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L'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 26 mars 2015 ou une clarification importante quant aux rôles respectifs de la FSMA et du pouvoir judiciaire en matière de fixation du prix d'une offre publique de reprise, R.D.C.-T.B.H., 2017/5, p. 533-543

DROIT FINANCIER
Offre d'acquisition - Offre de reprise - Prix de l'offre - Droit subjectif - Contrôle - FSMA - Cour d'appel de Bruxelles
1. La demande - qui recherche son fondement principal dans le droit subjectif à obtenir un complément de prix et à titre subsidiaire dans la violation fautive d'une disposition réglementaire - est recevable.
2. Ni la circonstance que la notion de « prix qui sauvegarde les intérêts des actionnaires » n'est pas définie par l'arrêté royal du 8 novembre 2009, ni celle que plusieurs prix peuvent satisfaire à l'exigence du prix qui sauvegarde les intérêts des porteurs de titre ou que « toute évaluation d'entreprise est nécessairement subjective » n'impliquent qu'il n'existe pas un seuil en deçà duquel il doit être constaté par la cour que les intérêts des actionnaires sont nécessairement lésés.
3. La notion de sauvegarde des intérêts des actionnaires minoritaires n'implique pas dans leur chef le droit à obtenir « le prix le plus élevé », mais un prix qui respecte, par son caractère juste et équitable, le devoir de loyauté auquel l'offrant est tenu à l'égard des actionnaires.
FINANCIEEL RECHT
Overnamebod - Uitkoopaanbiedingen - Prijs van het bod - Subjectief recht - Controle - FSMA - Hof van beroep van Brussel
1. De vordering - die haar voornaamste grondslag terugvindt in het subjectief recht om een meerprijs te verkrijgen en ondergeschikt in de foutieve schending van een reglementair besluit - is ontvankelijk.
2. Het feit dat het begrip “prijs die de belangen van de aandeelhouders behartigt” niet gedefinieerd wordt door het koninklijk besluit van 8 november 2009, dat meerdere prijzen kunnen voldoen aan het vereiste van een prijs die de belangen van de effectenhouder behartigt of dat “elke bedrijfswaardering noodzakelijkerwijze subjectief is”, betekent niet dat er geen drempel bestaat waaronder het hof dient vast te stellen dat de belangen van de aandeelhouders noodzakelijkerwijze geschaad zijn.
3. Het concept van de bescherming van de belangen van de minderheidsaandeelhouders impliceert op zich niet het recht om “de hoogste prijs” te verkrijgen, maar een prijs die, door zijn juist en billijk karakter, de loyauteitsplicht van het bod ten aanzien van de aandeelhouders respecteert.
L'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 26 mars 2015 ou une clarification importante quant aux rôles respectifs de la FSMA et du pouvoir judiciaire en matière de fixation du prix d'une offre publique de reprise
Marc Fyon [1]

1.L'arrêt rendu par la cour d'appel de Bruxelles le 26 mars 2015 [2] marque la fin d'une longue bataille relative à l'offre - et plus précisément au prix de l'offre - publique de reprise lancée en juin 2007 par Suez sur les titres de sa filiale Electrabel. Par cette décision, la juridiction bruxelloise valide les termes financiers de cette offre et rejette les demandes des actionnaires minoritaires visant, à titre principal, à l'obtention d'un complément de prix et, à titre subsidiaire, à la désignation d'experts, chargés d'évaluer le caractère juste du prix à proposer par Suez.

Au-delà de l'épilogue de cette bataille judiciaire qui aura connu au préalable une première décision de la cour d'appel de Bruxelles en date du 1er décembre 2008 [3] ainsi qu'un arrêt de la Cour de cassation du 27 juin 2011 [4] mettant à néant cette première décision, l'arrêt du 26 mars 2015 marque surtout une étape importante dans la définition et la clarification des rôles respectifs de la FSMA [5] et de la juridiction d'appel bruxelloise quant à la fixation du prix d'une offre publique de reprise. C'est à ce titre que nous voudrions commenter cet arrêt et en relever certains enseignements.

I. Rétroactes de la procédure judiciaire relative à la fixation du prix de l'offre publique de reprise de Suez sur les titres d'Electrabel [6]

2.L'arrêt annoté trouve son origine dans l'annonce par la société Suez en mars 2007 du prochain lancement d'une offre de reprise sur les titres de sa filiale Electrabel. De cette offre de reprise, on retiendra les principaux éléments suivants tels que résumés par la cour d'appel de Bruxelles dans son arrêt du 1er décembre 2008:

    • en date du 20 mars 2007, Suez qui détient directement et indirectement 98,62% des actions d'Electrabel, notifie à la CBFA son intention de procéder à une offre publique de reprise sur les titres d'Electrabel qu'elle ne détient pas encore et ce, au prix de 590 EUR par action;
    • le dossier d'OPR précise que Suez a fixé la valeur de ces titres sur la base de 4 méthodes d'évaluation, à savoir le cours de bourse de l'action Electrabel, la méthode des ratios boursiers, l'actualisation des cash-flows futurs d'Electrabel et l'actualisation du prix de l'offre publique d'acquisition lancée en 2005;
    • la banque d'affaires Lehman Brothers chargée par Suez d'établir un rapport d'expert indépendant sur la valorisation proposée par l'offrant conclut que la méthodologie utilisée par Suez est pertinente et appliquée de manière appropriée et que le prix offert sauvegarde les intérêts des porteurs de titres;
    • le conseil d'administration d'Electrabel aboutit à une conclusion similaire le 19 mars 2007;
    • suite à la diffusion de l'avis d'offre publique et du rapport d'expert indépendant, Deminor formule des griefs à l'encontre des méthodes d'évaluation retenues par Suez et les transmet à la CBFA;
    • le 4 mai 2007, la CBFA communique à Suez les griefs de Deminor et y joint ses propres questions et demandes de renseignement. Ces divers griefs et questions sont repris dans le prospectus d'offre publique, de même que les réponses qu'y apporte Suez. Suez ne modifie cependant pas le prix de son offre de reprise;
    • la CBFA approuve le prospectus le 19 juin 2007. Ce prospectus précise que « cette approbation ne comporte aucune appréciation par la CBFA de l'opportunité et de la qualité de l'opération ni de la situation de celui qui la réalise »;
    • le prospectus ne mentionne aucune décision spécifique de la CBFA relative au prix de l'offre;
    • l'offre de reprise est lancée le 26 juin et clôturée le 9 juillet 2007. Les actions Electrabel sont ensuite radiées de la cote d'Euronext.

    3.A la suite de la publication du prospectus d'offre de reprise, divers actionnaires minoritaires d'Electrabel introduisent un recours devant la cour d'appel de Bruxelles.

    A titre principal, ils poursuivent la condamnation solidaire de Suez et d'Electrabel à payer, au titre de complément de prix ou de dommages et intérêts, un montant évalué ex aequo et bono à 200 EUR par action Electrabel qu'ils détenaient jusqu'à l'offre de reprise de Suez. A l'appui de ce recours, les minoritaires reprochent essentiellement à Suez de n'avoir, dans la valorisation des actions Electrabel et la fixation du prix de l'offre, tenu aucun compte de la prétendue « inéluctabilité de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires appartenant à Electrabel (…) de même que de l'impact substantiel que cela aurait sur les revenus de l'entreprise ». Cette action est lancée sur pied de l'article 18ter, § 2, de la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations importantes dans les sociétés cotées en bourse et réglementant les offres publiques d'acquisition et rentre dans le cadre du contentieux relatif aux droits subjectifs en matière d'OPA.

    La CBFA n'est pas mise à la cause. Sa décision d'approbation du prospectus n'est pas attaquée dans le cadre de cette procédure judiciaire.

    4.Ce recours donne lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 1er décembre 2008, lequel est précédé, quelques jours plus tôt, par un arrêt - très similaire - rendu par la même cour dans le dossier relatif à l'offre publique de reprise des titres d'Ubizen. Pour comprendre la portée de ces arrêts, il est nécessaire de rappeler brièvement le cadre légal dans lequel les actionnaires minoritaires d'Electrabel et d'Ubizen font valoir devant la juridiction bruxelloise le droit subjectif qu'ils estiment détenir à l'obtention d'un complément de prix, dans le cadre des deux offres de reprise litigieuses.

    5.Ces deux procédures judiciaires sont liées aux hésitations récurrentes qui existent à propos du rôle respectif de la CBFA et de la cour d'appel de Bruxelles dans la fixation du prix d'une offre de reprise. Plus précisément, ces deux procédures soulèvent deux questions de fond:

      • La première question est celle de l'étendue de l'intervention de la CBFA quant au prix de l'offre de reprise. Plus précisément, il faut se demander si le « contrôle » exercé par la CBFA dans le cadre d'une OPR se limite au contrôle externe de l'information donnée par l'offrant quant au prix (comme c'est le cas pour toute OPA volontaire) ou si ce contrôle inclut un contrôle en opportunité sur le prix, au regard de l'exigence de sauvegarde des intérêts des détenteurs de titres [7], [8].
      • La deuxième question - qui divise profondément la doctrine [9] - consiste à déterminer si les porteurs de titres visés par une offre publique de reprise disposent d'un droit subjectif à l'obtention d'un prix de nature à sauvegarder leurs intérêts et, dans l'affirmative, comment - et à l'égard de qui - ces porteurs de titres peuvent faire valoir ce droit en justice sans méconnaître la règle qui veut que la décision d'approbation du prospectus par la CBFA n'est pas susceptible de recours [10].

      6.Dans ses arrêts du 25 novembre et du 1er décembre 2008, la cour d'appel de Bruxelles apporte des premières réponses à ces deux questions fondamentales.

      1. Quant à la portée du contrôle exercé par la CBFA sur le prix d'une offre publique de reprise, la cour d'appel considère qu'il existe une différence fondamentale entre les offres et contre-offres publiques d'acquisition, d'une part, et les offres publiques de reprise, d'autre part. Elle en déduit qu' « il n'est pas possible de considérer que nonobstant le caractère obligatoire du retrait en cas d'OPR, les OPA et les OPR sont soumises à des régimes similaires quant à la mission de contrôle de la CBFA, à l'étendue des droits des détenteurs de titres de la société visée et à l'exercice de ceux-ci » [11].
        En d'autres termes, lorsque la CBFA se prononce sur le prospectus d'une offre de reprise, elle est investie d'une double mission: à son rôle classique de contrôleur de l'information contenue dans le prospectus s'ajoute la tâche de veiller à ce que le prix proposé par l'offrant sauvegarde les intérêts des actionnaires minoritaires.
        La cour considère qu'il appartient ainsi à l'autorité de surveillance de se prononcer, de manière spécifique et dans une décision motivée, sur la question de savoir si le prix de l'offre assure cette sauvegarde des intérêts des minoritaires.
        La cour affirme que la mention dans le prospectus selon laquelle l'approbation de celui-ci par la CBFA ne comporte aucune appréciation de la qualité de l'opération, serait dépourvue de sens. La Cour décide ainsi que la disposition légale qui exige qu'une telle mention soit reprise dans le prospectus ne trouve pas à s'appliquer en cas d'OPR.
      • La cour tranche également la question relative à l'existence ou non d'un droit subjectif dans le chef des actionnaires minoritaires. Selon la juridiction bruxelloise, l'article 45, 4°, de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 relatif aux offres publiques d'acquisition et aux modifications de contrôle des sociétés - qui dispose que les conditions et règles relatives à chaque offre publique de reprise, et plus particulièrement au prix, sont formulées de telle sorte que les intérêts des porteurs de titres sont protégés - est suffisamment précis pour fonder un droit ou une obligation juridique susceptible d'être invoqué dans le cadre d'un recours. Il en va de même de l'article 15, 5. de la directive n° 2004/25/CE qui énonce que les Etats membres veillent à ce qu'un juste prix soit garanti en cas de retrait obligatoire [12]. En d'autres termes, les actionnaires minoritaires de la société cible disposeraient, selon cette jurisprudence, d'un droit subjectif à l'obtention d'un « juste » prix.

      La cour d'appel décide à ce titre que l'interdiction [13] de tout recours contre la décision par laquelle la CBFA approuve un prospectus d'offre publique ne peut faire obstacle à ce qu'un actionnaire minoritaire fasse valoir ce droit subjectif en justice. Et la Cour de relever que « dans le cadre d'une offre de reprise, l'article 21 [14] de la loi du 22 avril 2003 ne produit pas ses effets étant donné que l'objectif et la nature de la mission de la CBFA diffèrent de sa mission dans le cadre d'une offre publique d'acquisition. L'article 21 ne s'applique pas à la décision de la CBFA dans le cadre d'une offre de reprise car cette décision ne constitue pas une décision d'approbation au sens de l'article 21 qui cible une décision en vertu de laquelle la CBFA constate que le prospectus est complet et qu'il ne contient aucune donnée pouvant abuser le public sur le placement qui lui est proposé » [15].

      7.Bien qu'elle reconnaisse l'existence de ce droit subjectif des actionnaires minoritaires à l'obtention d'un « juste prix » en cas d'offre publique de reprise, la juridiction bruxelloise rejette néanmoins la demande des actionnaires minoritaires d'Electrabel (tout comme elle rejette, pour des raisons similaires, la demande des actionnaires d'Ubizen dans son arrêt du 25 novembre 2008). La cour justifie ce rejet au motif que les demandeurs ne dirigent pas leur action contre le bon défendeur et qu'ils devraient citer la CBFA. « Contrairement à ce que les demandeurs prétendent en affirmant qu'ils ne remettent pas en cause la décision de la CBFA d'autoriser l'offre de reprise, c'est bien l'appréciation par la CBFA des conditions de l'offre fixées par Suez qu'ils remettent en cause dans la présente procédure en critiquant les méthodes d'évaluation retenues et leur application et en proposant d'autres méthodes qui aboutissent selon leurs calculs à un prix plus élevé que celui de l'offre. Dans ces conditions, il y a lieu de débouter les demandeurs de leur action qui n'est pas dirigée contre la décision de la CBFA d'autoriser Suez à lancer l'offre de reprise, décision dont Suez se prévaut à bon droit dans le cadre de la prescrite procédure. » [16].

      Cet attendu de l'arrêt du 1er décembre 2008 suscite une certaine perplexité au sein de la doctrine qui éprouve quelques difficultés à saisir le fondement de cette jonction par la cour d'appel du contentieux subjectif basé sur une demande adressée par un actionnaire minoritaire à l'offrant et du contentieux objectif lié à un recours contre une décision d'une autorité administrative [17].

      8.C'est du reste cette jonction qui se trouve au centre des débats noués devant la Cour de cassation suite aux recours formés par les actionnaires minoritaires à l'encontre des arrêts de la cour d'appel de Bruxelles des 25 novembre et 1er décembre 2008. Et c'est précisément à propos de cette question que la Cour de cassation censure les arrêts de la juridiction bruxelloise [18]: selon la Cour Suprême, l'arrêt qui, après avoir ainsi constaté le caractère illégal de la décision d'approbation par la Commission bancaire, financière et des assurances des conditions de l'offre de reprise, n'écarte pas cette décision, ne justifie pas légalement sa décision de rejeter la demande en paiement d'un complément de prix au motif que l'action des actionnaires minoritaires n'est pas dirigée contre la décision de la CBFA [19].

      9.Cela étant, il serait erroné de ne retenir de ces arrêts de la Cour de cassation que la mise à néant des arrêts attaqués de la cour d'appel de Bruxelles. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner [20], les arrêts de la Cour de cassation confirment la jurisprudence de la juridiction bruxelloise sur des éléments importants:

      1. Premièrement, à la suite de la cour d'appel de Bruxelles et de la Cour d'arbitrage [21], la Cour de cassation confirme que l'intervention de la CBFA doit permettre de garantir que les actionnaires minoritaires reçoivent, en échange des titres acquis par les actionnaires majoritaires, une indemnité raisonnablement en rapport avec la valeur de ces titres. La Cour suprême déduit des textes législatifs applicables et de leur économie que, s'il n'appartient pas à la CBFA de fixer elle-même le prix de l'offre de reprise, elle contrôle néanmoins si le prix offert par l'offrant est tel qu'il sauvegarde les intérêts des porteurs de titres. Et la Cour de qualifier expressément d'inexacte la thèse selon laquelle, dans le cadre d'une offre publique de reprise d'actions d'une société ayant fait ou faisant publiquement appel à l'épargne, le contrôle de la CBFA se limiterait à un contrôle de la qualité, de la sincérité et du caractère complet des informations destinées au public que doit contenir le prospectus et ne pourrait porter sur la hauteur du prix de l'offre.
        Si la Cour de cassation décide implicitement que le contrôle de la CBFA sur le prix doit se traduire dans une décision de l'autorité prudentielle à ce sujet, elle ne se prononce cependant pas expressément sur la portée exacte du contrôle que la CBFA exerce sur le prix de l'offre publique de reprise.
        Elle ne se prononce pas non plus sur la question essentielle de l'existence ou non d'un droit subjectif dans le chef des actionnaires minoritaires de la société cible.
      2. Deuxièmement, en confirmant que le contrôle de la CBFA ne se réduit pas à la seule vérification de l'information contenue dans le prospectus mais inclut une analyse du prix proposé par l'offrant, la Cour de cassation confirme l'analyse de la cour d'appel de Bruxelles selon laquelle l'approbation du prospectus implique, à tout le moins de manière limitée, une appréciation de la qualité de l'offre.
        Aux yeux de la cour d'appel de Bruxelles, l'article 16 de la loi du 22 avril 2003 - qui impose à l'offrant de préciser dans le prospectus d'offre publique que l'approbation de ce prospectus par la CBFA ne comporte pas une appréciation de l'opportunité et de la qualité de l'opération ni de la situation de celui qui la réalise - ne trouve pas matière à application dans le cas d'une offre de reprise [22].
        Cette confirmation implicite par la Cour de cassation de l'analyse développée par la cour d'appel de Bruxelles laisse cependant certaines questions en suspens et appelle manifestement des nuances. Même si l'on suit cette analyse, il nous semble en effet évident que la CBFA ne doit en aucune manière se prononcer sur la qualité de l'offrant et qu'en ce qui concerne ce dernier point, la règle selon laquelle la CBFA n'apprécie ni le fondement de l'offre, ni la qualité de l'offrant trouve bien matière à application.
      • Troisièmement, en censurant les arrêts de la cour d'appel au motif qu'ils n'ont pas tiré toutes les conséquences du défaut de motivation - sur la question du prix - des décisions de la CBFA visant à l'approbation des prospectus relatifs aux OPR lancées sur les titres d'Electrabel et d'Ubizen, la Cour de cassation reprend manifestement à son compte l'analyse de la juridiction bruxelloise selon laquelle la décision de l'autorité prudentielle sur le prix de l'offre de reprise doit être explicite et motivée.

      10.Pour clore ce résumé des rétroactes de l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 26 mars 2015, il faut rappeler que les divers recours dont ont à connaître la cour d'appel de Bruxelles et la Cour de cassation dans ces deux dossiers se rapportent à des offres publiques lancées avant le 1er septembre 2007. Ils doivent donc être examinés au regard de l'ancienne réglementation sur les offres publiques et singulièrement de l'article 15, § 3, de la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations importantes dans les sociétés cotées en bourse et réglementant les offres publiques d'acquisition [23] et de l'article 45 de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 relatif aux offres publiques d'acquisition et aux modifications du contrôle des sociétés [24].

      Au vu de la similitude entre ces dispositions légales et celles qui sont aujourd'hui en vigueur, les conclusions dégagées au regard de la loi de 1989 et de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 restent cependant largement d'application sous l'empire de la réglementation entrée en vigueur le 1er septembre 2007 [25] et il est hautement probable que les juridictions saisies appliqueraient les mêmes principes et développeraient les mêmes raisonnements si elles devaient statuer sur la base de la nouvelle législation.

      II. Portée de l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 26 mars 2015

      11.Suite à la cassation de l'arrêt du 1er décembre 2008, la demande des actionnaires minoritaires d'Electrabel revient donc devant une chambre différemment composée de la cour d'appel de Bruxelles et fait l'objet de l'arrêt du 26 mars 2015. Cet arrêt apporte manifestement une contribution importante à la définition et à la clarification des rôles respectifs de la FSMA et de la cour d'appel de Bruxelles dans la fixation du prix d'une offre publique de reprise.

      § 1. Droit subjectif des actionnaires de la société cible à l'obtention d'un prix qui sauvegarde leurs intérêts

      12.Le premier de ces principaux enseignements tient à la confirmation par la cour d'appel de Bruxelles de sa jurisprudence quant à l'existence dans le chef des actionnaires minoritaires de la société cible, d'un droit subjectif à l'obtention d'un prix de nature à sauvegarder leurs intérêts.

      La doctrine ne s'accorde pas sur la question de savoir si les porteurs de titres visés par une offre publique de reprise disposent d'un tel droit subjectif.

      Pour certains auteurs, l'article 45, 4°, de l'arrêté royal de 1989 qui prévoit que les conditions et modalités de l'offre doivent être telles « qu'elles sauvegardent les intérêts des détenteurs de titres » constitue la source d'une obligation juridique suffisamment précise, à charge de l'offrant et dans l'intérêt des porteurs de titres pour générer un droit subjectif en faveur de ceux-ci. Ces auteurs en déduisent qu'en dépit de l'approbation du prospectus d'OPR par la CBFA, les actionnaires minoritaires ont le pouvoir de réclamer devant la cour d'appel de Bruxelles le paiement d'un complément de prix s'ils démontrent que celui proposé par l'offrant ne satisfait pas aux exigences de la réglementation OPA [26].

      Pour d'autres auteurs, la combinaison de la règle selon laquelle seule la CBFA est chargée de veiller à l'application de la réglementation sur les OPR et de la règle qui interdit tout recours à l'encontre de la décision par laquelle la CBFA approuve un prospectus, empêche de reconnaître aux actionnaires minoritaires le bénéfice d'un droit subjectif à l'obtention d'un juste prix [27]. Dans son commentaire des arrêts de la cour d'appel de Bruxelles du 25 novembre et du 1er décembre 2008, Ph. De Wolf relève ainsi que l'intervention nécessaire de la CBFA dans la fixation du prix d'une offre de reprise entraîne nécessairement, dans le chef des actionnaires minoritaires, l'absence de tout droit subjectif à l'obtention [28].

      13.C'est dans ce contexte que Suez invite la cour d'appel de Bruxelles à déclarer irrecevable la demande de complément de prix émanant des actionnaires minoritaires et ce, au motif qu'en raison de la marge d'appréciation dont bénéficie la CBFA, les actionnaires minoritaires ne disposeraient pas d'un droit subjectif à un complément de prix.

      14.La juridiction bruxelloise écarte cette thèse et décide - dans des termes encore plus clairs et plus nets que ceux qu'elle avait utilisés en 2008 - que « la demande - qui recherche son fondement principal dans le droit subjectif à obtenir un complément de prix et à titre subsidiaire dans la violation fautive d'une disposition réglementaire - est par conséquent recevable ».

      La cour ne se contente pas de confirmer ainsi sa jurisprudence initiée en 2008. Elle en approfondit la motivation; pour justifier sa conclusion, elle recourt pour l'essentiel à deux arguments qui nous paraissent devoir être pleinement approuvés et qui répondent aux principales critiques formulées par les auteurs contestant l'existence d'un droit subjectif dans le chef des actionnaires minoritaires de la société cible.

      15.Premièrement, la cour répond à ceux qui considèrent que la notion de prix « sauvegardant les intérêts des actionnaires » de la société cible serait définie de manière trop imprécise par la loi pour pouvoir engendrer un droit subjectif dans le chef des actionnaires minoritaires. Elle estime à ce sujet que ni l'absence de définition légale de cette notion, ni le fait que plusieurs prix puissent répondre à une telle notion n'empêche la naissance d'un droit subjectif dès lors qu'à son estime, il existe « un seuil en deçà duquel il doit être constaté que les intérêts des actionnaires sont nécessairement lésés » [29]. En d'autres termes, le droit subjectif en question doit se définir non par référence à un prix qui correspondrait à la valeur vénale des titres de la société cible, mais bien par renvoi à un prix qui ne lèse pas nécessairement les actionnaires. La cour précise expressément à ce sujet que « la notion de sauvegarde des intérêts des actionnaires minoritaires n'implique pas dans leur chef le droit à obtenir 'le prix le plus élevé', mais un prix qui respecte, par son caractère juste et équitable, le devoir de loyauté auquel l'offrant est tenu à l'égard des actionnaires » [30].

      En adoptant une approche que l'on pourrait qualifier de vérification « négative » ou a contrario du prix de l'offre et en considérant que le droit subjectif des actionnaires minoritaires doit se définir par référence à un prix égal ou supérieur au seuil qui les lèserait nécessairement, la juridiction bruxelloise apporte une contribution importante à la clarification des concepts utilisés en la matière.

      Cette clarification est par définition appelée à guider les interventions futures de la cour d'appel de Bruxelles dans les contentieux relatifs aux prix des offres de reprise mais elle s'adresse aussi à la CBFA puisqu'elle permet à celle-ci de disposer d'un critère plus précis pour exercer sa propre mission de contrôle du prix d'une offre de reprise.

      16.On relèvera dans l'arrêt annoté deux déductions concrètes que la cour d'appel de Bruxelles tire de cette définition « négative » ou a contrario du droit subjectif des actionnaires minoritaires:

        • La cour juge dénuée de pertinence la thèse des actionnaires minoritaires selon laquelle l'expert chargé par Suez de rédiger un rapport sur les termes de son offre ne présenterait pas l'indépendance requise. En effet la cour estime qu'il ne saurait se déduire de cet éventuel manque d'indépendance de l'expert, quand bien même serait-il établi, que les autres mécanismes de contrôle du prix fixé par l'offrant, tels que prévus par la loi, n'auraient pas été correctement appliqués [31]. En d'autres termes, il ne suffit pas pour l'actionnaire minoritaire d'établir qu'une étape de la procédure normale d'offre publique ne se serait pas déroulée correctement; il lui appartient de prouver que le prix fixé au terme de cette procédure prise dans son ensemble est inférieur au seuil en deçà duquel les intérêts des actionnaires sont nécessairement lésés.
        • La cour applique la même logique « négative » ou a contrario dans son examen approfondi de chacune des quatre méthodes d'évaluation retenues par Suez. A propos de deux de ces méthodes dont l'application par Suez pourrait éventuellement donner lieu à certaines observations, la cour constate que, quand bien même ces observations seraient-elles justifiées et pourraient-elles impliquer une révision à la hausse de la valorisation de la société cible, elles ne suffiraient pas, vu les montants sur lesquels elles portent, pour conclure que le prix proposé lèse nécessairement les intérêts des actionnaires minoritaires [32]. En d'autres termes, ce n'est pas l'inexactitude du prix proposé par l'offrant ni la manière dont une méthode d'évaluation est appliquée qui importe, mais bien le fait que le prix proposé lèse nécessairement les intérêts des minoritaires.

        17.Deuxièmement, la cour d'appel de Bruxelles répond aux auteurs qui estiment que lorsqu'elle statue sur le prix de l'offre, la CBFA exercerait une compétence discrétionnaire qui serait inconciliable avec l'existence d'un droit subjectif dans le chef des actionnaires minoritaires.

        A ce sujet, la cour justifie sa jurisprudence en faisant sien un argument développé par A. Dirkx dans son étude approfondie sur les offres de reprise en 1997: le droit des actionnaires minoritaires à l'obtention d'un prix qui sauvegarde leurs intérêts trouve son origine, non pas dans la décision par laquelle la CBFA approuve le prospectus ou prend position sur le prix proposé par l'offrant, mais bien dans le texte-même de l'arrêté royal du 8 novembre 1989.

        Comme l'écrit A. Dirkx, « ce n'est pas la tâche de la [CBFA] de fixer le prix, même s'il lui appartient de formuler des remarques à propos d'une offre lorsqu'elle estime que cette offre n'est pas de nature à sauvegarder les intérêts des porteurs de titres. Même si cette obligation implique que la [CBFA] doive sortir de son rôle traditionnel concernant le contrôle de la qualité de l'information et l'approbation du prospectus, cela n'implique pas pour autant que le droit des porteurs de titres minoritaires à l'obtention d'un prix qui sauvegarde leurs intérêts dépendrait d'une analyse discrétionnaire de l'autorité administrative et que l'intervention de la [CBFA] ferait naître ce droit » [33].

        18.A l'heure actuelle, la Cour de cassation ne s'est pas encore expressément prononcée sur l'existence de ce droit subjectif. S'il est toujours délicat de chercher à prédire le sens dans lequel la Cour de cassation pourrait statuer sur une question donnée, l'analyse initiée par la cour d'appel de Bruxelles en 2008 et confirmée avec force dans l'arrêt annoté quant à l'existence du droit subjectif des actionnaires de la société cible nous semble, dans son principe, peu susceptible d'être censurée par la juridiction suprême.

        D'une part, on ne peut que relever que la Cour de cassation qui a déjà rendu trois arrêts sur ces questions de fixation du prix d'une offre publique de reprise, n'a pas fourni le moindre argument à ceux qui contestent l'existence de ce droit subjectif. A cet égard, l'arrêt du 3 mai 2012 nous paraît particulièrement important: la Cour de cassation y relève qu'en considérant que le contrôle par la cour d'appel du prix approuvé par la CBFA n'est possible que dans le cadre d'un recours qui est aussi dirigé contre la décision d'approbation du prospectus par la CBFA, l'arrêt de la cour d'appel du 24 décembre 2009 qui lui est déféré, méconnaît les dispositions légales applicables en la matière [34]. En d'autres termes, la Cour de cassation justifie sa décision, non en raison de l'inexistence d'un droit subjectif à l'obtention d'un complément de prix, mais bien parce que la cour d'appel de Bruxelles décide que l'action visant à l'obtention de ce complément de prix est irrecevable dès lors que la CBFA n'est pas mise à la cause dans le cadre de la procédure visant à faire valoir ce droit. Autrement dit, elle refuse de situer une action en complément de prix dans le cadre d'un recours objectif à l'encontre d'une décision de la CBFA.

        D'autre part, la jurisprudence « Wagons-Lits » nous semble fournir une indication supplémentaire de la position que la Cour de cassation serait susceptible d'adopter si elle devait se prononcer expressément sur cette question. Comment ne pas relever en effet la similitude entre le raisonnement développé par la cour d'appel de Bruxelles dans l'arrêt annoté en matière d'offres de reprise et celui consacré par la Cour de cassation au sujet des offres publiques obligatoires?

        Dans son arrêt de principe du 10 mars 1994, la Cour de cassation écrit que « l'obligation que l'article 41, § 1er, de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 met à charge de l'acquéreur de titres d'une société ayant fait ou faisant publiquement appel à l'épargne, en cas de cession de contrôle moyennant un prix supérieur à celui du marché crée corrélativement au profit des porteurs un droit subjectif à la reprise de leurs titres (…) ni sa naissance, ni son exercice ne dépendent de la mise en oeuvre des pouvoirs de la Commission bancaire et financière » [35]. Il est significatif que dans l'arrêt annoté, la cour d'appel de Bruxelles se réfère expressément à cette jurisprudence « Wagons-Lits » et la transpose en matière d'offres de reprise pour conclure que lorsque la CBFA approuve le prix offert, elle ne modifie ni l'obligation qui pèse réglementairement sur l'offrant dans une OPR de fixer un prix sauvegardant les intérêts des actionnaires, ni les droits qui en sont le corollaire [36].

        19.On soulignera par ailleurs avec force que l'unique objet du droit subjectif reconnu ainsi aux actionnaires de la société cible consiste en l'obtention d'un éventuel complément de prix. Ce droit ne justifie, ni ne permet la remise en cause du principal effet de l'offre de reprise, à savoir le transfert obligatoire à l'offrant, à l'issue de l'offre, des titres visés par celle-ci.

        § 2. Recours subjectif et contentieux objectif

        20.Dans ses trois arrêts rendus en 2008 et 2009 en matière d'offres publiques de reprise, la cour d'appel de Bruxelles reconnaît l'existence du droit des actionnaires de la société cible à l'obtention d'un prix qui sauvegarde leurs intérêts mais rejette leur demande au motif qu'ils ne dirigent pas leurs actions contre la CBFA. Ce faisant, la juridiction bruxelloise semble lier le débat relatif au droit subjectif des actionnaires minoritaires, à un débat simultané sur la régularité de la décision par laquelle l'autorité financière de contrôle prend position sur le prix de l'offre de reprise.

        Ce lien obligatoire entre recours subjectif et contentieux objectif suscite diverses questions et réserves de la part de la doctrine [37].

        Sur ce point, l'arrêt du 26 mars 2015 marque un évident renversement de jurisprudence de la part de la cour d'appel de Bruxelles.

        21.Pour en comprendre l'origine et la portée, il est utile d'évoquer une procédure judiciaire distincte lancée à la suite de l'offre de reprise de Suez sur les titres d'Electrabel. Suite à l'action lancée par des actionnaires minoritaires de la société belge et visant elle aussi à l'obtention d'un complément de prix de la part de l'offrant, la cour d'appel de Bruxelles rejette, le 24 décembre 2009, la demande qui lui est soumise au motif, ici encore, que la demande n'est pas dirigée contre la décision d'approbation du prospectus par la CBFA [38].

        Statuant sur le pourvoi dont cet arrêt fait l'objet, la Cour de cassation précise, dans un arrêt - assez bref mais très clair - du 3 mai 2012 [39] que n'est pas valablement motivé l'arrêt qui considère que le contrôle par la cour d'appel du prix approuvé par la CBFA n'est possible que dans le cadre d'un recours qui est aussi dirigé contre la décision d'approbation du prospectus par la CBFA.

        En ce sens, cet arrêt de la Cour de cassation livre un enseignement important: comme l'écrivent X. Dieux et D. Willermain, il est permis aux actionnaires minoritaires de faire valoir leur droit subjectif à un complément de prix devant la cour d'appel de Bruxelles sans attaquer simultanément, au contentieux objectif, la décision de la FSMA relative à l'offre de reprise litigieuse [40].

        22.Tirant toutes les leçons de cet arrêt de la Cour de cassation, la cour d'appel de Bruxelles, dans l'arrêt annoté, admet la recevabilité de la demande des actionnaires minoritaires et examine son fondement, sans que la CBFA ne soit partie au débat. Bien plus, elle relève expressément que le recours des demandeurs ne concerne pas la décision par laquelle la CBFA statue (ou, le cas échéant, omet de statuer) sur le prix de l'offre de reprise. « La circonstance que l'autorité administrative a entériné le prix proposé par l'offrant n'implique pas l'impossibilité pour les titulaires des titres repris de former leur demande, ceux-ci ne critiquant pas une décision administrative - en l'occurrence, celle de la CBFA, qui aurait agi par hypothèse dans le cadre d'une compétence liée - et ne demandant pas de constater une erreur manifeste d'appréciation commise par la CBFA. » [41].

        23.Cette nouvelle jurisprudence de la cour d'appel de Bruxelles concilie ainsi, d'une part, la nécessité de prévoir un forum pour les actionnaires estimant que leur droit subjectif à l'obtention d'un complément de prix serait méconnu et, d'autre part, la règle qui veut que la décision par laquelle la CBFA approuve un prospectus n'est pas susceptible de recours.

        § 3. Portée de la compétence de la cour d'appel de Bruxelles

        24.La doctrine s'est interrogée sur la portée du contrôle exercé par la cour d'appel de Bruxelles sur le prix de l'offre de reprise. La cour dispose-t-elle en la matière d'un pouvoir de pleine juridiction?

        25.En suivant les enseignements des arrêts de la Cour de cassation du 27 juin 2011 et du 3 mai 2012, la cour d'appel de Bruxelles peut, dans son arrêt du 26 mars 2015, logiquement se dispenser d'aborder cette question et de se prononcer sur l'étendue de sa compétence lorsqu'elle est saisie d'un recours à l'encontre d'une décision de la CBFA. Elle n'y consacre d'ailleurs - très logiquement - pas le moindre mot dans la décision annotée.

        Dès lors qu'en l'espèce, elle statue sur un droit subjectif des actionnaires minoritaires et non sur la validité d'une décision de la CBFA, la cour d'appel dispose d'une compétence de pleine juridiction en la matière. L'arrêt du 26 mars 2015 en offre du reste une illustration parfaite puisque après avoir confirmé l'existence d'un droit subjectif des actionnaires minoritaires à l'obtention d'un prix qui sauvegarde leurs intérêts et partant admis la recevabilité de la demande dont elle est saisie, la cour examine - et c'est une première en droit belge - de manière détaillée les méthodes d'évaluation retenues par l'offrant pour justifier le prix de son offre de reprise. Cet examen est d'autant plus remarquable que, conformément à sa politique de l'époque, la CBFA approuve le prospectus d'offre de reprise de Suez sans prendre spécifiquement position sur la question de savoir si le prix de l'offre sauvegarde les intérêts des actionnaires d'Electrabel. Dans cet arrêt, la cour d'appel ne cherche pas à se substituer à l'autorité de contrôle ni à pallier à l'absence de décision de la CBFA sur le prix; la cour procède à sa propre analyse et exerce à ce sujet une évidente compétence de pleine juridiction à l'égard d'une demande qui ne concerne pas directement une décision de la CBFA.

        26.Ce faisant, l'arrêt annoté laisse ouverte la question de savoir quelle serait la nature de la compétence de la cour d'appel si elle était saisie, directement ou indirectement, d'une action mettant en cause la légalité de la décision par laquelle la CBFA apprécie le prix de l'offre.

        On rappellera à cet égard l'arrêt du 10 février 2006; appelée à connaître d'un recours à l'encontre d'une décision de la CBFA qui ne porte ni sur un droit subjectif, ni sur l'imposition d'une amende ou d'une astreinte [42], la cour d'appel de Bruxelles y décide que lorsque « l'étendue du pouvoir de pleine juridiction dont la cour est investie doit être déterminée cas par cas, ce que les travaux préparatoires confirment puisque le législateur s'en est remis à la sagesse de la cour d'appel de Bruxelles qui, dans l'exercice de ses nouvelles compétences exclusives, pourra (...) préciser et nuancer les limites de son contrôle, selon le type de recours qu'elle est appelée à connaître (Exposé des motifs, o.c., p. 132). (…) Par ailleurs, le pouvoir de réformation ne signifie pas que la cour puisse, dans tous les cas, substituer sa décision à celle de la CBFA ni que la cour doive dans tous les cas se placer au jour où elle se prononce lorsqu'elle exerce ce pouvoir. S'agissant d'un recours contre une décision de déclarer le dossier incomplet ou d'une décision de refus d'approbation du prospectus, un pouvoir de substitution ne se conçoit que dans le cas d'une décision de la CBFA préalablement annulée. (…) Enfin, la possibilité d'exercer un pouvoir de réformation et la latitude d'appréciation dont la cour dispose doivent s'apprécier, cas par cas, en fonction des modalités procédurales et des formalités auxquelles la CBFA est assujettie pour prendre sa décision et des garanties qui y sont liées et en tenant compte de l'étendue des moyens requis pour procéder aux contrôles nécessaires pour opérer des choix » [43].

        La doctrine [44] s'est interrogée sur le fondement et les implications de cette jurisprudence qui s'appuie notamment sur l'exposé des motifs de la loi dite de surveillance du 2 août 2002 [45] et qui reconnaît à la cour d'appel une compétence de juridiction que l'on pourrait qualifier de compétence à géométrie variable.

        27.L'arrêt du 26 mars 2015 apporte un élément important de réponse à cette question puisque, dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de cassation, il dissocie le débat relatif aux droits subjectifs des actionnaires et le contentieux objectif relatif à la validité de la décision de la CBFA. Il permet donc à la cour d'appel de se prononcer sur le droit des actionnaires à l'obtention d'un complément de prix sans qu'elle soit tributaire d'une décision de la CBFA ou doive apprécier la régularité de celle-ci.

        Cela étant, comme rappelé dans l'examen des rétroactes de cet arrêt, tant la Cour de cassation que la cour d'appel de Bruxelles considèrent que la mission de la CBFA, lorsqu'elle examine un prospectus d'offre de reprise qui lui est soumis pour approbation, ne se limite pas à sa mission classique de gardien de la qualité de l'information fournie au marché et que l'autorité de contrôle doit également - et spécifiquement - déterminer si le prix de l'offre sauvegarde les intérêts des minoritaires. Dans ses arrêts du 27 juin 2011, la Cour de cassation confirme clairement qu'à tout le moins dans certaines limites, la décision de la CBFA peut à ce titre faire l'objet d'un contrôle de la part de la cour d'appel de Bruxelles. Ce constat figure déjà dans les arrêts de la cour d'appel de Bruxelles du 25 novembre et du 1er décembre 2008 dans la mesure où la juridiction bruxelloise estime ne pouvoir se prononcer sur un droit subjectif invoqué par un actionnaire minoritaire à l'égard de l'offrant que si parallèlement elle est saisie d'un recours - au contentieux objectif - contre la décision par laquelle la CBFA approuve le prospectus d'offre publique [46].

        Ce constat quant à la possibilité - sous certaines conditions et dans certaines limites - d'un contrôle juridictionnel de l'appréciation de la CBFA quant au prix de l'offre est confirmé par la Cour de cassation, à tout le moins en tant que ce contrôle juridictionnel s'effectue dans les limites et sur la base de l'article 159 de la Constitution [47].

        Pour le surplus, la Cour de cassation ne tranche pas dans ses arrêts du 27 juin 2011 la question de la portée du contrôle de la cour d'appel de Bruxelles sur la décision prise par la CBFA à propos du prix proposé par l'offrant.

        28.Si l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 26 mars 2015 ne la tranche pas davantage de manière expresse, il nous semble qu'il permet de déduire l'approche que pourrait adopter la Cour si à l'avenir elle était saisie d'une action mettant en cause la légalité de la décision par laquelle la CBFA apprécie le prix de l'offre. Pour autant qu'elle n'excède pas le pouvoir limité que lui reconnaît l'article 21 de la loi du 22 avril 2003 lorsqu'elle est saisie d'un recours à l'encontre d'une décision portant sur l'approbation ou non d'un prospectus d'offres de reprise, la Cour d'appel peut, voire le cas échéant doit, apprécier la légalité de la décision de la CBFA relative au prix de l'offre de reprise. A cet égard, le critère retenu par la Cour d'appel de Bruxelles pour évaluer le caractère juste de ce prix nous semble fournir une indication utile quant à la portée du contrôle éventuel de la Cour d'appel sur la décision de la CBFA relative au prix de l'offre.

        Comme rappelé ci-dessus, le droit subjectif des actionnaires minoritaires à l'objection d'un juste prix est défini, non par rapport à la valeur vénale des actions de la société cible, mais bien par référence au seuil en dessous duquel le prix devient nécessairement insuffisant.

        Cette vérification « négative » ou a contrario du prix de l'offre fixe le cadre du contrôle éventuel de la Cour d'appel sur la décision de la CBFA.

        La Cour ne peut censurer la décision de l'autorité de contrôle au seul motif qu'elle ne partagerait pas les arguments retenus par la commission à propos de telle ou telle méthode d'évaluation ou de l'application qui en est faite. Elle ne peut davantage écarter la décision de la CBFA pour la seule raison qu'elle aboutirait à une évaluation différente de la valeur vénale des titres de la société cible. Elle ne peut en définitive rejeter les conclusions de la CBFA que si elle arrive à la conclusion que l'autorité administrative s'est manifestement trompée dans la fixation du niveau de prix en dessous duquel les actionnaires minoritaires sont nécessairement lésés.

        Cette vérification « négative » ou a contrario nous semble procéder de par sa nature même d'une appréciation marginale.

        29.Comment ne pas relever enfin que dans son arrêt du 26 mars 2015 et au nom de sa compétence de pleine juridiction pour statuer sur un recours relatif au droit subjectif des actionnaires minoritaires, la cour d'appel de Bruxelles innove de manière marquante en examinant - de manière approfondie et dans des termes aussi clairs que didactiques - le fondement des quatre méthodes d'évaluation retenues par Suez pour fixer le prix de son offre, ainsi que la manière dont l'offrant applique chacune de ces méthodes?

        La cour analyse ainsi de manière successive - et valide l'utilisation dans le cas d'espèce de - la méthode des cours de bourse, la méthode des multiples de sociétés comparables [48], la méthode des cash-flows futurs (dite 'DCF') [49] et la méthode basée sur la comparaison du prix de l'offre de reprise avec une précédente offre lancée par Suez sur les titres d'Electrabel.

        Ne serait-ce que pour cette innovation, l'arrêt du 26 mars 2015 est appelé à faire date.

        [1] Avocat Stibbe et Maître de conférence UCL.
        [2] Bruxelles, 26 mars 2015, R.D.C., 2017, p. 521.
        [3] Bruxelles, 1er décembre 2008, Rev. prat. soc., 2011, p. 262; T.R.V., 2009, p. 375, note Ph. De Wolf; cf. aussi l'arrêt largement similaire rendu par la cour d'appel de Bruxelles dans le cadre de procédures judiciaires introduites à l'occasion de l'offre publique de reprise lancée en mars 2007 sur les titres d'Ubizen: Bruxelles, 25 novembre 2008, Rev. prat. soc., 2011, p. 227; T.R.V., 2009, pp. 367-375.
        [4] Cass., 27 juin 2011, D.B.F., 2012, p. 63; par un deuxième arrêt rendu à la même date, la Cour de cassation casse - sur des bases très semblables - l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bruxelles le 25 novembre 2008 dans le dossier relatif à l'offre publique de reprise sur les titres d'Ubizen. Pour un commentaire de ces arrêts, cf. M. Fyon, « Les arrêts de la Cour de cassation du 27 juin 2011 ou un premier essai de clarification quant au rôle de la CBFA en matière de fixation du prix d'une offre de reprise », D.B.F., 2012, pp. 30-45; J.-M. Gollier, « Contrôle du prix d'un squeeze out », Rev. prat. soc., 2011, p. 183; X. Dieux et D. Willermain, Offres publiques, Bruxelles, Bruylant, 2016, pp. 340-342.
        [5] Dans la suite de la présente note, nous nous réfèrerons à la CBFA - plutôt qu'à la FSMA - puisque l'arrêt annoté se rapporte à des faits antérieurs au 1er avril 2011 et à l'adoption du nom de FSMA par cette autorité administrative.
        [6] Pour une analyse plus détaillée de ces rétroactes, cf. M. Fyon, o.c., pp. 30-31.
        [7] En vertu de l'article 45 de l'arrêté royal du 8 novembre 1989, l'offre de reprise doit satisfaire à diverses conditions, dont celle suivant laquelle « les conditions et les modalités de l'OPR doivent être de nature, notamment en ce qui concerne le prix, à sauvegarder les intérêts des détenteurs de titres ». La directive européenne sur les offres publiques d'acquisition procède de la même idée lorsqu'elle impose aux Etats membres de veiller à ce qu'un juste prix soit garanti aux actionnaires minoritaires (art. 15, 4. de la directive n° 2004/25/CE concernant les offres publiques d'acquisition). Ni le droit belge ni le droit européen ne définissent cependant ce qu'il faut entendre par « prix sauvegardant les intérêts des actionnaires minoritaires » ou « juste prix ».
        [8] Selon plusieurs auteurs, quoique le contrôle de la CBFA soit plus important dans le cadre des OPR que dans le cadre des OPA, la Commission n'en devient pas pour autant l'arbitre du prix, qui reste fixé par le seul offrant, suivant le choix initial du législateur (cf. en ce sens, H. Lemaitre, « Reprise de titres des sociétés anonymes », Mélanges offerts à P. Van Ommeslaghe, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 609; D. Willermain, « Les compétences et les pouvoirs des autorités de contrôle et de marché », Les autorités de contrôle des marchés financiers, des assurances et de la concurrence. Bilans et perspectives, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 66). Selon ces auteurs, il faudrait conclure que si la CBFA a une certaine influence sur la détermination du prix, cette influence se fait uniquement par le « biais du contrôle de la qualité de l'information et de la rationalité du prix par rapport à cette information » (P. Hamer, « Les nouvelles dispositions relatives au squeeze-out et au sell-out », Séminaire Vanham & Vanham du 22 mai 2007, pp. 15 et 18).

        D'autres auteurs - et nous partageons leur analyse - donnent au contrôle de la CBFA une portée plus étendue. Ainsi M. van der Haegen relève-t-il que « c'est précisément la tâche de la CBFA de vérifier si le prix se justifie au regard de critères pertinents et susceptibles d'une justification raisonnable » (M. van der Haegen, « Les nouvelles dispositions concernant le squeeze-out et le sell-out et la position des actionnaires minoritaires », La nouvelle loi OPA, Cahiers AEDBF, Bruxelles, Bruylant, 2008, pp. 329-330). Dans le même sens, voy. Ph. Gerard, « Le prix de l'OPA et la CBF », Liber Amicorum Yvette Merchiers, Bruges, die Keure, 2001, p. 524; J.-M. Nelissen Grade, « Kroniek van de openbare overnamebiedingen (1996-2003) (Deel II) », Dr. banc. fin., 2004, n° 197: « Het is evenwel ook de taak van de CBF toe te zien, in het kader van de procedure voorgeschreven door artikelen 56 tot 548 Overnamebesluit, dat de geboden prijs billijk is »; T. Verhoest, « De squeeze-out en de sell-out onder nieuw recht », Openbaar bod en transparantie 2007, Kalmthout, Biblo, 2008, p. 188: « Hoewel het nog steeds aan de bieder aankomt om de prijs te bepalen (rekening houdend met de waardering van de onafhankelijke expert), is het onderzoek van de CBFA meer dan een formeel ontvankelijkheidsonderzoek. De praktijk heeft reeds uitgewezen dat de CBFA in het kader van haar onderzoek opmerkingen maakt - inclusief het voorschrijven van waarderingsmethodes in één bepaald geval - die beogen de biedprijs te beïnvloeden. »; X. Dieux, « Questions relatives aux opérations préparatoires », Mélanges Guy Horsmans, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 430; P.-A. Foriers, S. Hirsch, V. Marquette et R. Jafferali, Les offres publiques d'acquisition. Le nouveau régime, Bruxelles, Larcier, 2008, n° 232; M. Heene, Squeeze-out (uitkoopbod), Malines, Kluwer, 2012, p. 54, n° 71, note de bas de page n° 105.
        [9] Cf. n° 14, infra.
        [10] L'article 21 de la loi du 22 avril 2003 relative aux offres publiques de titres - qui était d'application à l'époque - dispose que « la décision d'approbation du prospectus par la CBFA n'est pas susceptible de recours ».
        [11] Bruxelles, 1er décembre 2008, o.c., n° 23; Bruxelles, 25 novembre 2008, o.c., n° 44.
        [12] Bruxelles, 1er décembre 2008, o.c., n° 29; Bruxelles, 25 novembre 2008, o.c., n° 51.
        [13] Visée à l'article 21 de la loi du 22 avril 2003 sur les offres publiques.
        [14] Pour rappel, cet article limite et encadre strictement les possibilités de recours contre la décision par laquelle la FSMA soit approuve soit refuse d'approuver ce prospectus d'offre publique.
        [15] Bruxelles, 25 novembre 2008, o.c., n° 47; dans le même sens: Bruxelles, 1er décembre 2008, o.c., n° 25.
        [16] Bruxelles, 1er décembre 2008, o.c., n° 31.
        [17] M. Fyon, o.c., p. 38, n° 23; Ph. De Wolf, o.c., nos 23-24.
        [18] Cass., 27 juin 2011, o.c., p. 63 et Cass., 27 juin 2011, o.c., p. 67.
        [19] Cass., 27 juin 2011, o.c., p. 65 et Cass., 27 juin 2011, o.c., p. 69.
        [20] M. Fyon, o.c., pp. 39-42.
        [21] C.A., 14 mai 2003, n° 64/2000, T.R.V., 2003, p. 471.
        [22] Pour une analyse nuancée de l'application de cette disposition législative, cf. A. Dirkx, o.c., p. 461, n° 60.
        [23] Avant l'abrogation du Chapitre II suite à la loi du 1er avril 2007 relative aux offres publiques d'acquisition.
        [24] Avant son abrogation par l'arrêté royal du 27 avril 2007 relatif aux offres publiques de reprise. Dans la nouvelle réglementation, cette règle a été reprise à l'article 2, 4°, de l'arrêté susmentionné.
        [25] Ph. De Wolf, o.c., p. 388, n° 24; P. Hamer et S. Cailleau, o.c., pp. 37-38.
        [26] P.-A. Foriers et al., o.c., n° 232; X. Dieux et D. Willermain, o.c., p. 342; M. Fyon, o.c., pp. 43-44; J.-M. Gollier, o.c., p. 196; A. Dirkx, « Het openbaar uitkoopbod of de squeeze-out-procedure naar Belgisch recht », T.R.V., 1997, p. 460, n° 60.
        [27] M. van der Haegen, « Les nouvelles dispositions concernant le squeeze-out et la position des actionnaires minoritaires », La nouvelle loi OPA, Cahiers AEDBF, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 346, n° 26; P. Hamer et S. Cailleau, « Les nouvelles dispositions relatives au squeeze-out et au sell-out », Séminaire Vanham & Vanham du 22 mai 2007, pp. 37-42; Ph. De Wolf, o.c., p. 387, n° 22; M. Heene, o.c., pp. 55-56; E. Pottier, « Les offres publiques de reprise: développements récents de 'going private' », Séminaire Vanham & Vanham du 28 février 2013, pp. 16-19, n° 44-50.
        [28] Ph. De Wolf, o.c., p. 387, n° 22.
        [29] Bruxelles, 26 mars 2015, o.c., n° 37.
        [30] Bruxelles, 26 mars 2015, o.c., n° 113. Sur la question du devoir de loyauté de l'offrant vis-à-vis des actionnaires minoritaires, cf. J.-M. Gollier, o.c., p. 195.
        [31] Bruxelles, 26 mars 2015, o.c., n° 53.
        [32] Bruxelles, 26 mars 2015, o.c., nos 62 et 72-74. Analysant la méthode du cours de bourse utilisée par Suez, la cour aborde la question de la période de référence à retenir pour l'application de cette méthode. Répondant à la critique des actionnaires minoritaires sur ce point, la cour relève de manière très significative que « cette critique si elle était admise, justifierait tout au plus un complément de 30 EUR par action » et que « les demandeurs n'établissent pas que cette différence de prix éventuelle porterait atteinte à leurs intérêts au sens de la disposition réglementaire précitée ». De même, dans son examen de l'application par Suez de la méthode des multiples de sociétés comparables, la cour note que les parties ne s'accordent pas sur la question de savoir si les ratios de 2008 doivent ou non être pris en compte pour l'application de cette méthode de valorisation financière. La cour estime à ce sujet que « les demandeurs n'établissent toutefois pas que Suez, en n'intégrant pas les ratios de 2008 (…) a fait un choix de nature à porter atteinte à leurs intérêts (…). Pour les motifs énoncés ci-dessus, la cour ne retient pas le calcul effectué par les demandeurs sur la base du multiple EV/EBITDA de 2008 qui intègre les ratios des sociétés Edison, Endesa, Red Electrica, Terna, Fenosa, EVN et Verbund. Au surplus, ce calcul n'aboutit qu'à une différence de 8 EUR par rapport au prix offert par Suez et les demandeurs n'établissent pas que cette légère différence porterait atteinte à leurs intérêts (…) ».
        [33] A. Dirkx, o.c., p. 463, n° 66.
        [34] Cass., 3 mai 2012, R.D.C., 2017, p. 508.
        [35] Cass., 10 mars 1994, R.D.C., 1995, p. 15, note F. Glansdorff; T.R.V., 1995, 176, note H. Laga.
        [36] Bruxelles, 26 mars 2015, o.c., n° 40.
        [37] M. Fyon, o.c., p. 38, n° 23; Ph. De Wolf, o.c., nos 23-24.
        [38] Bruxelles, 24 décembre 2009, R.G. n° 2008/SF/1 (non publié à ce jour); cf. cependant le résumé de cet arrêt rédigé par D. Haex in R.D.C., 2010, p. 434.
        [39] Cass., 3 mai 2012, R.D.C., 2017, p. 508.
        [40] X. Dieux et D. Willermain, o.c., p. 342.
        [41] Bruxelles, 26 mars 2015, o.c., n° 44. Pour saisir toute la portée du renversement de jurisprudence que cet arrêt consacre, il suffit de comparer cet attendu de l'arrêt du 26 mars 2015 avec l'attendu suivant de l'arrêt du 1er décembre 2008: « Contrairement à ce que les demandeurs prétendent en affirmant qu'ils ne remettent pas en cause la décision de la CBFA d'autoriser l'offre de reprise, c'est bien l'appréciation par la CBFA des conditions de l'offre fixées par Suez qu'ils remettent en cause dans la présente procédure en critiquant les méthodes d'évaluation retenues et leur application et en proposant d'autres méthodes qui aboutissent selon leurs calculs à un prix plus élevé que celui de l'offre. Dans ces conditions, il y a lieu de débouter les demandeurs de leur action qui n'est pas dirigée contre la décision de la CBFA d'autoriser Suez à lancer l'offre de reprise, décision dont Suez se prévaut à bon droit dans le cadre de la prescrite procédure. » (Bruxelles, 1er décembre 2008, o.c., n° 31).
        [42] Il n'est pas contesté que lorsque la cour statue sur une décision de la CBFA imposant une astreinte ou une amende administrative, elle dispose d'une compétence de pleine juridiction (Bruxelles, 19 janvier 2006, D.B.F., 2006, p. 222, n° 51; cf. X. Taton, « La nature des nouvelles compétences de la cour d'appel de Bruxelles en matière d'offres publiques », R.D.C., 2003, p. 821, nos 38-39.
        [43] Bruxelles, 10 février 2006, D.B.F., 2006, p. 224, note M. Fyon, « Deux nouveaux jalons dans l'élaboration de la jurisprudence de la cour d'appel de Bruxelles en matière d'offres publiques d'acquisition ».
        [44] Pour une approche critique de cette jurisprudence: X. Taton, Les recours juridictionnels en matière de régulation, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 201-202 et pp. 209-210; J.-M. Nelissen Grade, o.c., p. 39; M. Fyon, « Deux nouveaux jalons dans l'élaboration de la jurisprudence de la cour d'appel de Bruxelles en matière d'offres publiques d'acquisition », D.B.F., 2006, pp. 243-244.

        Pour une approche favorable à l'égard de cette jurisprudence: J.-Fr. Tossens, « Les voies de recours », La réforme de la réglementation sur les offres publiques d'acquisition, Waterloo, Kluwer, 2007, pp. 280-282.
        [45] Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, 2001-02, nos 1842/1 et 1843/1, p. 129 et pp. 131-132.
        [46] Cass., 27 juin 2011, o.c., p. 63 et Cass., 27 juin 2011, o.c., p. 67.
        [47] La cour d'appel de Bruxelles se prononce dans le même sens dans un arrêt du 19 janvier 2010 (CREAFUND / IBT et EZAG) (non publié à ce jour), n° 143.
        [48] Selon le prospectus afférent à l'offre de reprise de Suez, la méthode d'évaluation par les comparables boursiers consiste à appliquer aux agrégats financiers de la société cible les multiples observés sur un échantillon de sociétés comparables intervenant dans le même secteur d'activités.
        [49] Selon le prospectus afférent à l'offre de reprise de Suez, cette méthode consiste à estimer la valeur de l'entreprise par actualisation de ses cash-flows disponibles prévisionnels.