Cour d'appel de Mons 17 janvier 2017
Affaire: F-20170117-12 |
La cour d'appel de Mons se penche sur le délai endéans lequel l'assuré doit déclarer le sinistre à son assureur.
L'assuré bénéficiait depuis 1996 d'une assurance vie professionnelle et privée qui, en cas d'accident, lui garantissait des indemnités en cas d'invalidité permanente ou d'incapacité temporaire.
Suite à une chute le 4 mai 2010, son médecin lui délivre un certificat d'incapacité de travail à 100% pour 2 mois qui sera renouvelée, le mal perdurant.
Un spécialiste des articulations prescrit un arthroscanner qui met en évidence une rupture tendineuse qui justifiera une intervention chirurgicale en janvier 2011.
Il résulte des éléments relatés par l'arrêt que l'assuré adressera une déclaration de sinistre à son assureur entre le mois de septembre et le 25 novembre 2010.
Le 4 novembre 2011, l'assureur décline son intervention en affirmant que l'assuré a commis une omission intentionnelle à propos du risque couvert. Il précise le 11 octobre 2012 que l'assuré n'apporte pas la preuve du sinistre et du fait qu'il avait sa résidence en Belgique comme il en avait l'obligation.
L'arrêt du 17 janvier 2017 ne traite pas de ces points mais du délai endéans lequel l'assuré doit déclarer le sinistre à son assureur.
Le premier juge a déclaré la demande de l'assuré irrecevable car prescrite.
La citation introductive d'instance du 10 février 2014 ayant été lancée plus de 3 ans après l'accident (4 mai 2010), l'assureur soutient que l'action de l'assuré à son encontre est prescrite (art. 88, § 1er, al. 1er et 4, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances).
Pour s'opposer à la prescription de son action, l'assuré invoque l'existence d'un acte interruptif du délai de prescription, à savoir la déclaration de sinistre survenue avant l'expiration du délai de 3 ans.
En effet, l'article 89, § 3, de la loi du 4 avril 2014 dispose que: « Si la déclaration de sinistre a été faite en temps utile, la prescription est interrompue jusqu'au moment où l'assureur a fait connaître sa décision par écrit à l'autre partie. »
La cour d'appel se demande à quelle date est intervenue la déclaration de sinistre pour déterminer si elle a été faite « en temps utile ». Elle procède alors à un examen minutieux de la chronologie pour constater que la déclaration de sinistre de l'assuré n'a pas été faite dans le délai contractuel de 10 jours prévu par les conditions générales de la police ni « aussi rapidement que cela pouvait raisonnablement se faire » puisque le premier médecin consulté le 4 mai 2010 a immédiatement délivré un certificat médical d'incapacité de travail à 100% de 2 mois tout en prescrivant des anti-inflammatoires et des antalgiques, élément qui pouvait déjà justifier de l'intervention de l'assureur couvrant l'assuré contre les incapacités de travail résultant d'un accident privé.
Elle relève également que ce n'est qu'entre le 15 octobre 2010, date à partir de laquelle le spécialiste consulté a suspecté une lésion plus grave, et le 25 novembre 2010 que l'assuré a fait une déclaration de sinistre auprès de son assureur.
Le retard de 5 mois dans la déclaration de sinistre est déclaré tardif par la cour d'appel qui ne prend pas en compte dans l'analyse de la chronologie le refus de couverture de l'assureur (4 novembre 2011) qui met fin à l'interruption de la prescription (art. 89, § 3, de la loi du 4 avril 2014).
L'argument de l'assuré était basé sur le régime de la sanction d'une déclaration tardive du sinistre. L'obligation de déclarer le sinistre est une incombance, à savoir « un devoir, une exigence de comportement dont la méconnaissance ne permet pas à l'autre partie d'exiger la condamnation à l'exécution en nature » (M. Houbben, « La déclaration du sinistre au sens de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre: nature juridique et sanction », R.G.D.C., 2010, p. 185). La loi du 4 avril 2014 ne prévoit pas de déchéance en cas de non-respect de l'obligation de déclarer le sinistre « dès que possible et en tout cas dans le délai fixé par le contrat » (art. 74, § 1er) mais une réduction de la prestation de l'assureur à concurrence du préjudice subi du fait de la déclaration tardive ou encore un refus de couverture si la déclaration tardive résulte d'une intention frauduleuse (art. 76).
On pense par exemple à une impossibilité de procéder à des mesures de vérification ou d'enquête sur la réalité ou l'étendue du sinistre, à une réduction des chances de succès d'un recours subrogatoire, à une aggravation du dommage qui aurait pu être évitée, aux difficultés rencontrées dans la constitution des réserves nécessaires, à la perte d'éléments de preuve qui auraient permis à l'assureur d'invoquer une cause d'exclusion, de refuser son intervention ou de limiter celle-ci, à un surcroît de difficultés dans le cadre d'une défense en justice ... A cet égard, un arrêt de la cour d'appel de Liège du 28 septembre 2000 admet qu'un assureur soit forcé à décliner sa garantie dans la mesure où il n'a pas eu la possibilité d'examiner et de défendre ses arguments dans le cadre de la procédure en raison des négligences graves de l'assuré. Elle considère que « l'on ne peut exiger de l'assureur qui n'a pas été prévenu en temps utile du sinistre qu'il démontre avec une certitude absolue qu'il aurait obtenu un résultat différent s'il avait pu intervenir dès le début de la procédure » (Liège (10e ch.), 28 septembre 2000, Bull. ass., 2002, liv. 1, 125, obs. H. de Rode, « La sanction du retard dans la déclaration du sinistre »).
L'argument de l'absence de préjudice dans le chef de l'assureur du fait de la déclaration tardive est écarté par la cour d'appel au motif que c'est uniquement le critère de la tardiveté du sinistre « qui doit être pris en considération pour déterminer si la déclaration du sinistre peut ou non avoir un effet interruptif de prescription » au motif un peu sibyllin qu' « il ne faut pas confondre les conditions d'application d'un droit avec les conditions pour l'exercice de ce droit ».
L'arrêt du 17 janvier 2017 de la cour d'appel de Mons interpelle dans la mesure où en conditionnant l'interruption de la prescription à une déclaration de sinistre « faite en temps utile », il remplace la sanction impérative organisée par l'article 76 (indemnisation du préjudice subi par l'assureur du fait du retard dans la déclaration) par celle de la prescription et enlève toute portée à un refus de couverture de l'assureur qui interviendrait ultérieurement. En effet, c'est lors de la notification de la décision de l'assureur sur la couverture que cesse l'interruption de la prescription.
La lecture de l'arrêt ne permet pas de vérifier si l'assureur avait invoqué le caractère tardif de déclaration de sinistre lors de la réception de celle-ci.
Cette décision (voy. égal.: Gand, 3 septembre 2009, Bull. ass., 2010, p. 412) rappelle la nécessité de procéder à la déclaration du sinistre à très brève échéance et de lancer citation dans les 3 ans du sinistre en cas de doute quant à la portée de certains actes interruptifs ou suspensifs de prescription.