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Actualité : Cour de cassation (1re ch.), 15/09/2016, C.15.0280.F, R.D.C.-T.B.H., 2017/1, p. 114-115

Cour de cassation (1re ch.)15 septembre 2016

Affaire: C.15.0280.F
DROIT JUDICIAIRE EUROPÉEN ET INTERNATIONAL
Compétence et exécution - Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement n° 1215/2012/UE du 12 décembre 2012 (anc. N° 44/2001/CE du 22 décembre 2000) - Compétence - Assurances - Assurance de responsabilité - Article 11 Bruxelles I - Article 13 Bruxelles Ibis - Action directe de la personne lésée contre l'assureur


EUROPEES EN INTERNATIONAAL GERECHTELIJK RECHT
Bevoegdheid en executie - Rechterlijke bevoegdheid, erkenning en tenuitvoerlegging van beslissingen in burgerlijke en handelszaken - Verordening nr. 1215/2012/EU van 12 december 2012 (vroeger nr. 44/2001/EG van 22 december 2000) - Verzekeringen - Aansprakelijkheidsverzekering - Artikel 11 Verordening Brussel I - Artikel 13 Verordening Brussel Ibis - Rechtstreekse vordering van de getroffene op de verzekeraar


Par son arrêt du 15 septembre 2016, la Cour de cassation se prononce sur les conditions posées à l'action directe d'une personne lésée dans un Etat contractant de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 remplacée par le règlement (CE) n° 44/2001 (« Règlement Bruxelles I ») [1] puis par le Règlement (UE) n° 1215/2012 (« Règlement Bruxelles Ibis ”) [2].

Ce dernier Règlement Bruxelles Ibis reprend les mêmes dispositions (art. 11, 1., sous b) et 13, 2.) relatives à l'action directe à l'encontre de l'assureur que celles du Règlement Bruxelles I de sorte que cet arrêt est utile pour les questions relatives à l'action directe soumises au Règlement Bruxelles Ibis, applicable depuis le 10 janvier 2015.

La Cour de cassation se réfère à un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes à qui avait été adressée la question préjudicielle suivante:

« Le renvoi à l'article 9, 1., sous b), du règlement […] n° 44/2001 […], effectué par l'article 11, 2., dudit règlement, doit-il être compris en ce sens que la personne lésée peut intenter une action directement contre l'assureur devant le tribunal du lieu où elle est domiciliée dans un Etat membre, lorsqu'une telle action directe est possible et que l'assureur est domicilié sur le territoire d'un Etat membre? »

Dans sa décision du 13 décembre 2007 [3], la Cour de justice a estimé que l'article 9, 1., b), du Règlement Bruxelles I ne se limite pas à attribuer la compétence aux juridictions du domicile du preneur d'assurance, de l'assuré ou d'un bénéficiaire mais, qu'au contraire, il énonce la règle de compétence du domicile du demandeur, en reconnaissant ainsi à ces personnes la faculté d'attraire l'assureur devant le tribunal du lieu de leur propre domicile (point 25). Le renvoi à cette disposition opéré par l'article 11, 2., est « d'ajouter à la liste des demandeurs, contenue dans l'article 9, 1., b), les personnes ayant subi un dommage » (point 26).

Dès lors, l'application de cette règle de compétence à l'action directe de la personne lésée ne saurait dépendre de la qualification de celle-ci en tant que « bénéficiaire » du contrat d'assurance (point 27).

Faisant application de cet arrêt, la Cour de cassation considère que la personne lésée peut intenter une action directe contre l'assureur devant le tribunal du lieu où elle est domiciliée dans un Etat contractant, lorsqu'une telle action directe est possible et que l'assureur est domicilié sur le territoire d'un Etat contractant.

On relèvera qu'indépendamment de l'hypothèse d'une action directe, lorsque le preneur d'assurance, l'assuré, un bénéficiaire du contrat d'assurance ou la personne lésée ont la qualité de défendeur, ils peuvent décider délibérément de comparaître devant une juridiction autre que celles déterminées sur le fondement de la Section 3 du Règlement Bruxelles Ibis (prorogation tacite de compétence).

Toutefois, dans ce cas, la juridiction doit, avant de se déclarer compétente, s'assurer que le défendeur est informé de son droit de contester la compétence de la juridiction et des conséquences d'une comparution ou d'une absence de comparution (art. 26, 2., du Règlement Bruxelles Ibis).

Les dispositions du Règlement Bruxelles Ibis doivent être lues en combinaison avec l'article 18 du Règlement Rome II [4],  [5]. Cette disposition doit être interprétée en ce sens qu'elle permet l'exercice, par une personne lésée, « d'une action directe contre l'assureur de la personne devant réparation, lorsqu'une telle action est prévue par la loi applicable à l'obligation non contractuelle, indépendamment de ce qui est prévu par la loi applicable au contrat d'assurance choisie par les parties à ce contrat » [6]. En effet, ce choix du droit applicable par les parties au contrat d'assurance n'a pas d'incidence sur le droit de la personne lésée d'introduire une action directe en vertu de la loi applicable à l'obligation non contractuelle (point 48).

Enfin, les Règlements Bruxelles Ibis et Rome II, comme les autres traités ou accords internationaux, primeront sur la règle contenue à l'article 24 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances selon laquelle « sont nuls toutes clauses et tous accords attribuant aux tribunaux étrangers, à l'exclusion du juge belge, compétence pour connaître de toutes contestations relatives aux contrats d'assurance », comme le prévoit expressément cette disposition.

[1] Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions civiles et commerciales (J.O., 2001, L. 12, p. 1).
[2] Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (J.O., 2012, L. 351, p. 1).
[3] C.J.C.E., 13 décembre 2007, C-463/06, FBTO Schaderverzekeringen NV / Jack Odenbreit, ECLI:EU:C:2007:792; voy. pour un commentaire de cet arrêt: N. Soldatos, « Compétence judiciaire: (r)évolution en matière de protection des victimes », For. Ass., 2008, p. 183.
[4] Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II).
[5] C. Van Schoubroeck, « The new European conflicts-of-law rules from an insurance perspective », R.E.D.C., 2009, p. 769.
[6] C.J.U.E. (1re ch.), 9 septembre 2015, C-240/14, Prüller-Frey / Norbert Brodnig et AXA Versicherung AG, ECLI:EU:C:2015:567.