Le caractère précis de l'information privilégiée: encore un peu plus d'incertitude à la suite de l'arrêt Lafonta de la C.J.U.E. du 11 mars 2015
TABLE DES MATIERES
2. Le caractère précis de l'information 2.1. Principes
1. | Introduction |
1.Notion d'information privilégiée. La notion d'information privilégiée est au coeur de la réglementation en matière d'abus de marché. En effet, tant le règlement n° 596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché [3] (ci-après le « règlement abus de marché ») que la directive n° 2014/57/UE du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché [4] (ci-après la « directive abus de marché ») conditionnent l'existence d'une infraction administrative ou pénale d'opération d'initié [5] ou de divulgation illicite d'informations [6] à la connaissance, dans le chef de l'auteur de l'infraction, d'une information privilégiée [7]. En outre, le règlement abus de marché prévoit l'obligation, pour tout émetteur, de rendre publiques, dès que possible, les informations privilégiées qui le concernent directement [8], [9]. Il est, dès lors, essentiel que les contours de cette notion soient définis de manière stricte et non ambiguë.
L'article 7, 1°, a), du règlement abus de marché définit la notion d'information privilégiée comme étant « […] une information à caractère précis qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés » [10].
Cette définition, d'application directe en droit interne [11], reprend mot pour mot l'ancienne définition contenue à l'article 1er, 1°, de la directive n° 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché [12] et transposée en droit belge par l'article 2, 14°, de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers [13].
Selon la définition précitée, il apparaît que quatre conditions doivent être cumulativement remplies afin qu'une information puisse être qualifiée de privilégiée au sens de la réglementation abus de marché. L'information doit (i) avoir un caractère précis, (ii) ne pas avoir été rendue publique, (iii) concerner, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers et (iv) être susceptible d'influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés [14].
L'objet de la présente note est d'examiner la portée de la première condition, à savoir le caractère précis de l'information, à la suite de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 11 mars 2015 sur question préjudicielle de la Cour de cassation française dans l'affaire dite Lafonta [15].
2.Faits soumis à la Cour de justice. La question préjudicielle posée par la Cour de cassation française s'inscrit dans le cadre d'un litige opposant M. Lafonta, président du directoire de la société anonyme Wendel, à l'Autorité française des marchés financiers (AMF) à propos de la réalisation d'une opération financière qui a permis à Wendel SA d'acquérir plus de 20% du capital de la société Saint-Gobain.
Entre décembre 2006 et juin 2007, Wendel SA a conclu, avec quatre établissements de crédit, des contrats de swap global de rendement ou « total return swaps » (ci-après « TRS ») ayant pour actifs sous-jacents des titres représentatifs du capital de la société Saint-Gobain. Les TRS sont une catégorie de produits dérivés qui permettent d'acquérir ou de céder un actif de manière économique sans réellement en acquérir ou en céder la propriété [16]. Afin de constituer leur couverture, les établissements de crédit ont acquis durant cette même période un total de 85 millions d'actions Saint-Gobain.
Parallèlement à la conclusion de ces TRS, Wendel SA a également obtenu des établissements de crédit des concours financiers pour un montant total avoisinant celui des TRS, ce qui a permis à Wendel SA d'acquérir, durant la période de dénouement des TRS, entre le 3 septembre 2007 et le 27 novembre 2007, plus de 66 millions d'actions de la société Saint-Gobain représentant 17,60% du capital de cette société. A la suite de ces acquisitions, Wendel SA a successivement notifié à l'AMF, entre le 26 septembre 2007 et le 26 mars 2008, des déclarations de franchissement des seuils de 5%, 10%, 15% et 20% d'actions du capital de la société Saint-Gobain.
Les conditions de la montée de Wendel SA dans le capital de Saint-Gobain ont fait l'objet d'une enquête approfondie de l'AMF, le régulateur français chargé de la supervision des marchés financiers. Au terme de cette enquête, l'AMF a estimé que l'opération financière mise en place par Wendel SA visait en réalité, dès son origine, à acquérir une participation significative dans le capital de Saint-Gobain. Selon le régulateur français, les principales caractéristiques de l'opération auraient dès lors dû être portées à la connaissance du public dès le mois de juin 2007, date à laquelle l'ensemble des TRS avaient été conclus avec les banques.
En conséquence, la Commission des sanctions de l'AMF a décidé, le 13 décembre 2010 [17], d'infliger une sanction pécuniaire de 1,5 millions d'euros à la société Wendel SA et à M. Lafonta en leur reprochant de ne pas avoir publié, en temps voulu, l'information privilégiée qui consistait en la « […] mise en place, par Wendel, de l'opération susdécrite, afin de pouvoir prendre une participation substantielle dans le capital de la société Saint-Gobain » [18].
A la suite de cette décision, dont la presse s'est largement fait l'écho à l'époque, M. Lafonta a décidé, dans un premier temps, d'introduire un recours en annulation devant la Cour d'appel de Paris, laquelle a toutefois confirmé la position de l'AMF par un arrêt du 31 mai 2012. Face à cette décision, M. Lafonta a ensuite décidé de se pourvoir en cassation.
La défense de M. Lafonta reposait principalement sur l'argument selon lequel l'information n'avait pas, à la date de conclusion des TRS, un caractère suffisamment précis pour être qualifiée de privilégiée, de sorte qu'aucune communication n'était en réalité nécessaire à ce stade. M. Lafonta estimait ainsi qu'une information n'est précise que si elle offre à son détenteur la possibilité d'anticiper dans quel sens (à la hausse ou à la baisse) le cours du titre de l'émetteur concerné variera une fois l'information publiée. Pour M. Lafonta, c'est uniquement à cette condition que le détenteur de l'information est en mesure de savoir s'il convient d'acheter ou de vendre et est, par conséquent, susceptible de bénéficier d'un avantage indu par rapport aux autres acteurs du marché ne disposant pas d'un accès à l'information. Dans le cas d'espèce, M. Lafonta estimait qu'il n'était pas possible d'anticiper le sens dans lequel le cours de l'action Wendel SA était susceptible de varier en conséquence de la divulgation de l'information relative à la prise d'une participation de Wendel SA dans le capital de Saint-Gobain.
L'AMF a, quant à elle, soutenu que la réglementation en matière d'abus de marché n'aborde pas expressément la question du sens de l'effet que l'information est susceptible d'avoir sur le cours des instruments financiers concernés. Le régulateur français considère à cet égard que la « […] distinction entre l'information précise et l'information imprécise réside dans la potentialité de son effet sur le marché de sorte que toute information dont il est possible de conclure que, si elle était connue, elle serait susceptible d'entraîner une variation de cours, constitue de ce seul fait une information précise, ce caractère devant être complété par la démonstration de l'influence sensible que l'événement en cause serait susceptible d'avoir sur le cours du titre » [19].
Face à ces différentes thèses, la Cour de cassation française a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante [20]:
« Les articles 1er, point 1, de la directive 2003/6 et 1er, paragraphe 1, de la directive 2003/124 doivent-ils être interprétés en ce sens que seules peuvent constituer des informations à caractère précis au sens de ces dispositions celles dont il est possible de déduire, avec un degré de probabilité suffisant, que leur influence potentielle sur les cours des instruments financiers concernés s'exercera dans un sens déterminé, une fois qu'elles seront rendues publiques? » [21].
Bien que la demande de décision préjudicielle de la Cour de cassation française porte sur l'interprétation des notions d'information privilégiée et de caractère précis telles qu'appliquées sous l'ancienne réglementation en matière d'abus de marché, la réponse apportée par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire Lafonta reste tout à fait pertinente au regard de la nouvelle réglementation dès lors que les notions susvisées sont reprises mot pour mot dans les nouveaux textes européens.
2. | Le caractère précis de l'information |
2.1. | Principes |
3.Notion de précision. La notion de caractère précis de l'information est considérée comme l'un des éléments essentiels de la définition de l'information privilégiée [22].
Cette notion est définie à l'article 7, 2°, du règlement abus de marché au terme duquel « […] une information est réputée à caractère précis si elle fait mention d'un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablement penser qu'il existera ou d'un événement qui s'est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu'il se produira, si elle est suffisamment précise pour qu'on puisse en tirer une conclusion quant à l'effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers ou des instruments financiers dérivés qui leur sont liés, des contrats au comptant sur matières premières qui leur sont liés ou des produits mis aux enchères basés sur les quotas d'émission […] » [23].
Conformément à la jurisprudence développée par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire Geltl [24], l'article 7, 2°, du règlement abus de marché précise également que, dans le cas d'un processus qui se déroule en plusieurs étapes et qui vise à donner lieu à certains événements ou circonstances, ces événements ou circonstances futurs peuvent eux-mêmes être considérés comme une information précise, de même que les étapes intermédiaires de ce processus [25].
4.Appréciation du caractère précis de l'information. La doctrine enseigne traditionnellement que l'examen du caractère précis de l'information repose sur la réalisation de deux tests distincts [26]: (i) un test de matérialité et (ii) un test de spécificité.
Le test de matérialité renvoie à la première partie de l'article 7, 2°, du règlement abus de marché qui énonce que « […] une information est réputée à caractère précis si elle fait mention d'un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablement penser qu'il existera ou d'un événement qui s'est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu'il se produira […] ».
Le test de spécificité renvoie quant à lui à la deuxième partie de l'article 7, 2°, du règlement abus de marché qui énonce que « […] une information est réputée à caractère précis si […] elle est suffisamment précise pour qu'on puisse en tirer une conclusion quant à l'effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers ou des instruments financiers dérivés qui leur sont liés […] ».
Dans le cadre d'une éventuelle appréciation a posteriori du caractère précis d'une information, il conviendra en tout état de cause, lors de la réalisation des deux tests susvisés, de se limiter à une analyse fondée sur les éléments connus ex ante par le détenteur de l'information [27]. Les circonstances et événements survenus postérieurement ne sauraient en effet être pris en compte pour conclure à une éventuelle violation des obligations existant dans le chef du détenteur d'une information privilégiée.
Le considérant 14 du règlement abus de marché rappelle ce principe de manière expresse en énonçant que « [l]es investisseurs raisonnables fondent leurs décisions d'investissement sur les informations déjà disponibles, c'est-à-dire sur les informations disponibles ex ante. Il s'ensuit que la question de savoir si un investisseur raisonnable est susceptible, au moment de prendre une décision d'investissement, de tenir compte d'une information particulière devrait être appréciée sur la base des informations disponibles ex ante ». Cette approche est encore confirmée par les recommandations du CESR [28].
Le règlement abus de marché précise par ailleurs que, si les informations disponibles ex post peuvent être utilisées en vue de vérifier la présomption de sensibilité des cours des instruments financiers aux informations disponibles ex ante, de telles informations ne devraient pas être prises en compte pour entamer des poursuites à l'encontre des personnes qui auraient tiré des conclusions raisonnables sur la base des informations dont elles disposaient ex ante [29].
2.2. | Test de matérialité |
5.Un degré suffisant de matérialité. Une information ne saurait être qualifiée de précise que si elle comporte un degré suffisant de matérialité, c'est-à-dire si elle s'appuie sur des éléments de preuve stables et objectifs.
Cette condition de matérialité ne pose pas de réelle difficulté lorsque l'information concerne un élément existant ou un événement qui s'est déjà réalisé. Dans une telle hypothèse, les recommandations du CESR indiquent que seuls les éléments ou faits dont l'existence est objectivement établie doivent être pris en considération, sans avoir égard aux simples rumeurs, spéculations ou vagues indications [30]. Notons toutefois que si la rumeur devait elle-même porter sur une information privilégiée, la confidentialité d'une telle information serait compromise de telle sorte que l'émetteur ne pourrait se contenter d'adopter un rôle passif et devrait communiquer l'information aux acteurs du marché [31].
Le caractère matériel d'une information est évidemment plus complexe à apprécier lorsque cette information concerne un événement futur. Dans cette hypothèse, la doctrine enseigne traditionnellement qu'une information est susceptible de satisfaire au test de matérialité si elle revêt « un degré suffisant de certitude quant à la réalisation du projet envisagé » [32] ou encore « un élément tangible ou un événement ayant une probabilité significative d'intervenir dans le futur » [33].
Cette position traditionnelle a toutefois été remise en cause par la Cour de justice de l'Union européenne à la suite de l'arrêt Geltl du 28 juin 2012 [34]. Dans cet arrêt, la Cour de justice s'est attachée à préciser les contours de la notion « […] d'un ensemble de circonstances […] dont on peut raisonnablement penser qu'il existera ou d'un événement […] dont on peut raisonnablement penser qu'il se produira […] », sous-jacente au test de matérialité de l'information. Selon la Cour de justice, l'utilisation des termes « peut raisonnablement penser » ne saurait être interprétée comme exigeant la démonstration d'une probabilité élevée des circonstances ou des événements visés [35]. Sur la base de cette interprétation littérale de la réglementation, la Cour de justice estime que les circonstances ou événements futurs visés doivent avoir une réelle perspective de se réaliser, sans toutefois qu'une probabilité élevée soit requise. L'un des signataires du présent texte a dénoncé dans un écrit précédent le fait que cette position est peu en phase avec la réalité de la vie des affaires et est source d'insécurité juridique pour les acteurs du monde financier [36].
2.3. | Test de spécificité |
6.Une information spécifique. A côté de l'exigence de matérialité, l'information doit également être suffisamment spécifique afin de revêtir un caractère précis.
Le test de spécificité implique que l'information mise en cause soit suffisamment « spécifique, claire et complète » [37] pour influencer un investisseur raisonnable quant à l'opportunité d'acheter ou de vendre sans risque ou avec un risque très limité [38]. On notera à cet égard qu'un investisseur raisonnable est une personne qui réfléchit et se comporte d'une façon rationnelle [39] ou encore, selon certains auteurs, qui dispose d'« une certaine éducation financière » [40].
On estime généralement que l'investisseur raisonnable sera en mesure d'évaluer l'opportunité d'acheter ou de vendre des instruments financiers sans risque ou avec un risque très limité pour autant qu'il soit capable d'anticiper l'effet que l'information va avoir sur le cours de l'instrument concerné. La doctrine traditionnelle considère ainsi qu'il est nécessaire que le sens, à la hausse ou à la baisse, de l'impact qu'une information donnée aura sur le cours puisse être anticipé pour qu'une telle information puisse être utilisée sans risque ou avec un risque très limité [41].
Cette position est également partagée par le CESR au terme de ses recommandations, lorsqu'il relève que:
« As regards whether a piece of information is specific enough to allow a conclusion to be drawn about its impact on prices, CESR considers this would occur for example in two circumstances. The first would be when the information is such as to allow the reasonable investor to take an investment decision without, or at very low, financial risk - i.e. the investor would be able to assess with confidence how the information, once publicly known, would affect the price of the relevant financial instrument and related derivative financial instruments. For example, someone knowing that a particular issuer was about to be subject to a takeover bid could be confident that that issuer's share price would rise when the bid became public. The second would be when the piece of information was such that it is likely to be exploited immediately on the market - i.e. that as soon as the information became known, market participants would trade on the basis of it. » [42].
Comme indiqué ci-dessus (n° 4), il conviendra d'avoir égard, dans le cadre de la réalisation du test de spécificité, à l'effet sur le cours que l'investisseur peut raisonnablement s'attendre à voir se manifester sur la base des informations disponibles ex ante.
7.Spécificité et sensibilité de l'information. Le test de spécificité de l'information, propre au critère de précision de l'information, ne doit pas être confondu avec le critère de sensibilité de l'information qui constitue la quatrième condition pour qu'une information puisse être qualifiée de privilégiée (cf. supra) et qui ne porte, quant à lui, que sur l'effet que l'information est susceptible d'avoir sur le cours des instruments concernés, peu importe le sens de cet effet.
Le critère de sensibilité de l'information est visé à l'article 7, 4°, du règlement abus de marché qui précise qu'une information qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'influencer de façon sensible le cours des instruments financiers s'entend de « […] l'information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme faisant partie des fondements de ses décisions d'investissement » [43].
La Cour de justice de l'Union européenne a eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises que le caractère précis de l'information, dont relève le test de spécificité, et le critère de sensibilité de l'information sont deux éléments essentiels de la définition de la notion d'information privilégiée qui sont indépendants l'un de l'autre et qui constituent des conditions minimales dont chacune doit être remplie pour qu'une information puisse être qualifiée de privilégiée [44]. L'avocat général M. Wathelet a également confirmé cette approche dans ses conclusions rendues dans le cadre de l'affaire Lafonta en indiquant que « […] l'appréciation du caractère précis d'une information et sa susceptibilité d'influencer de façon sensible le cours des instruments financiers constituent deux critères à la fois obligatoires et juridiquement distincts » [45].
A titre illustratif, si une information relative à un projet de fusion est susceptible d'influencer de façon sensible le cours des instruments financiers de l'émetteur ou de la cible concernée (critère de sensibilité), ce ne sera qu'à compter du moment où les paramètres de cette fusion seront fixés qu'il sera possible de déterminer de manière spécifique, claire et complète l'impact d'une telle information et qu'un investisseur raisonnable pourra l'utiliser pour fonder sa décision d'acheter ou de vendre avec un risque très limité (test de spécificité propre au critère de précision) [46].
8.Application du test de spécificité par la FSMA. L'Autorité des services et marchés financiers belge (FSMA) a eu l'occasion de faire application du test de spécificité à travers plusieurs décisions récentes imposant des sanctions administratives en matière de délits d'initié. Ces décisions permettent de mettre utilement en lumière l'interprétation de la notion de spécificité de l'information, telle que consacrée par la FSMA. Nous verrons à cet égard que l'arrêt Lafonta de la Cour de justice de l'Union européenne est venu sensiblement modifier cette interprétation.
On relèvera en premier lieu la décision de la Commission des sanctions de la FSMA du 9 mars 2009 qui concernait un dossier de délit d'initié dont était soupçonnée une personne physique qui avait effectué des transactions sur actions alors qu'elle disposait d'une estimation des ventes et prestations de l'émetteur concerné, lesquelles représentaient une partie des informations financières annuelles qui seraient publiées ultérieurement par ledit émetteur [47]. La Commission des sanctions a estimé que cette personne ne possédait pas d'informations sur d'autres éléments des chiffres annuels et que, dès lors, l'information dont elle disposait, prise isolément et dissociée de la connaissance des principaux autres chiffres annuels, était trop partielle et insuffisamment précise en ce sens qu'elle ne permettait pas de tirer de conclusion quant à l'effet possible de l'événement dont elle faisait mention sur le cours de l'action concernée.
Dans une autre décision, rendue le 25 octobre 2013, la Commission des sanctions de la FSMA a, à l'inverse, décidé d'imposer une amende administrative à un administrateur, membre du comité d'audit d'une société cotée pour cause d'infraction aux interdictions en matière d'opérations d'initié [48]. Afin de déterminer si l'information détenue par cet administrateur revêtait un caractère précis, la Commission des sanctions a examiné le caractère spécifique de cette information. En l'espèce, la Commission des sanctions a estimé que l'information, à savoir les résultats financiers concernant le premier trimestre 2009, était suffisamment spécifique pour que son détenteur puisse en tirer une conclusion quant à son impact potentiellement négatif sur le cours des instruments concernés.
Plus récemment, la Commission des sanctions de la FSMA a été amenée à sanctionner, le 3 juillet 2014, un administrateur non exécutif, membre des comités d'audit, de rémunération et de nomination d'une société belge cotée sur Euronext Brussels, qui avait placé successivement une série d'ordres de vente sur les titres de cette société [49]. Avant de procéder à ces opérations boursières, cet administrateur avait pris connaissance, lors des réunions du conseil d'administration et du comité d'audit, d'informations concernant, d'une part, les résultats du dernier exercice qui s'avéraient inférieurs aux attentes et, d'autre part, le budget pour l'exercice en cours. Ce budget, qui s'appuyait encore sur un bénéfice supérieur aux dernières estimations, était en réalité trop ambitieux par rapport à la situation économique réelle de la société. Dans le cadre de l'évaluation de l'existence d'informations privilégiées, la Commission des sanctions s'est penchée sur le caractère précis de ces informations. Après avoir estimé que les informations dont disposait l'administrateur présentaient un degré suffisant de matérialité, la Commission des sanctions a rappelé que l'information doit également être suffisamment précise pour que l'on puisse en tirer une conclusion quant à son effet possible sur le cours des instruments financiers concernés. Dans le cas d'espèce, la Commission des sanctions a considéré que « [t]out investisseur raisonnable pouvait donc tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces informations sur le cours de l'action […]. En l'occurrence, ces informations étaient de nature à faire baisser le cours. Or, de manière inexpliquée, le cours de l'action était en hausse depuis la fin du mois de décembre 2011. Dans ce contexte haussier, l'effet à la baisse sur le cours était encore d'autant plus probable » [50].
Quelques mois plus tard, le 2 octobre 2014, la Commission des sanctions de la FSMA a également imposé une amende administrative à un ancien employé d'une société belge cotée sur Euronext Brussels, qui avait placé de manière successive une série d'ordres d'achat sur les titres de cette société [51]. Préalablement à ces opérations, cet employé avait eu plusieurs contacts (notamment un dîner privé et des contacts téléphoniques) avec le Chief Strategy Officer de la société, lequel était alors en charge des négociations avec un partenaire stratégique potentiel pour la société. A l'occasion de ces entretiens, l'employé prit connaissance de la signature d'une lettre d'intention avec un candidat partenaire, ainsi que du contenu de cette lettre. Il fut également informé du fait que le management de la société recommandait la poursuite de l'opération qui visait à faciliter une hausse du cours de l'action. Sur la base de ces éléments, la Commission des sanctions a considéré que l'employé « […] savait qu'un impact à la hausse sur le cours de l'action A avait été anticipé par le management », et a dès lors conclu que « […] outre son degré important de matérialité, l'information dont disposait Y était suffisamment précise pour qu'une conclusion puisse en être tirée quant à son effet possible à la hausse sur le cours de bourse de l'action A » [52].
Par le biais de sa décision du 25 février 2015, la Commission des sanctions a sanctionné le manager d'une société active dans la communication financière de sociétés cotées, qui se chargeait notamment de rédiger des communiqués de presse et des rapports financiers pour ces sociétés [53]. Dans le cadre de son activité, cette personne a effectué des achats en bourse après avoir eu connaissance de la préparation d'une offre publique d'acquisition sur une société cotée. S'agissant du caractère spécifique de l'information, la Commission des sanctions a estimé que l'information était suffisamment spécifique afin de tirer une conclusion quant à son effet possible sur le cours des instruments financiers concernés. Selon la Commission des sanctions, la connaissance du fait qu'une OPA sera bientôt rendue publique suffit pour anticiper un impact positif sur le cours des actions concernées, et ce même si le prix de l'offre n'est pas encore établi définitivement [54].
Enfin, la Commission des sanctions de la FSMA a également décidé, le 12 juin 2015, d'imposer une amende administrative pour délit d'initié au directeur financier d'une société belge dont les actions sont admises aux négociations sur les marchés Alternext Paris et Alternext Brussels [55]. Dans le cadre de son analyse, la Commission des sanctions a rappelé que, pour être précise, l'information doit revêtir un degré suffisant de spécificité. En l'espèce, l'information dont disposait le directeur financier concerné portait sur le chiffre d'affaires de la société pour l'exercice 2011 ainsi que sur les perspectives favorables pour le début de l'année 2012. Après avoir rappelé que les informations portant sur le chiffre d'affaires constituaient un élément central de la communication financière de la société, la Commission des sanctions a considéré que « [l]'annonce officielle d'un chiffre d'affaires pour l'exercice 2011 conforme à l'objectif fixé et en progression significative par rapport à l'exercice précédent constituait donc une information positive pour le marché, dont on pouvait tirer une conclusion quant à son effet possible (à la hausse) sur le cours de l'action […] ». De même, les perspectives favorables pour l'année 2012 « […] constituaient également une information dont on pouvait déduire un effet positif sur le cours de l'action […] » [56].
Il ressort des décisions précitées que, dans le cadre de l'appréciation du test de spécificité, la Commission des sanctions de la FSMA s'est systématiquement penchée sur l'effet potentiel, à la hausse ou à la baisse, que l'information était susceptible d'avoir sur le cours des instruments financiers concernés.
Cette position est toutefois remise en cause depuis l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne rendu le 11 mars 2015 sur question préjudicielle de la Cour de cassation française dans l'affaire Lafonta [57], dont les éléments factuels ont été abordés ci-dessus.
9.Arrêt Lafonta de la C.J.U.E. A l'instar de l'arrêt Geltl en ce qui concerne le test de matérialité, l'arrêt Lafonta de la Cour de justice de l'Union européenne du 11 mars 2015 [58] est venu modifier sensiblement l'appréciation de la notion de spécificité de l'information.
Pour rappel, la Cour de justice était appelée à répondre à la question préjudicielle suivante posée par la Cour de cassation française:
« Les articles 1er, point 1, de la directive 2003/6 et 1er, paragraphe 1, de la directive 2003/124 doivent-ils être interprétés en ce sens que seules peuvent constituer des informations à caractère précis au sens de ces dispositions celles dont il est possible de déduire, avec un degré de probabilité suffisant, que leur influence potentielle sur les cours des instruments financiers concernés s'exercera dans un sens déterminé, une fois qu'elles seront rendues publiques? »
Après avoir rappelé, à titre liminaire, que la réglementation abus de marché a pour finalité d'assurer l'intégrité des marchés financiers de l'Union européenne et de renforcer la confiance des investisseurs en ces marchés [59], la Cour de justice a répondu à la question préjudicielle de la Cour de cassation française en ces termes:
« […] l'article 1er, point 1, de la directive 2003/6 et l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 2003/124 doivent être interprétés en ce sens qu'ils n'exigent pas, pour que des informations puissent être considérées comme des informations à caractère précis au sens de ces dispositions, qu'il soit possible de déduire, avec un degré de probabilité suffisant, que leur influence potentielle sur les cours des instruments financiers concernés s'exercera dans un sens déterminé, une fois qu'elles seront rendues publiques. » [60].
La décision de la Cour de justice dans l'arrêt Lafonta remet donc en cause la position traditionnelle évoquée ci-dessus suivant laquelle il est nécessaire, pour qu'une information soit qualifiée de précise, qu'un investisseur puisse connaître le sens de l'impact qu'une telle information aura sur le cours des instruments financiers concernés [61].
Les arguments développés par la Cour de justice à l'appui de son interprétation du test de spécificité reposent sur divers éléments, à la fois de texte et de fond.
Ainsi, la Cour de justice relève-t-elle en premier lieu qu'il ne ressort pas du libellé des dispositions en cause que les informations à caractère précis « […] ne viseraient que celles qui rendent possible la détermination du sens que pourrait prendre une variation du cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers dérivés qui leur sont liés » [62].
Selon la Cour, il ressort au contraire du sens communément attribué aux termes employés dans les dispositions en cause, qu'il suffit, afin de satisfaire au test de spécificité, que l'information soit suffisamment concrète ou spécifique afin de constituer une base permettant d'évaluer si l'ensemble de circonstances ou l'événement qui en est l'objet est susceptible d'avoir un effet sur les cours des instruments financiers auxquels elle se rapporte. Par conséquent, la Cour de justice considère que seules des informations « […] vagues ou générales [63], qui ne permettent de tirer aucune conclusion quant à leur effet possible sur le cours des instruments financiers concernés » doivent être exclues de la notion d'information privilégiée [64]. Selon la Cour de justice, une telle interprétation est corroborée tant par l'économie générale des dispositions en cause que par la finalité de la réglementation abus de marché [65].
La Cour de justice considère par ailleurs que, contrairement à ce que soutient M. Lafonta, une information donnée est susceptible d'être utilisée par un investisseur raisonnable en tant que faisant partie des fondements de sa décision d'investissement même si cette information ne permet pas d'anticiper la variation dans un sens déterminé du cours des instruments financiers concernés [66].
Selon la Cour de justice, une telle position est justifiée par le fait que « […] la complexité accrue des marchés financiers rend particulièrement difficile d'évaluer de manière exacte le sens dans lequel peuvent varier les cours des instruments financiers […] » [67]. La Cour de justice estime dès lors que, « [d]ans ces conditions, qui peuvent conduire, de façon généralisée, à des appréciations divergentes selon les investisseurs, s'il était admis qu'une information ne puisse être réputée à caractère précis qu'à la condition qu'elle permette de déterminer le sens de variation du cours des instruments financiers concernés, il en résulterait que le détenteur d'informations pourrait prétexter l'existence d'une incertitude à cet égard pour s'abstenir de rendre publiques certaines de ces informations et en tirer ainsi profit au détriment des autres intervenants sur le marché » [68].
La Cour de justice relève enfin qu'il ressort des travaux préparatoires de l'ancienne directive n° 2003/124/CE [69] que la référence à la possibilité de tirer une conclusion quant à la « direction » de l'effet de l'information sur le cours des instruments financiers concernés, qui figurait dans une version soumise à consultation publique, fut supprimée ultérieurement, précisément afin d'éviter qu'une telle référence puisse servir de prétexte à l'absence de publication d'informations [70].
10.Observations critiques à la suite de l'arrêt Lafonta de la C.J.U.E. Le revirement causé par l'arrêt Lafonta reflète la volonté de renforcer la répression des abus de marché considérés comme nuisibles à l'intégrité des marchés financiers et comme sources de défiance du public vis-à-vis des investissements en valeurs mobilières et en instruments dérivés. Cette volonté se traduit désormais concrètement, au niveau de la jurisprudence de la Cour de justice, par un élargissement de la notion d'information privilégiée.
Si les objectifs poursuivis sont certes louables, il n'en demeure pas moins que la nouvelle approche extensive du test de spécificité de l'information, telle que consacrée par la Cour de justice dans l'arrêt Lafonta, prête le flanc à la critique [71].
Ainsi, la position de la Cour de justice selon laquelle « […] une information donnée est susceptible d'être utilisée par un investisseur raisonnable en tant que faisant partie des fondements de sa décision d'investissement […] quand bien même cette information ne permettrait pas d'anticiper la variation dans un sens déterminé du cours des instruments financiers concernés » [72] nous semble difficilement acceptable. En effet, comment peut-on affirmer que le sens de la variation du cours n'est pas déterminant quant à la décision d'investissement? Bien au contraire, il nous semble qu'un investisseur raisonnable - défini par les recommandations du CESR comme une personne qui réfléchit et se comporte d'une façon rationnelle [73] - tiendra nécessairement compte du sens de l'impact de l'information sur le cours dans l'évaluation de l'opportunité d'acheter ou de vendre des instruments financiers sans risque ou avec un risque très limité. En outre, si l'information dont dispose l'investisseur ne lui permet pas d'anticiper l'effet à la hausse ou à la baisse de cette information sur le cours des instruments financiers concernés, cela ne reviendrait-il pas de facto à démontrer le caractère imprécis d'une telle information [74]?
Par ailleurs, la position de la Cour de justice dans l'arrêt Lafonta est en contradiction avec les recommandations du CESR citées ci-dessus et qui, bien que non contraignantes [75], renvoient expressément à la possibilité pour l'investisseur raisonnable de « […] prendre une décision d'investissement sans risque financier, ou avec un risque financier très faible - c'est-à-dire que l'investisseur est capable d'évaluer avec certitude comment l'information, une fois connue du public, affectera le cours de l'instrument en question et des instruments financiers dérivés qui lui sont liés. Par exemple, une personne ayant connaissance du fait qu'un émetteur particulier est visé par une offre publique d'acquisition peut être confiant que le prix de l'action de cet émetteur va augmenter lorsque l'offre sera rendue publique » [76]. Un investisseur qui dispose d'une information sans être en mesure de déterminer le sens de l'impact de cette information sur le cours des instruments financiers concernés n'est, à notre sens, pas en mesure de prendre une décision d'investissement sans risque ou à un risque très limité et s'expose, par conséquent, aux mêmes risques que les autres participants au marché. L'on peine dès lors à déterminer, dans de telles circonstances, comment cet investisseur pourrait bénéficier d'un avantage indu par rapport aux tiers qui ne disposeraient pas des mêmes informations [77]. Rappelons à cet égard que l'existence d'un avantage indu est l'une des caractéristiques essentielles des opérations d'initiés. Le considérant 23 du règlement abus de marché rappelle ce principe en énonçant que « [l]a caractéristique essentielle des opérations d'initiés réside dans l'avantage injuste tiré d'informations privilégiées au détriment de tiers qui n'en ont pas connaissance, ce qui a pour conséquence de nuire à l'intégrité des marchés financiers et à la confiance des investisseurs ».
Quant à l'argument suivant lequel admettre qu'une information ne puisse être réputée à caractère précis qu'à la condition qu'elle permette de déterminer le sens de variation du cours des instruments financiers concernés permettrait au détenteur d'informations de prétexter l'existence d'une incertitude à cet égard pour s'abstenir de rendre publiques certaines de ces informations et en tirer ainsi profit au détriment des autres intervenants sur le marché, il nous semble qu'il ne justifie en rien la position de la Cour de justice. En effet, l'appréciation ne relève pas de la subjectivité de l'investisseur concerné mais doit s'évaluer au regard du critère objectif de l'investisseur raisonnable [78].
11.Observations critiques à la suite de l'arrêt Lafonta de la C.J.U.E. (suite). Il apparaît en outre, à la suite de l'arrêt Lafonta, de plus en plus compliqué de faire la distinction entre la condition de sensibilité de l'information et le caractère spécifique de l'information (cf. supra). Or, comme la Cour de justice a eu l'occasion de le rappeler, le caractère précis de l'information, dont relève le test de spécificité, et le critère de sensibilité de l'information sont deux éléments essentiels de la définition de la notion d'information privilégiée qui sont indépendants l'un de l'autre et qui constituent des conditions minimales dont chacune doit être atteinte pour qu'une information puisse être qualifiée de privilégiée [79].
Face à la proximité apparente des critères de « sensibilité » et de « spécificité » de l'information, la meilleure doctrine relevait que « […] on ne peut, sauf à priver le dernier alinéa de l'article 2, 14° de la loi financière de toute portée [ i.e. test de spécificité], le ramener à une simple reproduction de l'exigence liée à la 'sensibilité' de l'information, telle qu'elle est déjà prévue et spécifiée, respectivement par le 1er et le 4e alinéa du même article. Que l'information soit susceptible d'un impact significatif sur le cours d'un instrument financier est une chose; qu'il soit en outre possible de déterminer le sens de cet impact (haussier ou baissier), en sorte que l'investisseur raisonnable puisse en tirer une 'conclusion' quant à l'opportunité d'acheter ou de vendre, en est une autre » [80].
Dans le même sens: « Ce critère de 'spécificité' se distingue donc de celui de 'sensibilité'. […] une information peut être susceptible d'avoir un impact sur le cours du titre de la société en question (information 'sensible') sans pour autant être en mesure de déterminer le sens de cet impact ('information spécifique'); or ce n'est qu'à partir de ce dernier moment que l'information pourra être qualifiée de 'privilégiée' » [81].
Les auteurs insistent sur le caractère essentiel de la distinction en raison du fait que l'impact du critère de la « sensibilité » de l'information, dans le sens dans lequel il était interprété avant l'arrêt Lafonta, permettait de déterminer le moment à partir duquel une information devait être considérée comme privilégiée [82] avec toutes les conséquences que cela implique [83]. K. Geens et M. Wauters relèvent très justement à cet égard que si le sens de l'impact du cours n'est pas prévu par le texte de la directive, encore convient-il de conclure, sur la base notamment des recommandations du CESR, que l'incapacité de déterminer le sens de l'impact indique que l'information concernée n'est tout simplement pas suffisamment claire et complète et, dès lors, pas suffisamment précise au sens de l'article 2, 14°, de la loi du 2 août 2002 [84].
A la suite de l'arrêt Lafonta, force est donc de constater qu'il n'est plus possible de différencier les tests de spécificité et de sensibilité, ce qui n'a manifestement pas été la volonté du législateur européen qui a pris le soin de distinguer les deux notions.
12.Observations critiques à la suite de l'arrêt Lafonta de la C.J.U.E. (suite). En outre, la définition de l'information privilégiée s'obscurcit encore un peu plus au détriment du principe de sécurité juridique.
X. Dieux et D. Willermain insistent à raison sur la nécessité de fournir aux investisseurs un critère objectif ou « à tout le moins le plus objectif possible ». Ceci doit permettre de respecter le principe de sécurité juridique qui implique que le droit doit être prévisible et accessible de manière à permettre au sujet de droit de prévoir de manière raisonnable les conséquences de ses actes, et ce d'autant plus que le délit d'initié est pénalement sanctionné [85]. Ce principe est au demeurant consacré par la Cour européenne des droits de l'homme suivant laquelle « une infraction doit être clairement définie par la loi. Cette condition se trouve remplie lorsque l'individu peut savoir, à partir du libellé de la clause pertinente et, au besoin, à l'aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabi-lité » [86]. La Cour de justice a également consacré le principe de sécurité juridique exigeant que la base légale d'une infraction soit accessible, claire, précise et prévisible [87] renvoyant même à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme [88]. Ainsi, la Cour relève explicitement qu' « une sanction, même de caractère non pénal, ne peut être infligée que si elle repose sur une base légale claire et non ambiguë » [89].
Comme le relève J. Van Meerbeeck, « [s]elon la formulation retenue par la Cour de justice depuis son arrêt Duff du 15 février 1996, et reprise depuis par le Tribunal, le principe de sécurité juridique exige des règles claires, précises, et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l'Union. Ces règles doivent donc être certaines pour que les intéressés puissent connaître avec exactitude et de façon dépourvue d'ambiguïté leurs droits et obligations, afin de leur permettre de prendre leurs dispositions en conséquence. Le principe de sécurité juridique s'impose avec une rigueur particulière lorsqu'il s'agit d'un acte susceptible de comporter, pour des sujets de droit, des conséquences défavorables, qu'elles soient financières, procédurales ou consistent en des sanctions » [90].
Le principe de sécurité juridique s'applique également à la Cour de justice lorsqu'elle fait oeuvre d'interprétation. Dès lors que les citoyens européens doivent être mis en mesure de connaître avec certitude les règles qui leur sont applicables, la Cour doit respecter un certain nombre de règles d'interprétation. Ainsi, un texte de droit de l'Union « doit être interprété, dans la mesure du possible, dans le sens de sa conformité, notamment, avec les principes généraux du droit de l'Union, et, plus particulièrement, avec le principe de la sécurité juridique » [91], [92].
La sécurité juridique, qui faisait déjà défaut avant l'arrêt Lafonta, est encore ébranlée à la lecture de ce dernier.
13.Les juridictions nationales suivent l'arrêt Lafonta. Malgré l'existence de ces critiques, il semble que la Commission des sanctions de la FSMA se soit récemment ralliée à la jurisprudence développée par la Cour de justice dans l'arrêt Lafonta. En effet, dans une décision du 20 novembre 2015 sanctionnant un délit d'initié, la Commission des sanctions énonce expressément que, dans le cadre de la réalisation du test de spécificité de l'information, il n'est pas juridiquement requis que l'information soit de nature à permettre de déterminer le sens de l'impact potentiel de cette information sur le cours des instruments financiers concernés [93].
De même, la Cour de cassation française a suivi l'interprétation de la Cour de justice dans son arrêt du 27 mai 2015 dans lequel elle relève que les dispositions faisant l'objet du pourvoi « […] n'exigent pas, pour que des informations puissent être considérées comme des informations à caractère précis […], qu'il soit possible de déduire, avec un degré de probabilité suffisant, que leur influence potentielle sur les cours des instruments financiers concernés s'exercera dans un sens déterminé, une fois qu'elles seront rendues publiques » [94].
3. | Conclusion |
14.La notion d'information privilégiée est de plus en plus floue. Les arrêts récents rendus par la Cour de justice de l'Union européenne dans les affaires Geltl et Lafonta invitent les praticiens et les participants au marché à entamer une réflexion globale sur la notion d'information privilégiée. Il est en effet essentiel que cette notion, qui est au coeur de la réglementation en matière d'abus de marché, soit définie de manière stricte et non ambiguë. Force est toutefois de constater que ce résultat est loin d'être atteint à l'heure actuelle.
La volonté grandissante du législateur européen de prévenir les abus de marché en vue de garantir l'intégrité des marchés et de renforcer la confiance du public dans les investissements boursiers se traduit concrètement par la consécration, au niveau des instances administratives et juridictionnelles, d'une approche extensive, voire excessive, de la notion d'information privilégiée. Cette approche nous semble toutefois source d'insécurité juridique pour les participants au marché comme nous l'avons expliqué ci-dessus, et peu en phase avec l'objectif affiché du législateur de proposer une « définition plus fine de la notion de caractère précis » [95].
L'on relèvera par ailleurs que l'élargissement de la notion d'information privilégiée a pour corollaire direct que les émetteurs d'instruments financiers eux-mêmes se voient imposer des obligations de plus en plus contraignantes en matière de publication de l'information privilégiée. Cet élargissement est cependant peu en phase avec la réalité de la vie des affaires [96]. Le problème à cet égard provient du fait que de l'existence d'une information privilégiée découlent deux conséquences cumulatives: 1) il est interdit d'user de cette information pour réaliser un profit ou éviter une perte (interdiction des délits d'initiés) et 2) une communication immédiate de ladite information est imposée à l'émetteur.
Il apparaît cependant que, dans certaines circonstances, les impératifs de confidentialité et de secret des affaires, ou encore la protection de l'intérêt public, imposent de ne pas publier l'information, alors que le souci d'un fonctionnement efficient et loyal du marché impose d'en interdire l'usage pour en tirer profit [97]. Le législateur européen s'est rendu compte de ce problème et avait d'ailleurs formulé une réponse au travers de la proposition de règlement sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché du 20 octobre 2011 [98] en indiquant qu'« [i]l se peut [que des informations privilégiées] ne soient pas suffisamment précises pour que l'émetteur soit dans l'obligation de les publier. En pareil cas, l'interdiction des opérations d'initiés devrait s'appliquer, mais pas l'obligation de publication de ces informations par l'émetteur » [99]. La proposition prévoyait ainsi des situations dans lesquelles l'information concernée ne pouvait pas être utilisée par celui qui en dispose sans pour autant que ladite information ne doive être publiée [100]. Cette distinction ne se retrouve malheureusement pas dans la version finale du règlement abus de marché, ce que nous regrettons vivement.
[1] | Avocat au barreau de Bruxelles (Fieldfisher), chargé d'enseignement à l'Université Saint-Louis - Bruxelles. |
[2] | Avocat au barreau de Bruxelles (NautaDutilh). |
[3] | Règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché et abrogeant la directive n° 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives nos 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission, J.O.U.E., 12 juin 2014. |
[4] | Directive n° 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché, J.O.U.E., 12 juin 2014. |
[5] | Art. 8 du règlement abus de marché et art. 3 de la directive abus de marché. |
[6] | Art. 10 du règlement abus de marché et art. 4 de la directive abus de marché. |
[7] | Pour une analyse détaillée des nouvelles dispositions du règlement abus de marché et de la nouvelle directive abus de marché, voy. not. L. Legein, « Le nouveau règlement Abus de Marché et ses conséquences pour les sociétés cotées belges », Rev. prat. soc., 2016, pp. 479-522; M. Blazhyyevska, T. Boedts, A. Fink et al., « Market abuse - Les abus de marché », in I. De Meuleneere, A.-S. Pijcke et M. Rosiers (eds.), Limal, Anthemis, 2016, 222 p.; M. Berlingin en collaboration avec P. De Pauw, « L'utilisation abusive d'informations privilégiées (délit d'initié) », Séminaire Vanham & Vanham du 28 mai 2015 sur l'information financière, pp. 5 15; M. Berlingin, « Développements récents en matière d'abus de marché », in X. Dieux (dir.), Evolutions récentes en droit financier, Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 81 et s. et L. Delage, « La nouvelle réglementation des abus de marché », R.I.S.F., 2014/4, p. 52. |
[8] | Art. 17 du règlement abus de marché. |
[9] | B. Feron et M. Berlingin, « Le caractère précis de l'information privilégiée à l'aune de l'arrêt Geltl de la CJUE du 28 juin 2012 », D.B.F., 2013/1, p. 63. |
[10] | L'article 7 du règlement abus de marché contient également des définitions particulières de la notion d'information privilégiée pour les instruments dérivés sur matières premières, pour les quotas d'émission de gaz à effet de serre ou les produits mis aux enchères basés sur ces derniers, ou encore pour les personnes chargées de l'exécution d'ordres concernant des instruments financiers. |
[11] | Les principales dispositions du règlement abus de marché sont entrées en vigueur le 3 juillet 2016, à l'exception des dispositions relatives aux systèmes organisés de négociation (OTF), aux marchés de croissance des PME, aux quotas d'émission ou aux produits mis aux enchères basés sur ces derniers, qui ne s'appliqueront qu'à compter du 3 janvier 2017. |
[12] | J.O.U.E., 12 avril 2003. |
[13] | M.B., 4 septembre 2002, p. 39.121. |
[14] | Pour une analyse approfondie de ces quatre conditions, voy. not.: M. Berlingin en collaboration avec P. De Pauw, « L'utilisation abusive d'informations privilégiées (délit d'initié) », o.c., pp. 19-44; D. Janssens et J.-W. Geeroms, « Revised rules in Belgium on (delaying) disclosure of inside information, insider lists and PDMR/PCA dealings », Market abuse - Les abus de marché, Cahiers AEDBF/EVBFR Belgium, n° 29, Limal, Anthemis, 2016, pp. 59-66; B. Feron et M. Berlingin, « Les abus de marché », Séminaire Vanham & Vanham du 18 ocotobre 2012 sur l'information des actionnaires et du marché; F. Lefèvre, « Le délit d'initié: infraction pénale ou administrative », Séminaire AEDBF, 17 juin 2011; J. Antoine et M.-C. Capiau-Huart, Titres et Bourse, tome 2, Bruxelles, Larcier, 2012, pp. 355-357; B. Feron et M.-L. De Leener, « Les abus de marchés: aspects pénaux et administratifs », Le droit pénal financier en marche, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, p. 150; Y. De Cordt et G. Schaeken Willemaers, La transparence en droit des sociétés et en droit financier, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 9; X. Dieux et D. Willermain, « La transposition en droit belge de la directive 'abus de marché' et de ses mesures d'exécution », D.B.F., 2007, p. 3; M. Tison et F. Ravelingien, « Preventie en repressie van misbruik van voorwetenschap in Belgisch recht na de omzetting van richtlijn 2003/6 inzake marktmisbruik », Belgisch kapitaalmarktrecht op Europese leest, Anvers, Intersentia, 2006, p. 347; K. Geens et M. Wauters, « Insider trading en andere vormen van marktmisbruik », Financiële wetgeving: de tussenstand 2004, Kalmthout, Biblo, 2004, p. 384; Ph. Lambrecht, « Les opérations d'initiés dans la directive sur les abus de marché », M. Tison, C. Van Acker et J. Cerfontaine (eds.), Financiële regulering: op zoek naar nieuwe evenwichten, Deel II, Antwerpen, Intersentia, 2003, p. 353; H. Van Driessche, « Richtlijn 2003/6/EG van het Europees Parlement en de Raad van 28 januari 2003 betreffende handel met voorwetenschap en marktmanipulatie (marktmisbruik) », T.B.H., 2003, p. 626. |
[15] | C.J.U.E., 11 mars 2015, C-628/13, Jean-Bernard Lafonta / Autorités des marchés financiers. Voy. égal. à ce sujet: L. Meyers, « L'information privilégiée n'est pas nécessairement directionnelle », Market abuse - Les abus de marché, Cahiers AEDBF/EVBFR Belgium, n° 29, Limal, Anthemis, 2016, pp. 179-191; M. Michineau, « Le caractère directionnel de l'information privilégiée non consacré par la Cour de justice de l'Union européenne », note sous C.J.U.E., 11 mars 2015, n° C-628/13, M. Lafonta c. Autorité des Marchés Financiers, R.I.S.F.-I.J.F.S., 2015/3, pp. 56-62; R. Vabres, « La notion d'information privilégiée au coeur de la régulation financière européenne », R.I.S.F.-I.J.F.S., 2015/2, 29 juin 2015, pp. 3-4; V. Simonart, « Observations. Le caractère précis de l'information privilégiée: une condition nébuleuse », Rev. prat. soc., 2015/1-2, pp. 108-136; L. Avia, « Imprécisions autour de la notion d'information privilégiée: une occasion manquée? », Rev. Lamy dr. aff., juillet-août 2015, pp. 23-27. |
[16] | V. Simonart, « Observations. Le caractère précis de l'information privilégiée: une condition nébuleuse », o.c., p. 125. |
[17] | Décision de la Commission des sanctions de l'AMF du 13 décembre 2010 à l'égard de la société Wendel SA, de M. Lafonta et de la société Deutsche Bank Paris. |
[18] | Concl. av. gén. M. Wathelet présentées le 18 décembre 2014, C-628/13, § 12. |
[19] | Concl. av. gén. M. Wathelet, o.c., § 16. |
[20] | Cette question préjudicielle est posée conformément à l'article 267 du TFUE (version consolidée), J.O.U.E., 26 novembre 2012, C-326/47. |
[21] | C.J.U.E. (2e ch.), 11 mars 2015, C-628/13, Jean-Bernard Lafonta / Autorités des marchés financiers, § 20. |
[22] | Considérant 18 du règlement abus de marché. |
[23] | Cette définition est reprise, mot pour mot, de l'ancien article 1er, 1., de la directive n° 2003/124/CE de la Commission du 22 décembre 2003 portant modalités d'application de la directive n° 2003/6/EC en ce qui concerne la définition et la publication des informations privilégiées et la définition des manipulations de marché, J.O.U.E., 24 décembre 2003. En droit belge, cette définition est reprise au dernier paragraphe de l'article 2, 14°, de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers. |
[24] | C.J.U.E., 28 juin 2012, C-19/11, Markus Geltl / Daimler AG, J.O.U.E., 25 août 2012. Pour une analyse approfondie de cet arrêt, voy. not.: B. Feron et M. Berlingin, « Le caractère précis de l'information privilégiée à l'aune de l'arrêt Geltl de la CJUE du 28 juin 2012 », o.c., pp. 57-66; E. Vandendriessche, « De (ruime) interpretatie van het concept 'voorwetenschap' door het Europese Hof van Justicie in het Geltl-arrest - De vereisde graad van nauwkeurigheid van koersgevoelige informatie in een in tijd gespreid process », R.D.C., 2013, pp. 179-188. |
[25] | Cette position avait déjà été énoncée par le CESR. Market Abuse Directive - Level 3 - Second set of CESR guidance and information on the common operation of the Directive to the market, 12 juillet 2007, CESR/06.562 b, n° 1.6. Pour rappel, le Committee of European Securities Regulators (CESR) a changé de dénomination le 1er janvier 2011 pour devenir l' European Securities and Markets Authorities (ESMA). Nous continuons cependant à utiliser la dénomination CESR, applicable au moment des recommandations auxquelles il est fait référence. |
[26] | L. Meyers, « L'information privilégiée n'est pas nécessairement directionnelle », o.c., p. 182; M. Berlingin en collaboration avec P. De Pauw, « L'utilisation abusive d'informations privilégiées (délit d'initié) », o.c., p. 23; B. Feron et M. Berlingin, « Le caractère précis de l'information privilégiée à l'aune de l'arrêt Geltl de la CJUE du 28 juin 2012 », o.c., p. 59; F. Lefèvre, « Les abus de marché: infraction pénale ou administrative », Séminaire Vanham & Vanham du 24 mars 2011, p. 9; X. Dieux et D. Willermain, « La transposition en droit belge de la directive 'abus de marché' et de ses mesures d'exécution », o.c., pp. 9-11; B. Feron et M.-L. De Leener, « Les abus de marchés: aspects pénaux et administratifs », o.c., p. 164; V. Simonart, « Observations. Le caractère précis de l'information privilégiée: une condition nébuleuse », o.c., p. 112. |
[27] | L. Legein, « Le nouveau règlement Abus de Marché et ses conséquences pour les sociétés cotées belges », o.c., p. 487; M. Berlingin en collaboration avec P. De Pauw, « L'utilisation abusive d'informations privilégiées (délit d'initié) », o.c., p. 23; V. Simonart, « Observations. Le caractère précis de l'information privilégiée: une condition nébuleuse », o.c., p. 117. |
[28] | CESR, Market Abuse Directive - Level 3 - second set of CESR guidance and information on the common operation of the Directive to the market, novembre 2006, CESR/06.562 b, n° 1.5. Selon ces recommandations, « When considering what may reasonably be expected to come into existence, the key issue is whether it is reasonable to draw this conclusion based on the ex ante information available at the time. » |
[29] | Considérant 15 du règlement abus de marché. |
[30] | CESR, Guidelines, Market Abuse Directive - Level 3 - preliminary CESR guidance and information on the common operation of the Directive, CESR 04/505, n° 4.1. Voy. égal.: C. Evers, B. Feron, B. Malvaux, Th. Partsch, B. Taevernier et P. Tytgat, Le rachat d'actions propres. Aspects financiers, juridiques, comptables et fiscaux, Bruxelles, Kluwer, 2001, n° 197, p. 129. Pour une application de ce principe, voy. not.: FSMA, décision du 3 juillet 2014 de la Commission des sanctions de la FSMA, § 61, disponible sur www.fsma.be. |
[31] | F. Lefèvre, « Les abus de marché: infraction pénale ou administrative », o.c., p. 9. Voy. à ce sujet les décisions de la Commission des sanctions de la FSMA du 21 mai 2010, du 3 juillet 2014 et du 2 novembre 2014, disponibles sur le site www.fsma.be. |
[32] | Y. De Cordt et G. Schaeken Willemaers, La transparence en droit des sociétés et en droit financier, o.c., p. 350; B. Feron et P.-P. Du Chatelet, « Les délits de marchés », Traité pratique de droit commercial, tome V, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 265; M. Wauters, « Handel met voorkennis en marktmanipulatie. Het nieuwe recht toegepast », NOAB, Permanente vorming, 1er septembre 2005, p. 9; K. Geens et M. Wauters, « Insider trading en andere vormen van marktmisbruik », o.c., pp. 384 à 461. A titre d'exemple, une simple étude préliminaire relative à une potentielle offre publique d'acquisition non suivie d'actions concrètes ne devrait pas constituer une information privilégiée. Par contre, une information de nature confidentielle relative à des négociations bilatérales avancées dont la probabilité d'aboutissement est réelle, est susceptible de constituer une information privilégiée et ce même si l'opération devait finalement être avortée. |
[33] | Position du Parlement européen arrêtée en première lecture le 14 mars 2002 en vue de l'adoption de la directive 2002/…/CE du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché), 2001/0118 COD, article 1.1, b. |
[34] | C.J.U.E., 28 juin 2012, C-19/11, Markus Geltl / Daimler AG, J.O.U.E., 25 août 2012. Pour une application de cette jurisprudence par la Commission des sanctions de la FSMA, voy. la décision du 2 novembre 2014 de la Commission des sanctions de la FSMA, § 58, disponible sur www.fsma.be. |
[35] | C.J.U.E., 28 juin 2012, C-19/11, Markus Geltl / Daimler AG, J.O.U.E., 25 août 2012, § 46. |
[36] | Voy. not.: B. Feron et M. Berlingin, « Le caractère précis de l'information privilégiée à l'aune de l'arrêt Geltl de la CJUE du 28 juin 2012 », o.c., pp. 57-66 et M. Berlingin, « Développements récents en matière d'abus de marché », o.c., pp. 108 à 114. |
[37] | Y. De Cordt et G. Schaeken Willemaers, La transparence en droit des sociétés et en droit financier, o.c., p. 352. |
[38] | F. Lefèvre, « Le délit d'initié: infraction pénale ou administrative », o.c., p. 11. |
[39] | CESR's Advice on Level 2 Implementing Measures for the proposed Market Abuse Directive, CESR/02-089d, n° 27. |
[40] | Y. De Cordt et G. Schaeken Willemaers, La transparence en droit des sociétés et en droit financier, o.c., p. 354. |
[41] | X. Dieux et D. Willermain, « La transposition en droit belge de la directive 'abus de marché' et de ses mesures d'exécution », o.c., p. 10. |
[42] | Market Abuse Directive - Level 3 - second set of CESR guidance and information on the common operation of the Directive to the market, 12 juillet 2007, CESR/06.562b, n° 1.8. |
[43] | L'article 7, 4., du règlement abus de marché précise par ailleurs que « Dans le cas des participants au marché des quotas d'émission avec des émissions cumulées ou une puissance thermique nominale inférieures ou égales au seuil fixé conformément à l'article 17, paragraphe 2, deuxième alinéa, les informations relatives à leurs activités matérielles sont réputées être dépourvues d'effet significatif sur le prix des quotas d'émission, des produits mis aux enchères basés sur ces derniers ou sur le cours des instruments financiers dérivés. » |
[44] | C.J.U.E., 28 juin 2012, C-19/11, Markus Geltl / Daimler AG, J.O.U.E., 25 août 2012, § 53; C.J.U.E. (2e ch.), 11 mars 2015, C-628/13, Jean-Bernard Lafonta / Autorités des marchés financiers, § 28. Voy. not. à ce sujet: M. Michineau, « Le caractère directionnel de l'information privilégiée non consacré par la Cour de justice de l'Union européenne », note sous C.J.U.E., 11 mars 2015, n° C-628/13, M. Lafonta c. Autorité des Marchés Financiers, o.c., pp. 60-61; V. Simonart, « Observations. Le caractère précis de l'information privilégiée: une condition nébuleuse », o.c., p. 111; L. Avia, « Imprécisions autour de la notion d'information privilégiée: une occasion manquée? », Rev. Lamy dr. aff., juillet-août 2015, p. 27; Concl. av. gén. M. Wathelet présentées le 18 décembre 2014, C-628/13, § 27 et 28. |
[45] | Concl. av. gén. M. Wathelet présentées le 18 décembre 2014, C-628/13, § 29. |
[46] | Exemple tiré de X. Dieux et D. Willermain, « La transposition en droit belge de la directive 'abus de marché' et de ses mesures d'exécution », o.c., p. 10. |
[47] | Décision de la Commission des sanctions du 9 mars 2009, Rapport annuel de la CBFA 2009-2010, p. 66. |
[48] | Décision du 25 novembre 2013 de la Commission des sanctions de la FSMA, § 17 et 19, disponible sur www.fsma.be; Rapport annuel de la FSMA, 2013, pp. 189-190. |
[49] | Décision du 3 juillet 2014 de la Commission des sanctions de la FSMA, § 61 et 62, disponible sur www.fsma.be; Rapport annuel de la FSMA, 2014, pp. 199-200. |
[50] | Décision du 3 juillet 2014 de la Commission des sanctions de la FSMA, § 62, disponible sur www.fsma.be. |
[51] | Décision du 2 novembre 2014 de la Commission des sanctions de la FSMA, disponible sur www.fsma.be; Rapport annuel de la FSMA, 2014, pp. 200-202. La décision du 2 novembre 2014 de la FSMA a été confirmée par la cour d'appel de Bruxelles le 24 décembre 2015, sauf en ce qui concerne la publication nominative de la décision. |
[52] | Décision du 2 novembre 2014 de la Commission des sanctions de la FSMA, § 58, disponible sur www.fsma.be. |
[53] | Décision du 25 février 2015 de la Commission des sanctions de la FSMA, disponible sur www.fsma.be. |
[54] | Décision du 25 février 2015 de la Commission des sanctions de la FSMA, § 17, disponible sur www.fsma.be. |
[55] | Décision du 12 juin 2015 de la Commission des sanctions de la FSMA, disponible sur www.fsma.be; Rapport annuel de la FSMA, 2015, pp. 189-191. |
[56] | Décision du 12 juin 2015 de la Commission des sanctions de la FSMA, § 59, disponible sur www.fsma.be. |
[57] | C.J.U.E., 11 mars 2015, C-628/13, Jean-Bernard Lafonta / Autorités des marchés financiers. |
[58] | Ibid. |
[59] | Ibid., § 21. |
[60] | Ibid., § 38. |
[61] | X. Dieux et D. Willermain, « La transposition en droit belge de la directive 'abus de marché' et de ses mesures d'exécution », o.c., p. 10; M. Berlingin, « Développements récents en matière d'abus de marché », in Evolutions récentes en droit financier, o.c. |
[62] | C.J.U.E., 11 mars 2015, C-628/13, Jean-Bernard Lafonta / Autorités des marchés financiers, § 30. |
[63] | P. ex., de simples rumeurs non fondées. |
[64] | C.J.U.E., 11 mars 2015, C-628/13, Jean-Bernard Lafonta / Autorités des marchés financiers, § 31. |
[65] | Ibid., § 32. |
[66] | Ibid., § 34. |
[67] | Ibid., § 36. |
[68] | Ibid. |
[69] | Directive n° 2003/124/CE de la Commission du 22 décembre 2003 portant modalités d'application de la directive n° 2003/6/EC en ce qui concerne la définition et la publication des informations privilégiées et la définition des manipulations de marché, J.O.U.E., 24 décembre 2003. |
[70] | C.J.U.E., 11 mars 2015, C-628/13, Jean-Bernard Lafonta / Autorités des marchés financiers, § 37. |
[71] | Voy. à ce sujet: M. Berlingin, « Développements récents en matière d'abus de marché », o.c., pp. 118-122; V. Simonart, « Observations. Le caractère précis de l'information privilégiée: une condition nébuleuse », o.c., pp. 129-136. |
[72] | C.J.U.E., 11 mars 2015, C-628/13, Jean-Bernard Lafonta / Autorités des marchés financiers, § 34. |
[73] | CESR's Advice on Level 2 Implementing Measures for the proposed Market Abuse Directive, CESR/02-089d, n° 27. |
[74] | V. Simonart, « Observations. Le caractère précis de l'information privilégiée: une condition nébuleuse », o.c., p. 129. |
[75] | M. Berlingin, « Développements récents en matière d'abus de marché », o.c., p. 120. Dans ce sens également, R. Vabres, « La notion d'information privilégiée au coeur de la régulation financière européenne », o.c., p. 4. |
[76] | Market Abuse Directive - Level 3 - second set of CESR guidance and information on the common operation of the Directive to the market, 12 juillet 2007, CESR/06.562b, n° 1.8. Traduction libre. Nous soulignons. |
[77] | Dans ce sens également: V. Simonart, « Observations. Le caractère précis de l'information privilégiée: une condition nébuleuse », o.c., p. 132. |
[78] | Dans ce sens également, R. Vabres, « La notion d'information privilégiée au coeur de la régulation financière européenne », o.c., p. 4. |
[79] | C.J.U.E., 28 juin 2012, C-19/11, Markus Geltl / Daimler AG, J.O.U.E., 25 août 2012, § 53; C.J.U.E., 11 mars 2015, C-628/13, Jean-Bernard Lafonta / Autorités des marchés financiers, § 28. |
[80] | X. Dieux et D. Willermain, o.c., p. 10. Dans ce sens également P.-A. Foriers et C. Tubeuf, o.c., n° 8; M. Wauters, « Handel met voorkennis en marktmanipulatie. Het nieuwe recht toegepast », Permanente Vorming, 1er septembre 2005, p. 10; Y. De Cordt et G. Schaeken Willemaers, o.c., p. 352; M. T ison et F. Ravelingien, o.c., p. 355. |
[81] | Y. De Cordt et G. Schaeken Willemaers, o.c., p. 352. |
[82] | C'est-à-dire à partir du moment auquel on est en mesure de déterminer que l'information aura un impact sur le cours et le sens de cet impact. |
[83] | X. Dieux et D. Willermain, o.c., p. 10; Y. De Cordt et G. Schaeken Willemaers, o.c., p. 352. |
[84] | K. Geens et M. Wauters, o.c., p. 393. |
[85] | X. Dieux et D. Willermain, o.c., p. 10; C.A., 5 juillet 1990, n° 25/90. Il s'agit au demeurant d'une application de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui consacre le principe de la légalité des peines. Dans le même sens, F. Lefèvre, « Le délit d'initié: infraction pénale ou administrative », o.c., p. 10. |
[86] | C.E.D.H., 25 mai 1993, Kokkinakis / Grèce, série A n° 260/A; C.E.D.H., 15 novembre 1996, Catoni / France, Rev. trim. dr. h., 1997, p. 685; voir égal. sur ce point: M.-A. Beernaert, M. De Rue et L. Wattier, « L'accessibilité et l'intelligibilité du droit contemporain en matière pénale », Liber Amicorum H.-D. Bosly. Loyauté, justice et vérité, Bruxelles, la Charte, 2009, p. 27; M. van de Kerkhove et Fr. Tulkens, Introduction au droit pénal. Aspects juridiques et criminologiques, Diegem, Kluwer, 1999, p. 190. Voir égal. l'avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi du 12 mars 1997 relatif aux organisations criminelles: avis C.E., Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 954/1, p.13. Voir J. Van Meerbeeck, De la certitude à la confiance. Le principe de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, Bruxelles, Anthemis, Publications de l'Université Saint-Louis - Bruxelles, 2014, not. p. 37 et s. et p. 587 et s. |
[87] | C.J.U.E., 3 juin 2008, C-308/06, The Queen / Secretary of State for Transport. |
[88] | C.J.U.E., 3 mai 2007, C-303/05, Advocaten voor de Wereld; C.J.C.E., 12 décembre 1996, C-74/95, X.; C.J.U.E., 28 juin 2005, C-189/02 P, Dansk Rorindustri e.a.; C.J.C.E., 9 juillet 1981, 169/80, Gondrand; C.J.C.E., 13 février 1996, C-143/93, Es Douane Agenten. |
[89] | C.J.U.E., 6 avril 2006, C-274/04, ED & F Man Sugar, § 15. |
[90] | J. Van Meerbeeck, o.c., pp. 37-39 et les nombreuses références citées. |
[91] | C.J.U.E., 1er avril 2004, C-1/02, Borgmann. |
[92] | J. Van Meerbeeck, o.c., pp. 79-80 et références citées. |
[93] | Décision du 12 juin 2015 de la Commission des sanctions de la FSMA, § 52, disponible sur www.fsma.be. Relevons toutefois que, malgré l'absence d'obligation juridique à cet égard, la Commission des sanctions procède tout de même à une analyse du sens de l'impact de l'information dans le cas d'espèce. |
[94] | Cass. fr. com., 27 mai 2015, n° 12-21.361 cité par M. Michineau, « Le caractère directionnel de l'information privilégiée non consacré par la Cour de justice de l'Union européenne » (note sous C.J.U.E., 11 mars 2015, C-628/13, M. Lafonta / Autorité des Marchés Financiers), o.c., p. 59. |
[95] | Considérant 18 du règlement abus de marché. |
[96] | Voy. not.: B. Feron et M. Berlingin, « Le caractère précis de l'information privilégiée à l'aune de l'arrêt Geltl de la CJUE du 28 juin 2012 », o.c., pp. 57-66 et M. Berlingin, « Développements récents en matière d'abus de marché », o.c., pp. 108 à 114. |
[97] | Dans ce sens égal. E. Vandendriessche, o.c., 2013, p. 187. |
[98] | Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché), Bruxelles, 20 novembre 2011, COM/2011/0651 final, 2011/0295 (COD). |
[99] | Cette position n'est toutefois pas reprise d'une manière aussi explicite dans le préambule du règlement n° 596/2014. |
[100] | Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché), Bruxelles, 20 novembre 2011, COM/2011/0651 final, 2011/0295 (COD), art. 12. |