Article

Tribunal de commerce francophone Bruxelles, 26/05/2015, R.D.C.-T.B.H., 2016/4, p. 401-406

Tribunal de commerce francophone de Bruxelles 26 mai 2015

INTERMÉDIAIRES
Droit de la distribution - Information précontractuelle - Sanctions de nullité - Article X.30, alinéa 1erou alinéa 2, CDE
En cette affaire, aucun exemplaire de dossier d'information précontractuelle (DIP) signé pour réception par le franchisé n'était déposé et, dans le préambule des contrats signés, l'emplacement réservé à la date de la communication du DIP était chaque fois restée vide. Pour le tribunal, même à supposer qu'un exemplaire du DIP ait été effectivement remis au franchisé, ce que celui-ci conteste, une telle remise ne fait en aucun cas (sic) la preuve de ce qui était contenu dans le DIP. Ceci permet au franchisé de ne plus être tenu par le délai de 2 ans de l'article X.30, alinéa 1er, CDE, qui sanctionne le défaut de communication du DIP. Est aussi applicable le délai de 10 ans du droit commun (art. 2262bis, § 1er, C. civ.) pour l'article X.30, alinéa 2, CDE, qui sanctionne le défaut de contenu du DIP. En application de cette dernière disposition, le tribunal accepte que le franchisé puisse choisir, à sa convenance, les clauses dont il demande la nullité.
TUSSENPERSONEN (HANDEL)
Distributierecht - Precontractuele informatie - Nietigheidssancties - Artikel X.30, eerste lid 1 of tweede lid WER
In casu werd geen enkel exemplaar van het precontractueel informatiedossier, getekend voor ontvangst door de fran­chisenemer, ingediend. Bovendien was de ruimte die voorzien was voor de datum van de overmaking van het precontractueel informatiedossier in de preambule van de getekende contracten steeds leeg gebleven. De rechtbank is van oordeel, zelfs in de veronderstelling dat er effectief een exemplaar van het precontractueel informatiedossier werd overgemaakt aan de franchisenemer, wat deze tegenspreekt, dat een dergelijke overmaking in ieder geval (sic) niet het bewijs uitmaakt van de inhoud van het precontractueel informatiedossier. Hierdoor is de franchisenemer niet meer gehouden door de tweejarige termijn vooropgesteld in artikel X.30, eerste lid WER, die het ontbreken van het overmaken van het precontractueel informatiedocument sanctioneert. De tienjarige verjaringstermijn van het gemeen recht (art. 2262bis, § 1 BW) is dan weer van toepassing op artikel X.30, tweede lid WER, dat het ontbreken van de inhoud van het precontractueel informatiedocument sanctioneert. Bij toepassing van deze laatste bepaling aanvaardt de rechtbank dat de franchisenemer, naar eigen goeddunken, kan kiezen van welke clausules hij de nietigheid vraagt.

SPRL Demagi et SPRL Dezita / SA O.D. Franchising

Siég.: M. Rizzo (juge, président de la chambre), M. Vanderbreetstraeten (juge consulaire) et M. Abelew (juge consulaire suppléant)
Pl.: Mes A. Iwaszko loco P. Demolin et A. Mottet Haugaard
Affaire: A/13/05734

(…)

Vu les pièces de la procédure et notamment:

- l'exploit de citation du 5 juillet 2013;

- le jugement définitif partiel du 24 octobre 2013;

- les conclusions additionnelles et de synthèse des demanderesses déposées le 2 juin 2014;

- les conclusions additionnelles et de synthèse de la défenderesse déposées le 1er août 2014;

- les pièces déposées par les parties;

- la « notice explicative » de la défenderesse (qui actualise le dispositif de celle-ci).

Entendu les conseils des parties aux audiences publiques du 23 septembre 2014 et du 18 novembre 2014,

Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

1. Les antécédents et les demandes

La SA O.D. Franchising organise et exploite des salons de coiffure sous l'enseigne « Olivier Dachkin » dans le cadre d'un réseau de franchise.

Le 21 avril 2004, elle a signé un premier contrat de franchise « Olivier Dachkin » avec la SPRL Demagi, actuellement administrée par madame D.G. et, sa mère, madame M.D., en vue de l'exploitation d'un salon de coiffure « Olivier Dachkin », à Montigny-le-Tilleul.

Quelques mois plus tard, le 15 décembre 2004, O.D. Franchising et Demagi ont signé un deuxième contrat de franchise en vue de l'exploitation d'un deuxième salon de coiffure « Olivier Dachkin » à Soignies.

A cette occasion, O.D. Franchising et Demagi ont signé un nouveau contrat de franchise en vue de l'exploitation du premier salon de coiffure, afin que les deux contrats aient la même date et se terminent le même jour.

Les gérantes de la SPRL Demagi ont décidé, en 2007 d'exploiter de nouveaux salons de coiffure « Olivier Dachkin » et ce, au travers d'une nouvelle société, à savoir la SPRL Dezita.

O.D. Franchising et Dezita ont ainsi signé un premier contrat de franchise le 5 avril 2007 en vue de l'exploitation d'un salon de coiffure « Olivier Dachkin », à Courcelles.

A cette occasion, O.D. Franchising et Demagi ont signé deux nouveaux contrats de franchise en vue de l'exploitation des deux premiers salons de coiffure, afin qu'ils aient tous les trois la même date.

Le 15 octobre 2009, Dezita a signé avec O.D. Franchising un contrat de franchise portant sur un deuxième salon de coiffure « Olivier Dachkin » à Châtelet, soit un quatrième salon pour ses gérantes.

A cette occasion, O.D. Franchising et respectivement Demagi et Dezita ont signé trois nouveaux contrats de franchise afin que les quatre contrats aient la même date (une durée de 6 ans prenant cours le 15 octobre 2009).

A partir de l'année 2012, les relations entre parties se sont détériorées.

Le 14 juin 2013, O.D. Franchising a mis Demagi et Dezita en demeure de remédier aux manquements contractuels qu'elle disait avoir constatés, à savoir le refus de recevoir son délégué, l'utilisation de produits « Kerastase » en lieu et place des produits « Wella », le refus des capes jetables qui leur étaient livrées, le refus des nouvelles promotions et le refus de payer les factures relatives à la publicité.

Demagi et Dezita ont répondu à cette mise en demeure par l'envoi, le 18 juin 2013, d'un projet de citation.

Le 5 juillet 2013, Demagi et Dezita ont effectivement lancé assignation à l'encontre d'O.D. Franchising.

Par jugement du 24 octobre 2013, le tribunal de céans, donnant acte aux parties de leur accord, a prononcé la résiliation des quatre contrats de franchise à la date du 31 octobre 2013, et ce tous droits saufs et réservés quant à l'imputabilité de ces résiliations, et a renvoyé le surplus au rôle.

Demagi et Dezita demandent actuellement au tribunal de:

A titre principal

- prononcer la nullité des quatre contrats de franchise signés entre les parties le 15 octobre 2009 aux torts et griefs d'O.D. Franchising, ou à tout le moins dire pour droit que ces contrats ont été résolus aux entiers torts et griefs d'O.D. Franchising;

- condamner O.D. Franchising à payer aux demanderesses des dommages et intérêts à concurrence d'une somme de 1 EUR à titre provisionnel à valoir sur une somme évaluée à 20.000 EUR et réserver à statuer pour le surplus;

- déclarer les demandes reconventionnelles non fondées.

A titre subsidiaire

- ordonner à O.D. Franchising de produire un document d'information précontractuelle mis à jour, afin qu'il puisse être comparé à celui repris dans son dossier de pièces, et que le tribunal puisse constater l'état actuel du réseau de franchise.

O.D. Franchising conclut au non-fondement de la demande principale.

A titre reconventionnel, elle demande au tribunal de:

- constater que les quatre contrats de franchise ont été résiliés aux torts exclusifs des demanderesses au principal, et en conséquence:

° condamner Demagi à payer à O.D. Franchising la somme de 28.500,84 EUR, à titre d'indemnité de rupture, à augmenter des intérêts judiciaires au taux légal à dater du 31 octobre 2013;

° condamner Dezita à payer à O.D. Franchising la somme de 26.763,36 EUR, à titre d'indemnité de rupture, à augmenter des intérêts judiciaires au taux légal à dater du 31 octobre 2013;

- constater que les demanderesses au principal ont exploité leurs quatre salons de coiffure sous une enseigne commune en violation de leur obligation post-contractuelle et, en conséquence:

° condamner chacune des demanderesses au principal à payer à O.D. Franchising la somme de 50.000 EUR (25.000 EUR par salon), à titre de violation de la clause de limitation de concurrence, à augmenter des intérêts judiciaires au taux légal à dater du 31 octobre 2013;

- constater que les demanderesses au principal n'ont pas procédé au retrait de tous les signes distinctifs du réseau « Olivier Dachkin » pour le 7 novembre 2013 et, en conséquence:

° ordonner à Dezita de procéder au retrait du salon situé à 6200 Châtelet, Place Saint-Roch, 8 du contour en alucubon beige, qui constitue un signe distinctif et/ou de ralliement propre au réseau « Olivier Dachkin », sous peine d'une astreinte de 5.000 EUR par jour au cours duquel Dezita serait en infraction au jugement à intervenir;

° dans l'hypothèse où par impossible, Dezita n'aurait pas obtempéré à l'ordre de cessation susmentionné dans les 8 jours de la signification du jugement à intervenir, autoriser O.D. Franchising à faire procéder, aux frais de Dezita, au retrait du contour en alucubon beige du salon situé à 6200 Châtelet, Place Saint-Roch, 8;

° condamner Demagi à payer à O.D. Franchising la somme de 25.000 EUR (12.500 EUR par salon), à titre d'indemnité, suite au défaut de Demagi de procéder volontairement au retrait du contour en alucubon beige de chacun de ses salons, à augmenter des intérêts judiciaires au taux légal à dater du 7 novembre 2013;

° condamner Dezita à payer à O.D. Franchising la somme de 12.500 FUR, à titre d'indemnité, suite au défaut de Dezita de procéder volontairement au retrait du contour en alucubon beige de son salon situé à 6200 Châtelet, Place Saint Roch 8, à augmenter des intérêts judiciaires au taux légal à dater du 7 novembre 2013;

- condamner Demagi à payer à O.D. Franchising la somme en principal de 27.690,85 EUR, à titre de factures impayées, à majorer des intérêts conventionnels au taux de 12% calculés depuis la date d'échéance de chaque facture sur le solde impayé ainsi qu'une clause pénale fixée à 10% sur les montants impayés avec un montant minimum de 70 EUR par facture;

- condamner Dezita à payer à O.D. Franchising la somme en principal de 31.243,31 EUR, à titre de factures impayées, à majorer des intérêts conventionnels au taux de 12% calculés depuis la date d'échéance de chaque facture sur le solde impayé ainsi qu'une clause pénale fixée à 10% sur les montants impayés avec un montant minimum de 70 EUR par facture.

2. Discussion
1) La validité des contrats de franchise

Les demanderesses fondent leur action en annulation sur le non-respect par la défenderesse des dispositions de la loi du 19 décembre 2005 relative à l'information précontractuelle dans le cadre d'accords de partenariat commercial.

L'article 3 de la loi exige qu'au moins 1 mois avant la conclusion de l'accord, la personne qui octroie le droit - ici le franchiseur - communique à l'autre personne - le franchisé - le projet d'accord ainsi qu'un document d'information précontractuelle contenant des données visées à l'article 4 de la loi - le DIP -, le tout par un écrit ou sur un support durable.

Le DIP doit comporter en substance deux parties: un exposé des dispositions contractuelles importantes (durée de l'accord, conditions de préavis, exclusivité, clauses de non-concurrence, etc. - art. 4, § 1er, 1°, de la loi) et un exposé des données commerciales et financières nécessaires à une appréciation correcte du partenariat commercial (identité et activités de la partie qui octroie le droit, historique, état et perspectives du marché, nombre d'exploitants existants, investissements exigés de l'autre personne, etc. - art. 4, § 1er, 2°, de la loi).

Si les documents exigés ne sont pas communiqués à la partie qui a obtenu le droit dans la forme voulue et si le délai d'attente d'1 mois n'est pas respecté, la partie qui a obtenu le droit peut invoquer la nullité de l'accord dans les 2 ans suivant la conclusion de celui-ci (art. 5, al.1er, de la loi). En outre, en cas d'omission des données contractuelles à fournir dans le DIP (art. 4, § 1er, 1°, de la loi), la partie qui a obtenu le droit pourra invoquer la nullité des dispositions de l'accord correspondantes (art. 5, al. 2, de la loi).

Les demanderesses soutiennent qu'elles n'ont pas reçu de DIP préalablement à la signature des contrats de franchise le 15 décembre 2009. Elles indiquent également n'avoir pas reçu de DIP lors de la signature des précédents contrats de franchise.

La défenderesse conteste les faits ainsi allégués. Elle soutient que Dezita a bel et bien reçu un DIP comportant notamment la liste des obligations contractuelles importantes 1 mois avant la signature des contrats fin 2009.

A l'appui de ses dires, elle produit un accusé de réception des projets de contrat et du DIP signé le 10 septembre 2009 par D.G. au nom et pour compte de la société Dezita.

Il y a, toutefois, lieu de constater qu'aucun exemplaire de DIP signé pour réception par Dezita n'est déposé et que, dans le préambule des contrats signés le 15 octobre 2009, l'emplacement réservé à la date de la communication du DIP a été, à chaque fois, laissé vide.

Même à supposer qu'un exemplaire de DIP ait été effectivement remis à Dezita, ce que celle-ci conteste, une telle remise ne fait en aucun cas la preuve de ce qui était contenu dans le DIP.

La défenderesse, qui a la charge de prouver que les dispositions légales relatives à la communication du DIP ont été respectées, ne démontre donc pas qu'un DIP reprenant les données de l'article 4 de la loi du 19 décembre 2005 a été remis préalablement à la signature des contrats le 15 octobre 2009.

Le non-respect de l'obligation de fournir un DIP en conformité avec les articles 3 et 4 de la loi est sanctionné par la nullité de l'article 5. Lorsqu'elle est invoquée par la personne qui a obtenu le droit, cette sanction est automatiquement prononcée par le juge, sous réserve de l'existence d'un abus de droit (P. Kileste et N. Godin, « La sanction du défaut d'information précontractuelle dans les contrats de partenariat commercial », J.T., 2013, p. 825; O. Clevenbergh, « La place de l'étude de marché et du plan prévisionnel au sein de l'information précontractuelle à fournir au franchisé en vertu de la loi du 19 décembre 2005 et du droit commun - La sanction du caractère inexacte ou incomplet des informations communiquées », R.D.C., 2008, p. 199).

La nullité du contrat prévue à l'article 5, alinéa 1er, de la loi ne peut plus être invoquée, le délai de 2 ans à compter de la date la signature étant expiré.

Les demanderesses sont, en revanche, en droit d'obtenir la nullité des dispositions importantes visées par l'article 4, § 1er, 1°, de la loi et contenues dans les contrats signés le 15 décembre 2009, telles que celles relatives au mode de calcul de la rémunération, aux obligations en matière de publicité ou aux conséquences de la fin des contrats.

La nullité de l'article 5, alinéa 2, est, en effet, d'application lorsque, comme en l'espèce, il n'est pas prouvé qu'un DIP a été fourni. C'est à tort que la défenderesse entend limiter le champ d'application de cette nullité au seul cas où un DIP aurait bien été remis mais sans que la clause faisant l'objet de la demande en nullité y soit mentionnée.

La nullité des dispositions importantes visées par l'article 4, § 1er, 1°, et prévues dans les contrats n'a pas pour conséquence la nullité de l'ensemble des contrats, contrairement à ce que les demanderesses laissent entendre. La nullité de ces clauses n'a, en effet, pas pour conséquence de priver le contrat de son objet et de sa cause, les éléments essentiels du contrat pouvant toujours être déterminés par la manière dont le contrat a été exécuté par les parties.

La nullité des contrats ne peut davantage être fondée sur l'existence d'un vice de consentement. Il n'apparaît pas, en effet, que la non-remise du DIP soit la manifestation d'une manoeuvre frauduleuse ou d'une réticence dolosive.

Les contrats n'étant pas affectés d'une cause de nullité, il convient, dès lors, de déterminer à quelle partie doit être imputée leur résiliation.

2) Les fautes reprochées à O.D. Franchising

Les demanderesses soutiennent que la défenderesse a commis des fautes graves qui justifient la résolution du contrat à ses torts.

Elles lui reprochent d'avoir entendu leur imposer de ne plus utiliser et vendre dans leurs salons de coiffure les produits des marques « L'Oréal » et « Kerastase » qu'elles utilisent depuis des années et qui sont réclamés par la clientèle, et d'accepter, à la place, les produits de la marque « Wella », beaucoup moins connus en Belgique.

Elles lui reprochent également d'avoir entendu leur imposer l'achat de capes de coupes jetables, vendues, de surcroît, à un prix supérieur à celui qu'elles pouvaient obtenir en s'adressant directement au fournisseur.

Elles lui font aussi grief d'avoir multiplié les factures relatives à la publicité, nonobstant les redevances publicitaires prévues dans les contrats, et ce sans rendre compte de l'utilisation des sommes payées par les franchisés ni produire le moindre justificatif des dépenses en publicité.

Elles lui reprochent enfin d'avoir imposé une politique marketing intenable financièrement en multipliant les promotions permettant à la clientèle d'obtenir des réductions que les demanderesses devaient ensuite assumer.

La logique du système de franchise est fondée sur une utilisation uniforme de la formule commerciale mise au point par le franchiseur et transmis au franchisé au début de contrat. Le franchisé doit en user selon les instructions du franchiseur et ne peut prendre d'initiative sans l'accord de celui-ci. En cours d'exécution du contrat, le franchiseur a le droit de faire évoluer son concept commercial. Il veillera, toutefois, à le faire en prenant en considération les intérêts de ses franchisés.

Sur la base des éléments soumis, il n'apparaît pas que l'obligation de s'approvisionner exclusivement en produits Wella ait un caractère fautif. Le remplacement d'un fournisseur agréé rentre dans les prérogatives du franchiseur et le choix de Wella comme nouveau fournisseur agréé pour les colorants avait été annoncé aux franchisés dès 2008. A cette occasion, il avait été précisé que l'utilisation des autres produits, en particulier les produits L'Oréal, ne serait autorisée que pour un temps limité. Par ailleurs, il s'avère que les ristournes accordées par Wella étaient plus importantes que celles accordées par L'Oréal.

Le choix de recourir aux capes jetables (en lieu et place des capes en toile) pour l'ensemble du réseau n'est pas davantage fautif et, vu que le modèle de cape utilisé, revêtu du logo Olivier Dachkin, est un modèle unique, il n'est pas anormal qu'il soit un peu plus cher que le modèle de base.

Au cours de l'année 2013, Olivier Dachkin a diffusé, à plusieurs reprises, des offres promotionnelles (p. ex. des bons de réduction de -50% sur les mèches ou balayages) dans le but d'attirer de nouvelles clientes ou de réduire le temps entre deux visites des clientes existantes. Si certaines de ces actions promotionnelles pouvaient mettre les franchisés plus lourdement à contribution (ainsi, entre le 10 et le 30 juin 2013, les clientes ont eu la possibilité de cumuler la réduction de -50% sur les mèches ou balayages avec la réduction de -15% offertes à tous les détenteurs d'une carte de fidélité Delhaize), il n'est néanmoins pas démontré que les promotions critiquées ont eu, en définitive, un impact négatif sur les comptes des demanderesses. Il est d'ailleurs à noter que, dans les courriers adressés par les demanderesses avant l'introduction de la présente procédure, le problème des promotions trop fréquentes n'était guère évoqué.

En ce qui concerne les frais publicitaires facturés, il importe que les demanderesses identifient précisément les factures qu'elles considèrent litigieuses. Il appartiendra ensuite à la défenderesse de justifier les dépenses de publicité auxquelles ces factures se rapportent. La défenderesse a déjà apporté certains justificatifs pour l'année 2013 mais le tribunal estime n'avoir pas une vue suffisamment complète de la situation.

Il convient d'ordonner une réouverture des débats à cette fin.

3) Les indemnités pour résiliation anticipée des contrats et pour violation de la clause de limitation de concurrence réclamées par O.D. Franchising

En application de l'article 5, alinéa 2, de la loi du 19 décembre 2005, les clauses des contrats de franchise relatives à la durée du contrat sont frappées de nullité.

En exerçant leur droit à invoquer la nullité de ces dispositions, les demanderesses ne recherchent pas un avantage qui soit hors de proportion avec les inconvénients causés à leur cocontractant. C'est donc à tort que la défenderesse conclut à l'existence d'un abus de droit.

Il en résulte que les quatre contrats litigieux sont à considérer comme des contrats à durée indéterminée auxquels il peut être mis fin à tout moment moyennant un préavis raisonnable.

En l'espèce, les demanderesses ont fait part de leur volonté de mettre fin aux contrats le 5 juillet 2013, date de la citation introductive d'instance. La relation contractuelle n'a toutefois pris fin que le 31 octobre 2013, conformément à l'accord des parties.

Avec cette période de près de 4 mois au cours de laquelle la relation contractuelle s'est normalement poursuivie, l'exigence du délai raisonnable a été respectée.

La défenderesse ne peut donc pas prétendre à une indemnité compensatoire de préavis ni à une quelconque autre indemnité pour résiliation anticipée.

Même en considérant que la résiliation est intervenue aux torts des demanderesses - avant de se prononcer sur ce point, il reste à examiner la question des factures de publicité -, les sommes de 28.500,84 EUR et de 26.763,36 EUR ne sont, dès lors, pas dues.

Par application de l'article 5, alinéa 2, de la loi, la clause limitant la concurrence pendant une durée d'1 an après la date de résiliation du contrat, contenue à l'article 32.3. de chacun des contrats est, elle aussi, frappée de nullité.

En se basant ici encore sur le critère de la disproportion, il n'apparaît pas que le droit à invoquer la nullité soit exercé abusivement.

Il en résulte que les indemnités de 25.000 EUR par salon réclamées au titre de la violation de cette clause ne sont, en tout état de cause, pas dues.

4) Le cessation de l'utilisation des signes distinctifs et/ou de ralliement

Le signe dont le retrait est actuellement exigé est le contour en alucubon beige du salon de Dezita situé à Châtelet. Dans les trois autres salons, l'alucubon beige n'est plus en place mais des dommages et intérêts sont réclamés pour sanctionner le retrait tardif.

La défenderesse se fonde sur l'article 32.1. des contrats de franchises qui dispose que, dans les 8 jours calendrier suivant la date de cessation des relations contractuelles, la franchisée s'oblige à enlever du salon les signes distinctifs du réseau en ce compris non seulement l'enseigne et tous les éléments comportant la marque Olivier Dachkin mais également tous les autres signes de ralliement au réseau Olivier Dachkin tels que notamment « l'encadrement de la façade en alucubon », la lettre sur les vitrines et la porte d'entrée, les photos, ... sous peine de devoir payer une somme forfaitaire de 12.500 EUR à titre de dommages et intérêts.

Cette clause est, elle aussi, frappée de nullité suite à la non-remise du DIP (dans laquelle elle aurait dû être mentionnée) préalablement à la signature des quatre contrats.

Il reste que les demanderesses doivent s'abstenir de toute atteinte aux droits intellectuels de la défenderesse et de tout acte de concurrence déloyale à son encontre.

A lui seul, le maintien de l'alucubon beige sur la façade ne porte pas atteinte à un droit intellectuel de la défenderesse. Il ne constitue pas non plus un acte de concurrence déloyale.

Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une cessation d'utilisation ni de condamner à des dommages et intérêts.

5) Les factures impayées

O.D. Franchising produit un décompte des factures impayées.

Les factures de livraison concernent des équipements et des produits effectivement fournis. Ces factures sont dues, en ce compris celles portant sur les capes jetables puisque la défenderesse était en droit d'imposer leur usage à ses franchisés.

Les factures relatives aux promotions sont, elles aussi, dues dès lors que la façon dont les promotions avaient été menées ne revêtait pas de caractère fautif.

La redevance facturée mensuellement (1.453,33 EUR TVAC et 1.420,50 EUR TVAC pour Demagi, 1.387,70 EUR TVAC et 1.310,94 EUR TVAC pour Dezita) est réclamée en contrepartie du savoir-faire, de l'enseigne, de la marque et des méthodes mis à disposition par O.D. Franchising. Cette redevance résulte de l'exécution donnée par les parties à leur accord depuis octobre 2009. Elle est également due.

Pour la publicité, généralement facturée sous le libellé « facturation budget publicité local mensuel », il convient, dans le cadre de la réouverture des débats visée plus haut, que les demanderesses identifient précisément les éléments de leur contestation et qu'ensuite la défenderesse justifie les dépenses de publicité auxquelles ces factures se rapportent.

Il y a lieu, dès à présent, de condamner les défenderesses au paiement des factures autres que de publicité, soit:

- pour Demagi, 27.690,85 EUR - 16.456 EUR (= 16 mensualités publicité) = 11.234,85 EUR TVAC;

- pour Dezita, 31.243,31 EUR - 17.054,95 EUR (= 16 mensualités publicité + des spots TV en novembre 2012) = 14.188,36 EUR TVAC.

Les intérêts conventionnels de retard et la clause pénale prévus à l'article 18.2. des contrats de franchise étant frappés de nullité par application de l'article 5, alinéa 2, de la loi du 19 décembre 2005, les défenderesses sont redevables des intérêts de retard prévus par la loi du 2 août 2007 à dater du 30e jour suivant la date de réception de chaque facture.

Il n'y a pas lieu d'accorder l'exécution provisoire.

Par ces motifs,

Le tribunal,

Statuant contradictoirement,

Dit les demandes recevables,

Dit la demande principale non fondée en ce qu'elle tend à ce que la nullité des contrats soit prononcée.

Dit la demande reconventionnelle non fondée en ce qu'elle tend à la condamnation des demanderesses à payer des indemnités de rupture, à payer des indemnités pour violation de la clause de limitation de concurrence, à retirer du salon de Châtelet le contour en alucubon beige et à payer des indemnités pour le retrait tardif de ce même contour des trois autres salons.

Dit la demande reconventionnelle fondée dans les limites ci-après en ce qu'elle concerne les factures impayées.

Condamne la SPRL Demagi, à payer à la SA O.D. Franchising la somme provisionnelle de 11.234,85 EUR augmentée des intérêts de retard prévus par la loi du 2 août 2002 à partir du 30e jour suivant la date de réception de chaque facture.

Condamne la SPRL Dezita à payer à la SA O.D. Franchising la somme provisionnelle de 14.188,36 EUR augmentée des intérêts de retard prévus par la loi du 2 août 2002 à partir du 30ème jour suivant la date de réception de chaque facture.

Ordonne la réouverture des débats afin que les parties s'expliquent plus précisément au sujet des prestations de publicité en litige.

Fixe la réouverture des débats à l'audience publique de la 10e chambre-salle B du tribunal de commerce de Bruxelles, le 13 octobre 2015, à 10.30 heures pour une durée de 75 minutes.

Invite les demanderesses à déposer leurs conclusions pour le 2 juin 2015;

Invite la défenderesse à déposer ses conclusions pour le 23 juin 2015;

Invite les demanderesses à déposer leurs conclusions en réplique pour le 14 juillet 2015;

Invite la défenderesse à déposer ses conclusions en réplique pour le 28 juillet 2015;

Invite les demanderesses à déposer leurs ultimes conclusions pour le 18 août 2015;

Invite la défenderesse à déposer ses ultimes conclusions pour le 8 septembre 2015;

Réserve à statuer pour le surplus.

Réserve les dépens.

(…)


Note / Noot

Zie noot Laurent du Jardin onder Hof van Cassatie 17 september 2015, in dit nummer, p. 395.