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Plan financier et avances d'associé, R.D.C.-T.B.H., 2016/5, p. 470-472

VENNOOTSCHAPPEN
Besloten vennootschap met beperkte aansprakelijkheid - Oprichting - Aansprakelijkheid van oprichters - Financieel plan - Lening van de vennoten
Bij de beoordeling of het maatschappelijk kapitaal wel berekend was op de voorgenomen activiteiten moet rekening worden gehouden met het geheel van financiële middelen waarover de vennootschap kon beschikken om haar doelstellingen te realiseren, ook al is daarvan geen melding gemaakt in het financieel plan.
Tot die financiële middelen behoren ook de gelden die de vennoten buiten het maatschappelijk kapitaal ter beschikking van de vennootschap stellen.
SOCIÉTÉS
Société privée à responsabilité limitée - Constitution - Responsabilité des fondateurs - Plan financier - Avances d'associés
Lorsqu'on examine si le capital social était suffisant pour les activités envisagées, il faut tenir compte de l'ensemble des moyens financiers dont la société pouvait disposer pour réaliser ses objectifs, même s'il n'en est pas fait mention dans le plan financier.
Font aussi partie de ces moyens financiers les fonds que les associés mettent à la disposition de la société en dehors du capital social.
Plan financier et avances d'associé
Henri Culot [1]

1.L'arrêt commenté statue sur l'action en responsabilité des fondateurs pour capital insuffisant (art. 229, al. 1er, 5°, C. soc.), introduite par le curateur de la société faillie. Cette problématique classique étant abondamment commentée en doctrine [2], ces brèves observations se limitent à deux questions sur lesquelles la cour prend expressément position:

    • le juge peut-il tenir compte des fonds avancés par un associé pour apprécier si le capital de départ était suffisant?
    • le juge peut-il tenir compte de prêts accordés à la société alors qu'ils n'étaient pas prévus par le plan financier?
    1. Incidence d'une avance d'associé

    2.Dans l'exposé des faits, la cour d'appel relève que le plan financier rédigé à la constitution de la société prévoyait un montant de 26.000 EUR à titre d'aide financière des associés. Mais, pendant son premier exercice, la société a emprunté environ 162.000 EUR à une autre SPRL, dont la dénomination laisse penser qu'elle était contrôlée par la même personne physique. Il s'agissait donc (indirectement) d'une avance d'associé, qui avait été comptabilisée en compte courant.

    3.Le curateur argumentait que ce type de financement n'équivaut pas à du capital, puisqu'il s'agit de fonds remboursables, donc soumis à un moindre risque que le capital. Par ailleurs, le prêt est productif d'intérêts. Le financement par l'emprunt a pour conséquence que le bilan paraît moins solide, puisqu'il contient moins de fonds propres et plus de dettes, et qu'une charge d'intérêts vient grever le résultat annuel.

    4.La cour d'appel rejette ces arguments. Sur le plan des principes, elle affirme que l'examen du capital suffisant doit tenir compte de tous les moyens financiers mis à la disposition de la société pour réaliser son activité. Ainsi, les fonds empruntés sont en quelque sorte mis sur le même pied que les fonds propres: une société qui dispose d'une grande quantité des premiers peut, sans que son capital soit jugé insuffisant, n'avoir qu'un peu des seconds.

    La cour complète sa réponse en fait: s'il est exact que les avances d'associés sont remboursables, et constituent donc un financement moins « solide », ou plus « aléatoire », que le capital [3], aucun remboursement du prêt n'avait, en l'espèce, été demandé par le prêteur. De même, l'avance (contrairement à l'apport en capital) est certes productive d'intérêts, mais le prêteur n'avait pas exigé le paiement de ceux-ci. Ainsi, la circonstance que l'associé ait financé la société au moyen d'un prêt plutôt que d'un apport en capital n'a pas pu être la cause de ses difficultés financières ni de sa faillite, car le prêt a, dans les faits, été traité comme du capital.

    5.La doctrine est parfois plus nuancée, en invitant à distinguer, dans le plan financier, les fonds propres des montants empruntés [4], et à éviter de prévoir un endettement trop pesant (selon le secteur et l'activité), qui n'est pas le signe d'une gestion saine. En réalité, tous sont d'accord pour considérer que le plan financier doit tenir compte de tous les moyens de financement, et qu'il ne doit pas nécessairement prévoir que la totalité de l'activité sera financée au moyen d'apports en capital [5]. Les éventuelles nuances apparaissent chez ceux qui ajoutent que tous les types de financement ne sont pas strictement équivalents, ce que le plan financier doit aussi refléter. Pour le dire autrement, le plan doit démontrer une structure de financement viable « pour assurer l'exercice normal de l'activité projetée pendant une période de 2 ans au moins » (art. 229, al. 1er, 5°, C. soc.).

    6.Cette assimilation de l'avance d'associé au capital peut aussi avoir une incidence lorsque le capital n'est pas entièrement libéré avant la faillite et que l'associé se défend de l'action du curateur en libération du solde en invoquant une compensation avec la créance résultant du remboursement d'avances [6].

    En situation de concours, la compensation n'est admise qu'en présence d'un lien étroit de connexité entre les créances réciproques [7]. Certaines juridictions [8], dont la même cour d'appel d'Anvers, ont établi cette connexité par un raisonnement analogue à celui qu'adopte l'arrêt commenté, qui considère les prêts d'associés comme une sorte de quasi-capital, ou comme un équivalent à l'apport en capital. Les tenants de cette thèse, qui semblent rester minoritaires, trouveront dans cet arrêt une forme de soutien, quoiqu'ici la question soit sensiblement différente en raison de l'argument de principe présenté supra: en toute hypothèse, tous les moyens financiers mis à la disposition de la société, quelle que soit leur nature, sont considérés par le juge pour statuer sur la responsabilité des fondateurs.

    2. Plan financier et appréciation a posteriori

    7.La doctrine explique traditionnellement l'obligation de rédiger un plan financier avant la constitution de la société, de l'annexer à l'acte de constitution, et de le transmettre au tribunal en cas de faillite dans les 3 ans de la constitution de la société (art. 215 et 229, al. 2, C. soc.) par le souci d'éviter que le juge adopte un point de vue a posteriori lorsqu'il statue sur l'insuffisance du capital [9].

    Le plan financier doit permettre au tribunal de se replacer dans la situation (et l'état d'esprit) des fondateurs au moment de la constitution, et d'examiner s'ils ont, avec la prudence requise à ce moment et dans ces circonstances, prévu des moyens financiers suffisants. Le juge doit ainsi éviter toute appréciation a posteriori alors qu'il statue après la faillite, soit à un moment où, par hypothèse, les moyens financiers effectifs de la société se sont révélés insuffisants [10].

    8.Sous cet angle, l'arrêt annoté a de quoi étonner puisqu'il raisonne précisément a posteriori, fût-ce en faveur du fondateur.

    Le plan financier ne prévoyait qu'une avance d'associé de 26.000 EUR, alors que l'associé (plus précisément, une société qu'il contrôle) aura finalement prêté plus de 6 fois ce montant au cours du premier exercice de la société.

    On pourrait assez logiquement y voir la démonstration que les moyens financiers, tels que prévus par le plan financier, étaient largement insuffisants ou, pour l'exprimer de manière plus techniquement exacte, que le capital était insuffisant eu égard aux moyens financiers mentionnés dans le plan.

    9.La cour préfère un autre type de raisonnement, qui se base sur les moyens financiers dont la société a réellement disposé, même s'ils n'étaient pas prévus dans le plan financier.

    En équité, on comprend qu'elle souhaite éviter au fondateur d'être condamné à rembourser une partie du passif social, alors qu'il a très largement financé la société (en capital et en prêt) et que son investissement a perdu toute valeur.

    Mais cette décision est tout de même étonnante sur le plan des principes, car le même raisonnement serait difficile à tenir dans la situation inverse. Si le plan financier prévoyait d'importants financements en prêt par les associés, de sorte que les fondateurs auraient prévu de manière raisonnable et prudente les moyens financiers suffisants pour conduire l'activité sociale, mais qu'il s'avérait par la suite que (sans faute des fondateurs) les avances en question n'ont pas été réellement accordées à la société, devrait-on exonérer les fondateurs de toute responsabilité car ils ont été prudents au moment de la constitution, ou faudrait-il les condamner en tenant compte des (maigres) fonds dont la société a réellement disposé, donc d'éléments postérieurs?

    On se range traditionnellement à la première position, effectivement plus respectueuse du texte et de l'esprit de la loi, et des rôles de chacun en particulier lorsque les fondateurs ne deviennent pas gérants de la société.

    10.Pourtant, il faut se rappeler que le plan financier n'est qu'une preuve, parmi d'autres, de l'insuffisance (éventuelle) du capital [11]. Il ne s'agit donc pas de se demander si les fondateurs ont prudemment rédigé leur plan financier, mais si le capital était ou non insuffisant. Tous les éléments de fait peuvent être utilisés pour cette démonstration.

    La décision aurait pu constater en fait que, même si le plan financier ne prévoyait qu'un prêt de faible montant, le fondateur avait l'intention de compléter le financement par des avances à concurrence d'un montant bien plus important, en cas de besoin financier de la société. La preuve de cette intention pourrait notamment résulter de l'exécution qui lui a été donnée par la suite [12].

    Le fondateur n'avait peut-être pas invoqué cet argument. Et, le cas échéant, il aurait pu inscrire cette intention dans le plan financier, ce qui lui aurait peut-être évité l'action dont il a dû se défendre [13].

    11.En outre, la responsabilité des fondateurs est soumise à l'appréciation du juge, qui peut moduler la condamnation en fonction des circonstances. Les avances effectuées et l'absence de demande de remboursement ou de paiement d'intérêts peuvent constituer de telles circonstances conduisant le juge à ne condamner les fondateurs qu'à raison d'une partie des engagements de la société [14].

    [1] Chargé de cours invité à l'Université catholique de Louvain, professeur invité à l'Université Saint-Louis - Bruxelles, avocat au barreau de Bruxelles.
    [2] En général, parmi d'autres: O. Caprasse, « La responsabilité des fondateurs en cas de capital insuffisant », in B. Tilleman, A. Benoit-Moury, O. Caprasse et N. Thirion, La constitution de sociétés et la phase de démarrage d'entreprises, Bruges, die Keure, 2003, pp. 573-589; A. Coibion, « L'insuffisance manifeste du capital social à la lumière du plan financier et la responsabilité encourue par les fondateurs et le notaire instrumentant », R.D.C., 2002, pp. 715-724; M. Coipel, « Les sociétés privées à responsabilité limitée », Rép. not., Bruxelles, Larcier, 2008, pp. 198-208; P. Coussement et M. Tison, « Oprichtersaansprakelijkheid », Bestendig Handboek Vennootschap & Aansprakelijkheid, Kluwer, 2003, 46 p. et les références citées; Y. De Cordt (coord.) et al., « La société anonyme », R.P.D.B., Bruxelles, Bruylant, 2014, pp. 31-33; M.A. Delvaux, « Les responsabilités des fondateurs, associés, administrateurs et gérants des SA, SPRL et SCRL », vol. 1, Guide juridique de l'entreprise, Livre 24.3, 2011, nos 070-250; T. Tilquin et V. Simonart, Traité des sociétés, t. 3, Bruxelles, Kluwer, 2005, pp. 590 et s.; J. Windey, « Incidence du concordat et de la faillite sur la responsabilité des administrateurs et des fondateurs », R.D.C., 2001, pp. 319-324.
    [3] Voy. aussi Comm. Tongres, 19 février 2009, R.W., 2008-2009, p. 1778.
    [4] Voy. A. Coibion, o.c., p. 718; Y. De Cordt (coord.) et al., o.c., pp. 29-30; M.A. Delvaux o.c., n° 205; J. Windey, o.c., p. 320.
    [5] D. Bruloot, Vennootschapskapitaal en schuldeisers, Anvers, Intersentia, 2014, p. 54 et les références citées; M. Coipel, o.c., p. 202; M.A. Delvaux, o.c., n° 215; P. Hainaut-Hamende et G. Raucq, « Les sociétés anonymes », t. 1, Constitution et fonctionnement, Rép. not., Bruxelles, Larcier, 2005, p. 176 et les références citées; T. Tilquin et V. Simonart, o.c., p. 520. Aussi Bruxelles, 20 avril 2010, R.D.C., 2012, p. 38.
    [6] Sur cette question, H. Culot, « La libération du capital: examen de quelques difficultés pratiques », in J. Malherbe et E.-J. Navez (coords.), Droit des affaires et sociétés. Actualités et nouveaux enjeux, Limal, Anthemis, 2013, pp. 115-117.
    [7] Comm. Bruxelles, 25 janvier 2000, Rev. prat. soc., 2001, p. 315; Comm. Liège, 9 mai 2003, D.A.O.R., 2002, p. 418; Cass., 7 mai 2004, Pas., 2004, I, p. 774; Liège, 25 février 2008, J.L.M.B., 2009, p. 1836; Comm. Tongres, 19 février 2009, R.W., 2008-2009, p. 1778; M. Grégoire et al., Procédures collectives d'insolvabilité, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 272 et s.; F. T'Kint, obs. sous Gand, 25 septembre 1991, Rev. prat. soc., 1992, pp. 111-112; P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, t. III, Bruxelles, Bruylant, 2010, pp. 2167-2169; M. Van Quickenborne, « Réflexions sur la connexité objective, justifiant la compensation après faillite » (note sous Cass., 25 mai 1989), R.C.J.B., 1992, pp. 354-390.
    [8] Comm. Bruxelles, 25 janvier 2000, Rev. prat. soc., 2001, p. 315; Liège, 14 avril 2005, Rev. prat. soc., 2004, p. 369, obs. R. Aydogdu et O. Caprasse; Gand, 25 juin 2007, R.D.C., 2008, p. 731, note R. Houben; Anvers, 10 décembre 2009, R.A.B.G., 2010, p. 176.
    [9] Y. De Cordt (coord.) et al., o.c., pp. 30-31; T. Tilquin et V. Simonart, o.c., p. 603. Une autre vertu du plan financier est d'obliger les fondateurs à prendre le temps de réfléchir au financement de l'activité de la société qu'ils fondent (not. D. Bruloot, o.c., p. 55; Y. De Cordt (coord.) et al., o.c., pp. 30-31).
    [10] A. Coibion, o.c., p. 716; M. Coipel, o.c., pp. 203-204; M.A. Delvaux, o.c., n° 220; T. Tilquin et V. Simonart, o.c., pp. 602-603; J. Windey, o.c., p. 320. Bruxelles, 20 avril 2010, R.D.C., 2012, p. 38.
    [11] A. Coibion, o.c., p. 721; M.A. Delvaux, o.c., n° 220; T. Tilquin et V. Simonart, o.c., pp. 603-604; J. Windey, o.c., p. 321. Dans son arrêt du 20 avril 2010 (précité), la cour d'appel de Bruxelles estime, contrairement à ce qui est défendu ici, que toutes les sources de financement connues des fondateurs au moment de la constitution de la société doivent être mentionnées dans le plan financier; elle refuse en conséquence de tenir compte d'autres éléments, sauf les circonstances imprévisibles survenues après la constitution.
    [12] Comp. M. Coipel (o.c., p. 204), qui rejette la thèse selon laquelle « des événements postérieurs imprévisibles [pourraient] rendre suffisant un capital qui ne l'était pas à l'origine », mais qui ajoute que « si le capital est suffisant au départ, vu les prévisions raisonnables et consciencieuses de fondateurs, des événements imprévus survenus après la constitution de la société et ayant causé la faillite […] ne peuvent engager la responsabilité des fondateurs ».
    [13] Voy. A. Coibion, o.c., p. 718.
    [14] En ce sens, Mons, 13 septembre 1989, Rev. prat. soc., 1989, p. 206; R.D.C., 1990, p. 342 (avances consenties par les associés au-delà de ce que prévoyait le plan financier); Liège, 5 mai 1994, R.D.C., 1996, p. 196 (se référant à l'arrêt de la cour d'appel de Mons précité); Liège, 14 novembre 2000, J.L.M.B., 2002, p. 1341; M. Coipel, o.c., p. 205; T. Tilquin et V. Simonart, o.c., p. 605.