Mons 10 décembre 2015
Affaire: 2014/RG/909 F-20151210-2 |
Par ses arrêts du 24 avril 2009 (R.D.C., 2010, p. 56) et du 26 octobre 2011 (F-20111026-4 - P.11.0561 - juridat.be), la Cour de cassation a posé les « nouvelles » exigences en matière de sinistre intentionnel (art. 62, al. 1er, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances - art. 8, al. 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre).
L'assuré doit avoir « causé sciemment et volontairement le dommage » sans qu'il soit toutefois requis que l'assuré ait eu l'intention de causer le dommage tel qu'il s'est produit. La faute intentionnelle est « celle qui implique la volonté de causer le dommage et non simplement d'en créer le risque ». Pour que l'exclusion de la garantie soit acquise à l'assureur, il suffit, mais il faut, qu'un dommage ait été voulu. « Cette condition étant remplie, la faute est intentionnelle quand bien même la nature ou l'ampleur du sinistre n'auraient pas été recherchées comme telles par l'auteur » (Cass. 26 octobre 2011).
L'arrêt du 10 décembre 2015 de la cour d'appel de Mons est une stricte application de ces principes (voy. pour une application en matière de RC familiale, Liège, 25 février 2014, Bull. ass., 2015, p. 366).
L'assureur incendie qui avait indemnisé son assuré, propriétaire de l'immeuble sinistré, était subrogé dans ses droits et actions à l'encontre de l'assureur du locataire, sur la base de l'article 86 de la loi du 25 juin 1992 (actuel art. 152 de la loi du 4 avril 2014) qui organise l'action directe de la personne lésée à l'encontre de l'assureur et de l'article 1733 du Code civil qui dispose que le locataire répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que celui-ci s'est déclaré sans sa faute.
L'immeuble avait été détruit par une explosion de gaz provenant de bonbonnes ouvertes par le locataire qui indiqua, avant de succomber à ses blessures, qu'il avait eu l'intention de mettre fin à ses jours et ouvert le gaz intentionnellement.
L'assureur du locataire refusa de couvrir le sinistre, considérant que son assuré avait causé intentionnellement le sinistre (art. 62, al. 1er, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances - art. 8, al. 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre).
L'assurance « responsabilité civile locative » souscrite par le locataire n'est pas une assurance obligatoire de sorte que l'article 87, § 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, trouve à s'appliquer: l'assureur peut opposer à la personne lésée les exceptions, nullités et déchéances dérivant de la loi ou du contrat et trouvant leur cause dans un fait antérieur au sinistre.
L'assureur du propriétaire subrogé dans les droits du propriétaire de l'immeuble sinistré peut donc se voir opposer la déchéance lorsqu'il intente une action directe à l'encontre de l'assureur du locataire (Mons, 16 avril 2013, Bull. ass., 2014, p. 215).
La cour d'appel de Mons constate que le locataire « a agi sciemment, n'ignorant pas qu'en ouvrant ces bonbonnes et en les laissant se vider de leur contenu, il provoquerait une explosion de gaz qui, outre sa mort, causerait des dégâts à l'immeuble ». La cour considère qu'il a causé intentionnellement le sinistre dès lors qu'il a causé volontairement le dommage même s'il n'en a pas souhaité toutes les conséquences (voy. pour la distinction entre la volonté ou la pleine conscience de la portée de ses actes et leur acceptation (éléments requis) et la faculté de discerner et de diriger son action: civ, 22 janvier 2015, R.G.A.R., 2015, n° 15.243).
Elle conclut que l'assureur du locataire est dès lors en droit de refuser sa garantie à son assuré et d'opposer ce refus à l'assureur du propriétaire subrogé dans les droits de celui-ci.