Article

Justice de paix Bruxelles (3e canton), 17/12/2015, R.D.C.-T.B.H., 2016/7, p. 687-690

Justice de paix de Bruxelles (3e canton)17 décembre 2015

INTERMÉDIAIRES COMMERCIAUX
Partenariat commercial - Bail commercial
Un contrat intitulé bail commercial prévoyant l'affectation des lieux aménagés préalablement par le bailleur à une activité de café/brasserie sous une enseigne particulière, ne constitue pas un contrat de franchise ou de partenariat commercial au sens de la loi du 19 décembre 2005 (à présent art. X.2 CDE). Du fait que le gérant du bailleur ait développé l'enseigne, le concept de décoration et d'exploitation et l'ait fait pour plusieurs établissements ayant des noms différents, ne découle pas qu'en réalité les parties ont convenu un tel contrat. En l'absence d'enseigne commune, de nom commercial commun à tous ces établissements et de transfert de savoir-faire, assistance technique ou commerciale, il n'y a pas de contrat de partenariat commercial.
TUSSENPERSONEN (HANDEL)
Commerciële samenwerkingsovereenkomst - Handelshuur
Een contract genaamd handelshuur krachtens hetwelk het door de verhuurder ingerichte pand wordt bestemd voor de uitbating van een café/brasserie onder een bepaald uithangbord vormt geen franchiseovereenkomst of een commerciële samenwerkingsovereenkomst in de zin van de wet van 19 décember 2005 (nu art. X.2 WER). Uit het feit dat de bestuurder van de verhuurder het uithangbord, de inrichting, en het exploitatieconcept heeft ontwikkeld en dit ook gedaan heeft voor andere panden met verschillende namen, volgt niet dat partijen in werkelijkheid dergelijke overeenkomst hebben gesloten. Bij gebrek aan gemeenschappelijk uithangbord, gemeenschappelijke handelsnaam en van overdracht van knowhow, technische of commerciële bijstand, is er geen commerciële samenwerkingsovereenkomst.

F&F S.P.R.L. / L&L S.P.R.L.

Siég.: R. Goris (juge de paix)
Pl.: Mes A. Cassart et J.-Ph. Gobiet
Affaire: 15A546

Vu la requête du 7 mai 2015 déposée au greffe le 21 mai 2015;

Vu l'ordonnance de fixation du 27 mai 2015 basée sur l'article 1344bis, alinéa 4, C. jud.;

Vu les convocations des parties par pli judiciaire du 27 mai 2015 basées sur l'article 1344bis, alinéa 4, C. jud.

1. Procédure

Le juge de paix a pris connaissance

1. de la requête d'instance, déposée le 21 mai 2015;

2. des conclusions de la S.P.R.L. F&F;

3. des conclusions additionnelles et de synthèse de la S.P.R.L. L&L;

4. des autres pièces et notamment les dossiers déposés pour la S.P.R.L. L&L et la S.P.R.L. F&F;

5. la note d'audience du 7 octobre 2015 de la S.P.R.L. F&F;

6. la requête en réouverture des débats de la S.P.R.L. L&L, déposée le 23 octobre 2015.

Le juge de paix a entendu les parties à l'audience publique du 7 octobre 2015. Ensuite les dossiers ont été déposés, les débats sont clos et la cause est prise en délibéré.

Le juge de paix constate que les dispositions de la loi du 15 juin 1935 relative à l'usage des langues en matière judiciaire sont respectées.

2. Les faits

Le 1er novembre 2012, les parties ont conclu un contrat intitulé bail commercial. Il s'agit d'une location d'un rez-de-chaussée commercial dans l'immeuble situé rue (…) 202 à 1000 Bruxelles appartenant à la S.P.R.L. F&F (suivant ce qui est mentionné dans le bail).

Les parties ont convenu que le preneur affectera les lieux loués exclusivement à une activité de café/brasserie et de petite restauration. La S.P.R.L. F&F a aménagé les lieux pour y exploiter un commerce de brasserie avec petite restauration, sous l'enseigne « La Belle Equipe ».

Les parties ont en outre conclu un contrat de cession du fonds de commerce le 17 octobre 2012 pour la somme de 50.000 EUR.

Le 28 janvier 2015 et le 6 mai 2015, la S.P.R.L. F&F met en demeure la S.P.R.L. L&L de payer des arriérés de loyers.

3. Les demandes

La S.P.R.L. F&F demande:

1. la résolution du bail de sous-location conclu entre parties relatif l'établissement situé à 1000 Bruxelles, rue (…) 202, aux torts et griefs de la S.P.R.L. L&L;

2. l'autorisation de procéder à l'expulsion à défaut de départ volontaire au jour du jugement à intervenir;

3. la condamnation de la S.P.R.L. L&L au paiement de

- la somme de 22.457,58 EUR au titre d'arriérés de loyers octobre 2015 inclus, majorée des loyers à échoir, augmentée des intérêts au taux commercial majoré de 2 points à dater du 1er jour de chaque mois en cause jusqu'au complet paiement;

- la somme de 22.000 EUR correspondant aux mensualités de paiement du fonds de commerce de décembre 2014 à septembre 2015 inclus, augmentées des intérêts au taux commercial majoré à dater du 3e jour de chaque mois en cause jusqu'au complet paiement;

- la somme de 2.525,86 EUR par mois au titre d'indemnité d'occupation à dater du prononcé de l'extinction du bail jusqu'au départ effectif;

- une somme de 15.155,16 EUR au titre d'indemnité de relocation augmentée des intérêts au taux commercial à dater du jugement à intervenir jusqu'au complet paiement;

4. de prendre acte de ses réserves quant à l'introduction d'une demande ultérieure relative aux éventuels dégâts locatifs ainsi que l'indemnité d'indisponibilité qui en résulterait, quant aux décomptes de charges, et quant au précompte immobilier relatif à 2015;

5. de débouter la S.P.R.L. L&L de ses demandes reconventionnelles;

6. à titre subsidiaire, de condamner la S.P.R.L. L&L à constituer la garantie locative;

7. la condamnation de la S.P.R.L. L&L aux dépens, majoré des intérêts au taux légal;

8. de dire les condamnations portables au cabinet de son conseil;

9. de déclarer le jugement à intervenir exécutoire par provision, nonobstant tout recours et sans caution ni possibilité de cantonnement.

La S.P.R.L. L&L demande:

1. de décliner notre compétence et renvoyer la cause devant le tribunal de commerce francophone de Bruxelles;

2. à titre subsidiaire, après avoir déclaré la demande de la S.P.R.L. F&F partiellement non fondée et annulé la clause d'indemnité de relocation,

- de prendre acte de ce que la S.P.R.L. L&L sollicite des termes et délais s'agissant de l'arriéré de loyers qu'elle propose de liquider comme suit: paiement mensuel du loyer en cours majoré d'une mensualité en retard jusqu'à apurement du solde;

- de prendre acte de ce que la S.P.R.L. L&L sollicite des termes et délais s'agissant du prix de la cession qu'elle propose de liquider comme suit: paiement mensuel de la mensualité en cours majoré d'un paiement de 1.000 EUR pour l'apurement de l'arriéré;

3. de refuser la demande en résolution et de débouter la S.P.R.L. F&F pour le surplus, notamment après avoir prononcé la nullité de la clause pénale contenue dans le contrat Belle Equipe;

4. de compenser les dépens.

4. Appréciation
4.1. La compétence du juge de paix - Contrat de bail commercial ou de franchise?

Les parties ont conclu un contrat intitulé bail commercial en date du 1er novembre 2012. Il s'agit d'une location d'un rez-de-chaussée commercial dans l'immeuble situé rue (…) 202 à 1000 Bruxelles appartenant à la S.P.R.L. F&F.

Les parties ont convenu que le preneur affectera les lieux loués exclusivement à une activité de café/brasserie et de petite restauration.

Le contrat de franchise est un contrat en vertu duquel une personne (le franchiseur) accorde à une autre personne (le franchisé), non seulement le droit de vendre des produits en son nom et pour son compte, mais aussi le droit d'utiliser un nom, une marque et un savoir-faire.

Du fait que le gérant de la S.P.R.L. F&F a développé l'enseigne, le concept de décoration et d'exploitation du café/brasserie « La Belle Equipe », seul ou en combinaison avec le contenu de la disposition de l'article 11 du contrat relatif au droit d'effectuer des travaux de transformation et avec l'obligation de brasserie repris dans l'article 16 du contrat ne découle pas qu'en réalité les parties ont convenu un contrat de franchising.

En l'occurrence, la S.P.R.L. L&L expose que le gérant de la S.P.R.L. F&F a développé plusieurs établissements horéca. Il n'est pourtant pas établi qu'il y a eu un transfert de savoir-faire, ni l'utilisation d'une enseigne ou d'un nom commun, s'agissant d'établissements qui ont des noms différents.

La S.P.R.L. L&L ne démontre pas d'éléments qui sont radicalement incompatibles avec la notion de bail commercial, ni que l'occupation des locaux n'est qu'un accessoire de l'administration d'un fonds de commerce qui leur est confié dans le cadre de relations commerciales complexes, caractéristiques du franchising.

Il n'y a pas lieu à requalifier le contrat de bail commercial du 1er novembre 2012 dans un contrat de franchise.

Par conséquent, le juge de paix est compétent de connaître de la cause.

4.2. La nullité de la clause pénale (l'indemnité de relocation - art. 16.3 du contrat de bail) pour violation des dispositions de la loi du 19 décembre 2005

La loi du 19 décembre 2005 s'applique aux accords de partenariat commercial conclus entre deux personnes, qui agissent chacune en son propre nom et pour son propre compte, par lequel une de ces personnes octroie à l'autre le droit, en contrepartie d'une rémunération, de quelque nature qu'elle soit, directe ou indirecte, d'utiliser lors de la vente de produits ou de la fourniture de services, une formule commerciale sous une ou plusieurs des formes suivantes:

- une enseigne commune;

- un nom commercial commun;

- un transfert d'un savoir-faire;

- une assistance commerciale ou technique.

La S.P.R.L. L&L ne prouve pas l'existence d'une enseigne commune ni d'un nom commercial commun. Les établissements de la S.P.R.L. F&F portent tous des noms différents (il s'agit du « Bravo », « Walvis » et « Belle Equipe »).

La S.P.R.L. L&L ne prouve ni le transfert d'un savoir-faire, ni une assistance commerciale ou technique de la part de la S.P.R.L. F&F.

Le bail de commerce du 1er novembre et son exécution ne sont par conséquent pas à considérer comme un partenariat commercial par lequel le droit d'utiliser une formule commerciale sous les formes prévues par l'article 2 de la loi du 19 décembre 2005 est octroyé.

Il n'y a par conséquent pas lieu à déclarer la clause pénale reprise dans l'article 16.3 du contrat de bail du 1er novembre 2012 nulle pour cause de violation des dispositions de ladite loi.

La S.P.R.L. F&F demande une indemnité de relocation équivalent à 6 mois de loyers.

La somme de 15.155,16 EUR excède manifestement le montant que les parties pouvaient fixer pour réparer le dommage résultant de l'inexécution de la convention. Il y a lieu à réduire d'office cette somme à un montant de 7.755,58 EUR en cas de résolution du bail aux torts et griefs de la S.P.R.L. L&L.

4.3. L'arriéré de loyers

Le montant actualisé demandé est de 22.457,58 EUR, mois d'octobre 2015 compris.

La S.P.R.L. L&L dépose avec la requête d'ouverture des débats une preuve de paiement d'un montant total de 5.051,72 EUR à titre d'indemnité d'occupation pour les mois de février et mars 2015 sans reconnaissance préjudiciable.

Il n'y a pas lieu à rouvrir les débats. Le paiement de 5.051,72 EUR correspond aux loyers pour les mois février et mars 2015 et est à imputer sur ce chef de la demande.

La demande est fondée pour un montant de 17.405,86 EUR, mois d'octobre 2015 compris.

4.4. La somme de 22.000 EUR correspondant aux mensualités de paiement du fonds de commerce de décembre 2014 à septembre 2015 inclus

Le prix convenu pour la cession s'élève à 50.000 EUR payable à raison de 2.000 EUR par mois à partir du 1er novembre 2013 (1.000 EUR par mois la première année à partir du 1er novembre 2013).

Le contrat de cession du fonds de commerce ne prévoit pas de clause de déchéance, il n'y a pas lieu à déclarer le solde du prix de la cession immédiatement exigible.

Ce chef de la demande est fondé pour un montant de 20.000 EUR au lieu de 22.000 EUR (décembre 2014 à septembre 2015 inclus fait 10 mois au lieu de 11).

4.5. La constitution de la garantie locative

L'article 7 du contrat de bail concernant la garantie de bail stipule que la garantie locative sera constituée par une banque notoirement connue, ayant son siège à Bruxelles.

La S.P.R.L. L&L ne prouve pas que cette garantie a été constituée.

Il y a lieu à condamner la S.P.R.L. L&L à constituer la garantie locative.

4.9. La résolution du bail

Les arriérés de loyers et la non-constitution de la garantie locative constituent un manquement contractuel suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat de bail conclu entre parties.

Il y a pourtant lieu à autoriser à la S.P.R.L. L&L d'apurer ses dettes moyennant des termes et délais et la résolution ne sera seulement prononcée qu'au cas où les loyers en cours ne seront pas payés et/ou que le plan de paiement ne sera pas respecté.

4.10. Le caractère portable des dettes

Il n'est pas dérogé de l'article 1247 du Code civil dans le contrat de bail. Il n'y a pas lieu à dire les condamnations pécuniaires portables au cabinet du conseil de la S.P.R.L. F&F.

4.11. L'exécution provisoire

Le présent jugement est exécutoire par provision en application de l'article 31, alinéa 2, de la loi du 30 avril 1951 concernant les règles particulières aux baux commerciaux.

4.12. Les intérêts moratoires

Le contrat de bail stipule dans l'article 6 un intérêt de retard correspondant au taux légal majoré de 2 points et pas un intérêt correspondant au taux commercial majoré de 2 points.

4.13. Les termes et délais

La S.P.R.L. L&L sollicite des termes et délais. La S.P.R.L. L&L se trouve dans la situation prévue par l'article 1244 du Code judiciaire.

Il y a lieu à octroyer des termes et délais comme détaillés ci-dessous.

Par ces motifs:

Nous, juge de paix, statuant contradictoirement;

Déclarons les demandes de la S.P.R.L. F&F et de la S.P.R.L. L&L recevables et partiellement fondées,

Condamnons la S.P.R.L. L&L à payer à la S.P.R.L. F&F:

- la somme de 17.405,86 EUR, au titre de loyer octobre 2015 compris, majorée des loyers à échoir, augmentée des intérêts au taux légal majoré de 2 points à dater du 1er jour de chaque mois en cause;

- la somme de 20.000 EUR correspondant aux mensualités de paiement du fonds de commerce de décembre 2014 à septembre 2015 inclus, augmenté des intérêts moratoires au taux légal à partir du 6 mai 2015 et les intérêts judiciaires.

Condamnons la S.P.R.L. L&L à constituer la garantie locative;

Condamnons la S.P.R.L. L&L en outre aux dépens;

Liquidons les dépens dans le chef de la partie S.P.R.L. F&F:

- frais de mise au rôle: 40 EUR ;

- indemnité de procédure: 2.200 EUR ;

- total: 2.240 EUR.

Autorisons la partie S.P.R.L. L&L à se libérer du montant de ces condamnations par versements mensuels de 4.000 EUR et dont le premier est fixé au 1er janvier 2016;

Disons pour droit que la garantie locative devra être constituée vers le 1er mars 2016;

Disons qu'à défaut de paiement à l'une des échéances, de la constitution de la garantie locative, ainsi que le loyer pendant cette période de facilités de paiement, le solde restant dû deviendra immédiatement exigible, sans mise en demeure préalable;

Dans ce cas:

- déclarons résolu aux torts de la partie S.P.R.L. L&L le bail existant entre parties;

- condamnons la partie S.P.R.L. L&L à quitter dans les 8 jours de la signification du présent jugement le bien loué sis à 1000 Bruxelles, rue (…) 202, et à le remettre à la libre et entière disposition de la partie F&F et disons pour droit qu'à défaut de ce faire par la partie L&L, la partie F&F est dès à présent, et pour lors autorisée à l'en faire expulser avec les siens et tous ceux qui pourraient s'y trouver de son chef et que leurs meubles et effets mobiliers seront mis sur le carreau par le premier huissier de justice à ce requis, au besoin avec l'aide de la force publique;

- condamnons la partie L&L à payer à la partie F&F la somme de 7.755,58 EUR à titre d'indemnité de relocation, augmentée des intérêts judiciaires au taux légal à dater de la date du jugement;

- condamnons la partie L&L au paiement d'une indemnité d'occupation à raison de 83,04 EUR par jour, ladite indemnité d'occupation étant entièrement due pour chaque jour entamé pendant lequel les lieux ne sont pas entièrement libérés;

Réserve à statuer sur:

- les éventuels dégâts locatifs, l'indemnité d'indisponibilité, les décomptes de charges, le précompte immobilier relatif à 2015

Remettons la cause contradictoirement à Notre audience publique du jeudi 21 janvier 2016 à 12:40 heures précises, à 1000 Bruxelles, rue Ernest Allard 40, premier étage, pour le surplus de la demande;

Fixons la durée des plaidoiries à 20 minutes;

Déclarons le présent jugement exécutoire par provision, nonobstant tout recours et sans caution;

Et Nous avons signé avec le greffier délégué.