Cour de justice de l'Union européenne 20 avril 2016
Profit Investment SIM / S. Ossi e.a.
Affaire: C-366/13 |
Dans un arrêt du 20 avril 2016, en répondant à une série des questions préjudicielles posées par la juridiction suprême italienne, la Cour de justice a apporté quelques précisions aux dispositions des articles 5, 1., sous a), 6, 1. et 23 du règlement Bruxelles I.
Le litige en question opposait Profit Investment, une société italienne en liquidation, acquéreur d'obligations émises par une société allemande via un intermédiaire financier établi en Irlande à l'intermédiaire financier et à l'émetteur et tendait à l'annulation du contrat d'achat des obligations. Le litige opposait également Profit Investment à sa société mère Profit Holding ainsi qu'à deux de ses administrateurs et tendait à mettre en cause leur responsabilité pour mauvaise gestion. Dans ce contexte, se posait la question de la compétence internationale des juridictions italiennes.
En premier lieu, la Cour de justice était amenée à se prononcer sur la validité, au regard des exigences de forme établies à l'article 23, 1., du Règlement Bruxelles I, ainsi que sur l'opposabilité à un tiers acquéreur d'une clause attributive de juridiction en faveur des juridictions anglaises insérée dans un prospectus d'émission de titres obligataires.
A cet égard, la Cour a considéré, d'une part, que, pour que l'exigence de forme écrite posée par l'article 23, 1., sous a), du Règlement Bruxelles I soit satisfaite dans le cas de l'insertion d'une clause attributive de juridiction dans un prospectus d'émission de titres obligataires, il faut que le contrat signé par les parties lors de l'émission des titres sur le marché primaire mentionne l'acceptation de cette clause ou comporte un renvoi exprès à ce prospectus. Pour que cette clause soit opposable à un tiers qui a acquis les titres auprès d'un intermédiaire financier, il faut, selon la Cour, que cette clause soit valable dans le rapport entre l'émetteur et cet intermédiaire financier, que ledit tiers ait, en acquérant sur le marché secondaire les titres en cause, succédé audit intermédiaire dans les droits et les obligations attachés à ces titres en vertu du droit national applicable et que le tiers concerné ait eu la possibilité de prendre connaissance du prospectus contenant ladite clause.
D'autre part, en ce qui concerne l'exigence de forme alternative prévue l'article 23, 1., sous c), du Règlement Bruxelles I et applicable dans le commerce international, la Cour estime que l'insertion d'une clause attributive de juridiction dans un prospectus d'émission de titres obligataires peut être regardée comme une forme admise par un usage du commerce international, permettant de présumer le consentement de celui auquel on oppose la clause, pour autant qu'il soit établi qu'un tel comportement est généralement et régulièrement suivi par les opérateurs dans la branche considérée lors de la conclusion de contrats de ce type et que les parties concernées entretenaient auparavant des rapports commerciaux suivis ou que le comportement en cause est suffisamment connu pour pouvoir être considéré comme une pratique consolidée.
En deuxième lieu, la Cour confirme que les actions tendant à obtenir l'annulation d'un contrat et la restitution des sommes indûment versées sur le fondement dudit contrat, relèvent de la « matière contractuelle », au sens de l'article 5, 1., sous a), du Règlement Bruxelles I.
En troisième lieu, enfin, la Cour se prononce sur la question de savoir si les actions intentées par Proft Investment d'une part, contre l'émetteur des titres obligataires et l'intermédiaire à qui elle les a achetés et, d'autre part, contre ses administrateurs et sa société mère étaient liées par un rapport suffisamment étroit pour qu'il y ait intérêt à les instruire et les juger en même temps afin d'éviter les solutions inconciliables, conformément à l'article 6, 1., du Règlement Bruxelles I. La Cour a répondu à cette question par la négative en estimant que la seule circonstance que le résultat de l'une des procédures puisse avoir une influence sur celui de l'autre, notamment l'incidence potentielle du montant à restituer dans le cadre d'une demande en nullité et de restitution de l'indu sur l'évaluation de l'éventuel préjudice dans le cadre d'une demande en responsabilité, ne suffit pas pour qualifier d'« inconciliables » les décisions à rendre dans le cadre de ces deux procédures.