Cour de justice de l'Union européenne 10 décembre 2015et 21 janvier 2016
F. Lazar / Allianz
Affaire: C-350/14 |
ERGO Insurance / If P&C Insurance
Gjensidige Baltic / PZU Lietuva
Affaires jointes: C-359/14 et C-475/14 |
Dans deux arrêts rendus le 10 décembre 2015 et le 21 janvier 2016, la Cour de justice a clarifié la portée de certaines dispositions du règlement n° 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) et du règlement n° 864/2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II), appliquées dans le contexte des accidents de la circulation.
Le premier arrêt, dans l'affaire C-350/14, F. Lazar / Allianz, concerne l'article 4, 1., du Règlement Rome II, selon lequel la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quel(s) que soi(en)t le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent. La Cour a interprété cette disposition afin de répondre aux questions préjudicielles d'une juridiction italienne posées dans le cadre d'un litige relatif à un accident de circulation, survenu en Italie, qui a emporté la vie d'une jeune femme roumaine. Les parents proches de la victime (son père, sa mère et sa grand-mère), non impliqués dans l'accident et résidant en Italie et en Roumanie, ont cherché la réparation des préjudices patrimoniaux et non patrimoniaux qu'ils ont subis suite à l'accident auprès de la compagnie d'assurance italienne, désignée par le fonds de garanties des victimes de la route, l'auteur de l'accident n'ayant pas été identifié. Dans ce cadre, la juridiction italienne saisie s'interrogeait sur la question de savoir si le préjudice causé aux membres de la famille de la victime devait être interprété comme « dommage » au sens de l'article 4, 1. du Règlement Rome II, ou bien comme « conséquences indirectes » du fait dommageable.
Dans son arrêt, la Cour a dit pour droit que dans les cas des accidents de circulation, le dommage au sens de l'article 4, 1. du Règlement Rome II est constitué par les blessures subies par la victime de l'accident, ayant, en l'occurrence, entraîné sa mort. En revanche, les dommages subis par les parents proches de la victime, non impliqués directement dans l'accident, doivent, selon la Cour, être considérés comme des conséquences indirectes du fait dommageable, au sens de l'article 4, 1. susmentionné. Ils sont donc soumis à la même loi que celle applicable à la réparation du dommage direct.
Le second arrêt, dans les affaires jointes C-359/14, ERGO Insurance / If P&C Insurance et C-475/14, Gjensidige Baltic / PZU Lietuva, concerne la détermination de la loi applicable à des actions récursoires exercées par des compagnies d'assurance à la suite des accidents de la circulation impliquant des conducteurs des tracteurs munis de remorques. Cet arrêt a pour toile de fond deux litiges nés dans des circonstances factuelles similaires: après avoir intégralement indemnisé les victimes de l'accident survenu en Allemagne dont la responsabilité incombait au conducteur d'un tracteur muni d'une remorque, l'assureur du conducteur du tracteur - une société lituanienne - s'est retournée contre l'assureur de la remorque - une autre société lituanienne - pour récupérer la moitié du montant versé à la victime. Les juridictions lituaniennes saisies de ces litiges se sont interrogées, essentiellement, sur la qualification de la relation juridique existant entre les assureurs respectifs du véhicule tracteur et de la remorque et sur la détermination de la loi applicable à cette relation. Cette qualification était déterminante pour les litiges, dès lors que les ordres juridiques lituaniens et allemands établissent des principes différents de partage de responsabilité entre l'assureur du véhicule tracteur et l'assureur de la remorque lorsque le dommage est causé par un véhicule couplé.
Dans son arrêt, la Cour a confirmé que les dispositions de la directive européenne n° 2009/103/CE, concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, ne peuvent pas être considérées comme établissant des règles de conflits de lois relatives aux actions récursoires. La réponse aux questions posées par la juridiction de renvoi devait donc être donnée uniquement sur la base des Règlements Rome I et Rome II.
A cet égard, la Cour a invité la juridiction de renvoi à mener un raisonnement à deux temps.
Dans un premier temps, dit pour droit la Cour, il convient de déterminer les règles selon lesquelles les dommages et intérêts à payer aux victimes doivent être réparties entre, d'une part, le conducteur du véhicule tracteur et, d'autre part, le détenteur de la remorque. Ces questions relevant du domaine non contractuel, c'est conformément à l'article 4, 1. du Règlement Rome II qu'il convient de déterminer les débiteurs de l'obligation d'indemnisation de la victime ainsi que, le cas échéant, les contributions respectives du détenteur de la remorque et du détenteur ou du conducteur du véhicule tracteur dans le dommage causé à la victime.
Dans un second temps, il convient de déterminer la loi applicable aux contrats d'assurance conclus entre l'assureur du véhicule et son assuré, pour savoir si et dans quelle mesure cet assureur peut, par voie de subrogation, exercer les droits de la victime contre l'assureur de la remorque. Selon la Cour, cette loi doit être déterminée conformément à l'article 7 du Règlement Rome I.