose au juge-commissaire ou au juge-délégué de prendre note des contacts qu'il engage avec une juridiction ou un praticien étranger. On comprend aisément la ratio legis de cette obligation: il s'agit de permettre aux parties d'être informées des contacts qui ont été établis. L'article XX.218 impose l'enregistrement des contacts, sans préciser s'il suffit que soient notés l'existence et la date d'un contact ou s'il est nécessaire que le contenu de la conversation soit également enregistré [60]. Puisque l'objectif assigné à l'enregistrement des données est de permettre aux parties de prendre connaissance des échanges, il paraît opportun que l'enregistrement présente une synthèse du contenu de ceux-ci.

56.La même souplesse peut être observée à propos des démarches de collaboration qui peuvent être engagées par les curateurs. L'article XX.219, § 2, du code précise en effet que la collaboration « peut prendre n'importe quelle forme, y compris la conclusion d'accords ou de protocoles ». L'on sait l'importance qu'ont pris les protocoles dans la mise en oeuvre concrète de la coopération entre acteurs de l'insolvabilité [61]. Des modèles de protocoles ont été proposés par différentes instances et ils sont fréquemment utilisés. L'article XX.219, § 2, du code a le mérite de donner un ancrage à ce mécanisme en droit belge. Il appartient maintenant à la pratique de se saisir de cette opportunité pour mettre à profit les potentialités de l'instrument.

57.Le législateur a également posé certaines limites aux démarches de coopération. Ainsi une coopération ne peut être envisagée que si la procédure étrangère est susceptible d'être reconnue en Belgique. Cette limite figure à l'article XX.217 du code. Elle ne semble dès lors concerner que la seule coopération intéressant une juridiction belge. Si l'article XX.219 du code n'évoque pas cette question, il semble que le praticien belge pourrait très raisonnablement faire de cette condition un préalable à toute coopération avec un juge ou un praticien étranger. A défaut de pouvoir compter sur une reconnaissance en Belgique de la décision étrangère d'ouverture de la procédure, d'éventuelles démarches de coopération semblent compromises. L'intérêt bien compris de telles démarches doit en effet céder devant le constat que la Belgique n'est pas prête à reconnaître le bien-fondé de la procédure étrangère.

58.Le législateur a prévu expressément quelques limites visant directement la coopération dans laquelle le praticien belge peut être engagé. L'article XX.219, § 1er, du code invite d'abord le praticien à respecter ses obligations légales de confidentialité ainsi que d'éventuelles dispositions limitant la communication de renseignements. Il ne faut pas se méprendre sur la portée de cette réserve. Dans la mesure où le législateur a expressément autorisé les praticiens à communiquer et à collaborer avec leurs homologues étrangers, un argument déduit d'une obligation légale ou professionnelle de confidentialité visant à empêcher toute communication n'est plus recevable. Le principe est en effet celui de la communication d'information, le refus est l'exception. Une éventuelle obligation de confidentialité peut néanmoins imposer aux praticiens de limiter la portée des renseignements qu'ils transmettent. L'on aura également égard au devoir de confidentialité qui lie, le cas échéant, le praticien étranger: s'il apparaît que le curateur étranger est lui-même lié par un devoir de confidentialité, ceci devrait atténuer le risque qu'entraîne un partage d'informations.

59.Enfin, l'article XX.219, § 3, du code permet au praticien de refuser d'accéder à une demande de collaboration pour « des motifs sérieux ». Ce concept n'est pas défini. Il semble faire écho à une proposition qui avait été faite aux Pays-Bas. L'article 10.5.3 de l'avant-projet de la Commission Kortmann prévoyait en effet une réserve similaire au devoir de coopération du curateur [62]. Comme on le sait, cet texte est demeuré à l'état d'avant-projet [63]. La formule retenue est ouverte: il appartiendra aux praticiens d'apprécier selon les circonstances concrètes si des motifs sérieux sont effectivement présents. La rédaction indique néanmoins que le refus de collaboration doit constituer l'exception.

60.En conclusion, le cadre mis en place par le législateur pour organiser la collaboration se veut souple et ouvert. Seules quelques directives générales sont mises en place. Il reviendra aux praticiens de s'approprier ce nouvel outil pour construire ensemble des solutions pragmatiques permettant d'améliorer les liquidations transfrontières.

[1] Professeur, ULiège.
[2] Avocat Linklaters LLP, collaborateur scientifique, KU Leuven.
[3] Exposé des motifs relatif au projet de loi portant insertion du Livre XX « Insolvabilité des entreprises » dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au Livre XX, et des dispositions d'application au Livre XX, dans le Livre I du Code de droit économique, Doc. parl., Chambre 2017, n° 54-K2407/001 (ci-après, « exposé des motifs »), p. 3. Voy. égal.: M. Gregoire, « Les procédures d'insolvabilité collectives transnationales », in A. Despontin (dir.), La réforme du droit de l'insolvabilité et ses conséquences (sur les avocats): une (r)évolution?, Larcier, 2017, 50-52.
[4] Règlement (UE) n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité (refonte) (J.O., L. 141/19). Une définition spécifique a été prévue à l'art. I.22, 23°, du Code de droit économique pour y renvoyer. Nous utiliserons donc le terme « règlement insolvabilité » dans la présente contribution.
[5] Voy. aux Pays-Bas le projet de « Uitvoeringswet EU-insolventie-verordening » déposé à la Tweede Kamer, lors de la session parlementaire de 2016-2017 sous le n° 34 729; en Allemagne: Einführungsgesetz zur Insolvenzordnung vom 5. Oktober 1994 (BGBl. I S. 2911), qui a fait l'objet de modifications le 5 juin 2017 (BGBl. I S. 1476); en France, des mesures ont été introduites dans le Code de commerce par l'ordonnance n° 2017-1519 parue au Journal Officiel du 3 novembre 2017. Un décret en Conseil d'Etat devra préciser certaines modalités de ces nouvelles dispositions. Cette ordonnance a été prise en application de l'art. 110 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, qui a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de 12 mois, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour l'application du règlement (UE) n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité.
[6] Exposé des motifs, pp. 11-15.
[7] Selon la Cour de justice européenne, lorsqu'une législation nationale étend l'application d'une disposition de droit européen à des situations qu'elle ne vise pas, il existe un intérêt certain de l'Union à ce que, pour éviter des divergences d'interprétation futures, les dispositions reprises de l'instrument européen reçoivent une interprétation uniforme (p. ex. C.J.U.E., 7 juillet 2011, C-310/10, Agafitei e.a., Rec. p. I-5989, point 39).
[8] Voy. infra concernant la notion d'établissement pour laquelle une même approche nous semble opportune.
[9] Le législateur n'a pas utilisé le terme défini de « règlement insolvabilité » dans cette disposition.
[10] Cf. M. Fallon et P. Wautelet, « Le nouveau droit européen de l'insolvabilité. Le règlement Insolvabilité II, pour une efficacité accrue des procédures transfrontière à la lumière de l'acquis », J.T., 2017, 589-605 et V. Marquette, « Le règlement n° 2015/848 relatif aux procédures d'insolvabilité: les principales innovations en matière d'insolvabilité communautaire », R.D.C., 2017, 7-33.
[11] L'exposé des motifs propose un aperçu chronologique.
[12] Ce principe trouve par ailleurs son fondement dans l'art. 28 du règlement insolvabilité.
[13] Tel que défini à l'art. I.22, 7°, C.D.E.
[14] A ce sujet: M. Fallon et P. Wautelet, o.c., 599; V. Marquette, o.c., 26, n° 41.
[15] Tel que défini à l'art. I.22, 6°, C.D.E.
[16] M. Fallon et P. Wautelet, o.c., 598 et P. Wautelet, o.c., 266, n° 69. A noter que l'application de cette règle en Belgique n'est pas évidente. Si il faut effectivement penser que la double majorité de l'art. XX.78, al. 2, du code doit être atteinte, il n'est pas précisé si il faut prendre en compte uniquement les créanciers sursitaires, comme cela est prévu à l'art. XX.78 du code. Dès lors que l'intention de la disposition est de favoriser les restructurations, il nous semble que seuls les créanciers impliqués dans cette restructuration devraient être pris en compte. C'est également le sens du considérant n° 44 du règlement insolvabilité qui fait référence à l'ensemble des règles d'approbation des plans de restructuration.
[17] Considérant n° 41 du règlement insolvabilité.
[18] Le § 1er de l'art. XX.205 du code vise dans la version française le « praticien de l'insolvabilité ad hoc », alors que la version néerlandaise se contente de faire référence de manière générale au « insolventiefunctionaris ». Il nous semble que la version néerlandaise doit l'emporter: la qualification « ad hoc » qui figure dans la version française n'ajoute en effet rien au texte. C'est en revanche l'inverse dans le § 2 de l'art. XX.205 du code où la qualification « ad hoc » semble avoir été oubliée dans la version française. Le Service Juridique de la Chambre avait soulevé ce point dans une note de légistique soumise à la Commission de droit commercial et économique.
[19] Voy. à ce sujet: P. Wautelet, « Du nouveau pour les procédures secondaires », in Y. Brulard, L'insolvabilité nationale, européenne et internationale, T. 1, Limal, Anthemis, pp. 261-262, 56-57.
[20] M. Fallon et P. Wautelet, o.c., 597. Voy. égal.: P. Wautelet, o.c., p. 265, 67.
[21] Voy. à ce sujet: E. Dirix, « Samenwerking tussen rechters », R.W., 2017-2018, p. 122, qui incite les tribunaux à une approche proactive et M. Menjucq, « Evolution du mécanisme de la coopération », in Y. Brulard, L'insolvabilité nationale, européenne et internationale, T. 1, Limal, Anthemis, pp. 279-287.
[22] M. Fallon, P. Wautelet, o.c., 602-605; V. Marquette, o.c., 28, n° 47.
[23] Voy. à ce sujet: Y. Brulard, « Coordination et coopération intragroupe », in Y. Brulard, L'insolvabilité nationale, européenne et internationale, T. 1, Limal, Anthemis, pp. 392-409, 72-89. A noter que le Livre XX du code ne comporte pas de mesures d'application concernant la coordination des procédures d'insolvabilité intragroupe - il se limite aux mesures d'application des obligations de coopération et d'information.
[24] Tel que défini à l'art. I.22, 6°, C.D.E.
[25] Voy. égal. la réponse du ministre à une question posée dans le cadre de la seconde lecture du projet de loi, lorsqu'il confirme que les fondations de droit étranger avec des sièges d'exploitation en Belgique ainsi que les AISBL pourront être soumises aux dispositions du Livre XX dans le cadre d'une procédure territoriale ou secondaire (projet de loi, Chambre, Doc. 54 2407/0008, p. 53, question n° 43). Il semble que l'auteur de la question ait confondu deux sujets différents: l'extension du champ d'application personnel de la législation belge en matière d'insolvabilité d'une part et le principe retenu à l'art. XX.203 du code d'autre part selon lequel il n'y a pas de remise en cause de l'ouverture d'une procédure principale en raison de la qualité du débiteur.
[26] Le texte fait référence à une procédure territoriale ouverte en vertu de l'art. 3, 3., alors que le terme plus approprié aurait été celui d'une procédure secondaire (sachant qu'une procédure territoriale n'est pas toujours secondaire si, p. ex., aucune procédure principale n'a été ouverte - c'est une hypothèse qui devrait être assez rare en pratique, mais qui est spécifiquement prévue à l'art. 4 du règlement). Il est évident que le mécanisme prévu par l'al. 2 de l'art. XX.203 du code ne peut s'appliquer que dans le cadre d'une procédure secondaire. Il serait absurde dans le cadre d'une procédure territoriale qui n'est pas secondaire, puisqu'il n'y aurait alors aucune vérification de l'état d'insolvabilité.
[27] Le législateur suit ici la décision intervenue dans l'affaire Bank Handlowy (C.J.U.E., 22 novembre 2012, C-116/11, Bank Handlowy w Warzawie / Christianapol). Voy. égal.: P. Wautelet, o.c., p. 247, 20.
[28] Projet de loi, Chambre, Doc.Parl. 54-2407/001, p. 6.
[29] Voy. récemment C.trav. Mons, 21 juin 2016, J.L.M.B., 2017, 1581 (à propos de l'ouverture en Belgique d'une procédure de surendettement au bénéfice d'une personne domiciliée en Belgique).
[30] Les art. 117 et 119 du Code de droit international privé sont modifiés en ce sens par les art. 62 et 63 de la loi du 11 août 2017.
[31] Ainsi, l'art. 61 de la loi du 11 août 2017 modifie l'art. 116 du Code de droit international privé pour remplacer les termes « faillites » et « réorganisation judiciaire » par « insolvabilité ».
[32] Art. 118, § 1, 1°, Code DIP. S'agissant d'une personne physique, la compétence est ouverte lorsque le domicile de la personne est situé en Belgique.
[33] J. Erauw et H. Storme, Internationaal privaatrecht, Kluwer, 2009, p. 903, n° 817; I. Verougstraete, « Collectieve procedures van insolventie: opening van de procedure en enkele andere bevoegdheidsproblemen in het IPR-Wetboek », R.D.C., 2005, p. 653, n° 20.
[34] En ce sens, P. Wautelet, « Article 118 », in J. Erauw et al. (eds.), Le Code de droit international privé commenté, Intersentia-Bruylant, 2006, p. 621.
[35] Sur la possibilité de distinguer les deux concepts, cf. H. De Wulf et L. Van Den Steen, « Enkele IPR-problemen uit het economisch recht: het mogelijke conflict tussen lex concursus en lex societatis, de effecten op rekening, en Europees getinte class actions in de VS », in J. Erauw et P. Taelman (eds.), Nieuw internationaal privaatrecht: meer Europees, meer globaal, Kluwer, 2009, (393), p. 426.
[36] I. Verougstraete, o.c., p. 653, n° 19.
[37] Projet de loi, Chambre, Doc. 54-2407/001, p. 7.
[38] En Allemagne p. ex., le § 354 de l'Insolvenzordnung permet aux juridictions allemandes d'ouvrir une procédure lorsque le débiteur possède « sonstiges Vermögen » sur le territoire national.
[39] Exposé des motifs, p. 8.
[40] Ce qui est le cas du Danemark.
[41] Exposé des motifs, pp. 9 à 11.
[42] Les problèmes d'« authentication » des correspondants étrangers ont rendu cette règle nécessaire.
[43] Contrairement à ce qu'a prévu le législateur allemand, la mesure de publicité ne concerne que l'ouverture de la procédure étrangère et non sa clôture. Le § 345 (1) Insolvenzordnung va plus loin puisqu'il précise que « Ist die Eröffnung des Insolvenzverfahrens bekannt gemacht worden, so ist die Beendigung in gleicher Weise bekannt zu machen ».
[44] § 345 Insolvenzordnung.
[45] Comp. avec le § 350 de l'Insolvenzordnung qui retient bien, comme le fait le texte européen, une présomption d'ignorance lorsque le paiement intervient avant la mesure de publicité.
[46] L'avant-projet de la Commission Kortmann (Pays-Bas, 2007) retenait une deuxième version de la règle selon laquelle un paiement effectué au débiteur libérait celui qui avait effectué le paiement à condition que celui-ci bénéficie à la masse (art. 10.3.8, § 2, de l'avant-projet de loi rédigé par la Commission Kortmann).
[47] A supposer bien entendu que le droit de l'insolvabilité de l'Etat d'ouverture de la procédure impose une stricte égalité entre créanciers, ce qui semble relever de l'évidence.
[48] La disposition équivalente du droit allemand ajoute une précision intéressante: selon le § 342 (1) de l'Insolvenzordnung, il faut avoir égard aux règles relatives à l'enrichissement sans cause qui s'appliqueraient mutatis mutandis.
[49] Disposition qui a inspiré d'autres législateurs dont le législateur allemand; cf. le § 347 de l'Insolvenzordnung.
[50] La disposition n'évoque pas la question du caractère juré de l'éventuelle traduction qui pourrait être requise. Sur ce point, le législateur allemand est plus précis, qui a indiqué que la juridiction allemande peut exiger une traduction « die von einer hierzu im Staat der Verfahrenseröffnung befugten Person zu beglaubigen ist ».
[51] Comme le fait le § 347 (2) Insolvenzordnung.
[52] Art. XX.2016 C.D.E., supra.
[53] Dont l'exposé des motifs indiquait qu'elle pouvait faire l'objet d'une appréciation « souple », la preuve d'une identité des obligations respectives des autorités des états concernés n'était pas exigée de manière stricte (proposition de loi portant le Code de droit international privé, Doc. parl., Sénat, 2003, 3-27/1, p. 137).
[54] Comp. avec le § 348 (2) de l'Insolvenzordnung allemand qui ne vise que la seule coopération entre juges.
[55] Comme il l'a fait pour les procédures européennes, cf. art. XX.207 C.D.E., supra.
[56] L'expression est manifestement empruntée à l'art. 25, § 2, de la loi type de la Cnudci sur l'insolvabilité internationale.
[57] Voy. les encouragements prodigués à ce propos par E. Dirix, « Samenwerking tussen rechters », R.W., 2017, 122.
[58] Cf. art. XX.209 C.D.E., supra.
[59] Voy. l'art. 27 de la loi type de la Cnudci sur l'insolvabilité internationale.
[60] L'art. XX.209 C.D.E. qui pose la même règle pour les procédures européennes n'est pas plus explicite.
[61] Voy. not. P.H. Zumbro, « Cross-border Insolvencies and International Protocols - an Imperfect but Effective Tool », Bus. L. Intl., 2010, 157-169.
[62] L'art. 10.5.3., § 4, de l'avant-projet Kortmann prévoyait que « Op grond van zwaarwegende belangen kan de bewindvoerder weigeren aan een verzoek tot het verschaffen van inlichtingen of tot het anderszins samenwerken te voldoen. De bewindvoerder kan de rechter-commissaris verzoeken omtrent de door hem voorgenomen weigering een beslissing te nemen. »
[63] Antwoord vraag Gesthuizen over wijziging van de faillissementswet 17 januari 2011, Kamervragen (Aanhangsel) 2010-11, 1014 (2de k.).