Cour d'appel de Bruxelles 31 janvier 2014
Guilin Michel SPRL / SA Beobank et SA Metlife Insurance
Siég.: H. Mackelbert, C. Heilporn (conseillers) et Y. Herinckx (conseiller suppléant) |
Pl.: Mes F. de Patoul et D. Bracke |
Affaire: 2008/AR/3282 |
I. | Décision entreprise |
L'appel est dirigé contre le jugement prononcé le 3 novembre 2008 par le tribunal de commerce de Bruxelles.
Les parties ne produisent pas d'acte de signification de ce jugement.
II. | Procédure devant la cour |
L'appel est formé par requête déposée par Guilin Michel SPRL au greffe de la cour le 30 décembre 2008.
La procédure est contradictoire, ayant été mise en état sur la base de l'article 747, § 1er, du Code judiciaire.
Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.
III. | Faits et antécédents de la procédure |
§ 1. | Résumé de l'objet du litige |
1. Le litige porte sur des indemnités de rupture réclamées en vertu de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale (ci- après la « LCAC »).
La SPRL Guilin Michel (ci-après « Guilin ») était l'agent de Citibank Belgium SA (actuellement dénommée Beobank SA, ci- après « Citibank ») pour la distribution de produits bancaires et l'agent de MetLife Insurance SA (ci-après « MetLife ») pour la distribution d'assurances. Ces assurances consistaient en des polices solde restant dû et étaient placées conjointement avec les crédits à la consommation de Citibank. Citibank a résilié sa convention et payé les indemnités de préavis et d'éviction calculées sur la base des revenus tirés par Guilin de cette convention. Guilin réclame des indemnités qui tiennent compte également des revenus tirés de la distribution d'assurances.
2. Le jugement entrepris a débouté Guilin de ses demandes.
§ 2. | Demandes en degré d'appel |
3. Devant la cour, Guilin demande de:
A titre principal, subsidiaire ou très subsidiaire, condamner les parties intimées, solidairement ou, à titre subsidiaire, conjointement, au paiement des montants suivants:
- une somme de 9.793,05 EUR sous réserve expresse d'augmentation ou de diminution en cours d'instance;
- une somme de 38.223,44 EUR sous réserve expresse d'augmentation ou de diminution en cours d'instance;
Condamner en outre les intimées aux intérêts au [taux] déterminé par la loi du 2 août 2002 relative au retard de paiement dans les transactions commerciales depuis le 2 août 2007 ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en ce compris les indemnités de procédure de base pour les deux instances soit au total 5.000 EUR.
4. Citibank et MetLife demandent pour leur part de:
A titre principal:
- entendre confirmer le jugement a quo;
- en conséquence,
entendre condamner l'appelante aux entiers frais et dépens, en ce compris à l'indemnité de base prévue par l'arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l'article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d'entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat, soit la somme de 2.500 EUR,
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la demande contre MetLife est déclarée fondée - quod non:
- entendre déclarer la demande contre Citibank non fondée;
- entendre réduire la demande d'indemnité d'éviction suite à la fin du contrat MetLife - quod non - à un mois d'indemnité;
- entendre condamner l'appelante à l'égard de Citibank aux entiers frais et dépens, en ce compris à l'indemnité de base prévue par l'arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l'article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d'entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat, soit la somme de 2.500 EUR;
- entendre déclarer les demandes de condamnation solidaire, d'exécution provisoire et d'exclusion du cantonnement non fondées,
A titre infiniment subsidiaire - dans l'hypothèse où la demande contre MetLife est déclarée fondée - quod non:
- entendre déclarer la demande de condamnation solidaire non fondée, et en tout état de cause rejeter la demande contre Citibank;
- entendre condamner l'appelante à l'égard de Citibank aux entiers frais et dépens, en ce compris à l'indemnité maximum prévue par l'arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l'article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d'entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat, soit la somme de 5.000 EUR.
§ 3. | Les faits |
5. Le 19 mars 1996, Guilin signe avec Citibank (qui utilisait à l'époque la dénomination Famibanque Division Citibank Belgium) une « convention d'agent délégué » pour l'exploitation d'une agence à Fleurus. La convention contient notamment les dispositions suivantes:
Art. 2. POUVOIRS CONFERES A L'AGENT
L'agent pourra exécuter au nom de la banque les opérations pour lesquelles il a reçu des instructions écrites.
De façon limitative, et sauf dérogation écrite, le présent mandat couvre les opérations suivantes avec la clientèle:
2.1. l'exécution des opérations ayant trait aux mouvements de fonds, relatives entre autres aux dépôts à vue ou à terme, réalisés sous forme de comptes, livrets ou conventions. La banque impose l'usage d'un formulaire spécifique à chaque type d'opération;
2.2. le placement de bons de caisse, obligations, bons de capitalisation et autres titres au porteur ou nominatifs, émis ou offerts au public par la banque, ainsi que le remboursement de ceux-ci ou le paiement des coupons à leur échéance;
2.3. l'introduction de toute demande de crédit, tels les prêts personnels, les financements, les prêts hypothécaires, les ouvertures de crédit, les lignes de crédit, le leasing/renting. L'intervention de l'agent se limite à collecter et à vérifier les informations ainsi que les signatures requises, et à transmettre ces documents à la banque pour prise de décision;
2.4. le placement, en qualité d'intermédiaire, de polices d'assurance vie et d'assurances complémentaires, ainsi que les polices d'assurance non-vie et ce exclusivement pour les compagnies avec lesquelles la banque a signé des accords de coopération;
2.5. la prospection de la clientèle au nom et pour compte de la banque, en vue de la réalisation des opérations précitées, en tenant compte des dispositions de l'arrêté royal n° 71 du 30 novembre 1939 relatif au démarchage et au colportage des valeurs mobilières.
Art. 3. OBLIGATIONS DE L'AGENT
3.1. L'agent, dans les limites de son mandat, représentera exclusivement la Famibanque Division Citibank Belgium SA. Il sera tenu de respecter cette exclusivité tant directement qu'indirectement, et ne pas contourner ce principe par interposition de personnes physiques ou morales. Cette règle d'exclusivité s'applique à tous les produits mentionnés ci-dessus, en ce compris les assurances et les crédits, sauf le cas où ces derniers ne feraient pas partie de la gamme des produits offerts par la Famibanque Division Citibank Belgium SA. Cette règle d'exclusivité est essentielle à la présente convention et devra être respectée en toutes circonstances.
Art. 8. CARACTERISTIQUES DU MANDAT
8.1. Par l'attribution du présent mandat, l'agent a la possibilité de recruter dans son secteur d'activités, moyennant commission, avec l'aide technique et administrative de la banque et sous la dénomination commerciale liée aux services offerts par cette dernière, une clientèle qui appartiendra exclusivement à la banque. [...]
La clientèle relative aux produits d'assurance reste cependant acquise à l'agent.
6. Le même jour, Guilin signe avec MetLife (à l'époque dénommée Citilife SA) une « convention d'agent d'assurance indépendant ». Guilin y est identifiée comme « la SPRL Michel Guilin agent délégué Citibank Fleurus ». La convention porte deux fois la mention manuscrite « pour débuter comme agent délégué de Citibank le 1er juillet 1996 », en regard de la date de prise d'effet à l'article 7 et en regard de la date de signature. L'article 1er de la convention dispose:
Citilife agrée l'agent en qualité d'agent indépendant pour les branches d'assurance qu'elle pratique habituellement. Elle ne lui accorde cependant aucune exclusivité.
7. Citibank et Citilife SA sont à l'époque deux sociétés soeurs, filiales de Citigroup. En 2005, Citigroup vend ses activités d'assurance au groupe MetLife; Citilife SA devient une filiale de ce groupe et prend la dénomination MetLife Insurance SA.
8. Les produits Citibank distribués par Guilin consistent principalement en des crédits à la consommation, et dans une mesure limitée (d'après les informations données à l'audience) en des crédits hypothécaires. Les produits MetLife qu'elle distribue sont uniquement des assurances vie de type « solde restant dû », adossées aux crédits Citibank lorsque le client le souhaite La gamme des assurances offertes par MetLife est limitée à ce type de polices (cette gamme est aujourd'hui plus étendue, mais les nouveaux produits n'ont été développés qu'après la résiliation décrite au paragraphe 9 ci-dessous).
Le processus de vente des crédits et des assurances est étroitement intégré (voir le paragraphe 14 ci-dessous).
L'association entre les crédits Citibank et les assurances MetLife, et la coopération commerciale entre les deux institutions, se poursuivent après la cession de Citilife SA en 2005. Le communiqué distribué aux agents à l'occasion de la cession indique: « Ce changement de nom n'aura aucune implication sur l'offre de produits, ni sur la façon de travailler dans le point de vente. Le seul changement pour nos clients consistera à voir apparaître un nouveau nom sur les contrats, dépliants et courrier. » Les coordonnées du personnel MetLife continuent à figurer dans l'annuaire téléphonique interne de Citibank.
Le dossier des pièces de Guilin contient la copie de procès-verbaux de réunions de l'organe de concertation paritaire des agents indépendants, prévu par les articles 15 et 18, § 4, de la LCAC. Il semble résulter de ces documents que, en tout cas jusqu'en 2005, cet organe était commun à Citibank et Citilife SA, ou que les mêmes personnes y représentaient indifféremment l'un et l'autre des deux commettants.
Les commissions dues à Guilin sont calculées séparément pour les produits bancaires et les produits d'assurance, et sont payées respectivement par Citibank et MetLife.
9. Le 16 avril 2007, Citibank notifie à Guilin la résiliation de son contrat avec effet immédiat, moyennant le paiement d'une indemnité de préavis de 69.424,74 EUR et d'une indemnité d'éviction de 139.515,27 EUR. Ces deux indemnités sont calculées sur la base des commissions perçues par Guilin pour la distribution des produits bancaires. L'indemnité de préavis correspond à 6 mois de commissions, mesurées sur la base de la moyenne des 12 derniers mois; l'indemnité d'éviction correspond à 1 an de commissions, mesurées sur la base de la moyenne des 5 dernières années.
Le même jour, Citibank conclut avec un tiers, Sema Finances SPRL, une « convention de cession d'agence » pour l'exploitation de l'agence de Fleurus. Le prix de cession payable par Sema Finances est fixé à 155.000 EUR.
10. Le 2 août 2007, le conseil de Guilin met Citibank et MetLife en demeure de payer des suppléments d'indemnités basés sur les commissions perçues pour la distribution des produits d'assurance.
Le 27 août 2007, MetLife répond:
MetLife a récemment été mis au courant de la fin de la coopération entre la SPRL Guilin Michel et Citibank. Par la présente MetLife vous informe que le contrat d'intermédiation en assurance n'est pas influencé par la fin du contrat avec Citibank et confirme son intention de continuation du contrat MetLife. La collaboration MetLife-agent SPRL Michel Guilin est maintenue comme précédemment et sous les mêmes conditions.
La citation introductive d'instance est signifiée par Guilin le 4 octobre 2007.
11. Les parties reconnaissent que la LCAC est applicable aux deux conventions, et que celles-ci ont été conclues pour une durée indéterminée.
IV. | Discussion |
§ 1. | La recevabilité de l'appel |
12. L'appel est recevable, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.
§ 2. | Inclusion du chiffre d'affaires « assurance » dans le calcul des indemnités dues par Citibank |
13. Guilin soutient à titre principal que les commissions obtenues sur le placement des produits d'assurance doivent être incluses dans la base de calcul des indemnités de préavis et d'éviction dues par Citibank. Elle réclame à ce titre un supplément d'indemnité de préavis de 9.793,05 EUR, et un supplément d'indemnité d'éviction de 38.223,44 EUR.
Elle invoque que le contrat Citibank imposait à Guilin de placer les polices MetLife, que la rupture du contrat Citibank a mis fin en fait à la vente de ces polices, que Citibank a imposé à son nouvel agent de Fleurus de poursuivre la vente des polices MetLife auprès de sa clientèle, et que Citibank a ainsi repris à son profit la clientèle relative tant aux activités bancaires qu'aux activités d'assurance. Elle affirme que les commissions relatives au placement d'assurances rémunéraient en réalité ses activités d'agent de Citibank, que ces commissions lui étaient payées par MetLife plutôt que par Citibank en raison des arrangements internes conclus entre ces deux institutions, et qu'en réalité Guilin était, pour la distribution des produits d'assurance, un sous-agent de Citibank qui était elle-même l'agent principal de MetLife. Guilin indique encore qu'elle a sensiblement développé la clientèle MetLife.
Citibank et MetLife considèrent au contraire que les deux contrats sont distincts l'un de l'autre. Elles affirment que la clientèle MetLife de Guilin reste acquise à cette dernière, que le nouvel agent de Fleurus de Citibank n'a pas eu accès à la liste des clients MetLife de Guilin, et que Guilin continue à gérer les polices MetLife qu'elle avait placées avant la rupture du contrat Citibank et peut continuer à placer des polices MetLife auprès de nouveaux clients.
14. Les parties ont conclu deux conventions séparées: l'une entre Guilin et Citibank, l'autre entre Guilin et MetLife. Citibank et MetLife sont deux entités juridiques distinctes. L'exécution donnée par les parties à leurs conventions a respecté la séparation des deux contrats; les commissions sur la vente des produits bancaires étaient payées par Citibank, et les commissions sur la vente des assurances étaient payées par MetLife.
L'article 2.4. de la convention Citibank, qui inclut le placement de polices d'assurance parmi les fonctions de Guilin, n'a pas pour portée de faire de Citibank le commettant de Guilin pour ces produits. Cette clause doit se lire conjointement avec l'article 3.1. de la convention; son objet est négatif et vise à interdire à Guilin de distribuer d'autres assurances que celles des compagnies avec lesquelles Citibank a un accord de coopération. Les termes « en qualité d'intermédiaire [...] pour les compagnies » imposent cette interprétation, de même d'ailleurs que le contexte: la signature concomitante d'une convention conclue directement avec Citilife SA ne s'expliquerait pas si la convention Citibank avait déjà fait de Guilin l'agent de Citibank pour les produits d'assurance.
Certes, il existait entre les deux activités une forte intégration commerciale. En particulier, le processus de vente combinait les deux produits. Les copies d'écrans d'ordinateur déposées au dossier de Guilin montrent que, lors de l'introduction informatique d'une demande de crédit, le processus incluait tant les paramètres du crédit que ceux de l'éventuelle police d'assurance, afin que la proposition commerciale à soumettre au client puisse couvrir les deux produits. Une telle intégration commerciale, aussi poussée soit-elle, n'implique toutefois pas que la séparation juridique des deux activités soit simulée. La réalité juridique est en l'espèce que deux conventions distinctes ont été conclues par le même agent avec deux commettants distincts, et la réalité économique invoquée par Guilin n'est pas telle qu'il faille considérer que cette réalité juridique serait fictive ou simulée.
L'allégation de Guilin, non contredite par Citibank et MetLife, selon laquelle Citibank n'accepte pas de signer des conventions d'agence avec des personnes qui ne signent pas en même temps une convention avec MetLife, de sorte que les agents Citibank sont systématiquement obligés de distribuer les polices MetLife, ne mène pas à une autre conclusion. L'allégation de Guilin selon laquelle MetLife rétrocéderait à Citibank une partie des revenus générés par les polices adossées aux crédits Citibank, à la supposer avérée, n'est pas non plus de nature à mener à une autre conclusion.
La thèse selon laquelle Guilin serait, pour les produits d'assurance, un sous-agent de Citibank, n'est pas conforme aux conventions signées et exécutées par les parties. C'est avec MetLife (Citilife à l'époque) que Guilin a signé sa convention d'agence commerciale pour la distribution des produits d'assurance, et c'est de MetLife qu'elle a perçu ses commissions pour la vente de ces produits pendant toute la durée d'exécution de la convention. De même, la thèse selon laquelle Citibank aurait, par l'intermédiaire de son nouvel agent à Fleurus, repris à son profit la clientèle relative aux activités d'assurance n'est pas démontrée: rien n'indique que le nouvel agent ne serait pas devenu, pour les assurances, l'agent direct de MetLife selon le même modèle que Guilin.
15. Il n'est en conséquence pas exact que les commissions perçues sur la vente des assurances soient la rémunération des activités de Guilin en tant qu'agent ou sous-agent de Citibank, et qu'elles devraient être incluses dans la base de calcul des indemnités de préavis ou d'éviction dues par Citibank.
§ 3. | L'indemnité complémentaire |
16. Guilin réclame, à titre subsidiaire, une indemnité complémentaire du même montant sur la base de l'article 21 de la LCAC. Elle soutient que ses activités consistaient en le placement de produits bancaires et de produits d'assurance auprès de la clientèle Citibank, et qu'elle a perdu la possibilité de placer des produits d'assurance auprès de cette clientèle suite à la rupture du contrat Citibank. Le préjudice qu'elle a subi excède dès lors, selon elle, l'indemnité forfaitaire calculée sur la seule base de la rémunération relative aux produits bancaires.
Citibank et MetLife s'opposent à cette demande aux motifs, d'une part, que Guilin a signé pour réception la lettre de rupture et, d'autre part, que le préjudice invoqué est propre au contrat MetLife et ne peut pas être réclamé à Citibank.
17. En ce qui concerne tout d'abord la signature par Guilin de la lettre de rupture: cette signature est faite sous la mention « pour réception ». Elle a pour seul effet de démontrer que Guilin a bien reçu la lettre, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté. Elle est sans pertinence quant au fond de la demande.
18. L'article 21 de la LCAC dispose:
Pour autant que l'agent commercial ait droit à l'indemnité d'éviction visée à l'article 20 et que le montant de cette indemnité ne couvre pas l'intégralité du préjudice réellement subi, l'agent commercial peut, mais à charge de prouver l'étendue du préjudice allégué, obtenir en plus de cette indemnité, des dommages et intérêts à concurrence de la différence entre le montant du préjudice réellement subi et celui de cette indemnité.
Le droit à l'indemnité complémentaire prévue par cette disposition est soumis à deux conditions. En premier lieu, il faut que l'agent ait droit à une indemnité d'éviction conformément à l'article 20. Il n'est pas contesté que cette première condition est remplie dans le cas présent en ce qui concerne Citibank, qui a spontanément payé 139.515,27 EUR à ce titre. Aucune indemnité d'éviction n'était en revanche due par MetLife (voir le paragraphe 29 ci-dessous), de sorte que la demande d'indemnité complémentaire à charge de celle-ci ne peut de toute manière pas être accueillie.
Il faut en second lieu que l'agent ait subi un préjudice qui excède le montant de l'indemnité d'éviction. L'existence et le montant du préjudice doivent être prouvés par l'agent. L'indemnité complémentaire de l'article 21 est dans ce cas égale à l'excédent du préjudice réel par rapport au montant de l'indemnité d'éviction de l'article 20.
L'indemnité d'éviction et l'indemnité complémentaire visent toutes deux à compenser la perte de clientèle (Cass., 5 novembre 2009, Pas., 2009, I, p. 2523, C.08.0520.N et C.09.0040.N). Seuls les préjudices liés à la clientèle peuvent être pris en considération pour le calcul de l'indemnité complémentaire (Bruxelles, 10 juin 2013, D.A.O.R., 2013, p. 378; Anvers, 14 février 2005, N.J.W., 2005, p. 669; D. Mertens, « Welke schade vergoedt de bijkomende vergoeding van de handelsagent? », R.W., 2008-2009, p. 1693; contra: Liège, 7 mars 2013, D.A.O.R., 2013, p. 369; Liège, 28 juin 2007, J.L.M.B., 2009, p. 1369; M. Willemart et S. Willemart, « Les agents autonomes », T.P.D.C., t. II (2e éd.), n° 947; P. Kileste et C. Staudt, « Du dommage réparable au sens de l'article 21 de la loi du 13 avril 1995 », J.L.M.B., 2009, p. 1382; pour un exposé de la controverse, voir P. Naeyaert, « Acte équipollent à rupture en bijkomende schadevergoeding in het handelsagentuurrecht », D.A.O.R., 2013, p. 386, n° 15). En effet, cette indemnité n'est accordée qu'à l'agent qui bénéficie d'une indemnité d'éviction, et qui a donc apporté une clientèle; si l'article 21 visait à indemniser d'autres types de préjudices, par exemple des investissements non encore amortis, l'on ne voit pas pourquoi il serait subordonné à cette condition. L'indemnité compensatoire de préavis de l'article 18, § 3, n'est par ailleurs pas imputable sur l'indemnité complémentaire, au contraire de l'indemnité d'éviction; or, certains préjudices non liés à la clientèle, tels les indemnités de préavis dues au personnel de l'agent, sont au moins partiellement couverts par l'indemnité compensatoire de préavis qui est calculée sur la base de la rémunération brute de l'agent, de sorte qu'il y aurait double indemnisation si ces préjudices étaient également pris en compte pour le calcul de l'indemnité complémentaire.
19. En l'espèce, la clientèle bancaire du contrat Citibank permettait à Guilin de placer non seulement les produits bancaires de Citibank (c'est-à-dire principalement des crédits à la consommation), mais également les polices d'assurance solde restant dû de MetLife.
Une assurance solde restant dû n'est en pratique vendable que conjointement avec un crédit: une telle police n'a aucun intérêt pour l'assuré si elle n'est pas associée à un crédit. En outre, le produit principal pour le client est le crédit, l'assurance solde restant dû n'étant qu'un accessoire. La démarche intellectuelle du client est de d'abord décider de prendre un crédit et ensuite d'éventuellement y adjoindre une assurance solde restant dû. La démarche inverse n'aurait pas de sens: on n'imagine pas qu'un client décide en premier lieu de contracter une assurance solde restant dû, pour ensuite examiner l'opportunité de souscrire à un emprunt correspondant.
La disparition de la clientèle bancaire de Citibank entraînait donc nécessairement chez Guilin la disparition de tout le flux d'affaires constitué des polices solde restant dû de MetLife. C'est un préjudice dont la réalité n'est pas douteuse, et qui découle de la rupture du contrat Citibank et de la perte de la clientèle bancaire. Il ne s'agit dès lors pas, contrairement à ce que soutiennent Citibank et MetLife, d'un préjudice propre au contrat MetLife; certes, le même préjudice serait né si le contrat MetLife avait été rompu, mais il reste qu'en l'espèce c'est la rupture du seul contrat Citibank qui en a été la cause. Il ne s'agit pas non plus, contrairement à la situation envisagée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 26 mars 2009 (C-348/07, Turgay Semen / Deutsche Tamoil GmbH), de tenir compte des avantages retirés par MetLife de la rupture du contrat Citibank, mais plutôt de tenir compte d'un élément du préjudice subi par Guilin qui, bien que consistant en la perte des revenus générés par le contrat MetLife, est la conséquence de la rupture du contrat Citibank et de la perte de la clientèle bancaire de Citibank.
20. Le préjudice discuté au paragraphe 19 est directement lié à la clientèle et est donc en principe éligible pour une indemnité complémentaire.
Certes, Guilin pouvait encore vendre des polices solde restant dû à des clients qui prennent un emprunt ailleurs que chez Citibank, et en particulier aux clients de sa nouvelle agence Record Bank. Mais ceci requérait de sa part le développement d'une nouvelle clientèle; la réalité des choses était qu'avant la rupture du contrat Citibank toutes les polices solde restant dû placées par Guilin l'étaient auprès de la clientèle bancaire de Citibank, et que cette clientèle a disparu le 16 avril 2007 avec la rupture du contrat d'agence Citibank.
21. Le préjudice subi par Guilin en raison de la perte de la clientèle bancaire dépasse le montant de l'indemnité d'éviction qu'elle a perçue.
Ce préjudice comprend deux composantes: la perte du flux de revenus généré par cette clientèle par le biais des produits bancaires, et la perte du flux de revenus généré par cette même clientèle par le biais des assurances solde restant dû. La première composante a été adéquatement compensée par l'indemnité d'éviction payée par Citibank. Cette indemnité a été calculée sur la base des commissions historiques perçues par Guilin à charge de Citibank sur les produits bancaires uniquement (12 mois de commissions, sur la base de la moyenne des 5 dernières années). Elle a compensé complètement les pertes de revenus de type bancaire, mais rien de plus que cela. La seconde composante du préjudice, consistant en les pertes de revenus produits par les assurances, correspond donc exactement à la mesure du préjudice excédentaire qui doit être couvert par l'indemnité complémentaire.
22. La valeur des revenus d'assurance perdus par Guilin ne peut en l'espèce pas être évaluée autrement qu'ex aequo et bono. Il est en effet impossible de rétablir une réalité alternative, où le contrat Citibank n'aurait pas été rompu, et d'observer combien de commissions Guilin aurait gagnées à charge de MetLife dans un tel scénario.
Vu le parallélisme qui existait entre les deux flux d'affaires, la cour estime justifié de retenir pour l'évaluation de la valeur du flux « assurances » les mêmes paramètres que ceux qui ont été retenus par les parties pour le calcul de l'indemnité d'éviction, qui correspond comme indiqué au paragraphe 21 à l'évaluation du flux bancaire. L'indemnité d'éviction « bancaire » a été fixée à 12 mois de commissions calculées sur la base de la moyenne des 5 années précédant la rupture. Guilin soutient que ces paramètres, appliqués aux produits d'assurance, aboutissent à une somme de 38.223,44 EUR; elle produit les bordereaux des commissions perçues à charge de Citilife puis de MetLife. Le calcul n'est pas contesté par MetLife.
La cour note que Citibank a revendu les activités de l'agence de Fleurus au successeur de Guilin, par convention du 16 avril 2007, pour le prix de 155.000 EUR. Ce prix dépasse les 139.515,27 EUR d'indemnité d'éviction payés pour cette même activité et à la même époque à Guilin. Ceci n'est certes pas déterminant, parce que l'indemnité complémentaire se mesure en fonction du préjudice subi par l'agent et pas en fonction des avantages obtenus par le commettant, mais conforte la cour dans l'idée que la conclusion à laquelle elle est arrivée par ailleurs n'est pas déraisonnable.
23. Guilin demande que le calcul de l'indemnité complémentaire inclue également, outre les 38.223,44 EUR accordés au paragraphe 22, une somme de 9.703,05 EUR correspondant à l'indemnité de préavis (c'est- à-dire 6 mois de commissions calculées sur la base de la moyenne des 12 derniers mois).
Il est vrai que la rupture avec effet immédiat du contrat Citibank a privé Guilin de la rémunération que MetLife lui aurait normalement payée pendant les 6 mois de préavis que Citibank était tenue d'accorder à Guilin en vertu de l'article 18, § 1er, de la LCAC.
Ce poste de préjudice ne fait toutefois pas partie de ceux qui sont susceptibles d'être indemnisés sur la base de l'article 21 de la LCAC. Comme indiqué au paragraphe 18 ci-dessus, l'article 21 permet uniquement l'indemnisation du préjudice relatif à la perte de clientèle. La rémunération que MetLife aurait payée pendant la durée du préavis, ou l'indemnité compensatoire de préavis qu'elle aurait dû payer si elle avait mis fin à sa convention avec Guilin, ont un autre objet, et ne peuvent pas être mises à charge de Citibank par le biais d'une indemnité complémentaire. Le préjudice excédentaire relatif à la perte de clientèle, que l'article 21 vise à compenser, est intégralement indemnisé par la somme de 38.223,44 EUR octroyée plus haut.
Cet aspect de la demande de Guilin vise en réalité une augmentation de l'indemnité de préavis due par Citibank au-delà du forfait fixé par l'article 18, § 3, de la LCAC, ce qui ne peut être admis.
24. Citibank et MetLife invoquent l'autorité de décisions de jurisprudence rendues dans des circonstances similaires, où l'agent commercial concerné avait également conclu deux contrats avec respectivement Citibank et MetLife. Ces précédents ne révèlent toutefois aucune incohérence avec la conclusion à laquelle la cour aboutit ici.
L'arrêt du 19 mars 2008 rendu par la 8e chambre de la cour (R.G. 2005/AR/2662, Joossens / Citibank Belgium et MetLife Insurance, publié partiellement à la R.A.B.G., 2010, p. 1080 et au R.W., 2008-2009, p. 1691) rejette les demandes de l'agent relatives à des indemnités de préavis et d'éviction calculées également sur la base des commissions d'assurance. Ces demandes sont comparables à celles que la cour rejette aussi dans la présente espèce, aux § 2 et 4, pour des motifs en grande partie similaires. Aucune demande d'indemnité complémentaire « article 21 » n'était formée dans l'affaire Joossens.
Le jugement du 6 novembre 2007 rendu par le tribunal de commerce de Bruxelles (R.G. 06/08364, Wauters & Co / Citibank Belgium et MetLife Insurance) ne concernait lui aussi que des demandes d'indemnités de préavis et d'éviction, rejetées par le tribunal pour des motifs similaires à ceux que la cour retient ici, et ne portait pas non plus sur une demande d'indemnité complémentaire.
25. En conclusion sur ce point, Guilin a droit à une indemnité complémentaire de 38.223,44 EUR, à charge de Citibank uniquement.
§ 4. | La rupture de fait de la convention MetLife |
26. Guilin soutient, à titre subsidiaire encore, que la rupture du contrat Citibank a provoqué la rupture de fait du contrat MetLife. Vu l'intégration des deux activités, la cessation des activités bancaires de l'agent a fait disparaître la clientèle et les commissions relatives aux assurances. La convention MetLife est l'accessoire de la convention Citibank et, en vertu de l'adage accessorium sequitur principale, la rupture de la convention principale a entraîné la rupture de la convention accessoire. En outre, la rupture de la convention Citibank a entraîné la disparition de l'objet de la convention MetLife et la dissolution par caducité de cette dernière convention.
Citibank et MetLife répondent que la convention MetLife n'a pas été résiliée, et qu'au contraire MetLife a expressément confirmé dans sa lettre du 27 août 2007 que cette convention se poursuivait. Elles notent que Guilin a continué à percevoir des commissions de la part de MetLife après la rupture de la convention Citibank.
27. Comme indiqué plus haut, les deux conventions sont distinctes mais liées par une forte intégration commerciale (paragraphe 14), les produits d'assurance sont l'accessoire des produits bancaires (paragraphe 19), et il semble que la signature de la convention Citibank n'aurait pas été possible sans la signature simultanée de la convention MetLife (paragraphe 14).
En l'absence de clause contractuelle contraire, le fait que des conventions conclues par une même personne avec des contreparties distinctes soient liées entre elles par une connexité de fait n'a pas pour conséquence que la dissolution de l'une entraîne nécessairement la dissolution de l'autre. Chaque convention n'a d'effets qu'entre ses parties contractantes (art. 1165 C. civ.; H. De Page et P. Van Ommeslaghe, Traité, t. II, Les obligations, vol. 1, n° 504 et seq., spéc. n° 509; P.-A. Foriers, Groupes de contrats et ensembles contractuels. Quelques observations en droit positif, spéc. n° 66; X. Dieux, « Les chaînes et groupes de contrats en droit belge. Pour un retour aux sources! », in Coll. Legal Tracks. II. Essays on international and domestic contracts and torts, p. 301, spéc. p. 309 et seq.; I. Samoy, « Nietigheid van een samenhangende overeenkomst: is er ruimte voor een sneeuwbaleffect? », T.P.R., 2008, p. 555, spéc. n° 32). Ceci reste vrai lorsqu'une convention est l'accessoire de l'autre; l'adage accessorium sequitur principale ne constitue pas un principe général du droit et n'a pas de force obligatoire (Cass., 8 mars 2013, C.11.0477.N).
La dissolution d'une convention entraîne toutefois la caducité d'une autre convention qui en est l'accessoire, lorsque la disparition de la convention principale fait disparaître l'objet de la convention accessoire (H. De Page et P. Van Ommeslaghe, o.c., vol. 1, n° 509 in fine et vol. 2, n° 649; P.-A. Foriers, o.c.; Cass., 14 octobre 2004, C.03.0454.F, Pas., 2004, I, p. 1590). La caducité d'une convention par disparition de son objet suppose que la poursuite de l'exécution du contrat soit devenue matériellement impossible; il ne suffit pas que cette exécution soit devenue plus difficile ou économiquement inintéressante, étant entendu toutefois que l'impossibilité d'exécution doit s'apprécier de manière raisonnable en tenant compte de la portée que les parties ont voulu donner à leurs obligations (Liège, 19 mars 1998, R.D.C., 1999, p. 278; P.-A. Foriers, « Observations sur la caducité des contrats par suite de la disparition de leur objet ou de leur cause », R.C.J.B., 1987, p. 74, nos 18 à 20, et La caducité des obligations contractuelles par disparition d'un élément essentiel à leur formation, nos 66 à 73). La disparition de l'intérêt économique de la convention peut éventuellement affecter la cause de celle-ci, c'est-à-dire les motifs qui avaient déterminé les parties à la conclure, mais la disparition de la cause après la naissance de la convention ne suffit pas à en entraîner la caducité (Cass., 12 décembre 2008, C.06.0332.N, Pas., 2008, I, p. 2934).
28. En l'espèce, l'exécution de la convention MetLife restait possible après la rupture de la convention Citibank: rien n'empêchait Guilin de placer des assurances solde restant dû émises par MetLife auprès d'une nouvelle clientèle bancaire qu'elle aurait développée indépendamment de Citibank. Elle a d'ailleurs effectivement développé une telle clientèle pour Record Bank, dont elle est devenue l'agent dès le mois de mai 2007.
Il est vrai que la résiliation de la convention Citibank a fait disparaître l'accès au système informatique intégré qui permettait d'élaborer les propositions de vente conjointe d'un crédit Citibank et d'une assurance MetLife (voir paragraphe 14 ci-dessus), et que l'outil essentiel dont Guilin disposait précédemment pour la vente des assurances est devenu inutilisable. Mais, dans sa lettre du 27 août 2007, MetLife a indiqué à Guilin que « Si vous nous envoyez votre adresse électronique, nous pourrons vous communiquer l'outil électronique (excel) de simulation et de calcul des primes pour tous nos produits d'assurance. » Guilin n'a apparemment pas donné suite à cette invitation. Dans ce contexte, la poursuite de l'exécution de la convention MetLife n'était ni impossible ni déraisonnable.
29. En conclusion sur ce point, la résiliation de la convention Citibank n'a pas entraîné la dissolution de la convention MetLife, et aucune indemnité n'est dès lors due par MetLife. La cour partage à cet égard l'analyse du premier juge.
30. A titre surabondant, la cour note que la dissolution par caducité de la convention MetLife n'aurait en tout cas pas fait naître un droit à une indemnité de préavis à charge de MetLife (l'art. 18, § 3, de la LCAC ne met une telle indemnité qu'à charge de la partie qui « résilie » la convention d'agence, ce que MetLife n'a pas fait). La question de savoir si une indemnité d'éviction aurait dans ce cas été due est ouverte - et la cour n'est pas appelée à la trancher en l'espèce - vu que la caducité de la convention n'aurait pas été imputable à MetLife mais à un tiers, Citibank (B. Tilleman et al., « Overzicht van rechtspraak. Bijzondere overeenkomsten: tussenpersonen », T.P.R., 2010, p. 589, n° 575).
§ 5. | La solidarité |
31. Guilin demande, dans le cadre de chacune de ses thèses principale ou subsidiaires, que la condamnation soit prononcée solidairement à charge de Citibank et de MetLife. Elle invoque à cette fin la présomption coutumière de solidarité en matière commerciale.
Citibank et MetLife soutiennent que cette règle coutumière ne s'applique que lorsque deux débiteurs sont tenus à la même obligation contractuelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
32. La présomption de solidarité entre commerçants signifie que, lorsque différents débiteurs commerçants sont tenus d'une même obligation contractuelle, leur dette est en principe solidaire, sauf convention contraire (Cass., 5 décembre 1975, Pas., 1976, I, p. 428; Van Ryn et Heenen, Principes, t. 111, 2e éd., n° 28). Cette règle coutumière n'a aucun effet créateur d'obligations, et ne fait que fixer les modalités d'obligations qui existent déjà par ailleurs.
En l'espèce seule Citibank est tenue au paiement de l'indemnité complémentaire visée aux paragraphes 16 à 25. La présomption de solidarité invoquée par Guilin ne joue donc aucun rôle.
§ 6. | Les intérêts de retard |
33. Guilin demande au début de ses conclusions (p. 3) que les intérêts judiciaires lui soient octroyés « au taux légal ». Ailleurs dans le corps des mêmes conclusions (p. 13) et dans leur dispositif, elle demande les intérêts au taux « déterminé par la loi du 2 août 2002 relative au retard de paiement dans les transactions commerciales ». Citibank et MetLife ne concluent pas sur la question.
34. La loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales ne s'applique pas aux obligations de paiement tendant à l'indemnisation du dommage du chef de résolution ou de cessation de contrats, ces contrats eussent-ils pour objet des fournitures de biens ou des prestations de services visées par ladite loi. L'indemnité complémentaire due par Citibank a un caractère compensatoire (Cass., 5 novembre 2009, o.c.; Cass., 29 octobre 2009, C.08.0448.N, Pas., 2009, I, p. 2462).
La loi du 2 août 2002 est donc inapplicable en l'espèce, et les intérêts de retard dus à Guilin doivent être calculés au taux légal de droit commun. Ils sont dus à partir de la mise en demeure du 2 août 2007.
§ 7. | Les dépens |
35. Au sens des articles 1017 et 1022 du Code judiciaire, Guilin a obtenu gain de cause envers Citibank et succombé envers MetLife.
Il y a dès lors lieu de condamner Citibank au paiement des dépens exposés par Guilin, et de condamner Guilin au paiement des dépens exposés par MetLife. La circonstance que Citibank et MetLife étaient défendues par le même avocat, et ont invoqué les mêmes moyens en défense contre une action visant à leur condamnation solidaire, est sans incidence à cet égard (Cass., 9 novembre 2011, P.11.0886.F, Pas., 2011, I, p. 2491 et concl. Av. gén. D. Vandermeersch).
36. Les dépens exposés par Guilin sont liquidés à l'indemnité de procédure des deux instances, soit deux fois 2.500 EUR, et aux frais de citation de 293,25 EUR, soit 5.293,25 EUR au total. Guilin ne demande pas l'indexation de l'indemnité de procédure ni la liquidation des frais de mise au rôle en appel.
Les dépens exposés par MetLife sont liquidés à l'indemnité de procédure des deux instances, soit deux fois 2.500 EUR. MetLife ne demande pas l'indexation de l'indemnité de procédure.
V. | Dispositif |
Pour ces motifs, la cour,
Dit l'appel recevable et fondé dans la mesure ci-après;
Réforme le jugement entrepris sauf en tant qu'il a dit la demande recevable et qu'il l'a dite non fondée à l'égard de MetLife Insurance SA;
Statuant à nouveau pour le surplus:
Condamne Beobank SA (précédemment dénommée Citibank Belgium SA) à payer à Guilin Michel SPRL la somme de 38.223,44 EUR, augmentée des intérêts au taux légal à partir du 2 août 2007 jusqu'à parfait paiement;
Condamne Beobank SA aux dépens envers Guilin Michel SPRL, liquidés à 5.293,25 EUR;
Condamne Guilin Michel SPRL aux dépens envers MetLife Insurance SA, liquidés à 5.000 EUR.
(…)