Cour constitutionnelle 3 décembre 2015
Affaire: 173/2015 |
La Cour constitutionnelle a été saisie d'une question préjudicielle dans le cadre d'un litige opposant une entreprise commerciale et son assureur et relatif à une demande de paiement d'intérêts moratoires sur des sommes versées à titre d'indemnisation d'un préjudice subi suite à un incendie.
L'entreprise commerciale demandait l'application du taux prévu par la loi du 2 août 2002 en considérant qu'il y avait entre les parties une transaction commerciale, à savoir une transaction entre entreprises qui conduit contre rémunération à la fourniture de biens, à la prestation de services (art. 2, 1. de la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales).
De son côté, l'assureur estimait qu'un contrat d'assurance ne pouvait être qualifié de transaction commerciale au sens de la loi du 2 août 2002 de sorte que les indemnisations payées par les compagnies d'assurance ne rentrent pas dans le champ d'application de la loi du 2 août 2002.
La question soumise à la Cour était la suivante:
« Existe-t-il une discrimination injustifiée au regard des articles 10 et 11 de la Constitution entre une compagnie d'assurance et toute autre société commerciale dans l'hypothèse où le taux d'intérêt calculé en application de la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales ne s'appliquerait pas aux indemnisations payées par les compagnies d'assurance alors que ces dernières sont également des commerçantes et que l'indemnisation du sinistre doit être considérée comme la contrepartie de l'obligation de paiement des primes par l'assuré? »
La Cour constitutionnelle rappelle le considérant n° 13 de la directive n° 2000/35/CE selon lequel, il convient de « limiter la portée de la directive aux paiements effectués en rémunération de transactions commerciales et de ne pas réglementer les transactions effectuées avec les consommateurs ni les intérêts en jeu dans d'autres types de paiements, par exemple (...) les paiements effectués dans le cadre de l'indemnisation de dommages, y compris ceux effectués par les compagnies d'assurance » (directive n° 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales) [1].
La Cour constitutionnelle constate dès lors que les retards de paiement visés par la loi du 2 août 2002 ne comprennent pas ceux imputés aux entreprises d'assurances.
Il existe ainsi une différence de traitement entre deux catégories de créanciers qui repose sur un critère objectif selon la Cour constitutionnelle, à savoir la nature différente des deux catégories de transactions: « Les créances visées par la loi en cause constituent des créances de sommes dont le montant est déterminé à l'origine de la transaction. En revanche, les créances telles que les indemnités dues par une compagnie d'assurance sont des créances de valeur destinées à couvrir un dommage résultant d'une faute ou d'un autre fait générateur de responsabilité. Contrairement aux dettes de somme dont le montant est liquide puisqu'il correspond à une facture, le montant des créances d'indemnités, telles que celles dues par une compagnie d'assurance, ne devient liquide qu'au moment où une décision judiciaire ou un accord intervient pour fixer ce montant. »
Le champ d'application de la loi du 2 août 2002 est donc matériellement limité en raison de son objectif, à savoir lutter contre les effets négatifs de retards de paiement, alors que les marchandises ont été livrées ou les services rendus, tant sur les liquidités des entreprises commerciales que sur la compétitivité de celles-ci. La Cour constitutionnelle rappelle que c'est dans cette perspective que la loi s'applique uniquement aux paiements en rémunération de transactions commerciales et que dès lors, les travaux préparatoires de la loi ont exclus l'application de la loi aux paiements effectués à titre d'indemnisation de dommages, y compris les indemnisations payées par les compagnies d'assurance (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, Doc. n° 50-1827/001, p. 4).
La Cour constitutionnelle termine son analyse en constatant que les créances d'indemnités dues par les entreprises d'assurances sont soumises au droit commun qui détermine le taux d'intérêt en cas de paiement tardif et que la différence de traitement n'est pas sans justification raisonnable.
[1] | J.O.C.E., 8 août 2000, L. 200, p. 35. |