Cour constitutionnelle 9 juin 2016
Affaire: 89/2016 |
Neufs moyens étaient invoqués dans le cadre du recours en annulation partielle de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances introduit par l'union professionnelle « Fédérations des courtiers d'assurances & intermédiaires financiers de Belgique » (Feprabel).
Un arrêt du 11 juin 2015 avait été rendu par la Cour constitutionnelle suite au recours en annulation de Feprabel à l'encontre de diverses dispositions de la loi du 30 juillet 2013 visant à renforcer la protection des utilisateurs de produits et services financiers ainsi que les compétences de l'Autorité des services et marchés financiers, et portant des dispositions diverses (I) (M. Hostens, « Actualité: Grondwettelijk Hof, 11 juni 2015 », R.D.C., 2015, pp. 753-755).
Deux branches d'un moyen donnent lieu à annulation partielle de l'article 350 de la loi du 4 avril 2014.
Tout d'abord, la Cour constitutionnelle constate la discrimination entre les intermédiaires d'assurances et les entreprises d'investissement qui seules bénéficient de l' « execution order only » qui permet d'être exempté de l'obligation de réaliser un test du caractère approprié du produit proposé (art. 27, § 5 et § 6, de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers). La Cour constitutionnelle constate que « ni le rapport au Roi, ni les travaux préparatoires de la loi attaquée, ni le Conseil des ministres ne font apparaître les raisons qui permettraient de justifier la non-application aux prestataires de services en matière d'assurances du § 6 de l'article 27 de la loi du 2 août 2002, compte tenu de l'objectif du législateur d'instaurer un « level playing field ».
La Cour constitutionnelle annule l'article 350 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances en ce qu'il confirme l'article 4, 4°, de l'arrêté royal du 21 février 2014 relatif aux modalités d'application au secteur des assurances des articles 27 à 28bis de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers (arrêté royal de niveau 1).
Ensuite, la Cour constitutionnelle reçoit la critique formulée par Feprabel à l'égard de l'absence de catégorisation des clients de produits d'assurances en « clients de détail » et « clients professionnels ». Feprabel estimait que « l'absence d'une telle catégorisation met à charge des intermédiaires d'assurances des obligations disproportionnées à l'égard des clients disposant des connaissances, de l'expérience et des compétences requises pour prendre leurs propres décisions en matière d'assurance et évaluer correctement les risques encourus », créant ainsi une discrimination entre les établissements de crédit et les entreprises d'investissement d'une part et les intermédiaires et d'assurances et les entreprises d'assurances d'autre part.
Les arguments développés par le Conseil des ministres pour justifier l'absence de catégorisation étaient nombreux: la notion de « client professionnel » est adaptée aux spécificités de la clientèle du secteur bancaire et financier, une catégorisation implique une charge administrative importante avec un impact coût/bénéfice limité, la distinction entre les deux catégories tend à s'amenuiser dans le nouveau régime MiFID II, le secteur des assurances dispose d'une autre catégorisation (« grands risques ») et enfin la réassurance est exclue du champ d'application de la réglementation.
Ces arguments n'ont pas été retenus par la Cour constitutionnelle qui considère que « dès lors que l'objectif du législateur est d'instaurer un 'level playing field' entre les banques et les entreprises et intermédiaires d'assurances en étendant au secteur des assurances les règles de conduite imposées au secteur financier tout en les adaptant au secteur des assurances, il n'est pas raisonnablement justifié de ne pas permettre au Roi de prévoir des règles différentes selon qu'il s'agit de clients professionnels ou de clients de détail pour le secteur des assurances, alors qu'Il peut le faire pour le secteur financier ».
La Cour constitutionnelle annule l'article 350 de la loi du 4 avril 2014 en ce qu'il confirme l'article 4, 10°, de l'arrêté royal de niveau 1, en ce que cet article ne permet pas au Roi de prévoir des règles différentes selon qu'il s'agit de clients professionnels ou de clients de détail.