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Quand la résiliation d'un contrat de concession peut-elle être considérée comme intervenue indépendamment de la faute ou de la volonté du concessionnaire au sens de l'article X.40, alinéa 2, du Code de droit économique ?, R.D.C.-T.B.H., 2017/4, p. 418-420

TUSSENPERSONEN (HANDEL)
Concessie - Alleenverkoop - Onderconcessie - Verbreking buiten de wil of de schuld van de concessiehouder - Schuldenaar van de vergoedingen
Wanneer het contract van een onderconcessiehouder voor onbepaalde tijd is verleend en het ten gevolge van de verbreking van het contract van de concessiehouder, buiten de wil of de schuld van deze laatste, wordt verbroken, kan de onderconcessiehouder zijn recht op vergoedingen slechts laten gelden tegenover degene die verantwoordelijk is voor de oorspronkelijke verbreking.
INTERMÉDIAIRES COMMERCIAUX
Concession - Concession de vente - Sous-concession de vente - Résiliation indépendante de la faute ou de la volonté du concessionnaire principal - Débiteur des indemnités
Lorsque le contrat d'un sous-concessionnaire conclu pour une durée indéterminée est rompu à la suite d'une résiliation du contrat du concessionnaire principal, intervenue indépendamment de la volonté ou de la faute de ce dernier, le sous-concessionnaire ne peut faire valoir ses droits à indemnités qu'envers l'auteur de la résiliation originaire.
Quand la résiliation d'un contrat de concession peut-elle être considérée comme intervenue indépendamment de la faute ou de la volonté du concessionnaire au sens de l'article X.40, alinéa 2, du Code de droit économique?
Patrick Kileste et Cécile Staudt [1]

La décision annotée est une des rares décisions rendues concernant l'application de l'article X.40, alinéa 2, du Code de droit économique (CDE), qui stipule que « lorsque le contrat d'un sous-concessionnaire est à durée indéterminée et qu'il est rompu à la suite d'une résiliation du contrat du concessionnaire, intervenue indépendamment de la volonté ou de la faute de ce dernier, le sous-concessionnaire ne peut toutefois faire valoir les droits prévus aux articles X.36 et X.37 qu'envers l'auteur de la résiliation originaire ».

En l'espèce, un fabricant automobile avait décidé de mettre fin au contrat de son importateur belge, apparemment pour le remplacer par une filiale propre qui assurerait désormais la distribution des produits et conclurait à cet effet de nouveaux contrats avec les anciens membres du réseau dont les contrats avaient été résiliés.

Suite à cette résiliation, l'importateur belge avait donc été amené à son tour à mettre fin aux contrats le liant à son propre réseau de concessionnaires.

L'un de ceux-ci avait alors introduit, contre l'importateur, une procédure tendant à l'obtention des indemnités prévues par le Livre X, Titre 3, du CDE (ancienne loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée).

La particularité de ce dossier résidait dans le fait que la résiliation contestée faisait suite à la résiliation du contrat dudit importateur par le fabricant de la marque automobile.

L'arrêt ne précise pas si un nouveau contrat avait été proposé au concessionnaire évincé par le nouvel importateur.

Quoi qu'il en soit, la question se posait donc de savoir si le concessionnaire pouvait, comme il l'avait fait, assigner son cocontractant, importateur belge, ou s'il aurait dû assigner le cocontractant de ce dernier, fabricant.

En l'espèce, la cour d'appel confirma la décision qui avait été rendue en première instance, estimant que le concessionnaire ne pouvait faire valoir ses droits, conformément à la disposition précitée, qu'à l'encontre du concessionnaire principal, auteur de la résiliation originaire. La cour releva que le courrier de résiliation adressé par le fabricant à son importateur belge ne mentionnait aucun motif et en particulier aucune mauvaise exécution de la part de l'importateur, de telle sorte que cette résiliation pouvait être considérée comme étant intervenue indépendamment de la volonté ou de la faute de ce dernier.

Cette décision permet de rappeler quelques éléments relatifs à cet article X.40 CDE.

Il est intéressant d'examiner la ratio legis de l'article 5, § 2, de la loi de 1961 en se référant aux travaux préparatoires.

La proposition de loi initiale, qui ne visait pas particulièrement la situation des sous-concessionnaires, a été modifiée « pour tenir compte des cas où le concédant se voit dans l'obligation de mettre fin au contrat visé à l'article 2 pour des raisons totalement indépendantes de sa volonté »; « Par exemple: un agent exclusif [2], importateur direct de l'étranger, peut avoir conclu à son tour des contrats de concession de vente exclusive avec une série de personnes. Si cet agent exclusif se voit privé subitement de sa concession de vente, il serait anormal que ses cocontractants qui participent pour partie à sa concession puissent se retourner contre lui, alors que lui-même n'aura pu obtenir aucune indemnité contre le fabriquant étranger » [3].

En effet, « certains agents exclusifs se trouvent ainsi pris entre deux feux, ce sont les concessionnaires exclusifs pour la Belgique qui, ayant reçu du concédant, demeurant à l'étranger, l'exclusivité de la vente d'un produit, la cèdent à des agents que nous appellerons sous-concessionnaires, établis en Belgique. Je suppose que le concédant à l'étranger résilie abusivement le contrat; le concessionnaire exclusif en Belgique aura un recours contre lui en vertu de la nouvelle législation, dont le projet nous est soumis, mais ce recours risque de rester lettre morte si le concédant, habitant à l'étranger, ne possède pas de biens en Belgique. Le concessionnaire principal est donc forcé, puisque le concédant lui retire la concession exclusive, de retirer la concession à ses sous-concessionnaires. Et voilà que ceux-ci dirigent une action contre le concessionnaire exclusif pour la Belgique, qui n'en [ne?] peut rien mais qui est obligé de leur payer des indemnités. C'est surtout la troisième catégorie d'indemnités qui sera lourde dans l'application: les dédits ou préavis dus aux employés des sous-concessionnaires. Le concessionnaire principal va ainsi être obligé de payer des centaines de milliers de francs, ou un ou deux millions, à des sous-concessionnaires dans toute la Belgique et il sera désarmé contre le concédant parce que celui-ci demeure à l'étranger » [4].

Cet amendement limitant les droits du sous-concessionnaire a été proposé dans le but de « respecter mieux l'équité ».

Il nous semble que le juge, saisi d'une contestation à ce sujet, doit garder à l'esprit la raison d'être de cette disposition et examiner scrupuleusement toutes les circonstances de l'espèce qui lui est soumise afin de vérifier si la résiliation est, ou non, intervenue indépendamment de la faute ou de la volonté du concessionnaire principal.

Une configuration, telle que celle qui existait dans l'espèce soumise à la cour d'appel, dans laquelle l'importateur est une société indépendante du fabricant étranger, devrait à notre sens être clairement distinguée de l'hypothèse dans laquelle le fabricant et l'importateur font partie d'un même groupe de sociétés.

En ce sens, il fut jugé que, lorsque la décision de mettre fin à la concession principale a été prise de commun accord par le concédant initial et le concessionnaire général, faisant tous deux partie d'un même groupe de sociétés et n'ayant donc pas d'intérêts contradictoires, la résiliation de la sous-concession n'est pas « intervenue indépendamment de la volonté du concessionnaire principal » [5]. Dans cette affaire, la cour s'était basée sur la dépendance ou l'interdépendance financière ou économique entre les sociétés diverses, et sur la participation croisée des mêmes personnes physiques ou morales se trouvant dans plusieurs sociétés distinctes. Elle avait par ailleurs estimé que cette communauté d'intérêts était également prouvée par le manque de réaction de la société concessionnaire dont le contrat avait été résilié à l'encontre de son concédant alors que cette résiliation la privait d'un marché exclusif.

L'application de l'article X.40, alinéa 2, CDE ne doit donc pas être automatique.

Sa ratio legis, qui est de protéger le concessionnaire principal des effets désastreux qu'aurait pour lui un recours de ses sous-concessionnaires, alors que lui-même ne pourrait faire valoir ses droits à l'égard de son propre concédant étranger, ne se rencontre pas lorsque les sociétés font partie du même groupe et que l'examen des faits montre que la décision de rupture a été prise de commun accord, ne serait-ce qu'en raison d'une communauté d'administrateurs ou de l'absence de toute contestation de la part du concessionnaire principal à l'égard de sa maison-mère.

On peut donc, dans ces hypothèses, difficilement considérer qu'une telle résiliation soit intervenue indépendamment de la volonté du concessionnaire principal, pour reprendre les termes de la loi.

De même, cet article X.40 ne devrait pas, nous semble-t-il, pouvoir être opposé par le concessionnaire principal à ses sous-concessionnaires s'il ne les informe pas de la résiliation du contrat principal dès qu'il en a été informé et que ce retard a pour effet de priver ceux-ci de la durée du préavis dont ils auraient pu bénéficier.

Cette question du recours des sous-concessionnaires peut également se poser dans les cas où un concédant décide d'arrêter la fabrication ou la distribution de ses produits. Dans une telle hypothèse, l'objet du contrat de concession disparaissant, celui-ci devient donc caduc [6].

Rappelons cependant que, si la disparition de l'objet du contrat entraîne sa caducité, il n'en reste pas moins que la partie qui en est victime a le droit de réclamer une indemnisation. La caducité « ne procède en effet que d'une situation de fait qui n'a légalement aucun caractère libératoire. Il s'ensuit que la dissolution est à l'exacte mesure de l'impossibilité de fait qui la cause. […]. C'est ce principe qui justifie que la partie qui a fautivement causé la perte de l'objet du contrat soit condamnée sur base de ce contrat à réparer le dommage subi par son cocontractant, et donc à exécuter celui-ci par équivalent » [7]. Il ne pourrait en être autrement que si la disparition de l'objet du contrat était due à un cas de force majeure.

L'arrêt annoté nous semble donc faire une juste application de la loi en imposant que le sous-concessionnaire dont le contrat a été résilié agisse en réclamation d'indemnités, non pas contre son concédant (concessionnaire principal), mais contre le concédant de ce dernier lorsque c'est ce concédant qui est « à l'origine » de la résiliation. Comme développé, cette solution ne pourrait cependant pas, selon nous, être généralisée et il appartient au juge de vérifier, en fonction des circonstances, si la résiliation du contrat du concessionnaire principal est bien intervenue « indépendamment de la faute ou de la volonté » de ce dernier.

[1] Avocats au barreau de Bruxelles.
[2] Lire « concessionnaire exclusif ».
[3] Amendement présenté par M. Charpentier le 8 février 1961, Doc.parl. Chambre 1960-1961, n° 593 594.
[4] Discussion générale du 9 février 1961, Doc.parl. Chambre 1960-1961.
[5] Liège, 23 novembre 1979, RG n° 6985/76, inédit.
[6] A cet égard, voy. égal. P. Kileste, P. Hollander et C. Staudt, La résiliation des concessions de vente - 50 ans d'évolution de la loi du 27 juillet 1961, Bruxelles, Anthemis, 2011, pp. 75 et s.
[7] P.-A. Foriers, « Observations sur la caducité des contrats par suite de la disparition de leur objet ou de leur cause » (note sous Cass., 28 novembre 1980), RCJB, 1987, p. 98.