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Actualité : Cour de justice de l'Union européenne, 07/04/2016, R.D.C.-T.B.H., 2016/7, p. 714-715

Cour de justice de l'Union européenne 7 avril 2016

KA Finanz AG / Sparkassen Versicherung AG Vienna Insurance Group

Affaire: C-483/14
DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ Réglementation européenne - Obligations contractuelles - Convention de Rome - Loi applicable - Fusion transfrontalière - Protection des créanciers

INTERNATIONAAL PRIVAATRECHT
Europese regelgeving - Verbintenissen uit overeenkomst - Verdrag van Rome - Toepasselijk recht - Grensoverschrijdende fusie - Bescherming van de schuldeisers


Dans un arrêt du 7 avril 2016, en répondant aux questions préjudicielles posées par la Cour suprême d'Autriche, la Cour s'est prononcée sur la question de la loi applicable aux conventions d'emprunts subordonnés dans le cadre d'une fusion par absorption de la société émettrice.

Au cours de l'année 2005, la société Sparkassen Versicherung AG Vienna Insurance Group, établie en Autriche, a souscrit à des obligations dans le cadre de deux emprunts subordonnés émis par Kommunalkredit International Bank, établie à Chypre. Les conditions d'émission prévoyaient que la forme et le contenu des titres ainsi que tous les droits et les obligations des porteurs et de l'émettrice étaient soumis à la loi allemande. A la fin de l'année 2008, Kommunalkredit a cessé de satisfaire aux exigences minimales en matière de fonds propres fixées dans les lignes directrices de la banque centrale de Chypre et a mis fin au versement à Sparkassen Versicherung des intérêts convenus dans les conditions d'émission. Dans ces circonstances est intervenue une fusion par absorption de Kommunalkredit par KA Finanz.

Sparkassen Versicherung a introduit une action devant les juridictions autrichiennes contre KA Finanz en vue de la faire condamner au paiement des intérêts convenus pour les deux emprunts subordonnés en cause au titre des années 2009 et 2010. A titre subsidiaire, elle a demandé à ce que KA Finanz lui octroie des droits équivalents, au sens des dispositions de la loi autrichienne relatives à la protection des créanciers en cas de fusion, notamment l'article 226 de la loi autrichienne sur les sociétés par actions (AktG). KA Finanz a fait valoir, à titre principal, que l'opération de fusion a eu pour effet de mettre fin aux emprunts subordonnés en cause au principal. A titre subsidiaire, elle a soutenu que les obligations résultant de ces emprunts ne lui ont pas été transmises, ceux-ci ayant perdu toute valeur du fait de la disparition totale des fonds propres de Kommunalkredit. KA Finanz a fait valoir que, étant donné que le paiement des intérêts et du capital dépendait de la dotation en fonds propres de Kommunalkredit, ces emprunts présentaient le caractère de fonds propres et constituaient des titres participatifs au sens de l'article 226, paragraphe 3, de l'AktG. Selon KA Finanz, compte tenu des pertes subies par Kommunalkredit, dont l'existence était menacée et qui affichait, au 31 décembre 2008, des fonds propres négatifs d'environ 1 milliard d'euros, les titres en cause au principal avaient, à la date de l'opération de fusion, perdu toute valeur. KA Finanz en conclut que, eu égard à une telle perte, elle n'était tenue ni de conférer des droits équivalents aux porteurs de ces titres ni de leur verser une compensation.

Les juridictions autrichiennes ont, en substance, rejeté les arguments de KA Finanz. Elles ont jugé que les titres en cause n'étaient ni des titres participatifs ni d'autres titres assimilables à des actions, puisqu'ils ne présentaient pas le caractère de capitaux propres et ne dépendaient pas non plus des bénéfices de Kommunalkredit. Dès lors, KA Finanz n'était pas en droit de mettre fin à ces titres dans le cadre de la fusion. Les juridictions autrichiennes ont, en outre, considéré que les emprunts subordonnés avaient été transférés à KA Finanz dans le cadre de la transmission universelle du patrimoine de Kommunalkredit. Dans ce cadre, les juridictions autrichiennes ont enfin considéré que les effets juridiques d'une fusion relèvent du statut personnel et que la protection des créanciers doit être appréciée au regard de la loi régissant ce statut, en l'occurrence le droit autrichien des sociétés.

KA Finanz a saisi la Cour suprême (Oberster Gerichtshof) d'un pourvoi en révision portant, en substance, sur la question de savoir si l'article 226, paragraphe 3, de l'AktG s'applique aux emprunts subordonnés. La Cour suprême a déféré à la Cour de justice une série des questions préjudicielles relatives à la loi applicable aux titres en cause. Plus précisément, la juridiction de renvoi demandait si les opérations de fusions et de scissions, d'une part, et les règles de protection des créanciers dans le cadre de telles opérations, d'autre part, devaient être considérées comme relevant de la clause figurant à l'article 1er, 2., sous e), de la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, applicable rationae tempore, qui prévoit l'exclusion du « droit des sociétés » de son champ d'application. La juridiction de renvoi a interrogé la Cour de justice également sur l'interprétation qu'il convient de donner aux diverses dispositions des directives relatives au droit des sociétés, notamment, la troisième directive n° 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 concernant les fusions des sociétés anonymes, telle que modifiée par la directive n° 2009/109/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 et la directive n° 2005/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux.

La Cour de justice, après avoir rejeté comme irrecevables une partie des questions de la juridiction de renvoi, apporte quelques clarifications sur la loi applicable aux opérations en cause.

Tout d'abord, elle estime que la Convention de Rome ne s'applique pas aux opérations de fusion. Elle relève, néanmoins, que le contrat conclu par la société absorbée, en cause dans le litige devant les juridictions autrichiennes, constitue un contrat d'emprunt et que les questions relatives à son interprétation, son exécution ainsi qu'aux modes de son extinction relèvent bien du champ d'application de cette convention. La Cour s'interroge ensuite sur la question de savoir si la loi allemande, choisie par les parties comme la loi régissant le contrat en cause, continue à s'appliquer après la fusion, et, ayant examiné les dispositions des directives nos 78/855/CEE et 2005/56/CE, répond à cette question par l'affirmative. Enfin, la Cour estime que la protection des intérêts de créanciers d'une société absorbée dans le cadre d'une fusion est régie par les dispositions de la loi nationale dont relève cette société.